Question d'origine :
À propos de ma question « Asma Boys de Libye » (20/08/2018 à 09:23) et de vos réponses le 21/08/2018 à 13:56, puis 14:21).
Cher Guichet-que-j’aime. Pour la première fois, vous n’avez absolument pas répondu à ma question et votre laïus hors sujet me laisse comme deux ronds de flan. Aurais-je mal formulé ma question ?
Je sollicitais des éclaircissements sur les Asma Boys de Libye, ainsi que la traduction de l’interpellation (nom commun) « Asma » et vous ne me répondez que sur les significations d’un nom propre, en l’occurrence un prénom !
Je suis très heureux d’avoir presque tout appris de ce prénom (que Mahomet tienne Asmâ Bint Abî Bakr en sa sainte garde !), mais le sujet était ailleurs…
Laissons donc passer la fin des vacances, je suis patient, espérant toutefois avant Noël une réponse pertinente vers laquelle pourra peut-être vous aiguiller, après la période estivale, la Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean-Pouilloux que vous citez.
Dans cet espoir, je reformule plus directement et sommairement la première partie de ma question : "Que savez-vous des Asma Boys de Libye ?"
Cher Guichet-que-je-ne-hais-point, je vous souhaite une sereine fin de saison.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 29/08/2018 à 11h31
Bonjour,
La perfectibilité étant une grande qualité humaine, nous vous remercions de revenir vers nous armé de votre bienveillance. Voici ce que nous avons pu trouver :
Toutes les sources que nous avons trouvées continuent à donnent la traduction « Ecoute ! ». C’est ce que dit le texte de présentation du documentaire Asma réalisé par Olivia Casari et Kalian Lo, qui raconte le périple de six migrants soudanais hébergés aux Centres d’Accueil et d'Orientation de Châtellerault et Poitiers. Non sans préciser au passage qu’il s’agit d’un mot arabe.
Notre confusion était due à un fait d’homonymie : « Asmâ’u » est en arabe soit un prénom féminin, soitl’ « impératif pluriel du verbe simi’ ! [écoutez] ».
(Source : Dictionnaire arabe tchadien-français [Livre] : suivi d'un index français-arabe et d'un index des racines arabes / Patrice Jullien de Pommerol)
Cela n’implique pas que la traduction « ami, mon ami » que vous a donnée votre connaissance soit fausse. En revanche, nous serions curieux de savoir à quelle langue cette personne pensait, parmi les deux mille langues parlées actuellement en Afrique, d’après jeuneafrique.com. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le mot nous semble proche du berbère « asmun », qui signifie « compagnon ».
(Source : Dictionnaire berbère-français [Livre] : dialecte des Ntifa / Maurice Dray)
En ce qui concerne la définition des Asma Boys, les sources peuvent apparaître contradictoires : pour certains journalistes, ce sont des « garçons des rues » formant des bandes armées autonomes, qui rackettent les migrants dans les rues de Tripoli. Voyez par exemple cet article du lemonde.fr :
« En général, l’affaire se termine mal : les « Asma Boys » dépouillent leurs victimes de leur argent de poche ou de leur téléphone mobile. Mais avec l’aggravation des difficultés économique du pays, les « Asma Boys » ont tendance à céder la place à des réseaux professionnels de kidnappeurs. »
Mais selon d’autres auteurs,les Asma Boys sont les réseaux criminels organisés : ainsi, deux journalistes d’huffpostmaghreb.com parlent de « milice libyenne armée, vraisemblablement spécialisée dans le trafic d’êtres humains ».
Nous aurions tendance à donner raison à ces derniers, et à considérer que le Asma Boys sont des groupes organisés et structurés, semblables à des milices, et qu’ils existaient bien avant que la guerre civile ne mette la Libye dans l’instabilité qu’on lui connaît aujourd’hui.
Le journaliste italien Fabrizio Gatti a publié en 2007 un grand reportage réalisé en immersion, déguisé en migrant essayant de passer du Sénégal en Italie :
Bilal, sur la route des clandestins [Livre] / Fabrizio Gatti ; traduit de l'italien par Jean-Luc Defromont
Le terme s’y trouve déjà. Il désigne des sortes d’hommes de main à la solde du régime de Kadhafi , n’hésitant pas à intimider et à arrêter les travailleurs étrangers soupçonnés de manque de loyauté au régime. Bien loin de disparaître avec ce dernier, ces bandes ont perduré et sont devenues autonomes. Pourquoi ? Peut-être en partie parce que le trafic humain était leur spécialité. Or, depuis des décennies, c’est un trafic très lucratif en Libye :
« En 2005, dans la seule Libye, le trafic de migrants a rapporté près de 300 millions d’euros ».
(Source : Marchands d'humains [Livre] : kidnapping, racket et terrorisme / Loretta Napoleoni ; traduit de l'anglais par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat)
Ce trafic étant sinon organisé, du moins encouragé par le pouvoir en place. Mais lorsque celui-ci est tombé, le chaos s’est installé en Libye : et même siles Asma Boys, désormais illégaux, sont en principe poursuivis (on trouve sur sosmediterranee.fr le récit d’une bataille rangée entre eux et la police libyenne), les anciens réseaux de trafic existent toujours, et comptent dans leurs rangs des personnes allant « des groupes de trafiquants hautement organisés aux groupes criminels informels, des Asma Boys (bandes armées qui enlèvent les migrants pour obtenir des rançons), à la police, des milices aux simples civils qui peuvent exploiter les migrants en les faisant travailler comme esclaves »…
(Source : osservatoriodiritti.it, passage traduit par nos soins.)
Des témoignages recueillis par infomigrants.net font état d’une confusion des migrants eux-mêmes, dont certains assimilent les Asma Boys à des garde-côtes – confusion entretenue par les bandits eux-mêmes, qui ne rechignent pas à porter des uniformes…
Selon l’article de SOS Méditerranée cité plus haut, les Asma Boys et les forces de l’ordre ont tendance à se comporter de la même façon avec les migrants :
« En Libye on ne peut faire confiance à personne, on ne sait jamais si ceux qui nous arrêtent et nous jettent en prison sont de la police ou si ce sont des Asma Boys »
Le but étant in fine de racketter les personnes avant de les vendre sur l’un des marchés aux esclaves florissants en Libye (Source : lemonde.fr)
Nous vous signalons un document mis en ligne par l’association italienne d’aide aux migrants Centro Richerche protezione internazionale, consacré aux Asma Boys. Selon ce document, 90% des personnes ayant traversé la Libye en tentant de rejoindre l’Europe rapportent des vols, des passages à tabac ou des viols commis par ceux-ci, le tout sous les yeux des forces de l’ordre, et jusque dans les cours des centres fermés officiels !
Le document est en italien, et nous n’avons malheureusement pas le temps de vous le traduire, mais il contient une liste de liens dont certains sont en anglais.
Bonne journée.
La perfectibilité étant une grande qualité humaine, nous vous remercions de revenir vers nous armé de votre bienveillance. Voici ce que nous avons pu trouver :
Toutes les sources que nous avons trouvées continuent à donnent la traduction « Ecoute ! ». C’est ce que dit le texte de présentation du documentaire Asma réalisé par Olivia Casari et Kalian Lo, qui raconte le périple de six migrants soudanais hébergés aux Centres d’Accueil et d'Orientation de Châtellerault et Poitiers. Non sans préciser au passage qu’il s’agit d’un mot arabe.
Notre confusion était due à un fait d’homonymie : « Asmâ’u » est en arabe soit un prénom féminin, soit
(Source : Dictionnaire arabe tchadien-français [Livre] : suivi d'un index français-arabe et d'un index des racines arabes / Patrice Jullien de Pommerol)
Cela n’implique pas que la traduction « ami, mon ami » que vous a donnée votre connaissance soit fausse. En revanche, nous serions curieux de savoir à quelle langue cette personne pensait, parmi les deux mille langues parlées actuellement en Afrique, d’après jeuneafrique.com. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le mot nous semble proche du berbère « asmun », qui signifie « compagnon ».
(Source : Dictionnaire berbère-français [Livre] : dialecte des Ntifa / Maurice Dray)
En ce qui concerne la définition des Asma Boys, les sources peuvent apparaître contradictoires : pour certains journalistes, ce sont des « garçons des rues » formant des bandes armées autonomes, qui rackettent les migrants dans les rues de Tripoli. Voyez par exemple cet article du lemonde.fr :
« En général, l’affaire se termine mal : les « Asma Boys » dépouillent leurs victimes de leur argent de poche ou de leur téléphone mobile. Mais avec l’aggravation des difficultés économique du pays, les « Asma Boys » ont tendance à céder la place à des réseaux professionnels de kidnappeurs. »
Mais selon d’autres auteurs,
Nous aurions tendance à donner raison à ces derniers, et à considérer que le Asma Boys sont des groupes organisés et structurés, semblables à des milices, et qu’ils existaient bien avant que la guerre civile ne mette la Libye dans l’instabilité qu’on lui connaît aujourd’hui.
Le journaliste italien Fabrizio Gatti a publié en 2007 un grand reportage réalisé en immersion, déguisé en migrant essayant de passer du Sénégal en Italie :
Bilal, sur la route des clandestins [Livre] / Fabrizio Gatti ; traduit de l'italien par Jean-Luc Defromont
Le terme s’y trouve déjà. Il désigne des sortes d’
« En 2005, dans la seule Libye, le trafic de migrants a rapporté près de 300 millions d’euros ».
(Source : Marchands d'humains [Livre] : kidnapping, racket et terrorisme / Loretta Napoleoni ; traduit de l'anglais par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat)
Ce trafic étant sinon organisé, du moins encouragé par le pouvoir en place. Mais lorsque celui-ci est tombé, le chaos s’est installé en Libye : et même si
(Source : osservatoriodiritti.it, passage traduit par nos soins.)
Des témoignages recueillis par infomigrants.net font état d’une confusion des migrants eux-mêmes, dont certains assimilent les Asma Boys à des garde-côtes – confusion entretenue par les bandits eux-mêmes, qui ne rechignent pas à porter des uniformes…
Selon l’article de SOS Méditerranée cité plus haut, les Asma Boys et les forces de l’ordre ont tendance à se comporter de la même façon avec les migrants :
« En Libye on ne peut faire confiance à personne, on ne sait jamais si ceux qui nous arrêtent et nous jettent en prison sont de la police ou si ce sont des Asma Boys »
Le but étant in fine de racketter les personnes avant de les vendre sur l’un des marchés aux esclaves florissants en Libye (Source : lemonde.fr)
Nous vous signalons un document mis en ligne par l’association italienne d’aide aux migrants Centro Richerche protezione internazionale, consacré aux Asma Boys. Selon ce document, 90% des personnes ayant traversé la Libye en tentant de rejoindre l’Europe rapportent des vols, des passages à tabac ou des viols commis par ceux-ci, le tout sous les yeux des forces de l’ordre, et jusque dans les cours des centres fermés officiels !
Le document est en italien, et nous n’avons malheureusement pas le temps de vous le traduire, mais il contient une liste de liens dont certains sont en anglais.
Bonne journée.
Commentaire de
Fromon :
Publié le 30/08/2018 à 17:42
... mais une réaction à la réponse de gds_ctp, le 29/08/2018 à 13:31.
Grand, très grand merci pour cette réponse extrêmement précise et documentée. Je suis parfaitement comblé.
Je puis vous préciser que le jeune migrant guinéen, passé par le Sud algérien et non la Libye, qui me citait le mot "ami" comme traduction de "asma" se référait, selon lui, à "la langue algérienne". Ce qui accrédite votre explication du mot berbère "asmun" signifiant compagnon ("dans le sens d'âme sœur" précise un site Internet).
Merci chers asmuns du Guichet.
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Commentaires 1
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