Question d'origine :
Bonjour,
Je suis tombé par hasard sur un extrait attribué à Albert Camus où ce dernier parle de Lyon. En des termes très durs :
“Lyon ? Tout y est bourgeois: le confort, la cuisine, les moeurs, les filles publiques. Ville d’hypocrites et de renfermés. Je les déteste de tout mon coeur. Ils ont fait tout ce qu’il fallait pour éviter la vie. Ils se garent derrière des quenelles et des soles à la crème. Le Français dans toute sa plénitude et sa médiocrité… Au lieu de traiter les gens de fumier, je les appelle Lyonnais.”
Ces mots seraient présents dans la biographie de l'écrivain réalisée par Olivier Todd. Je n'ai pas pu vérifier pour le moment.
Au-delà de ces mots, connaissez-vous d'autres écrits virulents à l'égard de Lyon ? Existe-t-il un recueil par hasard ? Une sorte d'anti-Le goût de Lyon par exemple...
Merci par avance de votre aide et de vos idées !
Bien cordialement,
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 06/06/2018 à 09h37
Bonjour,
En premier lieu, nous avons cherché à vérifier dans la biographie d’Albert Camus écrite par Olivier Todd en 1996 le propos que vous avez relevé, attribué à Camus, et qui fait l’objet de votre question.
En effet, p.110, au chapitre 10 « La lettre de Salzbourg » nous trouvons ce propos, dans une correspondance retranscrite entre Albert Camus et ses amies oranaises Marguerite et Jeanne datant du 13 juillet 1936 après avoir traversé la Méditerranée et gagné Lyon en train : «Sur mon voyage, n’attendez rien. Je déteste le genre « impressions ». Le voyage a pour moi une valeur bien particulière, celle de la peur. Ça ne veut rien dire comme ça. Mais si j’étais écrivain, j’essaierais pourtant de le faire voir un jour. » Il verse dans le cliché sur Lyon qui serait sinistre et grandiose. Tout y est : «bourgeois : le confort, la cuisine, les mœurs, même les filles publiques. Ville d’hypocrites et de renfermés. Je les déteste de tout mon cœur. Ils ont fait tout ce qu’il fallait pour « éviter » la vie. Ils se garent derrière des quenelles et des soles à la crème. Le Français dans toute sa platitude et sa médiocrité». Albert grossit le trait : «Au lieu de traiter les gens de fumier, je les appelle Lyonnais.”
Aussi sur le sujet de la réputation des Lyonnais et sur les clichés véhiculés sur la ville Lyon, plusieurs réponses du guichet du savoir ont déjà été publiées :
- Quels sont les plus gros clichés sur Lyon et les Lyonnais ?
- réputation de Lyon
- Lyon la Discrète
Ainsi depuis longtemps, Lyon pâtit d’une image à la connotation négative de «ville bourgeoise, ville fermée, ville froide, ville secrète, peu accueillante pour les étrangers ». C’est alors que le journaliste lyonnais Régis Neyret dans un article du Monde daté du 23 septembre 1979 lance le terme de "
Concernant les écrits sur Lyon, aux côtés de ceux d’Albert Camus, nous trouvons également d’autres écrivains français connus qui plus tôt, au XIXe siècle notamment, ont séjourné à Lyon et qui ont pu contribuer à colporter cette mauvaise réputation.
C’est le cas de Stendhal qui dans son livre Voyage à Lyon évoque une ville qui à ses yeux est totalement négative : "une ville noire, humide où suinte l’ennui". Dans sa préface, Michel Noir précise que Stendhal avait sans doute des raisons très personnelles de critiquer Lyon à ce point : « ville trop tournée à son goût vers l’argent, le commerce, trop dévote aux yeux de cet athée endurci, trop près de Grenoble aussi, la ville exécrée… »
Un autre ouvrage disponible en salle de la Documentation régionale recueille les récits et témoignages d’écrivains voyageurs au XIXe siècle sur la ville de Lyon : Voyage à Lyon : Stendhal, Mérimée, Alexandre Dumas et al.. Ainsi d’après Dumas, « Lyon est une ville animée et vivante mais animée et vivante comme une mécanique et le tic-tac des métiers est le seul battement de cœur ». Il est rappelé dans la préface du livre que « Rousseau au siècle passé avait conclu de ses 2 séjours à Lyon qu’elle était une ville de perdition et Taine de confirmer qu’elle est une des villes les plus déréglées de France ».
Ces récits sur Lyon sont également complétés par ceux recueillis de 1914 à 1918 lors d’une enquête sur « l’âme lyonnaise » auprès d’écrivains lyonnais : L'Ame Lyonnaise / Jules Troccon, 1927. On y apprend p.59 qu’Alphonse Daudet « n’aimait pas Lyon, où il a vécu des heures moroses, parfois lugubres. Dans « Trente ans de Paris », il s’étend sur « la grandeur de cette ville industrielle et mystique, avec le brouillard permanent, qui monte de ses fleuves et pénètre ses murs, sa race répand une vague mélancolie germanique, jusque dans les productions de ses écrivains et de ses artistes : Ballanche, Flandrin, de Laprade, Chenevard, Puvis de Chavannes. Et il parle dans l’Evangéliste de « cette race emportée et froide, au caractère de volonté et de mélancolique exaltation ».
Aussi s’il ne s’agit pas d’écrits virulents à l‘égard de Lyon comme l’est celui d’Albert Camus en des termes extrêmement violents, ces récits du XIXe qui trouveront leur prolongement dans les médias au XXe siècle, ont pu alimenter une image plutôt négative de Lyon et ses habitants liée à son passé industriel et commercial, sa culture spirituelle (« Lyon secrète et mystérieuse ») en grande partie et son anti-parisianisme depuis la Révolution.
A notre connaissance, il n’existe pas de recueils d'impressions et témoignages plus récents permettant d’établir un baromètre de la notoriété de Lyon et des Lyonnais aujourd’hui. Toutefois en 2010, le département de la Documentation Régionale avait publié un article faisant le tour de la question lors de la parution de l’ouvrage Sociologie de Lyon. C’est une synthèse que nous vous conseillons de lire sur les différentes représentations de l’identité lyonnaise construite au fil du temps : Lyon change de planète. Quid des lyonnaiseries et de la lyonnitude
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter