vierges noires
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 01/06/2018 à 13h23
793 vues
Question d'origine :
Bonjour à tous!
Certains lieux de culte catholiques conservent des statues dites de Vierge Noire , par exemple en Savoie près de Chambéry à Myans , et également dans le Massif Central. Quelle est l'origine , l'histoire , la signification et l'extension de cette tradition.
Merci aux guichetiers pour leurs réponses toujours pointues , riches et éclairantes.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/06/2018 à 09h45
Bonjour,
Dans son ouvrage Sur les chemins des Vierges noires, Monique Fillon revient sur différentes hypothèses avancées sur les raisons de la couleur des Vierges noires :
« Voilà un sujet épineux, constamment encadré par l’Eglise. De nombreuses hypothèses sont avancées, ne s’excluant pas les unes les autres. Chaque Vierge Noire a sa propre histoire, son originalité plastique. Néanmoins, il est possible de tenter une classification des critères les plus fréquemment rencontrés.
Rappelons que dans l’absolu, le noir, couleur de la fécondité, est complémentaire du blanc, comme le Yin pour le Yang.
Les moines Bénédictins évoquaient à propos de Marie, l’image de la lune dont l’éclat provient du soleil, comme celui de Marie vient du Christ. De même les Templiers qui rapportèrent les statues des croisades, suivaient-ils le symbolisme de l’Eglise Chrétienne orthodoxe d’Orient qui dépeint Marie comme la « Mère de la Lumière ». Pour eux, elle devait avoir une peau sombre, car tout ce qui est placé près du soleil devient sombre.
La Vierge avait probablement le teint basané, on aurait voulu la représenter sous son aspect physique, d’autant qu’il correspondrait à la tradition biblique :
« Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma. Ne prenez pas garde à mon teint basané, c’est le soleil qui m’a brûlée. »
(Cantique des cantiques, 1,4-6)
Récemment, des chercheurs ont avancé que le noir appliqué sur le visage de la Vierge symboliserait le voile de pudeur des femmes orientales. Pourquoi pas, mais alors pourquoi noircir le visage de l’enfant Jésus ?
Les premières statues étaient en bois sombre. Bois exotiques ou traitement particulier ? Le noyer, par exemple, trempe dans l’eau pendant un an avant d’être sculpté, pour que le bois noircisse et devienne imputrescible, selon une méthode relevée en Roussillon et dans les Pyrénées.
Depuis le XIXe siècle, on sait que les statues noircissent avec le temps et l’action de l’oxydation : les Vierges sont parfois recouvertes de plaques d’argent ou de peintures à l’oxyde de plomb. Au fil des jours, leurs couleurs se ternissent jusqu’à se dissoudre dans le noir. Leur noircissement par la fumée des cierges est une explication peu convaincante. Pourquoi seules les Vierges noirciraient-elles et pas les autres saints ?
Au départ, beaucoup d’entre elles étaient polychromes. La couleur noire sur leur visage et sur les mains a été voulue par les hommes, de la fin du Moyen-Age au XIXe siècle. On peut y voir un phénomène de mode perpétué dans certains sanctuaires par les cultes populaires. La polychromie originale a été retrouvée lors de la restauration des statues. C’est ainsi qu’en 1959, la belle Vierge d’Orcival (Puy-de-Dôme) a retrouvé ses couleurs et l’éclat luisant des plaques de vermeil et d’argent qui la recouvraient.
Les plus anciennes sont représentées en majesté, c’est-à-dire assises, sur le trône de la Sagesse, avec l’enfant Jésus sur les genoux. Lorsqu’elles sont vêtues de robes d’apparat, cette position disparaît. On ne peut dire cependant, que les Vierges Noires, qui le plus souvent ont une silhouette pyramidale due à leur costume, soient toutes en majesté. Parfois seuls les visages et les mains sont sculptés et le corps de bois brut est dissimulé par la robe. Vêtir une statue est une coutume qui remonte au Moyen-Âge, les couronner est un apport du XIXe siècle. »
Dans Vierges Noires, Sophie Cassagnes-Brouquet précise que, si elles dominent en Auvergne, les Vierges Noires sont présentes dans bien d’autres régions françaises et ailleurs en Europe :
« Si la France domine par le nombre et la variété de ses Vierges Noires, […] l’Auvergne et tout le massif central, au sens large, détiennent une place prépondérante dans ce domaine bien particulier de la statuaire. Les Vierges Noires ne sont pourtant pas une spécificité auvergnate ; on les trouve dans des régions très éloignées de la terre des Arvernes comme les Pyrénées-Orientales, la Provence et la vallée du Rhône.
Leur fréquence est plus régulière en France que partout ailleurs en Europe, mais l’évocation de sanctuaires aussi renommés que Montserrat en Catalogne ou, même, le culte de Notre-Dame-de-l’Aparecida, de l’autre côté de l’océan Atlantique, au Brésil, suffisent à prouver l’universalité de ce phénomène, lié à la présence de la chrétienté.
En ce qui concerne la France, les Vierges Noires présentent une répartition très inégale. Presque absentes de l’Ouest et du Nord du royaume en 1550, elles se concentrent dans les régions du Centre et du Sud-Est, avec une prédilection pour l’Auvergne, le Forez, le Velay, le Limousin, le Gévaudan, le Rouergue et le Quercy. Au total, plus de soixante Vierges Noires règnent sur les églises du Massif central, assurant ainsi la primauté sur d’autres provinces riches en ces effigies comme le Roussillon (douze statues) et la Provence (vingt Vierges Noires).
Les statues auvergnates se caractérisent par un air de famille. Elles sont toutes, ou du moins la plupart, des Vierges de Majesté romanes ou la copie plus ou moins ancienne d’une effigie primitive disparue (Notre-Dame du Puy). Elles se rattachent à deux grands modèles historiques tous les deux malheureusement perdus : la Vierge Noire du Puy-en-Velay et celle de Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand.
[…] La Savoie est aussi une terre d’élection des noires statues avec le maintien actuel de dévotions très vivaces envers Notre-Dame-des-Voirons à Boëge, près d’Annemasse, Notre-Dame-de-Myans et Notre-Dame-du-Charmaix près de Modane. Les Vierges Noires y étaient autrefois plus nombreuses encore, mais les guerres de Religion y ont fait disparaître quelques effigies. »
Pour en savoir plus sur ces statues et leur histoire, nous vous encourageons à parcourir plus en profondeur les deux ouvrages cités ci-dessus.
Voici en complément d’autres lectures qui peuvent vous intéresser :
- Vierges noires : la réponse vient de la terre, Jacques Bonvin
- Réalités et mystères des Vierges noires, Roland Bermann
Bonne journée.
Dans son ouvrage Sur les chemins des Vierges noires, Monique Fillon revient sur différentes hypothèses avancées sur les raisons de la couleur des Vierges noires :
« Voilà un sujet épineux, constamment encadré par l’Eglise. De nombreuses hypothèses sont avancées, ne s’excluant pas les unes les autres. Chaque Vierge Noire a sa propre histoire, son originalité plastique. Néanmoins, il est possible de tenter une classification des critères les plus fréquemment rencontrés.
Rappelons que dans l’absolu, le noir, couleur de la fécondité, est complémentaire du blanc, comme le Yin pour le Yang.
Les moines Bénédictins évoquaient à propos de Marie, l’image de la lune dont l’éclat provient du soleil, comme celui de Marie vient du Christ. De même les Templiers qui rapportèrent les statues des croisades, suivaient-ils le symbolisme de l’Eglise Chrétienne orthodoxe d’Orient qui dépeint Marie comme la « Mère de la Lumière ». Pour eux, elle devait avoir une peau sombre, car tout ce qui est placé près du soleil devient sombre.
La Vierge avait probablement le teint basané, on aurait voulu la représenter sous son aspect physique, d’autant qu’il correspondrait à la tradition biblique :
« Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma. Ne prenez pas garde à mon teint basané, c’est le soleil qui m’a brûlée. »
(Cantique des cantiques, 1,4-6)
Récemment, des chercheurs ont avancé que le noir appliqué sur le visage de la Vierge symboliserait le voile de pudeur des femmes orientales. Pourquoi pas, mais alors pourquoi noircir le visage de l’enfant Jésus ?
Les premières statues étaient en bois sombre. Bois exotiques ou traitement particulier ? Le noyer, par exemple, trempe dans l’eau pendant un an avant d’être sculpté, pour que le bois noircisse et devienne imputrescible, selon une méthode relevée en Roussillon et dans les Pyrénées.
Depuis le XIXe siècle, on sait que les statues noircissent avec le temps et l’action de l’oxydation : les Vierges sont parfois recouvertes de plaques d’argent ou de peintures à l’oxyde de plomb. Au fil des jours, leurs couleurs se ternissent jusqu’à se dissoudre dans le noir. Leur noircissement par la fumée des cierges est une explication peu convaincante. Pourquoi seules les Vierges noirciraient-elles et pas les autres saints ?
Au départ, beaucoup d’entre elles étaient polychromes. La couleur noire sur leur visage et sur les mains a été voulue par les hommes, de la fin du Moyen-Age au XIXe siècle. On peut y voir un phénomène de mode perpétué dans certains sanctuaires par les cultes populaires. La polychromie originale a été retrouvée lors de la restauration des statues. C’est ainsi qu’en 1959, la belle Vierge d’Orcival (Puy-de-Dôme) a retrouvé ses couleurs et l’éclat luisant des plaques de vermeil et d’argent qui la recouvraient.
Les plus anciennes sont représentées en majesté, c’est-à-dire assises, sur le trône de la Sagesse, avec l’enfant Jésus sur les genoux. Lorsqu’elles sont vêtues de robes d’apparat, cette position disparaît. On ne peut dire cependant, que les Vierges Noires, qui le plus souvent ont une silhouette pyramidale due à leur costume, soient toutes en majesté. Parfois seuls les visages et les mains sont sculptés et le corps de bois brut est dissimulé par la robe. Vêtir une statue est une coutume qui remonte au Moyen-Âge, les couronner est un apport du XIXe siècle. »
Dans Vierges Noires, Sophie Cassagnes-Brouquet précise que, si elles dominent en Auvergne, les Vierges Noires sont présentes dans bien d’autres régions françaises et ailleurs en Europe :
« Si la France domine par le nombre et la variété de ses Vierges Noires, […] l’Auvergne et tout le massif central, au sens large, détiennent une place prépondérante dans ce domaine bien particulier de la statuaire. Les Vierges Noires ne sont pourtant pas une spécificité auvergnate ; on les trouve dans des régions très éloignées de la terre des Arvernes comme les Pyrénées-Orientales, la Provence et la vallée du Rhône.
Leur fréquence est plus régulière en France que partout ailleurs en Europe, mais l’évocation de sanctuaires aussi renommés que Montserrat en Catalogne ou, même, le culte de Notre-Dame-de-l’Aparecida, de l’autre côté de l’océan Atlantique, au Brésil, suffisent à prouver l’universalité de ce phénomène, lié à la présence de la chrétienté.
En ce qui concerne la France, les Vierges Noires présentent une répartition très inégale. Presque absentes de l’Ouest et du Nord du royaume en 1550, elles se concentrent dans les régions du Centre et du Sud-Est, avec une prédilection pour l’Auvergne, le Forez, le Velay, le Limousin, le Gévaudan, le Rouergue et le Quercy. Au total, plus de soixante Vierges Noires règnent sur les églises du Massif central, assurant ainsi la primauté sur d’autres provinces riches en ces effigies comme le Roussillon (douze statues) et la Provence (vingt Vierges Noires).
Les statues auvergnates se caractérisent par un air de famille. Elles sont toutes, ou du moins la plupart, des Vierges de Majesté romanes ou la copie plus ou moins ancienne d’une effigie primitive disparue (Notre-Dame du Puy). Elles se rattachent à deux grands modèles historiques tous les deux malheureusement perdus : la Vierge Noire du Puy-en-Velay et celle de Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand.
[…] La Savoie est aussi une terre d’élection des noires statues avec le maintien actuel de dévotions très vivaces envers Notre-Dame-des-Voirons à Boëge, près d’Annemasse, Notre-Dame-de-Myans et Notre-Dame-du-Charmaix près de Modane. Les Vierges Noires y étaient autrefois plus nombreuses encore, mais les guerres de Religion y ont fait disparaître quelques effigies. »
Pour en savoir plus sur ces statues et leur histoire, nous vous encourageons à parcourir plus en profondeur les deux ouvrages cités ci-dessus.
Voici en complément d’autres lectures qui peuvent vous intéresser :
- Vierges noires : la réponse vient de la terre, Jacques Bonvin
- Réalités et mystères des Vierges noires, Roland Bermann
Bonne journée.
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