Comment se porte le fédéralisme interne à Lyon et en France?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 26/06/2018 à 15h25
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Question d'origine :
Comment se porte le fédéralisme interne à Lyon et en France?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/06/2018 à 10h37
Bonjour,
Commençons par clarifier la notion de fédéralisme interne :
« Les théories fédéralistes peuvent être regroupées au sein de deux tendances apparemment divergentes et contradictoires sur le plan doctrinal. Selon J. Ferrando Badía, il y a d’une part celles qui favorisent unfédéralisme interne s’opposant à l’État unitaire et promouvant le développement des entités locales autonomes (par exemple, les régions ou provinces) . D’autre part, il y a les théories qui visent à décrire un fédéralisme à vocation internationale. Comme les précédentes, elles portent sur des mécanismes qui remettent en cause l’État-nation souverain en faveur de plus grandes unions ou organisations. Dans les deux cas, l’État-nation classique est contraint de céder une partie de ses pouvoirs et compétences (et par conséquent de sa souveraineté), aux entités fédérées dans le premier cas, et à l’organisation supranationale dans le deuxième cas. »
Source : Fédéralisme, conflit ethnique et sécessionnisme : Le fédéralisme comme instrument de sécession non-violente, Daniel Rodrigues
C’est donc au sens de régionalisme et / ou d’indépendantisme politique que nous comprenons votre question.
La ville de Lyon, aujourd’hui « assagie », a une histoire jalonnée de révoltes et de conflits :
« Aux yeux de la majorité de nos contemporains, Lyon apparaît comme une ville sagement conservatrice. Edouard Herriot a lentement glissé du radical-socialisme à un centrisme de plus en plus modéré. Après lui, les maires se situent dans la mouvance des partis modérés, excepté Michel Noir, au début de son mandat. Ce modérantisme exprime parfaitement l’identité politique majoritaire des lyonnais. En effet, le centre de la ville, puis les faubourgs de la Croix-Rousse et de la Guillotière, autrefois révolutionnaires, se sont assagis, abandonnant de plus en plus à la banlieue voisine les manifestations les plus violentes.
Au-delà de ce constat, l’histoire lyonnaise est pourtant marquée par une conflictuosité socio-économique et politique qui, sans être exceptionnelle, ne fournit pas moins, sur une longue période, un nombre de références impressionnant, allant des révoltes municipales médiévales aux luttes contre l’occupant nazi en passant par celles des imprimeurs du XVIe siècle, des fédéralistes sous la Révolution et des canuts au XIXe siècle. Une telle fréquence de rugissements de colère n’a pu qu’intéresser les historiens de « Rhône 89 ». […]
Lyon, depuis sa fondation et son existence romaine sous le nom de Lugdunum, a toujours été (proportionnellement aux données démographiques des époques considérées) une grande ville. C’est aussi parce que cette ville est laborieuse (Lyon est le siège de la fameuse Fabrique, qui régit tous les acteurs de la fabrication de la soierie depuis le XVIe siècle) et commerçante, parce qu’elle occupe une magnifique situation de carrefour, qu’elle a toujours attiré des populations du Lyonnais et des régions voisines venues travailler entre Saône et Rhône et qu’elle a accumulé des richesses entre les mains de quelques familles de marchands et de fabricants. Les rapports difficiles sur le plan tarifaire entre le monde des élites économiques et celui des maîtres et des compagnons ont fait naître dans cette ville, dès la Renaissance, des contentieux socio-économiques débouchant sur des violences qui ont fait dire à certains que Lyon était au XIXe siècle la capitale du socialisme ! Outre ces rugissements pour vivre mieux,Lyon a aussi rugi pour affirmer son existence. Ancienne capitale des Gaules et siège du primat des Gaules, Lyon a durement ressenti la perte de ses franchises municipales face à la centralisation royale, puis révolutionnaire. De la tension entre affirmation locale et pouvoir central est né le plus fort rugissement de toute l’histoire lyonnaise, 1793 .
Source : Quand Lyon rugit : les colères de Lyon du XIIe au XXe siècle, sous la direction de Bruno Benoit et Raymond Curtet
Dans Être Lyonnais. Identité & Régionalité. Hommage à Aimé Vingtrinier (2005), Bruno Benoit et Gilbert Gardes s’interrogent sur la place de la région dans l’identité lyonnaise :
« La nation est une, les régions vingt-deux, sans parler des régions d’outre-mer. Certes 22 est plus grand que 1, mais en réalité 22 est dans 1 ! Au-delà de ce constat, la nation ne se situe pas sur le même plan que la région. La nation est charnelle, la région gestionnaire. Si l’on meurt pour la patrie, donc pour la nation, il est difficile d’envisager de mourir pour la région ! La nation est une construction symbolique et politique, la région est une division administrative, d’où la nation a une mémoire, ce que la région n’a pas ou pas encore. Cependant, nation et région ne chassant pas sur le même territoire – la première est citoyenne, la seconde gestionnaire – n’ont en aucune manière raison de s’opposer, elles sont complémentaires.
Enfin, où se situe actuellement notre appartenance identitaire ? Pas encore dans l’Union européenne, évidemment dans la nation, on est français, mais peu dans la région, du moins pas dans la région mise en place par la décentralisation, est-on à Lyon « Rhône-alpin » ? En revanche, la régionalité, concept cher à Aimé Vingtrinier, est un échelon identitaire intéressant, car il correspond, à l’échelle européenne, au local, à l’espace auquel le citoyen déclare appartenir, celui qui relève du vécu et non de l’administratif. Cette régionalité ne découle-t-elle pas, pour reprendre ce que disait il y a cent ans Vidal de la Blache dans l’introduction à l’Histoire de France de Lavisse, du « rayonnement des métropoles régionales » ? Ainsi, dans ce colloque qui porte sur « Etre lyonnais hier et aujourd’hui » et sur le concept de régionalité autour du centenaire d’Aimé Vingtrinier, la régionalité lyonnaise s’étend donc jusqu’où s’étend l’influence lyonnaise. »
De fait, nos recherches ne nous permettent pas d’identifier de mouvement politique ou idéologique à Lyon revendiquant actuellement l’indépendance ou l’autonomie lyonnaise.
Par ailleurs, la mise en place de la métropole de Lyon dans le cadre de la décentralisation contribue à renforcer les compétences assumées au niveau local.
Si vous souhaitez approfondir sur le phénomène de métropolisation lyonnais :
- Métropoles en chantiers, sous la direction de David Le Bras, Natacha Seigneuret, Magali Talandier, 2016
- Un article de 2014 sur l'Influx sur la naissance de la Métropole de Lyon
En revanche, la situation est très différente en Savoie, où plusieurs mouvements politiques incarnent le nationalisme savoyard.
Vous trouverez des informations sur d’autres mouvements régionalistes en France dans ces articles :
- Savoie, Limousin, Bourgogne, Provence… Qui se cache derrière ces mouvements régionalistes méconnus ? francetvinfo.fr
- En France comme en Europe, les velléités indépendantistes de la Catalogne en réveillent d’autres, lci.fr
Ainsi que ces ouvrages :
- La France éclatée ? : enquête sur les mouvements régionalistes, autonomistes et indépendantistes en France, Erwan Chartier, Ronan Larvor
- Ces îles que l'on dit françaises, Dominique Ghisoni, Wassissi Iopué, Camille Rabin
Bonne journée.
Commençons par clarifier la notion de fédéralisme interne :
« Les théories fédéralistes peuvent être regroupées au sein de deux tendances apparemment divergentes et contradictoires sur le plan doctrinal. Selon J. Ferrando Badía, il y a d’une part celles qui favorisent un
Source : Fédéralisme, conflit ethnique et sécessionnisme : Le fédéralisme comme instrument de sécession non-violente, Daniel Rodrigues
C’est donc au sens de régionalisme et / ou d’indépendantisme politique que nous comprenons votre question.
La ville de Lyon, aujourd’hui « assagie », a une histoire jalonnée de révoltes et de conflits :
« Aux yeux de la majorité de nos contemporains, Lyon apparaît comme une ville sagement conservatrice. Edouard Herriot a lentement glissé du radical-socialisme à un centrisme de plus en plus modéré. Après lui, les maires se situent dans la mouvance des partis modérés, excepté Michel Noir, au début de son mandat. Ce modérantisme exprime parfaitement l’identité politique majoritaire des lyonnais. En effet, le centre de la ville, puis les faubourgs de la Croix-Rousse et de la Guillotière, autrefois révolutionnaires, se sont assagis, abandonnant de plus en plus à la banlieue voisine les manifestations les plus violentes.
Au-delà de ce constat, l’histoire lyonnaise est pourtant marquée par une conflictuosité socio-économique et politique qui, sans être exceptionnelle, ne fournit pas moins, sur une longue période, un nombre de références impressionnant, allant des révoltes municipales médiévales aux luttes contre l’occupant nazi en passant par celles des imprimeurs du XVIe siècle, des fédéralistes sous la Révolution et des canuts au XIXe siècle. Une telle fréquence de rugissements de colère n’a pu qu’intéresser les historiens de « Rhône 89 ». […]
Lyon, depuis sa fondation et son existence romaine sous le nom de Lugdunum, a toujours été (proportionnellement aux données démographiques des époques considérées) une grande ville. C’est aussi parce que cette ville est laborieuse (Lyon est le siège de la fameuse Fabrique, qui régit tous les acteurs de la fabrication de la soierie depuis le XVIe siècle) et commerçante, parce qu’elle occupe une magnifique situation de carrefour, qu’elle a toujours attiré des populations du Lyonnais et des régions voisines venues travailler entre Saône et Rhône et qu’elle a accumulé des richesses entre les mains de quelques familles de marchands et de fabricants. Les rapports difficiles sur le plan tarifaire entre le monde des élites économiques et celui des maîtres et des compagnons ont fait naître dans cette ville, dès la Renaissance, des contentieux socio-économiques débouchant sur des violences qui ont fait dire à certains que Lyon était au XIXe siècle la capitale du socialisme ! Outre ces rugissements pour vivre mieux,
Source : Quand Lyon rugit : les colères de Lyon du XIIe au XXe siècle, sous la direction de Bruno Benoit et Raymond Curtet
Dans Être Lyonnais. Identité & Régionalité. Hommage à Aimé Vingtrinier (2005), Bruno Benoit et Gilbert Gardes s’interrogent sur la place de la région dans l’identité lyonnaise :
« La nation est une, les régions vingt-deux, sans parler des régions d’outre-mer. Certes 22 est plus grand que 1, mais en réalité 22 est dans 1 ! Au-delà de ce constat, la nation ne se situe pas sur le même plan que la région. La nation est charnelle, la région gestionnaire. Si l’on meurt pour la patrie, donc pour la nation, il est difficile d’envisager de mourir pour la région ! La nation est une construction symbolique et politique, la région est une division administrative, d’où la nation a une mémoire, ce que la région n’a pas ou pas encore. Cependant, nation et région ne chassant pas sur le même territoire – la première est citoyenne, la seconde gestionnaire – n’ont en aucune manière raison de s’opposer, elles sont complémentaires.
Enfin, où se situe actuellement notre appartenance identitaire ? Pas encore dans l’Union européenne, évidemment dans la nation, on est français, mais peu dans la région, du moins pas dans la région mise en place par la décentralisation, est-on à Lyon « Rhône-alpin » ? En revanche, la régionalité, concept cher à Aimé Vingtrinier, est un échelon identitaire intéressant, car il correspond, à l’échelle européenne, au local, à l’espace auquel le citoyen déclare appartenir, celui qui relève du vécu et non de l’administratif. Cette régionalité ne découle-t-elle pas, pour reprendre ce que disait il y a cent ans Vidal de la Blache dans l’introduction à l’Histoire de France de Lavisse, du « rayonnement des métropoles régionales » ? Ainsi, dans ce colloque qui porte sur « Etre lyonnais hier et aujourd’hui » et sur le concept de régionalité autour du centenaire d’Aimé Vingtrinier, la régionalité lyonnaise s’étend donc jusqu’où s’étend l’influence lyonnaise. »
De fait, nos recherches ne nous permettent pas d’identifier de mouvement politique ou idéologique à Lyon revendiquant actuellement l’indépendance ou l’autonomie lyonnaise.
Par ailleurs, la mise en place de la métropole de Lyon dans le cadre de la décentralisation contribue à renforcer les compétences assumées au niveau local.
Si vous souhaitez approfondir sur le phénomène de métropolisation lyonnais :
- Métropoles en chantiers, sous la direction de David Le Bras, Natacha Seigneuret, Magali Talandier, 2016
- Un article de 2014 sur l'Influx sur la naissance de la Métropole de Lyon
En revanche, la situation est très différente en Savoie, où plusieurs mouvements politiques incarnent le nationalisme savoyard.
Vous trouverez des informations sur d’autres mouvements régionalistes en France dans ces articles :
- Savoie, Limousin, Bourgogne, Provence… Qui se cache derrière ces mouvements régionalistes méconnus ? francetvinfo.fr
- En France comme en Europe, les velléités indépendantistes de la Catalogne en réveillent d’autres, lci.fr
Ainsi que ces ouvrages :
- La France éclatée ? : enquête sur les mouvements régionalistes, autonomistes et indépendantistes en France, Erwan Chartier, Ronan Larvor
- Ces îles que l'on dit françaises, Dominique Ghisoni, Wassissi Iopué, Camille Rabin
Bonne journée.
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