Droits d'auteurs édition après décès
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 13/08/2018 à 12h47
1341 vues
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir ce que deviennent les droits d'auteurs d'une personne décédée qui a fait publier ses oeuvres dans une maison d'édition. Si ses héritiers sont en possession des manuscrits originaux, peuvent-ils les publier par eux-memes ou via une autre maison d'édition après sa mort? Cela depend-il du contrat signé par l'auteur de son vivant ou existe-t-il une loi générale qui s'applique dans ce cas? Qu'en est-il de traduire ces textes et de les publier dans une autre langue?
Merci d'avance pour votre réponse,
Kalianee
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 14/08/2018 à 14h04
Bonjour,
Les manuscrits originaux en possession des héritiers sont-ils des inédits, ou ont-ils déjà été publiés ? Dans le deuxième cas de figure, ils font peut-être toujours l’objet d’un contrat avec une maison d’édition.
Voici un certain nombre d’informations que nous trouvons sur jurispedia concernant l’héritage des droits d’auteur :
«Le droit des successions ne remet pas en cause l’existence des contrats ou libéralités accordés par l’auteur de son vivant . En plus de reprendre à leur compte l’exploitation des œuvres créées, les héritiers doivent assurer le respect de la volonté du défunt. La révérence de celle-ci passe par le contrôle de l’utilisation de l’œuvre. En droit français, la création est en effet vue comme une émanation de la personnalité de l’auteur. Tout pouvoir implique une responsabilité. Le droit sur l’exploitation de l’œuvre, a donc pour corollaire la préservation de l’intérêt de l’auteur disparu. Pourtant, pris dans une réalité économique, les héritiers ne sont pas forcément les plus à même de perpétuer la volonté de l’auteur…[…]
La durée de protection des droits d’auteur
Le principe général, énoncé par l’article L121-3 du CPI, est que l’auteur détient un monopole d’exploitation viager sur son œuvre, et que ce monopole est dévolu à ses héritiers pour une durée de 70 ans après sa mort. Plus exactement, le droit persiste au bénéfice des héritiers pendant l’année civile en cours du décès, et les 70 ans à venir. Ainsi, si l’auteur décède le 8 juin 2009, le délai de protection des 70 ans restant à courir commencera le 1er janvier 2010, et s’éteindra le 31 décembre 2079.
Il est évident que pour un équilibre entre l’intérêt général et le droit du créateur, la durée ne doit pas être excessive. L’œuvre finit donc par tomber dans le domaine public, au bénéfice de tous. Si le public est le destinataire premier de l’œuvre, le respect dû à cette dernière est perpétuel. Par conséquent, seules les prérogatives patrimoniales attachées à l’œuvre sont prescriptibles. Le droit moral, lui, ne s’éteint jamais. Par contre, la durée du droit d’auteur semble d’ordre public. La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé le 5 juillet 2007 que le délai fixé par le législateur n’était modifiable, même en cas de force majeure. Ainsi, les poèmes de Baudelaire, bien que n’ayant pas pu être publiés pendant un temps, n’ont pas bénéficié d’un allongement de la protection à dater de leur diffusion. A contrario, le droit d’auteur ne se perd pas par son non-usage […]
La gestion héréditaire des œuvres posthumes
Elles sont définies commeayant été écrites par l’auteur de son vivant, mais étant restées inédites, et publiées de facto seulement après la mort de leur auteur (TGI Paris, 12 septembre 2007). Après sa mort, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l'auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l'auteur, ce droit est exercé dans l'ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n'existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n'a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l'universalité des biens à venir (article L121-2 CPI)
La particularité des œuvres posthumes, vient du fait que le droit d’exploitation de l’œuvre, peut revenir non pas aux héritiers traditionnels, mais à l’individu ayant assuré leur publication. En effet, après l’expiration du délai légal de protection des 70 ans (suivant l’année de décès de l’auteur), il appartient aux propriétaires des supports matériels des œuvres posthumes d’en effectuer la publication. Partant, les titulaires du droit moral peuvent donc être distincts des titulaires des droits d'exploitation.
Il peut donc y avoir une altercation entre le détenteur du support matériel et les ayants droit. L’article L111-3 du CPI précise que la propriété du droit d’auteur est indépendante de la propriété du support matériel. Cela justifie que le détenteur d’une copie ne soit pas habilité à divulguer l’œuvre, en concurrence des ayants droit légalement désignés. La transmission de copie et l’absence de diffusion corrélative, semble révéler la volonté de l’auteur de non-communication de son œuvre du temps de son vivant.
En conséquence, s’il existe un conflit entre le propriétaire de l’original et le propriétaire d’une copie de l’œuvre, le droit d’exploitation de l’œuvre appartient au détenteur de l’original. Par contre, s’il existe un conflit entre les propriétaires des différentes copies, le droit exclusif de rétribution des droits d’auteur appartient à celui ayant effectué la première divulgation. Il est cependant à noter que le monopole d’exploitation d’une œuvre posthume n’est que de 25 ans.
Il semble que cette prérogative s’apparente donc plus au régime des droits voisins qu’à celui des droits d’auteur. Il n’y a en cela rien de surprenant. Le monopole d’une durée de 70 ans post mortem vise à stimuler l’auteur dans sa création, et dans sa contribution au patrimoine. Ici, le détenteur du monopole n’a pas fait d’apport créatif personnel, en ce qu’il se contente de révéler une œuvre au public. Il est donc « remercié » pour sa participation à la diffusion de l’œuvre, sans pour autant être gratifié des droits du créateur.
De plus, il arrive que certains auteurs demandent expressément qu’aucune suite de leur oeuvre ne soit réalisée. Les ayants droit agiront facilement sur le fondement de la violation du droit moral, pour récupérer les dommages-intérêts dus par le néo-créateur irrespectueux. Ce dernier ne fera donc pas concurrence à la rétribution de leurs propres droits, par une œuvre nouvelle prenant racine dans la précédente. Cependant, il arrive que ce soit les héritiers qui se permettent d’aller à l’encontre des derniers souhaits du défunt. Il en est ainsi de Patrice Dard, qui a recrée San Antonio, alors que son père avait bien précisé qu’il était la seule source de son personnage. Cette fois, personne ne contestera l’atteinte au droit moral, qui contribue également à l’enrichissement du patrimoine. »
Traduire et publier une œuvre dans une autre langue fait partie des droits cessibles dont bénéficie l’éditeur.
N’étant nous-mêmes que bibliothécaires et non juristes, pour en savoir plus nous vous conseillons de vous adresser à un professionnel du droit spécialisé dans le droit d’auteur, par exemple à un juriste de la Société des gens de lettres. Sachez en outre qu’il est possible de consulter un avocat gratuitement.
Bonne journée.
Les manuscrits originaux en possession des héritiers sont-ils des inédits, ou ont-ils déjà été publiés ? Dans le deuxième cas de figure, ils font peut-être toujours l’objet d’un contrat avec une maison d’édition.
Voici un certain nombre d’informations que nous trouvons sur jurispedia concernant l’héritage des droits d’auteur :
«
Le principe général, énoncé par l’article L121-3 du CPI, est que l’auteur détient un monopole d’exploitation viager sur son œuvre, et que ce monopole est dévolu à ses héritiers pour une durée de 70 ans après sa mort. Plus exactement, le droit persiste au bénéfice des héritiers pendant l’année civile en cours du décès, et les 70 ans à venir. Ainsi, si l’auteur décède le 8 juin 2009, le délai de protection des 70 ans restant à courir commencera le 1er janvier 2010, et s’éteindra le 31 décembre 2079.
Il est évident que pour un équilibre entre l’intérêt général et le droit du créateur, la durée ne doit pas être excessive. L’œuvre finit donc par tomber dans le domaine public, au bénéfice de tous. Si le public est le destinataire premier de l’œuvre, le respect dû à cette dernière est perpétuel. Par conséquent, seules les prérogatives patrimoniales attachées à l’œuvre sont prescriptibles. Le droit moral, lui, ne s’éteint jamais. Par contre, la durée du droit d’auteur semble d’ordre public. La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé le 5 juillet 2007 que le délai fixé par le législateur n’était modifiable, même en cas de force majeure. Ainsi, les poèmes de Baudelaire, bien que n’ayant pas pu être publiés pendant un temps, n’ont pas bénéficié d’un allongement de la protection à dater de leur diffusion. A contrario, le droit d’auteur ne se perd pas par son non-usage […]
Elles sont définies comme
La particularité des œuvres posthumes, vient du fait que le droit d’exploitation de l’œuvre, peut revenir non pas aux héritiers traditionnels, mais à l’individu ayant assuré leur publication. En effet, après l’expiration du délai légal de protection des 70 ans (suivant l’année de décès de l’auteur), il appartient aux propriétaires des supports matériels des œuvres posthumes d’en effectuer la publication. Partant, les titulaires du droit moral peuvent donc être distincts des titulaires des droits d'exploitation.
Il peut donc y avoir une altercation entre le détenteur du support matériel et les ayants droit. L’article L111-3 du CPI précise que la propriété du droit d’auteur est indépendante de la propriété du support matériel. Cela justifie que le détenteur d’une copie ne soit pas habilité à divulguer l’œuvre, en concurrence des ayants droit légalement désignés. La transmission de copie et l’absence de diffusion corrélative, semble révéler la volonté de l’auteur de non-communication de son œuvre du temps de son vivant.
En conséquence, s’il existe un conflit entre le propriétaire de l’original et le propriétaire d’une copie de l’œuvre, le droit d’exploitation de l’œuvre appartient au détenteur de l’original. Par contre, s’il existe un conflit entre les propriétaires des différentes copies, le droit exclusif de rétribution des droits d’auteur appartient à celui ayant effectué la première divulgation. Il est cependant à noter que le monopole d’exploitation d’une œuvre posthume n’est que de 25 ans.
Il semble que cette prérogative s’apparente donc plus au régime des droits voisins qu’à celui des droits d’auteur. Il n’y a en cela rien de surprenant. Le monopole d’une durée de 70 ans post mortem vise à stimuler l’auteur dans sa création, et dans sa contribution au patrimoine. Ici, le détenteur du monopole n’a pas fait d’apport créatif personnel, en ce qu’il se contente de révéler une œuvre au public. Il est donc « remercié » pour sa participation à la diffusion de l’œuvre, sans pour autant être gratifié des droits du créateur.
De plus, il arrive que certains auteurs demandent expressément qu’aucune suite de leur oeuvre ne soit réalisée. Les ayants droit agiront facilement sur le fondement de la violation du droit moral, pour récupérer les dommages-intérêts dus par le néo-créateur irrespectueux. Ce dernier ne fera donc pas concurrence à la rétribution de leurs propres droits, par une œuvre nouvelle prenant racine dans la précédente. Cependant, il arrive que ce soit les héritiers qui se permettent d’aller à l’encontre des derniers souhaits du défunt. Il en est ainsi de Patrice Dard, qui a recrée San Antonio, alors que son père avait bien précisé qu’il était la seule source de son personnage. Cette fois, personne ne contestera l’atteinte au droit moral, qui contribue également à l’enrichissement du patrimoine. »
Traduire et publier une œuvre dans une autre langue fait partie des droits cessibles dont bénéficie l’éditeur.
N’étant nous-mêmes que bibliothécaires et non juristes, pour en savoir plus nous vous conseillons de vous adresser à un professionnel du droit spécialisé dans le droit d’auteur, par exemple à un juriste de la Société des gens de lettres. Sachez en outre qu’il est possible de consulter un avocat gratuitement.
Bonne journée.
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