Question d'origine :
Bonsoir,
Le mythe de Sedna est-il toujours transmis aux jeunes générations actuelles inuites ?
Je vous remercie.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 05/06/2018 à 13h21
Bonjour,
La légende :
Elle est encore aujourd'hui une légende très connue des Inuits, et il existe autant de versions que de villages.
Une jeune fille vivait solitaire avec son père, veuf. Par ruse, elle fut séduite et se maria avec un chaman ou, selon d'autres versions, avec un fulmar, un homme-oiseau ou avec un chien.Après quelque temps sur son île lointaine, son père entendit des plaintes au-delà de la mer : c'était sa fille qui était maltraitée. Il embarqua alors sur son kayak pour aller la chercher et il reprit la mer avec elle. Voyant Sedna s'enfuir, son mari doté de pouvoirs surnaturels ordonna à la mer de se déchaîner.Voyant la mort arriver, le père sacrifia Sedna en la jetant à la mer, mais celle-ci, s'agrippant au bord, mettait l'embarcation en péril. Le père coupa alors les doigts de sa fille qui devinrent poissons, les pouces et les mains et ceux-ci devinrent phoques, baleines et tous les animaux marins. Sedna coula au fond de l'eau où elle réside encore comme une déesse de la Mer, similaire aux sirènes. Quand la chasse n'est pas bonne ou que la mer est démontée, la croyance est que Sedna est en colère car ses cheveux sont emmêlés et, n'ayant plus de mains, elle ne peut pas les peigner. C'est alors que les chamans, par leur magie, arrivent à aller peigner Sedna et ainsi restaurent le calme et les animaux :
Sedna
Les pouvoirs des esprits, de plus ou moins grande importance, domine la vie des Inuit. Le plus connu est l’esprit de la mer des Inuits canadiens et groenlandais. Dénommé Sedna (parmi d’autres noms, dont Nuliajuk), l’esprit de la mer règne sur tous les animaux qui fournissent de la nourriture aux humains. Dans sa résidence du fond de la mer, d’où il en voie des animaux pour la chasse, il prend l’apparence d’une femme. Même la craignent…De nos jours, presque tous les Inuit ont adopté le christianisme, qu’ils se sont aisément approprié à la lumière de leurs croyances traditionnelles. Les mythes inuit ne reconnaissent aucun dieu créateur tout puissant, portant les Inuits ont associé le Dieu chrétien aux principales forces spirituelles, et les missionnaires aux chamans. Dans certaines parties du sud ouest de l’Alaska, les Inuit ont embrassé la foi orthodoxe russe…
Mythologies du, monde entier
Parcourir la banquise, partir en hiver à la chasse, en traîneau, tracté par les chiens. La main dans cette histoire nous rappelle à l’ordre, soumise au froid. Un froid qui dicte nos gestes et leur temps. Les mains des derniers chasseurs inuit du district d’Upernavik, au nord-ouest du Groenland, sont les témoins émouvants de pratiques ancestrales. Des liens étroits tissés au fil du temps dans cet univers extrême entre les êtres et les choses. Dans la mythologie inuit, la main est là dans son rapport étroit aux origines des êtres. Parfois, l’évidence de son rôle semble la réduire au néant. Pourtant, l’observer dans l’action, en situation c’est se rendre compte que tout en elle « pèse de son poids, jusqu’à la vague, jusqu’au vent » (Focillon, 2010 : 123) jusqu’au froid, jusqu’au sang de la proie abattue, jusqu’aux mythes. Ces pratiques disparaissent peu à peu sous l’impact des quotas de chasse et avec elles, on l’oublie souvent, ce sont les corps, ce sont les gestes, les mains, les sens et les objets « manipulés » qui se transforment aussi. Un exercice ethnophotographique et littéraire qui nous fait parcourir la cosmologie inuit et le mythe de Sedna, « la femme de la mer ». En portant notre regard sur l’épisode des doigts coupés on interroge la place accordée à la perception haptique, au sensible, dans l’un des plus célèbres mythes inuit.
Animisme et survivance des sens
Ce mythe édicte les pratiques d’engagement envers l’animal. Et ces pratiques se transforment aujourd’hui sous l’influence des quotas de chasse imposés par l’Europe. L’ontologie animiste a depuis longtemps disparu sous l’effet d’autres dieux, d’autres croyances, d’autres pratiques. L’hétérogénéité des corps n’est plus une barrière à la communication entre les êtres. Chemin faisant, dans les broussailles des croyances – religieuses, politiques, économiques et environnementales – les mains avancent à tâtons, comme celles de Sedna dans la nuit océane.Le rapport haptique au monde perdure dans sa forme primitive. Le mythe de Sedna est là, présent, pour certains, dans la tradition orale. Les gestes des derniers chasseurs, l’intimité apprise et héritée avec leur proie, témoignent de son influence. Mais en l’absence de pratique – on chasse de moins en moins – ce qu’il évoquait en « sous-texte » sur le toucher et sur le continuum entre les êtres, humains et non-humains, disparaîtra bientôt. Les corporéités se transforment et c’est l’ontologie qui se transforme. Ne resteront que les images.
L’arraisonnement des ombres. Le sensible et le perçu dans le mythe de Sedna
Voir aussi :
Portrait de l’artiste en chaman
A l’heure de la mondialisation, les Inuit comme tous les autres peuples premiers ne peuvent pas conserver leur pleine identité culturelle face aux cultures majoritaires.
La tradition orale inuite : comment garder bien vivante la mémoire collective
Francis Lévesque reconnaît que des changements profonds s'opèrent présentement dans la communauté et que le modèle d'éducation actuel n'est pas nécessairement compatible avec celui de l'histoire orale. Selon lui, beaucoup de défis devront être relevés dans les prochaines années pour maintenir bien vivante la tradition orale inuite.
De l’ethnohistoire et l’histoire orale à la mémoire sociale chez les Inuits du Nunavut :
Selon nous, l’histoire orale trouve un terreau fertile dans les changements socio-économiques importants vécus par les Inuits au 20e siècle, qui conduisent, durant les décennies 1950 et 1960, à la mise en place d’une administration gouvernementale fédérale omniprésente dans leur territoire, à leur sédentarisation plus ou moins rapide, à l’imposition d’un système d’éducation totalement étranger qui force beaucoup de jeunes Inuits à s’exiler hors du Nunavut ou à s’intégrer dans un réseau d’écoles mis en place dans la plupart des communautés du Nord, à une exposition aux nouveaux moyens de communication (radio et télévision), à des contacts sans cesse croissants avec les Blancs au Nunavut et avec l’extérieur. Ces changements rapides incorporent les Inuits dans le flux plus large de la société canadienne et mondiale, et les forcent à s’interroger sur la place de leur culture et de leurs traditions dans un mode de vie en pleine transformation.
La légende :
Elle est encore aujourd'hui une légende très connue des Inuits, et il existe autant de versions que de villages.
Une jeune fille vivait solitaire avec son père, veuf. Par ruse, elle fut séduite et se maria avec un chaman ou, selon d'autres versions, avec un fulmar, un homme-oiseau ou avec un chien.Après quelque temps sur son île lointaine, son père entendit des plaintes au-delà de la mer : c'était sa fille qui était maltraitée. Il embarqua alors sur son kayak pour aller la chercher et il reprit la mer avec elle. Voyant Sedna s'enfuir, son mari doté de pouvoirs surnaturels ordonna à la mer de se déchaîner.Voyant la mort arriver, le père sacrifia Sedna en la jetant à la mer, mais celle-ci, s'agrippant au bord, mettait l'embarcation en péril. Le père coupa alors les doigts de sa fille qui devinrent poissons, les pouces et les mains et ceux-ci devinrent phoques, baleines et tous les animaux marins. Sedna coula au fond de l'eau où elle réside encore comme une déesse de la Mer, similaire aux sirènes. Quand la chasse n'est pas bonne ou que la mer est démontée, la croyance est que Sedna est en colère car ses cheveux sont emmêlés et, n'ayant plus de mains, elle ne peut pas les peigner. C'est alors que les chamans, par leur magie, arrivent à aller peigner Sedna et ainsi restaurent le calme et les animaux :
Sedna
Les pouvoirs des esprits, de plus ou moins grande importance, domine la vie des Inuit. Le plus connu est l’esprit de la mer des Inuits canadiens et groenlandais. Dénommé Sedna (parmi d’autres noms, dont Nuliajuk), l’esprit de la mer règne sur tous les animaux qui fournissent de la nourriture aux humains. Dans sa résidence du fond de la mer, d’où il en voie des animaux pour la chasse, il prend l’apparence d’une femme. Même la craignent…De nos jours, presque tous les Inuit ont adopté le christianisme, qu’ils se sont aisément approprié à la lumière de leurs croyances traditionnelles. Les mythes inuit ne reconnaissent aucun dieu créateur tout puissant, portant les Inuits ont associé le Dieu chrétien aux principales forces spirituelles, et les missionnaires aux chamans. Dans certaines parties du sud ouest de l’Alaska, les Inuit ont embrassé la foi orthodoxe russe…
Mythologies du, monde entier
Parcourir la banquise, partir en hiver à la chasse, en traîneau, tracté par les chiens. La main dans cette histoire nous rappelle à l’ordre, soumise au froid. Un froid qui dicte nos gestes et leur temps. Les mains des derniers chasseurs inuit du district d’Upernavik, au nord-ouest du Groenland, sont les témoins émouvants de pratiques ancestrales. Des liens étroits tissés au fil du temps dans cet univers extrême entre les êtres et les choses. Dans la mythologie inuit, la main est là dans son rapport étroit aux origines des êtres. Parfois, l’évidence de son rôle semble la réduire au néant. Pourtant, l’observer dans l’action, en situation c’est se rendre compte que tout en elle « pèse de son poids, jusqu’à la vague, jusqu’au vent » (Focillon, 2010 : 123) jusqu’au froid, jusqu’au sang de la proie abattue, jusqu’aux mythes. Ces pratiques disparaissent peu à peu sous l’impact des quotas de chasse et avec elles, on l’oublie souvent, ce sont les corps, ce sont les gestes, les mains, les sens et les objets « manipulés » qui se transforment aussi. Un exercice ethnophotographique et littéraire qui nous fait parcourir la cosmologie inuit et le mythe de Sedna, « la femme de la mer ». En portant notre regard sur l’épisode des doigts coupés on interroge la place accordée à la perception haptique, au sensible, dans l’un des plus célèbres mythes inuit.
Animisme et survivance des sens
Ce mythe édicte les pratiques d’engagement envers l’animal. Et ces pratiques se transforment aujourd’hui sous l’influence des quotas de chasse imposés par l’Europe. L’ontologie animiste a depuis longtemps disparu sous l’effet d’autres dieux, d’autres croyances, d’autres pratiques. L’hétérogénéité des corps n’est plus une barrière à la communication entre les êtres. Chemin faisant, dans les broussailles des croyances – religieuses, politiques, économiques et environnementales – les mains avancent à tâtons, comme celles de Sedna dans la nuit océane.Le rapport haptique au monde perdure dans sa forme primitive. Le mythe de Sedna est là, présent, pour certains, dans la tradition orale. Les gestes des derniers chasseurs, l’intimité apprise et héritée avec leur proie, témoignent de son influence. Mais en l’absence de pratique – on chasse de moins en moins – ce qu’il évoquait en « sous-texte » sur le toucher et sur le continuum entre les êtres, humains et non-humains, disparaîtra bientôt. Les corporéités se transforment et c’est l’ontologie qui se transforme. Ne resteront que les images.
L’arraisonnement des ombres. Le sensible et le perçu dans le mythe de Sedna
Voir aussi :
Portrait de l’artiste en chaman
A l’heure de la mondialisation, les Inuit comme tous les autres peuples premiers ne peuvent pas conserver leur pleine identité culturelle face aux cultures majoritaires.
La tradition orale inuite : comment garder bien vivante la mémoire collective
Francis Lévesque reconnaît que des changements profonds s'opèrent présentement dans la communauté et que le modèle d'éducation actuel n'est pas nécessairement compatible avec celui de l'histoire orale. Selon lui, beaucoup de défis devront être relevés dans les prochaines années pour maintenir bien vivante la tradition orale inuite.
De l’ethnohistoire et l’histoire orale à la mémoire sociale chez les Inuits du Nunavut :
Selon nous, l’histoire orale trouve un terreau fertile dans les changements socio-économiques importants vécus par les Inuits au 20e siècle, qui conduisent, durant les décennies 1950 et 1960, à la mise en place d’une administration gouvernementale fédérale omniprésente dans leur territoire, à leur sédentarisation plus ou moins rapide, à l’imposition d’un système d’éducation totalement étranger qui force beaucoup de jeunes Inuits à s’exiler hors du Nunavut ou à s’intégrer dans un réseau d’écoles mis en place dans la plupart des communautés du Nord, à une exposition aux nouveaux moyens de communication (radio et télévision), à des contacts sans cesse croissants avec les Blancs au Nunavut et avec l’extérieur. Ces changements rapides incorporent les Inuits dans le flux plus large de la société canadienne et mondiale, et les forcent à s’interroger sur la place de leur culture et de leurs traditions dans un mode de vie en pleine transformation.
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