Pourquoi dit-on quinze, seize puis dix-sept, dix-huit... ?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 30/05/2018 à 07h29
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Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais savoir pourquoi dit-on quinze, seize puis dix-sept, dix-huit, dix-neuf ? Pourquoi deux règles de construction des nombres différents ?
Et aussi, je sais qu'en Suisse la langue est plus logique pour les dernières dizaines qui se disent septante, huitante/octante et nonante au lieu de soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix ? Existe-t-il donc d'autres manières de prononcer dix-sept, dix-huit, dix-neuf en Suisse ou dans d'autres pays francophones ?
En vous remerciant d'avance pour votre réponse,
Pain d'épices
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 30/05/2018 à 14h58
Bonjour,
Vous posez là une question lexicographique ardue. Il semble en effet que l’évolution des noms de nombres depuis le latin ait suivi des routes tortueuses… voire apparemment illogiques.
Nous avons trouvé sur internet un document intéressant, en ce qu’il compare l’évolution de ces noms dans les langues romanes, tableaux comparatifs à l’appui. Voilà ce qu’il est dit sur la question :
«La forme onze est issue du latin undecem et elle a suivi une évolution phonétique normale à partir de la forme populaire undece. La voyelle atone [e] chute, la consonne palatale [k] passe à yod qui en contact avec la dentale [d] donne une affriquée [ts] laquelle se réduira en [z] au XIIIe siècle.
Nos nombres actuels en français doivent donc se lire dans la seconde dizaine : un-dix, deux-dix... Il s'agit de l'ordre tel qu'il apparaissait en latin jusqu'à dix-sept. Puis l'indication de la dizaine n'est plus postposée, mais antéposée. Le bas-latin a utilisé des périphrases avec dece en tête : dece et septe, dece ac septe. Ces périphrases sont devenues obligatoires pour les derniers nombres parce que les formes soustractives de 18 et 19 ont été abandonnées dans l'ouest de la Romania, tout comme les autres formes soustractives affectant 28, 29, 38, 39... La confusion possible entre les formes contractes de 16 et 17, notamment en Ibérie, explique l'extension du système par antéposition à 16 en espagnol et portugais, à 17 en français ou italien. »
Ce serait donc du fait du risque de confusion entre 16 et 17 du fait de la contraction des mots que sous-tendait la logique de l’évolution phonétique du bas-latin qu’on serait passé de septemdecim à dix-sept – les chiffres dix-huit et dix-neuf ont-ils été adoptés par contagion ? En tout état de cause, le Dictionnaire étymologique et historique du français (édition Larousse) cite une source attestant déjà les formes « dix e set, e uit, et nuef » en 1170.
Cette évolution vers les formes que nous connaissons en français standard vaut aussi pour nos amis les Helvètes. A cet égard, les auteurs du Dictionnaire suisse romand, dans leur introduction, sont très clairs : en-dehors de quelques « particularités, soit de prononciation, soit de construction, mais surtout de lexique et de phraséologie », le français parlé en Suisse est… du français. Teinté, il est vrai, d’un certain goût pour l’archaïsme.
C’est sans doute la raison pour laquelle nous différons sur la prononciation de 70, 80 et 90. Il faut se souvenir que les formes « soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix » et les formes « septante, octante, huitante, nonante » ont cohabité dans l’usage courant au moins jusqu’à la fin du XVIIè siècle (Source : Dictionnaire universel de Furetière).
Deux systèmes, deux origines : « septante, octante, nonante » sont tributaires de la base décimale latine. Quant à « quatre-vingt, quatre-vingt-dix », ils correspondent à un système dit « vigésimal » ou « vicésimal » (compte en base vingt), d’origine indo-européenne et en usage chez les Gaulois (Source : Joseph de Chevalet, Origine et formation de la langue française, Volume 3, lisible sur books.google.fr)
A l’époque classique, chacun de ces systèmes avait ses partisans. Quant à savoir pourquoi le camp gaulois a gagné contre le camp latin, c’est difficile à dire, sinon en paraphrasant le grand lexicologue Alain Rey : « c’est l’usage qui a raison ».
Bonne journée.
Vous posez là une question lexicographique ardue. Il semble en effet que l’évolution des noms de nombres depuis le latin ait suivi des routes tortueuses… voire apparemment illogiques.
Nous avons trouvé sur internet un document intéressant, en ce qu’il compare l’évolution de ces noms dans les langues romanes, tableaux comparatifs à l’appui. Voilà ce qu’il est dit sur la question :
«
Nos nombres actuels en français doivent donc se lire dans la seconde dizaine : un-dix, deux-dix... Il s'agit de l'ordre tel qu'il apparaissait en latin jusqu'à dix-sept. Puis l'indication de la dizaine n'est plus postposée, mais antéposée. Le bas-latin a utilisé des périphrases avec dece en tête : dece et septe, dece ac septe. Ces périphrases sont devenues obligatoires pour les derniers nombres parce que les formes soustractives de 18 et 19 ont été abandonnées dans l'ouest de la Romania, tout comme les autres formes soustractives affectant 28, 29, 38, 39... La confusion possible entre les formes contractes de 16 et 17, notamment en Ibérie, explique l'extension du système par antéposition à 16 en espagnol et portugais, à 17 en français ou italien.
Ce serait donc du fait du risque de confusion entre 16 et 17 du fait de la contraction des mots que sous-tendait la logique de l’évolution phonétique du bas-latin qu’on serait passé de septemdecim à dix-sept – les chiffres dix-huit et dix-neuf ont-ils été adoptés par contagion ? En tout état de cause, le Dictionnaire étymologique et historique du français (édition Larousse) cite une source attestant déjà les formes « dix e set, e uit, et nuef » en 1170.
Cette évolution vers les formes que nous connaissons en français standard vaut aussi pour nos amis les Helvètes. A cet égard, les auteurs du Dictionnaire suisse romand, dans leur introduction, sont très clairs : en-dehors de quelques « particularités, soit de prononciation, soit de construction, mais surtout de lexique et de phraséologie », le français parlé en Suisse est… du français. Teinté, il est vrai, d’un certain goût pour l’archaïsme.
C’est sans doute la raison pour laquelle nous différons sur la prononciation de 70, 80 et 90. Il faut se souvenir que les formes « soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix » et les formes « septante, octante, huitante, nonante » ont cohabité dans l’usage courant au moins jusqu’à la fin du XVIIè siècle (Source : Dictionnaire universel de Furetière).
Deux systèmes, deux origines : « septante, octante, nonante » sont tributaires de la base décimale latine. Quant à « quatre-vingt, quatre-vingt-dix », ils correspondent à un système dit « vigésimal » ou « vicésimal » (compte en base vingt), d’origine indo-européenne et en usage chez les Gaulois (Source : Joseph de Chevalet, Origine et formation de la langue française, Volume 3, lisible sur books.google.fr)
A l’époque classique, chacun de ces systèmes avait ses partisans. Quant à savoir pourquoi le camp gaulois a gagné contre le camp latin, c’est difficile à dire, sinon en paraphrasant le grand lexicologue Alain Rey : « c’est l’usage qui a raison ».
Bonne journée.
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