Question d'origine :
Bonjour cher guichet,
Je viens de trouver, au cours d'une lecture, l'expression : "noir comme le soleil". (dans un contexte positif, voire laudateur)
Je suppose que l'auteure veut signifier "noir comme s'il était brulé par le soleil" ou "noir comme quelqu'un continuellement exposé au soleil".
J'ai essayé de trouver, dans le gradus, le nom de cette figure de style, mais sans rien trouver de convainquant.
Porte-t-elle un nom particulier, ou est-ce une (belle) invention de l'auteure ?
Merci pour votre aide !
Réponse attendue le 20/08/2018
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 17/08/2018 à 10h06
Bonjour,
« Noir comme le soleil » , est une locution qui peut dérouter du fait du rapprochement de deux termes antinomiques, ce qui crée une image littéraire réussie et évocatrice.
C’est probablement cet effet souhaité par l’auteure de rapprocher deux éléments opposés qui vous ont fait douter de la nature de la figure de style employée ici ; et pourtant, il s’agit bien de la comparaison !
En effet, la comparaison, figure d’analogie par excellence, repose sur le rapprochement de deux réalités différentes, a priori étrangères l’une à l’autre et sur l’image qui résulte de cette combinaison. Elle comporte toujours trois éléments : un comparé, un mot de comparaison et un comparant.
Dans le cas présent, le comparé est à retrouver dans le contexte, c’est ce qui est « noir », le mot de comparaison est « comme » et le comparant est « le soleil ».
Le comparé et le comparant appartiennent à deux champs sémantiques différents et c’est le rapprochement de ces deux champs sémantiques qui font l’intérêt de la figure.
Et si l’usage classique de telle figure de rhétorique tend à rapprocher deux éléments dont on peut déceler la ressemblance aisément, son usage moderne, en revanche, privilégie un écart aussi grand que possible entre les deux réalités que la comparaison met en scène, comme c’est le cas pour « noir comme le soleil ».
Le champ sémantique de « noir » (soit : sombre, nuit, désespoir…) est a priori totalement opposé à celui de « soleil » (soit : lumière, jour, éclat…) : mais de cette antithèse naît l’évocation !
La plus connue de ces comparaisons « antithétiques » si l’on peut dire, est le vers de Paul Eluard, « la Terre est bleue comme une orange » .
Ici aussi, « noir comme un soleil » est une façon pour l’auteure de créer un rapport de similitude entre deux éléments a priori contraires, et par ce jeu d’association, de rendre sensible sa vision personnelle du monde.
Par ailleurs, le rapprochement des termes « soleil » et « noir », est un usage littéraire avéré, maintes fois repris en littérature. Nerval en a fait la locution la plus connue : « Le soleil noir de la mélancolie » .
À sa suite, nombres de romans (Dambudzo Marechera, Christophe Sémont, Maurice Toesca...), essais (Julia Kristeva), chansons (Barbara), reprennent la même locution à des fins littéraires, se détachant ainsi du sens littéral de« soleil noir » , qui désigne « une éclipse totale du soleil » .
Ainsi, on peut imaginer que l’auteure s’est inspirée d’autant de références dans sa propre évocation du « soleil noir », s’appropriant l’image à des fins plus positives, mais l’on ne peut interpréter de source sûre l’intention de cette dernière. C’est à ses lecteurs que revient leur propre interprétation de la figure de style en question.
Voilà tout le pouvoir de l’imagination, chez nos chers auteurs… comme chez nous tous, lecteurs !
Pour aller plus loin :
Les figures de style, Patrick Bacry, éditions Belin.
Dictionnaire des figures de style, Nicole Ricalens-Pourchot, éditions Armand Colin.
Bon weekend,
C’est probablement cet effet souhaité par l’auteure de rapprocher deux éléments opposés qui vous ont fait douter de la nature de la figure de style employée ici ; et pourtant,
En effet, la comparaison, figure d’analogie par excellence, repose sur le rapprochement de deux réalités différentes, a priori étrangères l’une à l’autre et sur l’image qui résulte de cette combinaison. Elle comporte toujours trois éléments : un comparé, un mot de comparaison et un comparant.
Dans le cas présent, le comparé est à retrouver dans le contexte, c’est ce qui est « noir », le mot de comparaison est « comme » et le comparant est « le soleil ».
Le comparé et le comparant appartiennent à deux champs sémantiques différents et c’est le rapprochement de ces deux champs sémantiques qui font l’intérêt de la figure.
Et si l’usage classique de telle figure de rhétorique tend à rapprocher deux éléments dont on peut déceler la ressemblance aisément, son usage moderne, en revanche, privilégie un écart aussi grand que possible entre les deux réalités que la comparaison met en scène, comme c’est le cas pour « noir comme le soleil ».
Le champ sémantique de « noir » (soit : sombre, nuit, désespoir…) est a priori totalement opposé à celui de « soleil » (soit : lumière, jour, éclat…) : mais de cette antithèse naît l’évocation !
La plus connue de ces comparaisons « antithétiques » si l’on peut dire, est le vers de Paul Eluard,
Ici aussi, « noir comme un soleil » est une façon pour l’auteure de créer un rapport de similitude entre deux éléments a priori contraires, et par ce jeu d’association, de rendre sensible sa vision personnelle du monde.
Par ailleurs, le rapprochement des termes « soleil » et « noir », est un usage littéraire avéré, maintes fois repris en littérature. Nerval en a fait la locution la plus connue :
À sa suite, nombres de romans (Dambudzo Marechera, Christophe Sémont, Maurice Toesca...), essais (Julia Kristeva), chansons (Barbara), reprennent la même locution à des fins littéraires, se détachant ainsi du sens littéral de
Ainsi, on peut imaginer que l’auteure s’est inspirée d’autant de références dans sa propre évocation du « soleil noir », s’appropriant l’image à des fins plus positives, mais l’on ne peut interpréter de source sûre l’intention de cette dernière. C’est à ses lecteurs que revient leur propre interprétation de la figure de style en question.
Voilà tout le pouvoir de l’imagination, chez nos chers auteurs… comme chez nous tous, lecteurs !
Pour aller plus loin :
Les figures de style, Patrick Bacry, éditions Belin.
Dictionnaire des figures de style, Nicole Ricalens-Pourchot, éditions Armand Colin.
Bon weekend,
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