Question d'origine :
le partie fln pendant l occupation en algerie
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 31/07/2018 à 11h16
Bonjour,
" Le Front de libération nationale, FLN est un parti alégérien créé à Alger en 1954 par des anciens de l'OS (Organisation spéciale), puis du CRUA (Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action). Sa création est proclamée le 1er novembre 1954, jour où le FLN se lance dans la lutte armée. Le FLN s'impose dans le cours de la guerre d'indépendance comme le seul "interlocuteur valable" auprès de la France et supplante tous ses rivaux, en particulier le MNA de Messali. "
source : Les mots de la guerre d'Algérie / Benjamin Stora
Voici quelques extraits de l'ouvrage intitulé Histoire de la guerre d'Algérie 1954-1962 de Benjamin Stora (pages 33- 46) :
"La guerre des Algériens (1954-1958)
Le 1er novembre 1954, date officielle du déclenchement de la guerre d'Algérie, n'est pas synonyme d'affirmation d'une direction unique, le FLN, et d'effondrement de tous les courants politiques antérieurs.La structuration du FLN, son affermissement vont s'étaler sur deux années, jusqu'au congrès de la Soummam du 20 août 1956 . Deux années pour recruter, sélectionner des cadres, entraîner la population, composer l'idée d'indépendance, établir des filières et réinventer la guérilla. Mais, surtout, deux longues années pour se voir reconnaître le titre, envié, "d'interlocuteur valable" par l'intégration en son sein de tous les autres courants, à l'exception des partisans du vieux leader nationaliste Messali Hadj, qui a fondé, en décembre 1954, le Mouvement national algérien (MNA).
Les différenciations entre nationalistes
[...]
La guerre FLN-MNA
[...]
Les ralliements au FLN, le congrès de la Soummam
En 1955 et 1956, le FLN multiplie les contacts et les discussions avec les autres composantes algériennes. Toutefois, conscient de la « faillite » des anciens partis, il n'attend d'eux que leur dissolution et une adhésion purement individuelle de leurs membres. Après les « centralistes » (Benyoucef Ben Khedda, Saad Dhalab, M'Hamed Yazid, Hocine Lahouel), l'UDMA de Ferhat Abbas se rallie au FLN à la fin de l'année 1955.
Ce ralliement en bloc, tant espéré, des « élites anciennes », le FLN va l'obtenir de la part d'une autre association, les oulémas (mouvement réformiste religieux qui prône la renaissance de l'identité islamique de l'Algérie). Inquiète de son manque d'emprise sur les événements l'association religieuse bascule dans le camp du FLN, lors de ses assises du 7 janvier 1956, et magnifie la « résistance au colonialisme ». Reste le cas du Parti communiste algérien (PCA). En mai-juin 1956, Ben Khedda et Abbane Ramdane, pour le FLN, Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjeres, pour le PCA, engagent de longues discussions. Le 1er juillet 1956, les communistes algériens sont intégrés à l'ALN.
Le congrès de la Soummam, qui se tient le 20 août 1956, consacre « la faillite des anciennes formations politiques... des vieux partis » et fait état du ralliement au FLN de « militants de base », de la dissolution de l'UDMA et des oulémas. Avec ce congrès tenu dans la vallée de la Soummam en Kabylie, la « révolution algérienne » va changer de visage. Les longs débats (vingt jours) vont déboucher sur la définition d'un programme, la structuration de FLN-ALN et l'affirmation de la primauté du politique sur le militaire, de l'intérieur sur l'extérieur [Teguia, 1984].
[...]
Des délibérations de ce congrès,trois préoccupations majeures émergent :
— une évaluation des forces matérielles de la révolution jugées par les délégués comme modérément satisfaisantes : on critique la faiblesse d'approvisionnement en armes, et on fait valoir les déséquilibres d'implantation politique (bonnes pour la Kabylie, malgré l'existence de quelques fiefs messalistes, et le Constantinois, convenables pour l'Algérois, nettement en retard pour l'Oranais) ;
— la rédaction d'une plate-forme politique, en partie rédigée par Amar Ouzegane, mais portant fondamentalement la marque d'Abbane, s'articulant autour des principes de collégialité pour la direction, de primauté du politique sur le militaire, de l'intérieur sur l'extérieur ;
— une réorganisation des structures de l'ALN, désormais calquées sur le modèle d'une armée régulière : le territoire algérien est redécoupé en six wilayas, elles-mêmes subdivisées en mintaka (zones), nahia (régions) et kasma (secteurs) ; Alger est érigée en zone autonome. Une stricte hiérarchie d'unités combattantes et de grades est instituée, qui va donner naissance à l'armée, véritable pivot du futur État algérien. [...]
Le combat des maquisards
[...]
L'immigration, second front
[...]
La doctrine du FLN
Le mouvement indépendantiste radical tire sa force de ce qu'il se situe à l'intersection de deux grands projets : celui du mouvement socialiste et celui de la tradition islamique.
Du premier aspect, celui de l'influence française, il faut tout d'abord dire que le lieu de naissance (Paris, 1926) du mouvement indépendantiste a influé sur son développement idéologique ultérieur. L'expérience française a initié les premiers militants algériens radicaux à des modèles d'organisation et des rudiments d'idéologie socialiste à partir desquels ils vont analyser la situation de leur patrie, et chercher à comprendre les mécanismes et les valeurs d'un monde étranger ; cette expérience, enfin, les a mis en contact avec des modèles de vie industriels et urbains. Mais, de retour en Algérie, ils ne pouvaient donner corps à leurs aspirations dans des syndicats ou partis de gauche, dominés par les Européens.[...]
Sur le second facteur principal, l'islam, il faut tout d'abord préciser que la quasi-totalité des Algériens, dans la première moitié du XXe siècle, sont demeurés fidèles aux habitudes religieuses de leurs ancêtres. Fidélité faite de survivances et d'habitudes sociales, attachements à des pratiques où le conformisme avait autant de part que l'adhésion personnelle. La politique indépendantiste réactive le facteur religieux. L'islam est à la fois idéologie de combat, projet de société. Reconquête des termes et des droits prescrits par le temps, le « paradis » des origines, de plus en plus perdu, devient, par la religion, de plus en plus vivant. [...]
Le mérite historique des responsables qui déclenchent l'insurrection en novembre 1954 est d'avoir débloqué, par les armes, le statu quo colonial. Ils ont permis que l'idée d'indé-pendance prenne consistance pour des millions d'Algériens. Mais, comme le note le sociologue algérien Abdelkader Djeghloul, « la guerre enclenche un processus de déperdition du capital d'expérience démocratique et politique moderne que les différentes formations politiques avaient commencé à élaborer avant 1954 » [Djeghloul, 1990].
Conscient des contradictions qui le traversent, le FLN, sans cesse, s'est plié à l'urgence tactique : drainer les convictions, mobiliser les énergies disponibles pour l'indépendance, en reportant à plus tard l'examen des particularités. Cette conception d'une société indifférenciée, « guidée » par un parti unique, implique une vision particulière de la nation. Après l'indépendance, bloc indécomposable, la nation est perçue comme une figure indissociable unie et unanime.
Le thème du « peuple uni » doit réduire les menaces d'agression externe (francisation, assimilation) et de désintégration interne (régionalisme, particularismes linguistiques). Ce dernier aspect concerne essentiellement la « question berbère », niée dans la mise en place des institutions nationales de l'après-guerre. L'utilisation du populisme accroît le fossé entre la société réelle, différenciée socialement et culturellement, et le système politique du parti unique, qui se forgera surtout dans la seconde partie de la guerre, entre 1958 et 1962. L'assassinat d'Abbane Ramdane en décembre 1957 (l'organisateur du congrès de la Soummam qui avait préconisé la suprématie des « politiques » sur les « militaires »), décidé par d'autres dirigeants du FLN, ouvre la voie à la domination politique de « l'armée des frontières » sur le nationalisme algérien, cette armée qui, à la suite de l'édification des barrages le long des frontières tunisienne et marocaine, campe à l'extérieur du territoire algérien. Dirigée par Houari Boumediene, son poids, son rôle vont en s'agrandissant à partir de 1958.[...] "
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter ces documents :
Quelques articles :
- La « Révolution » du FLN (1954-1962) / Gilbert Meynier, Insaniyat / إنسانيات, 25-26 | 2004, 7-25.
- Encyclopaedia universalis : ALGÉRIE
Une bibliographie :
- La guerre d'Algérie vue par les Algériens. 1 [Livre] : Le temps des armes : des origines à la bataille d'Alger / Renaud de Rochebrune et Bernard Stora ; [préface de Mohammed Harbi]
- La guerre d'Algérie vue par les Algériens. 2 : Le temps de la politique : de la bataille d'Alger à l'indépendance / Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora
- Histoire intérieure du FLN : 1954-1962 / Gilbert Meynier ; préf. de Mohammed Harbi - présentation sur cairn
- F.L.N. : mirage et realité / Mohammed Harbi - présentation sur Persée
- Le financement du FLN pendant la guerre d’Algérie 1954-1962 / Emmanuelle Colin-Janvoine et Stéphanie Derozier
- Le FLN : documents et histoire : 1954-1962 / [éd. par] Gilbert Meynier [et] Mohammed Harbi
- Histoire du F.L.N / Jacques C. Duchemin
Bonne journée.
" Le Front de libération nationale, FLN est un parti alégérien créé à Alger en 1954 par des anciens de l'OS (Organisation spéciale), puis du CRUA (Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action). Sa création est proclamée le 1er novembre 1954, jour où le FLN se lance dans la lutte armée. Le FLN s'impose dans le cours de la guerre d'indépendance comme le seul "interlocuteur valable" auprès de la France et supplante tous ses rivaux, en particulier le MNA de Messali. "
source : Les mots de la guerre d'Algérie / Benjamin Stora
Voici quelques extraits de l'ouvrage intitulé Histoire de la guerre d'Algérie 1954-1962 de Benjamin Stora (pages 33- 46) :
"
Le 1er novembre 1954, date officielle du déclenchement de la guerre d'Algérie, n'est pas synonyme d'affirmation d'une direction unique, le FLN, et d'effondrement de tous les courants politiques antérieurs.
[...]
[...]
En 1955 et 1956, le FLN multiplie les contacts et les discussions avec les autres composantes algériennes. Toutefois, conscient de la « faillite » des anciens partis, il n'attend d'eux que leur dissolution et une adhésion purement individuelle de leurs membres. Après les « centralistes » (Benyoucef Ben Khedda, Saad Dhalab, M'Hamed Yazid, Hocine Lahouel), l'UDMA de Ferhat Abbas se rallie au FLN à la fin de l'année 1955.
Ce ralliement en bloc, tant espéré, des « élites anciennes », le FLN va l'obtenir de la part d'une autre association, les oulémas (mouvement réformiste religieux qui prône la renaissance de l'identité islamique de l'Algérie). Inquiète de son manque d'emprise sur les événements l'association religieuse bascule dans le camp du FLN, lors de ses assises du 7 janvier 1956, et magnifie la « résistance au colonialisme ». Reste le cas du Parti communiste algérien (PCA). En mai-juin 1956, Ben Khedda et Abbane Ramdane, pour le FLN, Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjeres, pour le PCA, engagent de longues discussions. Le 1er juillet 1956, les communistes algériens sont intégrés à l'ALN.
Le congrès de la Soummam, qui se tient le 20 août 1956, consacre « la faillite des anciennes formations politiques... des vieux partis » et fait état du ralliement au FLN de « militants de base », de la dissolution de l'UDMA et des oulémas. Avec ce congrès tenu dans la vallée de la Soummam en Kabylie, la « révolution algérienne » va changer de visage. Les longs débats (vingt jours) vont déboucher sur la définition d'un programme, la structuration de FLN-ALN et l'affirmation de la primauté du politique sur le militaire, de l'intérieur sur l'extérieur [Teguia, 1984].
[...]
Des délibérations de ce congrès,
— une évaluation des forces matérielles de la révolution jugées par les délégués comme modérément satisfaisantes : on critique la faiblesse d'approvisionnement en armes, et on fait valoir les déséquilibres d'implantation politique (bonnes pour la Kabylie, malgré l'existence de quelques fiefs messalistes, et le Constantinois, convenables pour l'Algérois, nettement en retard pour l'Oranais) ;
— la rédaction d'une plate-forme politique, en partie rédigée par Amar Ouzegane, mais portant fondamentalement la marque d'Abbane, s'articulant autour des principes de collégialité pour la direction, de primauté du politique sur le militaire, de l'intérieur sur l'extérieur ;
— une réorganisation des structures de l'ALN, désormais calquées sur le modèle d'une armée régulière : le territoire algérien est redécoupé en six wilayas, elles-mêmes subdivisées en mintaka (zones), nahia (régions) et kasma (secteurs) ; Alger est érigée en zone autonome. Une stricte hiérarchie d'unités combattantes et de grades est instituée, qui va donner naissance à l'armée, véritable pivot du futur État algérien. [...]
[...]
[...]
Le mouvement indépendantiste radical tire sa force de ce qu'il se situe à l'intersection de deux grands projets : celui du mouvement socialiste et celui de la tradition islamique.
Du premier aspect, celui de l'influence française, il faut tout d'abord dire que le lieu de naissance (Paris, 1926) du mouvement indépendantiste a influé sur son développement idéologique ultérieur. L'expérience française a initié les premiers militants algériens radicaux à des modèles d'organisation et des rudiments d'idéologie socialiste à partir desquels ils vont analyser la situation de leur patrie, et chercher à comprendre les mécanismes et les valeurs d'un monde étranger ; cette expérience, enfin, les a mis en contact avec des modèles de vie industriels et urbains. Mais, de retour en Algérie, ils ne pouvaient donner corps à leurs aspirations dans des syndicats ou partis de gauche, dominés par les Européens.[...]
Sur le second facteur principal, l'islam, il faut tout d'abord préciser que la quasi-totalité des Algériens, dans la première moitié du XXe siècle, sont demeurés fidèles aux habitudes religieuses de leurs ancêtres. Fidélité faite de survivances et d'habitudes sociales, attachements à des pratiques où le conformisme avait autant de part que l'adhésion personnelle. La politique indépendantiste réactive le facteur religieux. L'islam est à la fois idéologie de combat, projet de société. Reconquête des termes et des droits prescrits par le temps, le « paradis » des origines, de plus en plus perdu, devient, par la religion, de plus en plus vivant. [...]
Le mérite historique des responsables qui déclenchent l'insurrection en novembre 1954 est d'avoir débloqué, par les armes, le statu quo colonial. Ils ont permis que l'idée d'indé-pendance prenne consistance pour des millions d'Algériens. Mais, comme le note le sociologue algérien Abdelkader Djeghloul, « la guerre enclenche un processus de déperdition du capital d'expérience démocratique et politique moderne que les différentes formations politiques avaient commencé à élaborer avant 1954 » [Djeghloul, 1990].
Conscient des contradictions qui le traversent, le FLN, sans cesse, s'est plié à l'urgence tactique : drainer les convictions, mobiliser les énergies disponibles pour l'indépendance, en reportant à plus tard l'examen des particularités. Cette conception d'une société indifférenciée, « guidée » par un parti unique, implique une vision particulière de la nation. Après l'indépendance, bloc indécomposable, la nation est perçue comme une figure indissociable unie et unanime.
Le thème du « peuple uni » doit réduire les menaces d'agression externe (francisation, assimilation) et de désintégration interne (régionalisme, particularismes linguistiques). Ce dernier aspect concerne essentiellement la « question berbère », niée dans la mise en place des institutions nationales de l'après-guerre. L'utilisation du populisme accroît le fossé entre la société réelle, différenciée socialement et culturellement, et le système politique du parti unique, qui se forgera surtout dans la seconde partie de la guerre, entre 1958 et 1962. L'assassinat d'Abbane Ramdane en décembre 1957 (l'organisateur du congrès de la Soummam qui avait préconisé la suprématie des « politiques » sur les « militaires »), décidé par d'autres dirigeants du FLN, ouvre la voie à la domination politique de « l'armée des frontières » sur le nationalisme algérien, cette armée qui, à la suite de l'édification des barrages le long des frontières tunisienne et marocaine, campe à l'extérieur du territoire algérien. Dirigée par Houari Boumediene, son poids, son rôle vont en s'agrandissant à partir de 1958.[...] "
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter ces documents :
Quelques articles :
- La « Révolution » du FLN (1954-1962) / Gilbert Meynier, Insaniyat / إنسانيات, 25-26 | 2004, 7-25.
- Encyclopaedia universalis : ALGÉRIE
Une bibliographie :
- La guerre d'Algérie vue par les Algériens. 1 [Livre] : Le temps des armes : des origines à la bataille d'Alger / Renaud de Rochebrune et Bernard Stora ; [préface de Mohammed Harbi]
- La guerre d'Algérie vue par les Algériens. 2 : Le temps de la politique : de la bataille d'Alger à l'indépendance / Renaud de Rochebrune et Benjamin Stora
- Histoire intérieure du FLN : 1954-1962 / Gilbert Meynier ; préf. de Mohammed Harbi - présentation sur cairn
- F.L.N. : mirage et realité / Mohammed Harbi - présentation sur Persée
- Le financement du FLN pendant la guerre d’Algérie 1954-1962 / Emmanuelle Colin-Janvoine et Stéphanie Derozier
- Le FLN : documents et histoire : 1954-1962 / [éd. par] Gilbert Meynier [et] Mohammed Harbi
- Histoire du F.L.N / Jacques C. Duchemin
Bonne journée.
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