Question d'origine :
Bonjour, Existe-t-il, ou plutôt quelle est la différence conceptuelle/philosophique entre misogynie et sexisme ? Merci !
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 12/09/2018 à 08h56
Bonjour,
Dans Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville apporte une définition de ce que sont la misogynie et le sexisme :
« Misogynie : la haine des femmes, ou le mépris de tout ce qui est féminin. Ce serait une forme de racisme, aussi haïssable que toutes les autres, si la féminité était une race. Comme il n’en est rien, on parle à juste titre de sexisme, et l’on notera que c’est le seul qui soit socialement repérable. Le terme de « misandrie », qui serait son symétrique (la haine des hommes, le mépris de la masculinité), ne s’est pas imposé. Il faut croire que les femmes sont plus lucides ou indulgentes que les hommes.
Sexisme : le mot est forgé sur le modèle de « racisme, mais vise moins les races, ou prétendues telles, que les sexes ou les genres. En pratique c’est presque toujours de la misogynie. Mieux toléré, hélas, que le racisme ordinaire. Ce n’est pas qu’il soit moins grave ; c’est qu’il est plus fréquent ».
Les concepts sont cependant plus développés et approfondis par Antoinette Fouque dans son ouvrage Il y a deux sexes. Essais de féminologie dont voici un bref extrait :
« Celui ou celle qui hait les femmes s’appelle, dans la langue grecque ancienne, « misogyne ». Le mot est attesté en français dès le XVIe siècle , s’affirme au XVIIIe, fait l’objet d’un court article dans le Littré, mais la « misogynie » ne figure pas comme concept dans les dictionnaires philosophiques contemporains contrairement au « racisme », de formation pourtant très récente.
Afin qu’il n’y ait aucune équivoque sur l’objet, les femmes, je parle de « misogynie » plutôt que de« sexisme » - néologisme formé sur le modèle de « racisme » , qui apparaît en 1975 dans le lexique du fait de son utilisation par les féministes des années soixante . Cette année-là, le dictionnaire Quillet de la langue française donne cette définition :
Sexisme : nom masculin, néologisme. Fait d’attribuer à la sexualité, et particulièrement à la libido masculine, sans importance majeure dans les relations sociales.Terme forgé sur le modèle du mot racisme, désigne le comportement de ceux qui estiment que le sexe masculin est supérieur au sexe féminin ( ou inversement) et doit exercer sur lui sa domination.
Il y a une réversibilité dans le mot « sexisme » quant à l’objet, et donc quant au sujet, qui n’existe pas dans le mot misogynie . Et cinq ans plus tard, dans le Dictionnaire usuel illustré Quillet-Flammarion, on peut lire :
Sexisme : nom masculin. Attitude de domination des personnes d’un sexe à l’égard de celles d’un autre, particulièrement des hommes à l’égard des femmes.
« Misogynie », donc pour désigner la haine dont les femmes sont l’objet ou ce que Freud, dans plusieurs de ses textes et, en particulier, dans Inhibition, Symptôme et Angoisse, désigne comme le rejet, commun aux deux sexes, de la féminité ou de la castration ; « misogynie », pour désigner les discriminations qui en découlent, depuis le rabaissement des femmes (couplé avec leur idéalisation) jusqu’à leur assassinat…. »
Nous vous laissons poursuivre cette lecture.
Dans Concepts fondamentaux pour les études de genre, Daniela Roventa-Frumusani aborde très brièvement la différence entre ces deux termes :
« L’utilisation du terme [misogynie] a été sensiblement réduite à partir de la deuxième vague féministe, le mot étant remplacé par « sexisme » et par « phallocentrisme »/ Si la misogynie renferme surtout des connotations psychologiques moins aptes à être juridiquement sanctionnées, le sexisme apporte des connotations éthiques, politiques, sociologiques, a même d’être pénalisées juridiquement».
Toutefois, dans un ouvrage plus récent, Qu’est-ce que la misogynie ? (2017) Maurice Daumas s’intéresse également à ces notions et explique que « lesbouleversements du siècle dernier ont doté notre langue de nouveaux termes , tels que misandrie, sexisme , antiféminisme, patriarcat, phallocratie, machisme (…) sexisme, emprunté à l’anglo-américain vers 1960, est le mot le plus en usage pour désigner l’animosité masculine envers les femmes. Il s’adapte à toutes les situations (cybersexisme) et à toutes les opinions (hétérosexisme) . Au départ, le sexisme était défini comme « une attitude de discrimination envers les femmes ». Mais le mot est devenu unisexe : il s’applique aujourd’hui aussi bien aux femmes qu’aux hommes, même si l’on précise généralement que ce sont plutôt les femmes qui en sont victimes (…) sexisme ne peut donc désigner spécifiquement- ce qui est au fondement de la domination masculine. Car en ce domaine, il n’y a pas de réciprocité possible. Ce qui détermine cette domination et que nous appelons misogynie n’est pas un simple sentiment que pourraient éprouver les femmes en faisant un effort pour se mettre à la place des hommes … »
Quant à la misogynie, l’auteur revient sur l’origine même du mot avant de développer sa pensée :
«Misogynie n’est pas seulement le mot le plus propre à désigner cette réalité qui ne possède pas de nom. C’est aussi un mot qui est légitimé par l’histoire et qui l’éclaire en retour. Misogyne a été emprunté au grec misogunês –qui hait les femmes), de misein, haîr et gunê, femme. Les premières occurrences datent du milieu du XVIe siècle , chez Pontus de Tyard et Jean de Marconville. Le misogyne est alors un type d’homme : celui qui ne reconnaît pas les vertus des femmes. Le mot semble avoir eu du succès, puisque dès le XVIe siècle il passe en italien et en espagnol (…) En Français, il reste rare jusqu’au XIXe siècle et semble cantonné au terrain de la « querelle des femmes », cette dispute littéraire récurrente entre détracteurs et défenseurs des femmes … ».
Là encore, il vous faudra poursuivre la lecture …
Enfin, vous trouverez d’autres informations dans les ouvrages suivants :
• La misogynie: enjeux politiques et culturels / sous la direction de Maurice Daumas et Nadia Mékouar-Hertzberg, 2016 : « Une approche globale et transdisciplinaire de la misogynie entendue comme toute attitude discriminatoire à l'égard des femmes, recouvrant des faits intentionnels ou involontaires, conscients ou inconscients et réalisés par des acteurs sociaux individuels ou collectifs. Les problématiques sont centrées principalement sur deux territoires : l'Espagne et la France» .
• Une histoire de la misogynie: de l'Antiquité à nos jours / Adeline Gargam, Bertrand Lançon, 2013 : « Ce livre se veut l'archéologie d'un mépris, celui de la femme et de la féminité, tel qu'il s'exprime en Europe depuis la haute Antiquité. Chose étonnante, aucune histoire de la misogynie n'avait jamais été publiée ni même écrite jusqu'à ce jour en France. Son sujet ne porte pas simplement sur la femme en tant que telle, mais sur le terrible constat qui s'impose quant aux regards péjoratifs portés sur les femmes et la féminité. Ces regards sont ceux des hommes, parfois intériorisés par des femmes ; ils sont puissamment ancrés dans les mentalités par le langage, les théories, les images, les croyances et le droit… »
• Misogynie, sexisme, féminisme: images ambiguës / Lise Pelletier, Guy Bouchard, Université Laval. Groupe de recherches en analyse des discours, 1989.
Dans Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville apporte une définition de ce que sont la misogynie et le sexisme :
« Misogynie : la haine des femmes, ou le mépris de tout ce qui est féminin. Ce serait une forme de racisme, aussi haïssable que toutes les autres, si la féminité était une race. Comme il n’en est rien, on parle à juste titre de sexisme, et l’on notera que c’est le seul qui soit socialement repérable. Le terme de « misandrie », qui serait son symétrique (la haine des hommes, le mépris de la masculinité), ne s’est pas imposé. Il faut croire que les femmes sont plus lucides ou indulgentes que les hommes.
Sexisme : le mot est forgé sur le modèle de « racisme, mais vise moins les races, ou prétendues telles, que les sexes ou les genres. En pratique c’est presque toujours de la misogynie. Mieux toléré, hélas, que le racisme ordinaire. Ce n’est pas qu’il soit moins grave ; c’est qu’il est plus fréquent ».
Les concepts sont cependant plus développés et approfondis par Antoinette Fouque dans son ouvrage Il y a deux sexes. Essais de féminologie dont voici un bref extrait :
« Celui ou celle qui hait les femmes s’appelle, dans la langue grecque ancienne, «
Afin qu’il n’y ait aucune équivoque sur l’objet, les femmes, je parle de « misogynie » plutôt que de
Sexisme : nom masculin, néologisme. Fait d’attribuer à la sexualité, et particulièrement à la libido masculine, sans importance majeure dans les relations sociales.
Sexisme : nom masculin. Attitude de domination des personnes d’un sexe à l’égard de celles d’un autre, particulièrement des hommes à l’égard des femmes.
Nous vous laissons poursuivre cette lecture.
Dans Concepts fondamentaux pour les études de genre, Daniela Roventa-Frumusani aborde très brièvement la différence entre ces deux termes :
« L’utilisation du terme [misogynie] a été sensiblement réduite à partir de la deuxième vague féministe, le mot étant remplacé par « sexisme » et par « phallocentrisme »/ Si la misogynie renferme surtout des connotations psychologiques moins aptes à être juridiquement sanctionnées, le sexisme apporte des connotations éthiques, politiques, sociologiques, a même d’être pénalisées juridiquement».
Toutefois, dans un ouvrage plus récent, Qu’est-ce que la misogynie ? (2017) Maurice Daumas s’intéresse également à ces notions et explique que « les
Quant à la misogynie, l’auteur revient sur l’origine même du mot avant de développer sa pensée :
«
Là encore, il vous faudra poursuivre la lecture …
Enfin, vous trouverez d’autres informations dans les ouvrages suivants :
• La misogynie: enjeux politiques et culturels / sous la direction de Maurice Daumas et Nadia Mékouar-Hertzberg, 2016 : « Une approche globale et transdisciplinaire de la misogynie entendue comme toute attitude discriminatoire à l'égard des femmes, recouvrant des faits intentionnels ou involontaires, conscients ou inconscients et réalisés par des acteurs sociaux individuels ou collectifs. Les problématiques sont centrées principalement sur deux territoires : l'Espagne et la France» .
• Une histoire de la misogynie: de l'Antiquité à nos jours / Adeline Gargam, Bertrand Lançon, 2013 : « Ce livre se veut l'archéologie d'un mépris, celui de la femme et de la féminité, tel qu'il s'exprime en Europe depuis la haute Antiquité. Chose étonnante, aucune histoire de la misogynie n'avait jamais été publiée ni même écrite jusqu'à ce jour en France. Son sujet ne porte pas simplement sur la femme en tant que telle, mais sur le terrible constat qui s'impose quant aux regards péjoratifs portés sur les femmes et la féminité. Ces regards sont ceux des hommes, parfois intériorisés par des femmes ; ils sont puissamment ancrés dans les mentalités par le langage, les théories, les images, les croyances et le droit… »
• Misogynie, sexisme, féminisme: images ambiguës / Lise Pelletier, Guy Bouchard, Université Laval. Groupe de recherches en analyse des discours, 1989.
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