Question d'origine :
Bonjour,
J'ai lu qu'au début de l'histoire de l'automobile, il existait des gens qui pensaient que ça resterait un phénomène limité, faute notamment d'une population suffisante de chauffeurs spécialisés.
Mais l'anecdote ne donne aucune citation précise ni de nom, ce qui sème bien sûr en mon esprit la graine du doute et de la curiosité.
Le livre qui en parle : "Le Travail du consommateur", de Marie-Anne Dujarier, 2014.
Sauriez-vous trouver qui étaient ces dubitatifs qui seraient aujourd'hui bouche bée devant nos kilomètres de bouchons ?
Merci !
Réponse attendue le 12/05/18
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 11/05/2018 à 13h25
Bonjour,
En 1900, l’automobile était inventée mais non socialement admise.
Nous ne savons pas à quoi fait exactement allusion Marie-Anne Dujarier dans Le travail du consommateur : de McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons. Mais il est vrai que vers la fin du XIXe siècle, l'usage de l'automobile engendre des commentaires plutôt sceptiques :
" L'automobile suscite très vite la polémique. Alors que le parc automobile croît rapidement, les infrastructures adaptées ne sont pas encore mises en place. Ce sont d’ailleurs les marchands de bicyclettes qui réparent et entretiennent les automobiles (DP 6). L'automobile effraie les animaux (les automobilistes seront surnommés les « tueurs de poules »), elle est très bruyante et dégage une odeur nauséabonde. Bouleversant la quiétude des piétons dans les villes, beaucoup désirent l'interdire. Ces derniers n’hésitent pas à lancer des pierres ou du fumier sur les automobiles qui croisent leur chemin (SS 3). Les publications humoristiques de la Belle Époque font d’ailleurs souvent occurrence au thème de l'« automobiliste-écraseur » (SS 4). C’est ainsi qu’en 1889, les premiers arrêtés font leur apparition. Le marquis italien Carcano « ose » se déplacer en De Dion-Bouton à vapeur dans le centre ville de Nice. Effrayés et sûrement surpris, les habitants signent une pétition et l'envoient au maire. Appliquant l'arrêté du 21 février 1893, le maire interdit le passage des automobiles à vapeur dans le centre-ville. Néanmoins, la loi sera assouplie en 1895, accordant aux automobiles électriques ou à essence de rouler à moins de 10 km/hTC.
Au-delà des moyens de transports, l'automobile bouleverse l'approche culturelle des modes de déplacements. L'opposition entre progrès technique et religion est parfois brutale. Les ecclésiastiques s'opposent à cet engin qui « ressemble plus à un diable qu'à un humain » (TC 19). "
source : Wikipedia qui cite ces documents en source :
- Daniel Puiboube, Un siècle d’automobile en France, Sélection du Reader’s Digest, 2000 (ISBN 978-2-7098-1161-3).
- Brigitte Sion et Joëlle de Syon, 1905-2005, 100 ans de progrès automobile, Slatkine, 2004 (ISBN 978-2-8321-0155-1).
- Thierry Coulibaly, Il y a un siècle l’automobile, Ouest-France, 2007 (ISBN 978-2-7373-4127-4).
Nous vous proposons la lecture d'un article intitulé « Paris au cœur de la révolution des usages de l'automobile 1884-1908 » de Flonneau Mathieu (Histoire, économie & société, 2007/2 (26e année), p. 61-74). L'auteur mentionne notamment trois documents qui aborderaient la question de cet accueil plutôt mitigé du public face à l'automobile.
" Toutefois, limités à une certaine société, ces usages égoïstes corrélatifs de la « folie furieuse de l’automobilisme » [68] stigmatisée par Léon Bloy, ne tardèrent pas à être occultés par les véritables services rendus par le nouveau mode de traction, même si le débat majeur qui animait la presse continua d’opposer chauffards et autophobes selon un déterminisme social intraitable [69]. À cet égard, ce temps de l’automobile est celui dont la compréhension est sans doute le mieux balisé historiographiquement [70] en raison des nombreux témoignages de contemporains qu’il a suscités [71].
Le nœud de la question demeurait la violence routière nouvelle à laquelle la circulation automobile paraissait laisser libre cours [72].
Notes :
[68] Sa définition (l’automobilisme : « c’est-à-dire le besoin de faire à toute allure, à des vitesses inconnues de nos parents, un nombre incalculable et, quelque fois fantastique de kilomètres ») donnée au début du Congrès de 1900 était, par sa vanité, en contradiction avec l’objectif d’être utile à tous qui avait été fixé liminairement par les congressistes.
[69] Une illustration de Villemot parue dans L’Assiette au beurre donne définitivement le ton manichéen de la controverse.
[70] Depuis le travail de Nicolas Spinga, L’introduction de l’automobile dans la société française entre 1900 et 1914 : étude de presse, maîtrise, université Paris X-Nanterre, 1973, 190 p. ; et récemment Catherine Bertho Lavenir, « Autos contre piétons : la guerre est déclarée », L’Histoire, n° 230, p. 80-85.
[71] A. Scheikevitch, Chauffards et autophobes, Publications de la société protectrice contre les excès de l’automobile, 1907 ; Arzamas, Écraseurs, Paris, Albin Michel, 1906 ; Le bon écraseur, film Gaumont, 1908.
[72] Patrick Fridenson, « La société française et les accidents de la route, 1890-1914 », Ethnologie française, n° 3, 1991, p. 306-313. "
Pour aller plus loin :
- La Révolution automobile / Jean-Pierre Bardou, Jean-Jacques Chanaron, Patrick Fridenson, James M. Laux
- L'automobile: Son monde et ses réseaux / Anne-Françoise Garçon
- Compétition et coexistence : la motorisation des transports terrestres et le lent processus de substitution de la traction équine/ Mom Gijs, Le Mouvement Social, 2009/4 (n° 229), p. 13-39.
Bonne journée.
En 1900, l’automobile était inventée mais non socialement admise.
Nous ne savons pas à quoi fait exactement allusion Marie-Anne Dujarier dans Le travail du consommateur : de McDo à eBay : comment nous coproduisons ce que nous achetons. Mais il est vrai que vers la fin du XIXe siècle, l'usage de l'automobile engendre des commentaires plutôt sceptiques :
" L'automobile suscite très vite la polémique. Alors que le parc automobile croît rapidement, les infrastructures adaptées ne sont pas encore mises en place. Ce sont d’ailleurs les marchands de bicyclettes qui réparent et entretiennent les automobiles (DP 6). L'automobile effraie les animaux (les automobilistes seront surnommés les « tueurs de poules »), elle est très bruyante et dégage une odeur nauséabonde. Bouleversant la quiétude des piétons dans les villes, beaucoup désirent l'interdire. Ces derniers n’hésitent pas à lancer des pierres ou du fumier sur les automobiles qui croisent leur chemin (SS 3). Les publications humoristiques de la Belle Époque font d’ailleurs souvent occurrence au thème de l'« automobiliste-écraseur » (SS 4). C’est ainsi qu’en 1889, les premiers arrêtés font leur apparition. Le marquis italien Carcano « ose » se déplacer en De Dion-Bouton à vapeur dans le centre ville de Nice. Effrayés et sûrement surpris, les habitants signent une pétition et l'envoient au maire. Appliquant l'arrêté du 21 février 1893, le maire interdit le passage des automobiles à vapeur dans le centre-ville. Néanmoins, la loi sera assouplie en 1895, accordant aux automobiles électriques ou à essence de rouler à moins de 10 km/hTC.
Au-delà des moyens de transports, l'automobile bouleverse l'approche culturelle des modes de déplacements. L'opposition entre progrès technique et religion est parfois brutale. Les ecclésiastiques s'opposent à cet engin qui « ressemble plus à un diable qu'à un humain » (TC 19). "
source : Wikipedia qui cite ces documents en source :
- Daniel Puiboube, Un siècle d’automobile en France, Sélection du Reader’s Digest, 2000 (ISBN 978-2-7098-1161-3).
- Brigitte Sion et Joëlle de Syon, 1905-2005, 100 ans de progrès automobile, Slatkine, 2004 (ISBN 978-2-8321-0155-1).
- Thierry Coulibaly, Il y a un siècle l’automobile, Ouest-France, 2007 (ISBN 978-2-7373-4127-4).
Nous vous proposons la lecture d'un article intitulé « Paris au cœur de la révolution des usages de l'automobile 1884-1908 » de Flonneau Mathieu (Histoire, économie & société, 2007/2 (26e année), p. 61-74). L'auteur mentionne notamment trois documents qui aborderaient la question de cet accueil plutôt mitigé du public face à l'automobile.
" Toutefois, limités à une certaine société, ces usages égoïstes corrélatifs de la « folie furieuse de l’automobilisme » [68] stigmatisée par Léon Bloy, ne tardèrent pas à être occultés par les véritables services rendus par le nouveau mode de traction, même si le débat majeur qui animait la presse continua d’opposer chauffards et autophobes selon un déterminisme social intraitable [69]. À cet égard, ce temps de l’automobile est celui dont la compréhension est sans doute le mieux balisé historiographiquement [70] en raison des nombreux témoignages de contemporains qu’il a suscités [71].
Le nœud de la question demeurait la violence routière nouvelle à laquelle la circulation automobile paraissait laisser libre cours [72].
Notes :
[68] Sa définition (l’automobilisme : « c’est-à-dire le besoin de faire à toute allure, à des vitesses inconnues de nos parents, un nombre incalculable et, quelque fois fantastique de kilomètres ») donnée au début du Congrès de 1900 était, par sa vanité, en contradiction avec l’objectif d’être utile à tous qui avait été fixé liminairement par les congressistes.
[69] Une illustration de Villemot parue dans L’Assiette au beurre donne définitivement le ton manichéen de la controverse.
[70] Depuis le travail de
[71] A. Scheikevitch, Chauffards et autophobes, Publications de la société protectrice contre les excès de l’automobile, 1907 ; Arzamas, Écraseurs, Paris, Albin Michel, 1906 ; Le bon écraseur, film Gaumont, 1908.
[72] Patrick Fridenson, « La société française et les accidents de la route, 1890-1914 », Ethnologie française, n° 3, 1991, p. 306-313. "
Pour aller plus loin :
- La Révolution automobile / Jean-Pierre Bardou, Jean-Jacques Chanaron, Patrick Fridenson, James M. Laux
- L'automobile: Son monde et ses réseaux / Anne-Françoise Garçon
- Compétition et coexistence : la motorisation des transports terrestres et le lent processus de substitution de la traction équine/ Mom Gijs, Le Mouvement Social, 2009/4 (n° 229), p. 13-39.
Bonne journée.
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