Monastère de la grande chartreuse
LYON, MÉTROPOLE ET RÉGION
+ DE 2 ANS
Le 10/06/2018 à 14h35
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Question d'origine :
Bonjour,
Je ne trouve aucune information sur l’utilité du monastère de La Grande Chartreuse pendant la loi de la séparation de l’eglise et de l’etat en 1905.
Pourtant j’ai des photos du monastère à cette periode, où mon arrière grand père y travaillait. Dans un livre d’or du monastère, j’ai également des remerciement de Marie Curie qui dit y avoir passé un agréable séjour, s’agissait-il d’un hôtel? Il y a beaucoup d’autres personnalités importantes qui ont ecrit dans ce livre et des photos de ma geand mère etant enfant, posant avec ses personnalités. J’aimerais comprendre ce qu’elle faisait là avec son papa. Sachant qu’il travaillait dans la restauration et l’hôtellerie.
Merci pour votre réponse
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 12/06/2018 à 12h29
Les ouvrages sur la Grande Chartreuse que nous avons consultés sont peu prolixes sur la période 1904-1940.
Dans Grande Chartreuse et chartreux (éd. Cahiers de l’Alpe, 1984), on peut lire :
« Durant les 37 ans de fermeture de la maison, en Dauphiné de nombreuses campagnes d’opinion sont organisées pour demander le retour des Chartreux. Un premier résultat aboutit au classement des bâtiments comme monument historique en 1912, ce qui a évité leur ruine. »
René Bourgeois, dans La Grande Chartreuse : au-delà du silence (Musée Dauphinois, 2002) écrit dans le chapitre consacré à l’expulsion de 1903 :
« le monastère lui-même, qui avait été opportunément classé monument historique, fut réclamé par le Conseil général de l’Isère, qui voyait peut-être là le moyen d’empêcher le retour des chartreux après la Grande guerre, à laquelle certains d’entre eux avaient glorieusement participé. On eut alors l’idée de transformer les lieux en une « thébaïde pour intellectuels fatigués », ce qui souleva un tollé – cent soixante-dix-sept mille signatures !- contre les éventuels « coucous de la Grande Chartreuse »».
Emeline Wuilbercq laisse entendre dans L'ivresse de Dieu : l'histoire secrète des moines chartreux et de la liqueur la plus mythique du monde (2015) que ce projet s’est bien réalisé :
p. 52 « en Isère, les habitants n’ont pas oublié les pères bienfaiteurs qui ont participé au financement des églises et des hôpitaux de la région. Ils se mobilisent pour faire revenir les moines sur leur terre de prédilection. Le 29 mai 1927, près de cinquante mille hommes réclament leur retour en scandant le slogan « La Chartreuse aux chartreux ». Car entre-temps, des intellectuels s’étaient installés dans le monastère, qui avait pris le nom de « Centre universitaire d’été pour intellectuels fatigués ». - Une mascarade, selon les habitants du massif qui affublaient ces « intellos » du surnom de « coucous », parce que cet oiseau fait son nid dans celui des autres, m’explique Laurent Borne au téléphone. »
Autre précision fournie par l’auteure :
« Pendant l’exil des Chartreux, le monastère était accessible aux touristes. Nombreuses sont les personnes désormais âgées qui ont pu déambuler dans le cloître et découvrir les cellules des moines, et qui témoignent avec fierté de cette expérience. »
Dans son ouvrage consacré à La Correrie de la Grande Chartreuse (Musée de la Grande Chartreuse, 2008), Martine Galiano s’intéresse principalement au devenir de la Correrie (devenue après le départ des chartreux école de laiterie puis colonie de vacances) mais mentionne aussi plusieurs projets pour les bâtiments principaux du couvent. Celui de créer un « Musée Cartusien » dans l’enceinte du couvent en 1930 n’a pas abouti. Quant à l’installation d’une « maison de repos pour les intellectuels fatigués par un lourd labeur cérébral (source : La Dépêche Dauphinoise, 11 octobre 1925) », voici ce qu’elle nous en dit :
« un projet défendu par Léon Perrier, farouche opposant au retour des Chartreux qui, le 29 mai 1927, provoqua à Voiron l’une des plus impressionnantes manifestations : celle de la Ligue départementale d’action catholique. Un meeting rassemblant plus de cinquante mille personnes farouchement opposées à un projet pour lequel Léon Perrier, qui avait réussi à faire voter des crédits du Conseil Général pour cette création « d’Université-Maison de repos », avait même fait appel à la Société des nations -la SDN allait opposer un refus motivé (…)- D’innombrables prises de position défavorables eurent raison du projet, même si, au cours de l’été 1930, toujours sous l’impulsion de Léon Perrier, fut aménagée dans une partie du couvent, une hôtellerie dont la clientèle se composait essentiellement d’intellectuels. Rebaptisé « Auberge des coucous », par ses détracteurs, l’établissement suscita aussitôt nombre de réactions parmi la population locale et parmi les touristes. Et ce d’autant plus que la vaste cour d’honneur, jusque-là ouverte au public, lui fut désormais fermée pour le fonctionnement de l’hôtellerie universitaire, également qualifiée « d’élevage de coucous fatigués sous les sapins de la Grande Chartreuse »».
A propos de la fréquentation touristique, on peut lire un peu plus loin :
« La route de la solitude fut d’autant plus empruntée que le couvent se trouva ouvert à tout venant pendant près de 40 ans. Pendant 37 ans, des touristes, toujours plus nombreux, furent reçus à la grande porte par les gardiens du Ministère des Beaux Arts. »
Voir aussi :
L'expulsion des chartreux : 29 avril 1903 / René Bourgeois, 2000
La grande chartreuse dix ans après l'expulsion / Léon Poncet ; préf. de Mce Barrès, 1912
Vous trouverez dans la presse numérisée des articles sur cet épisode de la Grande Chartreuse. Voici quelques exemples :
Variétés : la Grande Chartreuse.
Un intellectuel... pas fatigué,
La ruche sans les abeilles, d’Eugène Duplessy, La Croix, 12 août 1934
Comment les chartreux sont rentrés à la Grande Chartreuse,
Cet article est particulièrement intéressant car il retrace les différentes étapes de la période 1904-1940.
Chercher d’autres articles sur Gallica et sur la base Presse ancienne de Lectura (presse de la région Auvergne-Rhône-Alpes)
Pour aller plus loin, vous pourriez contacter les Archives départementales de l’Isère qui conservent certainement des archives sur cette hôtellerie, cette dernière ayant été mise en place à l’initiative du Conseil général de l’Isère.
Vous pouvez aussi contacter le Musée de la Grande Chartreuse.
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