Question d'origine :
J'ai trouvé un document daté de 1872, de l'hospice de Lyon adressé à mon arrière grand-père, né en 1851 à l'Hospice de la Charité et confié en nourrice. Ce document lui donne le nom et la commune d'origine de sa mère, l'incitant à la rechercher.
Ce document était-il envoyé systématiquement aux enfants abandonnés, l'année de leur majorité(21 ans)?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/08/2018 à 12h01
Bonjour,
De premières recherches nous poussent à penser que non, ce type de lettre n’était pas envoyé de manière automatique et ce pour différentes raisons. Parmi celles-ci notons déjà des conditions juridiques, à savoir que selon qu’il s’agissait d’orphelins légitimes, d’enfants délaissés et d'enfants exposés, on possédait ou non des informations sur la filiation.
Ainsi, le Guide des enfants abandonnés présente ces différentes catégories :
"•Les orphelins légitimes
Ce sont des enfants nés de parents mariés et orphelins par décès des parents. Les garçons, appelé « Garçons de la Chanal » sont logés dans les bâtiments du même nom à Saint-Paul et les filles, appelées « Catherines » dans ceux de Sainte-Catherine du Val, aux Terreaux.
Ces enfants sont aussi appelés « adoptifs », du fait de leur adoption par les recteurs de la Charité. Cet acte est une spécificité lyonnaise, attribuée par privilège du roi (lettres patentes de 1560, 1643 et 1673).
L’adoption par les hôpitaux avait pour unique base la bienfaisance et son but était de continuer les rapports de paternité et de filiation. Chaque adoption avait lieu publiquement au Bureau des assemblées, en présence des parents les plus proches de l’enfant, qui renonçaient à sa succession. L’administration faisait procéder aux scellés, inventaires et ventes des meubles appartenant à l’adoptif. Les immeubles étaient affermés quand ils n’étaient pas d’une gestion trop onéreuse. Dans le cas contraire, ils étaient vendus aux enchères, et le prix de vente versé dans la
caisse du recteur trésorier. L’administration jouissait des biens de l’adoptif pendant le cours de l’adoption.
•Les enfants délaissés ou abandonnés
Les enfants délaissés sont des enfants légitimes (comme les orphelins) qui ont été abandonnés, plus spécialement en temps de crise pour les parents et qui sont prêts à les reprendre en cas d’amélioration de leur situation.
Pendant très longtemps ces enfants ont été mélangés aux enfants exposés. …"
Pra ailleurs, dans l’article L’abandon d’enfants à Lyon. Origines sociales et géographiques, différences de statuts et avenir des enfants abandonnés. Le cas de 1760, (Société des Etudes Historiques révolutionnaires et impériales, 2011) Jean-Marcel Bourgeat précise que « la catégorie la plus importante d'enfants abandonnés de cette année 1760 est celle des légitimes. L'identité des parents ainsi que la profession du père et sa paroisse de résidence sont alors communiquées (…) Selon le règlement de l'Hôtel-Dieu et son article 28, l'admission de la femme enceinte se soumet à une certaine rigueur. Elle doit fournir à l'hôpital certains justificatifs concernant notamment son domicile, les raisons de l'abandon, la légitimité de son couple... :
« Quinze jours avant le terme de leur grossesse, les femmes enceintes remettent à l'Econome leur acte civil de mariage, un certificat de M. le Maire constatant leur domicile, et un certificat d'indigence délivré par le bureau de bienfaisance de leur arrondissement. Elles sont inscrites exactement sous les noms et prénoms portés dans l'acte de mariage. Le certificat d'indigence n'est pas exigé si la femme enceinte veut entrer dans la salle payante (…) depuis Henri II, ces femmes non mariées enceintes, ou « filles enceintes » sont dans l'obligation de déclarer leur état auprès d'une autorité de justice (notaire, police ou autre autorité de justice)
(…)
A travers celles-ci, l'historien trouve des renseignements sur la mère, son nom, son âge, son origine géographique, sa profession, mais surtout sur le père, inconnu aux yeux des registres de l'Hôtel-Dieu, autant que sur les raisons de la grossesse, qui peuvent largement expliquer l'abandon. Ces pères « inconnus » sont en général des ouvriers ou alors les patrons ou des supérieurs de ces femmes
(…)
En 1760, sur les 181 enfants exposés stricto sensu, 82 le sont avec un billet, soit 45% d'entre eux. Les données les plus présentes dans les billets sont la mention du baptême de l'enfant (53 fois), son prénom (49 fois), la raison de l'abandon (39 fois), l'âge de l'enfant (33 fois), la date de l'exposition (26 fois), l'identité complète de l'enfant (22 fois) et le fait qu'il sera repris ultérieurement (20 fois). Les renseignements sur l'identité de l'enfant mis à part, les billets cherchent une justification de l'abandon, en précisant que l'enfant est pur, de part son baptême et son origine légitime, mais surtout les raisons de l'abandon et son côté provisoire. Dans certains billets figurent le statut de l'enfant (11 fois), une marque distinctive pour le récupérer (8 fois), une liste des vêtements l'accompagnant (8
fois), l'identité des parents ou du moins celle du père (6 fois), la date de naissance de l'enfant (5 fois), l'origine géographique des parents …»
La filiation étant connue, celle-ci était-elle alors transmise ? Pas si sûr tant le secret autour de la filiation apparaissait comme une donnée fondamentale. Ainsi Antoine Rivière dans l’article La quête des origines face à la loi du secret ( Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » Numéro 11 | 2009) explique qu’il était compliqué d’obtenir des information sur sa filiation, même si la période de son étude concerne le XXe siècle :
«Cette culture du secret, partagée par tous les personnels du service des enfants assistés, est tellement prégnante que c’est parfois avec le sentiment de transgresser un interdit que certains enfants s’enquièrent de leurs origines auprès de leur directeur d’agence, de l’inspecteur des enfants assistés ou du directeur de l’Assistance publique ; comme cet ancien pupille de la Seine, qui se souvient : « il était impérativement déconseillé d’entreprendre des recherches ». À mesure qu’ils grandissent et qu’ils voient se rapprocher le moment de leur émancipation, cet obstacle paraît cependant de moins en moins insurmontable, et les pupilles ne s’embarrassent pas de savoir si leur démarche déplait à ceux qui, du nourricier au tuteur, régentent leur vie.
En ce sens, l’écriture de la lettre, que le pupille adresse à son tuteur pour connaître sa filiation et les motifs de son abandon, est sans doute déjà vécue comme un premier rituel, censé préparer l’entrée dans l’âge adulte.(…)
Une telle certitude est vraisemblablement entretenue par la différence de traitement entre, d’une part, les abandonnés et les trouvés, et, d’autres part, les enfants d’autres catégories, comme les orphelins, les recueillis temporaires ou les moralement abandonnés, dont la filiation n’est soumise à aucun secret. Mais le sentiment d’injustice qui en découle est encore renforcé par le fait que l’administration autorise certains parents qui en font la demande à renouer avec l’enfant qu’ils ont abandonné. Outre les « remises » de pupilles,les « mises en relations » sont accordées au terme d’une longue procédure, qui vise notamment à vérifier par une enquête minutieuse que les parents sont respectables, guidés par des motivations désintéressées et qu’ils ont régulièrement pris des nouvelles de l’enfant . Subordonnées au consentement des pupilles, elles ne concernent que des jeunes proches de la majorité, et entretiennent chez les autres abandonnés l’espoir de possibles retrouvailles au moment de l’émancipation. Bien que peu nombreuses, elles incitent donc les pupilles à tenter leur chance auprès de l’administration, quitte à rendre plus douloureuse encore la déception de ceux qui se heurtent à un refus, parce que leurs parents se sont définitivement détournés d’eux… »
En guise de conclusion, nous avons demandé la confirmation de ces informations pour Lyon et pour le XIXe siècle aux Archives municipales de Lyon et ne manquerons pas de vous transmettre leur réponse.
De premières recherches nous poussent à penser que non, ce type de lettre n’était pas envoyé de manière automatique et ce pour différentes raisons. Parmi celles-ci notons déjà des conditions juridiques, à savoir que selon qu’il s’agissait d’orphelins légitimes, d’enfants délaissés et d'enfants exposés, on possédait ou non des informations sur la filiation.
Ainsi, le Guide des enfants abandonnés présente ces différentes catégories :
"•Les orphelins légitimes
Ce sont des enfants nés de parents mariés et orphelins par décès des parents. Les garçons, appelé « Garçons de la Chanal » sont logés dans les bâtiments du même nom à Saint-Paul et les filles, appelées « Catherines » dans ceux de Sainte-Catherine du Val, aux Terreaux.
Ces enfants sont aussi appelés « adoptifs », du fait de leur adoption par les recteurs de la Charité. Cet acte est une spécificité lyonnaise, attribuée par privilège du roi (lettres patentes de 1560, 1643 et 1673).
L’adoption par les hôpitaux avait pour unique base la bienfaisance et son but était de continuer les rapports de paternité et de filiation. Chaque adoption avait lieu publiquement au Bureau des assemblées, en présence des parents les plus proches de l’enfant, qui renonçaient à sa succession. L’administration faisait procéder aux scellés, inventaires et ventes des meubles appartenant à l’adoptif. Les immeubles étaient affermés quand ils n’étaient pas d’une gestion trop onéreuse. Dans le cas contraire, ils étaient vendus aux enchères, et le prix de vente versé dans la
caisse du recteur trésorier. L’administration jouissait des biens de l’adoptif pendant le cours de l’adoption.
•Les enfants délaissés ou abandonnés
Les enfants délaissés sont des enfants légitimes (comme les orphelins) qui ont été abandonnés, plus spécialement en temps de crise pour les parents et qui sont prêts à les reprendre en cas d’amélioration de leur situation.
Pendant très longtemps ces enfants ont été mélangés aux enfants exposés. …"
Pra ailleurs, dans l’article L’abandon d’enfants à Lyon. Origines sociales et géographiques, différences de statuts et avenir des enfants abandonnés. Le cas de 1760, (Société des Etudes Historiques révolutionnaires et impériales, 2011) Jean-Marcel Bourgeat précise que « l
« Quinze jours avant le terme de leur grossesse, les femmes enceintes remettent à l'Econome leur acte civil de mariage, un certificat de M. le Maire constatant leur domicile, et un certificat d'indigence délivré par le bureau de bienfaisance de leur arrondissement. Elles sont inscrites exactement sous les noms et prénoms portés dans l'acte de mariage. Le certificat d'indigence n'est pas exigé si la femme enceinte veut entrer dans la salle payante (…) depuis Henri II, ces femmes non mariées enceintes, ou « filles enceintes » sont dans l'obligation de déclarer leur état auprès d'une autorité de justice (notaire, police ou autre autorité de justice)
(…)
A travers celles-ci, l'historien trouve des renseignements sur la mère, son nom, son âge, son origine géographique, sa profession, mais surtout sur le père, inconnu aux yeux des registres de l'Hôtel-Dieu, autant que sur les raisons de la grossesse, qui peuvent largement expliquer l'abandon. Ces pères « inconnus » sont en général des ouvriers ou alors les patrons ou des supérieurs de ces femmes
(…)
En 1760, sur les 181 enfants exposés stricto sensu, 82 le sont avec un billet, soit 45% d'entre eux. Les données les plus présentes dans les billets sont la mention du baptême de l'enfant (53 fois), son prénom (49 fois), la raison de l'abandon (39 fois), l'âge de l'enfant (33 fois), la date de l'exposition (26 fois), l'identité complète de l'enfant (22 fois) et le fait qu'il sera repris ultérieurement (20 fois). Les renseignements sur l'identité de l'enfant mis à part, les billets cherchent une justification de l'abandon, en précisant que l'enfant est pur, de part son baptême et son origine légitime, mais surtout les raisons de l'abandon et son côté provisoire. Dans certains billets figurent le statut de l'enfant (11 fois), une marque distinctive pour le récupérer (8 fois), une liste des vêtements l'accompagnant (8
fois), l'identité des parents ou du moins celle du père (6 fois), la date de naissance de l'enfant (5 fois), l'origine géographique des parents …»
La filiation étant connue, celle-ci était-elle alors transmise ? Pas si sûr tant le secret autour de la filiation apparaissait comme une donnée fondamentale. Ainsi Antoine Rivière dans l’article La quête des origines face à la loi du secret ( Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » Numéro 11 | 2009) explique qu’il était compliqué d’obtenir des information sur sa filiation, même si la période de son étude concerne le XXe siècle :
«
En ce sens, l’écriture de la lettre, que le pupille adresse à son tuteur pour connaître sa filiation et les motifs de son abandon, est sans doute déjà vécue comme un premier rituel, censé préparer l’entrée dans l’âge adulte.(…)
Une telle certitude est vraisemblablement entretenue par la différence de traitement entre, d’une part, les abandonnés et les trouvés, et, d’autres part, les enfants d’autres catégories, comme les orphelins, les recueillis temporaires ou les moralement abandonnés, dont la filiation n’est soumise à aucun secret. Mais le sentiment d’injustice qui en découle est encore renforcé par le fait que l’administration autorise certains parents qui en font la demande à renouer avec l’enfant qu’ils ont abandonné. Outre les « remises » de pupilles,
En guise de conclusion, nous avons demandé la confirmation de ces informations pour Lyon et pour le XIXe siècle aux Archives municipales de Lyon et ne manquerons pas de vous transmettre leur réponse.
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