Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche des textes relatant la rencontre entre Oedipe et le Sphinx.
Merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 22/06/2018 à 09h39
Bonjour,
Œdipe roi de Sophocle, on le sait, n’évoque la résolution de l’énigme par Œdipe que de manière indirecte puisque l’action se déroule des années plus tard, alors que le héros est installé depuis des années sur le trône de Thèbes. De nombreux Œdipe roi écrits plus tard, notamment au XVIIème siècle, suivront cette structure, et placeront dans la bouche de personnages des résumés plus ou moins détaillés de la scène.
Voyez, par exemple, Corneille :
« On t’a parlé du Sphinx, dont l’énigme funeste
Ouvrit plus de tombeaux que n’en ouvre la peste,
Ce monstre à voix humaine, aigle, femme et lion,
Se campait fièrement sur le mont Cythéron,
D’où chaque jour ici devait fondre sa rage,
À moins qu’on éclaircît un si sombre nuage.
Ne porter qu’un faux jour dans son obscurité,
C’était de ce prodige enfler la cruauté ;
Et les membres épars des mauvais interprètes
Ne laissaient dans ces murs que des bouches muettes.
Mais comme aux grands périls le salaire enhardit,
Le peuple offre le sceptre, et la reine son lit ;
De cent cruelles morts cette offre est tôt suivie :
J’arrive, je l’apprends, j’y hasarde ma vie.
Au pied du roc affreux semé d’os blanchissants,
Je demande l’énigme et j’en cherche le sens ;
Et ce qu’aucun mortel n’avait encor pu faire,
J’en dévoile l’image et perce le mystère.
Le monstre, furieux de se voir entendu,
Venge aussitôt sur lui tant de sang répandu,
Du roc s’élance en bas, et s’écrase lui-même. »
Ou Voltaire :
« Un monstre (loin de nous que faisiez-vous alors ?),
Un monstre furieux vint ravager ces bords.
Le ciel, industrieux dans sa triste vengeance,
Avait à le former épuisé sa puissance.
Né parmi des rochers, au pied du Cithéron[1],
Ce monstre à voix humaine, aigle, femme, et lion,
De la nature entière exécrable assemblage,
Unissait contre nous l’artifice à la rage.
Il n’était qu’un moyen d’en préserver ces lieux.
D’un sens embarrassé dans des mots captieux,
Le monstre, chaque jour, dans Thèbe épouvantée,
Proposait une énigme avec art concertée »
(Source : Oedipe [Livre] / Corneille et Voltaire ; textes établis et annotés par Laurent Thirouin, Denis Reynaud)
De nombreuses sources antiques évoquent le mythe d’Œdipe ou la Sphinx de manière lacunaire – ainsi L’Iliade et L’Odyssée parlent d’Œdipe mais pas du monstre terrorisant les Thébains, tandis que la Théogonie d’Hésiode décrit le monstre en donnant le texte de l’énigme mais sans faire allusion à Œdipe… il faut attendre le tournant des Ier-IIè siècles et la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore pour avoir un résumé complet de la confrontation.
(Source : Dictionnaire des mythes littéraires [Livre] / sous la dir. du Prof. Pierre Brunel)
Le Roman de Thèbes, roman en vers français du XIIème siècle, raconte directement la scène – en l’adaptant à la mentalité de la France médiévale, c’est-à-dire dans un sens chevaleresque, féodal et chrétien. Ainsi la Sphinx, pour la première fois traitée au masculin et appelée « Spin » dans le français de l’époque, devient « un diable », Œdipe un « chevalier » avec armure et épée à deux mains, ce qui rend la lecture assez savoureuse.
Une autre version très personnelle est celle que Jean Cocteau propose dans La Machine infernale : la Sphinx y est une jeune femme mélancolique et fatiguée de tuer, prête à tomber amoureuse du premier beau guerrier venu – Œdipe, par exemple, même s’il s’agit d’un des Œdipes les moins héroïques de l’histoire de la littérature – dont la victoire prend la forme d’un simulacre et d’une duperie.
Bonnes lectures.
Œdipe roi de Sophocle, on le sait, n’évoque la résolution de l’énigme par Œdipe que de manière indirecte puisque l’action se déroule des années plus tard, alors que le héros est installé depuis des années sur le trône de Thèbes. De nombreux Œdipe roi écrits plus tard, notamment au XVIIème siècle, suivront cette structure, et placeront dans la bouche de personnages des résumés plus ou moins détaillés de la scène.
Voyez, par exemple, Corneille :
« On t’a parlé du Sphinx, dont l’énigme funeste
Ouvrit plus de tombeaux que n’en ouvre la peste,
Ce monstre à voix humaine, aigle, femme et lion,
Se campait fièrement sur le mont Cythéron,
D’où chaque jour ici devait fondre sa rage,
À moins qu’on éclaircît un si sombre nuage.
Ne porter qu’un faux jour dans son obscurité,
C’était de ce prodige enfler la cruauté ;
Et les membres épars des mauvais interprètes
Ne laissaient dans ces murs que des bouches muettes.
Mais comme aux grands périls le salaire enhardit,
Le peuple offre le sceptre, et la reine son lit ;
De cent cruelles morts cette offre est tôt suivie :
J’arrive, je l’apprends, j’y hasarde ma vie.
Au pied du roc affreux semé d’os blanchissants,
Je demande l’énigme et j’en cherche le sens ;
Et ce qu’aucun mortel n’avait encor pu faire,
J’en dévoile l’image et perce le mystère.
Le monstre, furieux de se voir entendu,
Venge aussitôt sur lui tant de sang répandu,
Du roc s’élance en bas, et s’écrase lui-même. »
Ou Voltaire :
« Un monstre (loin de nous que faisiez-vous alors ?),
Un monstre furieux vint ravager ces bords.
Le ciel, industrieux dans sa triste vengeance,
Avait à le former épuisé sa puissance.
Né parmi des rochers, au pied du Cithéron[1],
Ce monstre à voix humaine, aigle, femme, et lion,
De la nature entière exécrable assemblage,
Unissait contre nous l’artifice à la rage.
Il n’était qu’un moyen d’en préserver ces lieux.
D’un sens embarrassé dans des mots captieux,
Le monstre, chaque jour, dans Thèbe épouvantée,
Proposait une énigme avec art concertée »
(Source : Oedipe [Livre] / Corneille et Voltaire ; textes établis et annotés par Laurent Thirouin, Denis Reynaud)
De nombreuses sources antiques évoquent le mythe d’Œdipe ou la Sphinx de manière lacunaire – ainsi L’Iliade et L’Odyssée parlent d’Œdipe mais pas du monstre terrorisant les Thébains, tandis que la Théogonie d’Hésiode décrit le monstre en donnant le texte de l’énigme mais sans faire allusion à Œdipe… il faut attendre le tournant des Ier-IIè siècles et la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore pour avoir un résumé complet de la confrontation.
(Source : Dictionnaire des mythes littéraires [Livre] / sous la dir. du Prof. Pierre Brunel)
Le Roman de Thèbes, roman en vers français du XIIème siècle, raconte directement la scène – en l’adaptant à la mentalité de la France médiévale, c’est-à-dire dans un sens chevaleresque, féodal et chrétien. Ainsi la Sphinx, pour la première fois traitée au masculin et appelée « Spin » dans le français de l’époque, devient « un diable », Œdipe un « chevalier » avec armure et épée à deux mains, ce qui rend la lecture assez savoureuse.
Une autre version très personnelle est celle que Jean Cocteau propose dans La Machine infernale : la Sphinx y est une jeune femme mélancolique et fatiguée de tuer, prête à tomber amoureuse du premier beau guerrier venu – Œdipe, par exemple, même s’il s’agit d’un des Œdipes les moins héroïques de l’histoire de la littérature – dont la victoire prend la forme d’un simulacre et d’une duperie.
Bonnes lectures.
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