Question d'origine :
Bonjour,
Quelles traces a-t-on retrouvées de protections menstruelles dans les textes et dans l'archéologie à travers l'Histoire et le monde ?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/08/2018 à 13h34
onjour,
Les textes s’intéressent plus au cycle menstruel qu’aux protections elles-mêmes et bien souvent celui-ci est étudié sous l’angle de la reproduction et/ou de la contraception.
Ainsi dans Histoire des femmes en Occident. Le Moyen Age, Claude Thomasset rappelle que « le sang menstruel a fait l’objet d’études et de réflexions qui ont montré, dans les croyances populaires, la survivance d’une pensée très proche de la tradition médiévale. Liquide qui nourrit l’embryon, il peut exercer une action particulièrement nocive sur l’entourage de la femme menstruée. Dès Isidore de Séville, les menstrues sont rattachées par l’étymologie au cycle lunaire (car la lune est appelée mene en grec). Trotula, la célèbre sage-femme de Salerne, leur donne le nom de « fleurs » (…) les auteurs sont unanimes pour affirmer que le sang menstruel sert à la nutrition de l’embryon après la conception (…) Le plus précis, par exemple, Ali Ibn-al-Abbâs, associent au sang menstruel du sang subtil et du pneuma animal … »
Dans Le sang des femmes, Hélène Jacquemin Le Vern dresse un bref historique du discours médical depuis l’Antiquité dont Pline pour qui « le sang menstruel était venimeux, la femme était supposée être immunisée contre son venin (…) le sang menstruel a été utilisé comme thérapeutique … » .
Le Journal des femmes revient sur « Le temps où il n'y avait pas de protections » :
«En 1550 avant Jésus-Christ, les femmes égyptiennes plaçaient des bandes ouatées dans leur vagin , tandis que celles de la Grèce antique utilisaient des compresses enroulées autour d’un morceau de bois (…) ces méthodes ont rapidement été considérées comme tabou, considérant que l’insertion dans le vagin ne pouvait être qu’un péché. Aussi, au Moyen Age, les femmes ne portaient plus de protection, ni même de sous-vêtements d’ailleurs ! leurs jupons remplissant eux-mêmes ce double rôle ».
Cette pratique semble d’ailleurs perdurer jusqu’au XIXe siècle si l’on en croit l’article publié dans Le Nouvel Obs, « Histoire méconnue des règles » qui explique qu’un « livre allemand. « Die unpäßliche Frau » (« la femme indisposée ») indique que « la plupart des femmes, semble-t-il, fabriquaient elles-mêmes leurs protections périodiques avec des tissus ».
Une amie à qui je parlais de cet article en préparation s’est souvenue de ce qui lui racontait sa grand mère, sur sa jeunesse dans la Vienne :
« A son époque,les femmes utilisaient les linges, comme des sortes de culottes, qu’elles mettaient la journée, pour absorber. C’étaient des linges spécifiques qu’elles n’utilisaient que pour ça . »
Parfois, les femmes faisaient même bouillir leurs linges dans des marmites pour bien les laver. Etendre tous ces tissus ensuite allait de pair avec un certain manque d’intimité.
(...)
Selon Harry Finley, c’est probablement avec l’avènement de la théorie des germes de Pasteur à la fin du XIXe siècle que commencent à apparaître des moyens plus organisés de protection, des moyens désormais recommandés par les médecins.
C’est la naissance de la ceinture en caoutchouc, ancêtre de la serviette hygénique . Les femmes la passent autour de la taille et la ceinture tient entre leurs jambes une serviette éponge .
(…)
Avec tout l’attirail que représentaient les ceintures sanitaires, on pourrait imaginer l’arrivée du tampon comme une délivrance. Thérèse infirme : ‘On disait que le tampon pouvait faire disparaître sa virginité.’
Sur son site, la marque Tampax raconte l’histoire de son produit et rappelle qu’au début du XXe siècle, il était encore en phase expérimentale :
‘Pendant plus d’un siècle, des médecins ont utilisé des bouchons improvisés faits de coton pour absorber les sécrétions causées par la chirurgie et pour appliquer des produits antiseptiques dans le vagin, ou bien pour arrêter l’hémorragie.’
C’est en réalité le docteur Earle Cleveland Haas, un médecin généraliste, qui a consacré sa vie à inventer le tampon :
‘Dès 1929, il a tenté d’inventer un produit qui puisse être fabriqué et mis sur le marché expressément pour absorber le flux menstruel. [...] Une visite en Californie lui a permis de trouver une solution. Une amie a mentionné à Haas qu’elle insérait un morceau d’éponge à l’intérieur de son vagin pour absorber le flux menstruel. Il a immédiatement pensé à un matériau, le coton comprimé, qui pouvait fonctionner de façon semblable.’
Le premier tampon avec applicateur est vendu en 1936 , mais il a fallu beaucoup plus de temps pour que le produit devienne banal sur le marché et l’article mentionne le Musée de la menstruation et de la santé des femmes (Museum of menstruation and women’s health).
En complément, l’article publié sur wikipedia décrit l’évolution des tampons hygiéniques :
« Les Égyptiennes de la noblesse pharaonique utilisaient despetites baguettes en bois entourées de lin, de coton ou de laine . L'idée est présente dans de nombreuses civilisations (grecque, romaine, japonaise). Hippocrate, par exemple, recommandait l'usage de pessaire astringent lors de menstrues abondantes . La représentation du corps féminin dans les religions monothéistes n'a pas encouragé cette pratique ».
Des pratiques similaires sont retrouvées dans les méthodes de contraception comme le relève Timothy Tailor dans La préhistoire du sexe. Il revient sur les divers modes de contraception et l’avortement dont « lescompresses vaginales caustiques ou bloquantes. Le papyrus égyptien de Kahun, qui traite de gynécologie et date de 1900 av. J.C., prescrit du natron (carbonate de sodium liquide) mélangé avec des larmes de crocodile (...) d’autres compresses, mentionnées dans les papyrus Ebers de 1555à-1500 av J.C., contenaient de la gomme d’accacia …. «
Dans Hommes et femmes d’Egypte (Ive s. av n.è. – Ive s. de n.è), Bernard Legras aborde également la contraception et cite toutes les méthodes connues par les Egyptiens, les grecs et les Romains dont le Papyrus Ramesseum IV daté de 1784-1662 av n. è. Qui précise qu’un « tampon végétal sera imprégné et cela appliqué à l’entrée du vagin » (…) le papyrus medical Ebers (783 ter), un traité de pathologie médicale et de pharmacopée conservé sur un rouleau de 20,33 m de long datant d’environ 1550-1500 av. n.è. propose la méthode des pessaires, des tampons imbibés de produits divers …
Nous finirons ces descriptions par l’article « la gynécologie, l’obstétrique, l’embryologie et la puériculture dans la Bible et le Talmud » d’ Isidore Simon publié dans Mélanges d'histoire de la médecine hébraïque: études choisies de la Revue dans lequel il relate que « Le Talmud rapporte avec précision les signes prémonitoires de la menstruation (douleurs utérines, abdominales, lourdeur de la tête et des membres, etc….) (…) Les Talmudistes déclarent que le sang menstruel peut être rouge, noir, jaunâtre comme une solution de safran (…) Les femmes juives s’examinent très scrupuleusement avant leurs règles pour connaître la période de leur impureté. Les rapports sexuels étaient strictement défendus pendant la menstruation. Les filles étaient examinées par leur mère. Celle-ci utilisait du coton imbibé d’huile qu’elle portait à l’entrée du vagin, mais elle n’avait pas le droit de pénétrer dans le vagin. Les talmudistes ne faisaient qu’exceptionnellement des examens gynécologiques. Ceux-ci étaient pratiqués probablement par des médecins, parmi lesquels nous citerons Mar Samuel, l’éminent ophtalmologiste et gynécologue mésopotamien (mort vesr 257) qui procéda à des examens gynécologues très complets, en utilisant même un spéculum. Nous faisons remarquer que el spéculum décrit par Aétius date du Vie siècle ».
En guise de conclusion, vous trouverez vraisemblablement beaucoup plus d’informations dans l’ouvrage de Shail Andrex et Howie Gillian, Menstruation. A cultural history (2005), avec notamment la contribution de Cathy mc Clive, « menstrual Knowledge and medical Practice in Early modern France, c. 1555-1761.
En complément, nous vous suggérons également les lectures suivantes :
• Jean-Yves LE NAOUR et Catherine VALENTI, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés 14 | 2001, 14 | 2001, 207-229.
• Jacques Guiter « Contraception en Égypte ancien », Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 2001, p. 221-236.
Les textes s’intéressent plus au cycle menstruel qu’aux protections elles-mêmes et bien souvent celui-ci est étudié sous l’angle de la reproduction et/ou de la contraception.
Ainsi dans Histoire des femmes en Occident. Le Moyen Age, Claude Thomasset rappelle que « le sang menstruel a fait l’objet d’études et de réflexions qui ont montré, dans les croyances populaires, la survivance d’une pensée très proche de la tradition médiévale. Liquide qui nourrit l’embryon, il peut exercer une action particulièrement nocive sur l’entourage de la femme menstruée. Dès Isidore de Séville, les menstrues sont rattachées par l’étymologie au cycle lunaire (car la lune est appelée mene en grec). Trotula, la célèbre sage-femme de Salerne, leur donne le nom de « fleurs » (…) les auteurs sont unanimes pour affirmer que le sang menstruel sert à la nutrition de l’embryon après la conception (…) Le plus précis, par exemple, Ali Ibn-al-Abbâs, associent au sang menstruel du sang subtil et du pneuma animal … »
Dans Le sang des femmes, Hélène Jacquemin Le Vern dresse un bref historique du discours médical depuis l’Antiquité dont Pline pour qui « le sang menstruel était venimeux, la femme était supposée être immunisée contre son venin (…) le sang menstruel a été utilisé comme thérapeutique … » .
Le Journal des femmes revient sur « Le temps où il n'y avait pas de protections » :
«
Cette pratique semble d’ailleurs perdurer jusqu’au XIXe siècle si l’on en croit l’article publié dans Le Nouvel Obs, « Histoire méconnue des règles » qui explique qu’un « livre allemand. « Die unpäßliche Frau » (« la femme indisposée ») indique que « la plupart des femmes, semble-t-il, fabriquaient elles-mêmes leurs protections périodiques avec des tissus ».
Une amie à qui je parlais de cet article en préparation s’est souvenue de ce qui lui racontait sa grand mère, sur sa jeunesse dans la Vienne :
« A son époque,
Parfois, les femmes faisaient même bouillir leurs linges dans des marmites pour bien les laver. Etendre tous ces tissus ensuite allait de pair avec un certain manque d’intimité.
(...)
Selon Harry Finley, c’est probablement avec l’avènement de la théorie des germes de Pasteur à la fin du XIXe siècle que commencent à apparaître des moyens plus organisés de protection, des moyens désormais recommandés par les médecins.
C’est la
(…)
Avec tout l’attirail que représentaient les ceintures sanitaires, on pourrait imaginer l’arrivée du tampon comme une délivrance. Thérèse infirme : ‘On disait que le tampon pouvait faire disparaître sa virginité.’
Sur son site, la marque Tampax raconte l’histoire de son produit et rappelle qu’au début du XXe siècle, il était encore en phase expérimentale :
‘Pendant plus d’un siècle, des médecins ont utilisé des bouchons improvisés faits de coton pour absorber les sécrétions causées par la chirurgie et pour appliquer des produits antiseptiques dans le vagin, ou bien pour arrêter l’hémorragie.’
C’est en réalité le docteur Earle Cleveland Haas, un médecin généraliste, qui a consacré sa vie à inventer le tampon :
‘Dès 1929, il a tenté d’inventer un produit qui puisse être fabriqué et mis sur le marché expressément pour absorber le flux menstruel. [...] Une visite en Californie lui a permis de trouver une solution. Une amie a mentionné à Haas qu’elle insérait un morceau d’éponge à l’intérieur de son vagin pour absorber le flux menstruel. Il a immédiatement pensé à un matériau, le coton comprimé, qui pouvait fonctionner de façon semblable.’
En complément, l’article publié sur wikipedia décrit l’évolution des tampons hygiéniques :
« Les Égyptiennes de la noblesse pharaonique utilisaient des
Des pratiques similaires sont retrouvées dans les méthodes de contraception comme le relève Timothy Tailor dans La préhistoire du sexe. Il revient sur les divers modes de contraception et l’avortement dont « les
Dans Hommes et femmes d’Egypte (Ive s. av n.è. – Ive s. de n.è), Bernard Legras aborde également la contraception et cite toutes les méthodes connues par les Egyptiens, les grecs et les Romains dont le Papyrus Ramesseum IV daté de 1784-1662 av n. è. Qui précise qu’un « tampon végétal sera imprégné et cela appliqué à l’entrée du vagin » (…) le papyrus medical Ebers (783 ter), un traité de pathologie médicale et de pharmacopée conservé sur un rouleau de 20,33 m de long datant d’environ 1550-1500 av. n.è. propose la méthode des pessaires, des tampons imbibés de produits divers …
Nous finirons ces descriptions par l’article « la gynécologie, l’obstétrique, l’embryologie et la puériculture dans la Bible et le Talmud » d’ Isidore Simon publié dans Mélanges d'histoire de la médecine hébraïque: études choisies de la Revue dans lequel il relate que « Le Talmud rapporte avec précision les signes prémonitoires de la menstruation (douleurs utérines, abdominales, lourdeur de la tête et des membres, etc….) (…) Les Talmudistes déclarent que le sang menstruel peut être rouge, noir, jaunâtre comme une solution de safran (…) Les femmes juives s’examinent très scrupuleusement avant leurs règles pour connaître la période de leur impureté. Les rapports sexuels étaient strictement défendus pendant la menstruation. Les filles étaient examinées par leur mère. Celle-ci utilisait du coton imbibé d’huile qu’elle portait à l’entrée du vagin, mais elle n’avait pas le droit de pénétrer dans le vagin. Les talmudistes ne faisaient qu’exceptionnellement des examens gynécologiques. Ceux-ci étaient pratiqués probablement par des médecins, parmi lesquels nous citerons Mar Samuel, l’éminent ophtalmologiste et gynécologue mésopotamien (mort vesr 257) qui procéda à des examens gynécologues très complets, en utilisant même un spéculum. Nous faisons remarquer que el spéculum décrit par Aétius date du Vie siècle ».
En guise de conclusion, vous trouverez vraisemblablement beaucoup plus d’informations dans l’ouvrage de Shail Andrex et Howie Gillian, Menstruation. A cultural history (2005), avec notamment la contribution de Cathy mc Clive, « menstrual Knowledge and medical Practice in Early modern France, c. 1555-1761.
En complément, nous vous suggérons également les lectures suivantes :
• Jean-Yves LE NAOUR et Catherine VALENTI, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés 14 | 2001, 14 | 2001, 207-229.
• Jacques Guiter « Contraception en Égypte ancien », Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 2001, p. 221-236.
Commentaire de
lex :
Publié le 28/08/2018 à 15:53
Je viens de lire le messages de Kanedjo et je souhaitez apporter un complément sur un savoir lointain du féminin.
Il m'est arrivée de ne pas disposé de protection. J'ai alors constaté qu'en retenant le flux se contient. Il suffit lorsque la sensation de plein se manifeste de l'évacuer au toilette. Avec le temps le périnée gère parfaitement cela.
N'est-ce pas là, la protection du futur ?
Histoire des protections menstruelles
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Commentaires 1
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