Question d'origine :
S.V.P.
Qui, en quelles circonstances précises et quel jour, le général de Gaulle, alors Pdt de la République, a t il amnistié,et fait libérer, des prisonniers essentiellement politiques, en Mai ou Juin 1968 ?
Si la plupart étaient liés aux événements algériens , du début des années 60, dont certains étaient lourdement condamnés, (protagonistes du petit Clamart,et le célèbre quarteron de généraux de 1961), il y en a eu d'autres, qui n'étaient pas du tout liés à ces événements !.qui donc , au total,a été concerné par cette amnistie ?
Cela a t il joué un rôle, lors de la manifestation gaulliste du 30 Mai, et surtout lors des légistlatives de fin Juin . d'avance ,merci.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 14/05/2018 à 08h19
Bonjour,
Il semble que vous fassiez allusion à deux lois d’amnistie distinctes :
"LOI n° 68-457 du 23 mai 1968 portant amnistie
JO 24-05-1968 p. 5178
(Infractions commises du 1er février 1968 au 15 mai 1968 en relation avec les événements survenus dans l'Université et les manifestations auxquelles ils ont donné lieu)
LOI n° 68-697 du 31 juillet 1968 portant amnistie
JO 02-08-1968 p. 7521
• (Art. 1er à 3 : Amnistie générale de toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie
• art. 5 : Condition de l'extension du bénéfice de l'amnistie prévue à l'art. 6 de la loi n° 66-409 du 18 juin 1966 aux résistants n'ayant pas la qualité de combattant volontaire
• art. 6 : Conditions du bénéfice de l'amnistie pour faits de collaboration en application de la loi n° 53-681 du 6 août 1953
• art. 7 : Amnistie de plein droit de certaines infractions au code électoral commises avant le 1er janvier 1968
• art. 8 : Amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles en application de la loi n° 66-409 du 18 juin 1966
• art. 9 : Contestations relatives à l'amnistie prévue par les art. 5 à 8 de la présente loi
• art. 10 : Effet de l'amnistie prévue par les art. 5 à 8 de la présente loi)"
Source : legifrance.gouv.fr
Qui concernait cette amnistie ?
« Mais c’est à partir de la loi du 31 juillet 1968 qu’on peut parler d’un début de réhabilitation des responsables du putsch et de l’OAS . Elle les a entièrement amnistiés et leur a restitué leurs décorations sans qu’aucune condamnation politique ou morale à l’égard de leur action ne soit désormais engagée par les institutions de la République. Cette loi, en effet, a amnistié « de plein droit » toutes les infractions commises par des militaires servant en Algérie pendant la période des « événements » . Ce qui ne concernait plus que les condamnations des putschistes et des membres de l’OAS puisque les crimes commis par les militaires obéissant aux autorités légales avaient déjà été amnistiés. Et cette amnistie entrainait leur « réintégration dans l’ordre de la Légion d’honneur, dans l’ordre de la Libération et dans le droit au port de la médaille militaire pour les décorations décernées pour faits de guerre16 ». »
Source : Gilles Manceron, Mémoire et guerre d’Algérie, La Revue des droits de l’homme, 2 | 2012.
Par ailleurs, dans son mémoire de Maîtrise d’Histoire contemporaine (2001), Les débats autour de la guerre d'Algérie à travers le journal Le Monde, Philippe Salson relate que « Pour comprendre la partialité des témoignages, il faut se rappeler que la période est marquée par la loi d'amnistie 1968 qui interdit toute recherche de responsabilité pour les exactions commises lors du conflit et favorise , de cette manière, l`oubli et le silence.
Cette loi est le résultat d'une campagne souvent initiée par des personnalités et des organismes proches des anciens activistes. Ainsi, le S.P.E.S. demande une amnistie totale dans Le Monde daté du 28 mars1968 en argumentant que 22 membres de l'O.A.S. sont encore en prison alors que les « assassins notoires du F.L.N. » ont été libérés. Mais, des personnalités de gauche ont aussi le même type de démarche : à l'Assemblée, M. Defferre, député des Bouches-du-Rhône, demande l'inscription à l'ordre du jour de l'amnistie61. Le quotidien reste à l'écart d'une telle campagne, la façon dont sont relatées ces prises de position, est des plus
neutres. De même, on peut constater l'étonnant silence des anciens opposants à la guerre d'Algérie, comme si pour eux la page était déjà tournée. Le Monde se contente de révéler les résultats d'un sondage de la S.O.F.R.E.S., selon lequel 54 % des Français interrogés sont favorables à une telle amnistie. L'opinion est donc prête et semble vouloir tourner la page. La loi d'amnistie apparaît de plus en plus inéluctable, surtout depuis qu'une série de grâces a largement anticipé sur la loi : 173 anciens membres de l'O.A. S. sont, par exemple, libérés en décembre 196462.
Faut-il voir dans cette loi un pardon de de Gaulle à ceux qui ont tenté de l'assassiner et ont contesté la légitimité de son pouvoir ? On retrouve en effet parmi les principaux bénéficiaires de la loi MM. Salan et Jouhaud, généraux putschistes en 1961 et chefs de l'O.A.S. - et par conséquent commanditaires des tentatives d'assassinat de de Gaulle - ensuite, MM. Sergent et Argoud, responsables de l'O.A.S.-Métropole et donc des attentats commis sur le territoire français. Il faut, en outre, se rappeler que de Gaulle souhaitait la peine capitale pour Jouhaud et Salan en 1962. Salan, contrairement à son lieutenant, n'ayant pas été condamné à mort par le Haut Tribunal Militaire, c'est sous la pression de ses ministres que le général de Gaulle accepte du bout des lèvres de gracier Jouhaud63. Le changement d'attitude du président envers ceux qu'il a qualifiés de « félons » et qui ont voulu sa mort, est radical : il accepte de passer l'éponge. Est-ce un pardon du chrétien de Gaulle ? Difficile de le savoir. »
Enfin, Stéphane Gacon dans l’article Les amnisties de la guerre d'Algérie (1962-1982) (Histoire de la justice, 2005/1 (N° 16), p. 271-279) rappelle lui aussi le contexte de ces amnisties et ptécise :
« Le recours systématique à la grâce amnistiante est sans doute à mettre en rapport avec la conception que de Gaulle se faisait de son rôle historique. Il se présente à la tête de l’État comme un guide et un arbitre pour la nation. Il s’est une fois de plus assigné la tâche de sortir la France de la crise et il juge sans doute l’amnistie nécessaire, comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, la France du début des années 60 doit se débarrasser du poids de son passé colonial pour construire un avenir de grandeur et c’est sans doute la raison pour laquelle il engage très tôt le processus d’amnistie, en commençant par ce qui nuit le plus à l’image de la France. Mais il entend concilier les nécessités de l’oubli et la sauvegarde du régime. Il s’agit bien de rassembler tous les Français, malgré leurs différences, ou avec leurs différences. L’amnistie est une nécessité abrasive. Elle sert à taire tout ce qui divise pour restaurer l’unité nationale. Il s’agit seulement de le faire sans mettre en péril l’autorité de l’État, en restant maître du rythme de la réconciliation.
En effet, s’il convient de protéger et de faire renaître la République il s’agit d’une autre république, d’une république rénovée, avec un exécutif renforcé. Ce souci apparaît tout au long du processus d’amnistie et explique les incessantes tensions entre les pouvoirs. Députés et sénateurs n’ont pas cessé, y compris au sein du parti gaulliste, de dénoncer la lenteur du processus et sa confiscation par le pouvoir exécutif. Seuls les communistes se sont montrés unanimement et durablement opposés à l’amnistie. Dans ce bras de fer entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui culmine en 1967 quand le gouvernement doit retirer un projet du fait de l’obstruction de l’Assemblée, il importait au général de Gaulle d’emporter la décision pour faire triompher sa théorie et sa pratique de la République ».
Il semble que vous fassiez allusion à deux lois d’amnistie distinctes :
"LOI n° 68-457 du 23 mai 1968 portant amnistie
JO 24-05-1968 p. 5178
(Infractions commises du 1er février 1968 au 15 mai 1968 en relation avec les événements survenus dans l'Université et les manifestations auxquelles ils ont donné lieu)
LOI n° 68-697 du 31 juillet 1968 portant amnistie
JO 02-08-1968 p. 7521
• (Art. 1er à 3 : Amnistie générale de toutes infractions commises en relation avec les événements d'Algérie
• art. 5 : Condition de l'extension du bénéfice de l'amnistie prévue à l'art. 6 de la loi n° 66-409 du 18 juin 1966 aux résistants n'ayant pas la qualité de combattant volontaire
• art. 6 : Conditions du bénéfice de l'amnistie pour faits de collaboration en application de la loi n° 53-681 du 6 août 1953
• art. 7 : Amnistie de plein droit de certaines infractions au code électoral commises avant le 1er janvier 1968
• art. 8 : Amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles en application de la loi n° 66-409 du 18 juin 1966
• art. 9 : Contestations relatives à l'amnistie prévue par les art. 5 à 8 de la présente loi
• art. 10 : Effet de l'amnistie prévue par les art. 5 à 8 de la présente loi)"
Source : legifrance.gouv.fr
Qui concernait cette amnistie ?
« Mais c’est à partir de la loi du 31 juillet 1968 qu’on peut parler d’un début de
Source : Gilles Manceron, Mémoire et guerre d’Algérie, La Revue des droits de l’homme, 2 | 2012.
Par ailleurs, dans son mémoire de Maîtrise d’Histoire contemporaine (2001), Les débats autour de la guerre d'Algérie à travers le journal Le Monde, Philippe Salson relate que « Pour comprendre la partialité des témoignages, il faut se rappeler que la période est marquée par la loi d'amnistie 1968 qui interdit toute recherche de responsabilité pour les exactions commises lors du conflit et favorise , de cette manière, l`oubli et le silence.
Cette loi est le résultat d'une campagne souvent initiée par des personnalités et des organismes proches des anciens activistes. Ainsi, le S.P.E.S. demande une amnistie totale dans Le Monde daté du 28 mars1968 en argumentant que 22 membres de l'O.A.S. sont encore en prison alors que les « assassins notoires du F.L.N. » ont été libérés. Mais, des personnalités de gauche ont aussi le même type de démarche : à l'Assemblée, M. Defferre, député des Bouches-du-Rhône, demande l'inscription à l'ordre du jour de l'amnistie61. Le quotidien reste à l'écart d'une telle campagne, la façon dont sont relatées ces prises de position, est des plus
neutres. De même, on peut constater l'étonnant silence des anciens opposants à la guerre d'Algérie, comme si pour eux la page était déjà tournée. Le Monde se contente de révéler les résultats d'un sondage de la S.O.F.R.E.S., selon lequel 54 % des Français interrogés sont favorables à une telle amnistie. L'opinion est donc prête et semble vouloir tourner la page. La loi d'amnistie apparaît de plus en plus inéluctable, surtout depuis qu'une série de grâces a largement anticipé sur la loi : 173 anciens membres de l'O.A. S. sont, par exemple, libérés en décembre 196462.
Faut-il voir dans cette loi un pardon de de Gaulle à ceux qui ont tenté de l'assassiner et ont contesté la légitimité de son pouvoir ? On retrouve en effet parmi les principaux bénéficiaires de la loi MM. Salan et Jouhaud, généraux putschistes en 1961 et chefs de l'O.A.S. - et par conséquent commanditaires des tentatives d'assassinat de de Gaulle - ensuite, MM. Sergent et Argoud, responsables de l'O.A.S.-Métropole et donc des attentats commis sur le territoire français. Il faut, en outre, se rappeler que de Gaulle souhaitait la peine capitale pour Jouhaud et Salan en 1962. Salan, contrairement à son lieutenant, n'ayant pas été condamné à mort par le Haut Tribunal Militaire, c'est sous la pression de ses ministres que le général de Gaulle accepte du bout des lèvres de gracier Jouhaud63. Le changement d'attitude du président envers ceux qu'il a qualifiés de « félons » et qui ont voulu sa mort, est radical : il accepte de passer l'éponge. Est-ce un pardon du chrétien de Gaulle ? Difficile de le savoir. »
Enfin, Stéphane Gacon dans l’article Les amnisties de la guerre d'Algérie (1962-1982) (Histoire de la justice, 2005/1 (N° 16), p. 271-279) rappelle lui aussi le contexte de ces amnisties et ptécise :
« Le recours systématique à la grâce amnistiante est sans doute à mettre en rapport avec la conception que de Gaulle se faisait de son rôle historique. Il se présente à la tête de l’État comme un guide et un arbitre pour la nation. Il s’est une fois de plus assigné la tâche de sortir la France de la crise et il juge sans doute l’amnistie nécessaire, comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, la France du début des années 60 doit se débarrasser du poids de son passé colonial pour construire un avenir de grandeur et c’est sans doute la raison pour laquelle il engage très tôt le processus d’amnistie, en commençant par ce qui nuit le plus à l’image de la France. Mais il entend concilier les nécessités de l’oubli et la sauvegarde du régime. Il s’agit bien de rassembler tous les Français, malgré leurs différences, ou avec leurs différences. L’amnistie est une nécessité abrasive. Elle sert à taire tout ce qui divise pour restaurer l’unité nationale. Il s’agit seulement de le faire sans mettre en péril l’autorité de l’État, en restant maître du rythme de la réconciliation.
En effet, s’il convient de protéger et de faire renaître la République il s’agit d’une autre république, d’une république rénovée, avec un exécutif renforcé. Ce souci apparaît tout au long du processus d’amnistie et explique les incessantes tensions entre les pouvoirs. Députés et sénateurs n’ont pas cessé, y compris au sein du parti gaulliste, de dénoncer la lenteur du processus et sa confiscation par le pouvoir exécutif. Seuls les communistes se sont montrés unanimement et durablement opposés à l’amnistie. Dans ce bras de fer entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui culmine en 1967 quand le gouvernement doit retirer un projet du fait de l’obstruction de l’Assemblée, il importait au général de Gaulle d’emporter la décision pour faire triompher sa théorie et sa pratique de la République ».
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