Question d'origine :
Bonjour à toutes et à tous,
Je viens de terminer le roman Le grand Coeur de Jean-Christophe Rufin où il fait allusion au statut de "clerc solu" de Jacques Coeur. Pouvez-vous me dire de quoi il s'agit ?
Avec mes vifs remerciements.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 30/04/2018 à 08h31
Bonjour,
Jacques Coeur aurait souhaité bénéficier duprivilège de cléricature afin d'être placé sous la juridiction de l’Église d'échapper ainsi à la torture des hommes du roi ...
Pourquoi "solu " ? Dans le langage du droit canon, on désignait à la fois comme clerc solu celui qui n’avait jamais été marié, ou celui qui, l’ayant été, avait cessé de l’être par la mort de sa femme.
Voici quelques extraits de documents qui pourront vous intéresser :
" A l'époque de sa prospérité, Jacques Cœur avait, peut-être en prévision du sort qui lui était réservé, pris des lettres de tonsure, afin de jouir ainsi, conformément à une coutume du temps,des privilèges de la cléricature et de pouvoir, si on lui intentait jamais un procès criminel, revendiquer la juridiction ecclésiastique [14]. C'est ce qu'il n'avait pas manqué de faire dès le commencement de son procès. On voulut s'assurer s'il était vrai qu'il eût autrefois porté la tonsure et s'il lui était parfois arrivé de s'habiller à la manière des clercs. Un grand nombre de témoins furent interrogés à ce sujet. L'un d'eux, ancien domestique de Jacques Cœur, répondit qu'il ne se souvenait pas de lui avoir vu faire la tonsure. Et au regard de l'habit, il l'avoit vu aucunes fois en robbe courte à my-cuisse, froncée sur l'espaule, pourpoint bandé de rouge et chappeau de veloux, et une fois luy vit chausses rouges. Un autre témoin déposa qu'au moment où Jacques Cœur avait été fait prisonnier, il portait une robe noire à mi-cuisse, des chausses d'un vert obscur, un pourpoint en velours ou satin cramoisi, un chapeau gris, à long poil. Dans d'autres circonstances, il avait vu à Jacques Cœur des chausses d'écarlate et d'autres couleurs, des souliers lacés hors pied et à poulaine. "
[...]
" Le 26 mai, l'évêque de Poitiers tenta un nouvel effort ; il envoya ses vicaires à Lusignan auprès des commissaires pour réclamer, au nom de l'Église, la personne de Jacques Cœur, attendu qu'il était clerc solu. C'était le nom que l'on donnait alors non-seulement à ceux qui n'avaient pas été mariés, mais encore à ceux qui avaient perdu leur femme.
Bonamy, 1er Mémoire, note : voir pièces justificatives, n° 22. — La législation concernant les clercs donnait lieu à de nombreux conflits. A la vérité un mandement de Philippe-Auguste, sans date, au maire de Sens, et aux autres maires et communes, portait quesi quelqu'un estoit arresté sans estre connu pour clerc, et si ensuite l'Église le revendiquoit comme clerc, il lui seroit rendu . (Ordonnances des rois de France, t. I, p. 43.) Mais cette législation avait depuis été modifiée. Voici en effet ce qu'on lit dans un livre écrit au commencement du quinzième siècle, La Somme rural, ou le grand coustumier général de practique, civil et canon : DES CLERCS MARIEZ. La décrétale dit que clerc marié jà fust ce qu'il eust habit et tonsure, s'il s'entremettoit de choses layes, comme de marchandises layes, d'office lay, si ne devroit-il eu ce cas, ni ès pourchas qui pour ce se font, jouir de privillége de clergie ; mais doivent estre par le juge lay à ce contrains et menez comme lays, taillez à taille et esécution, et à tous subsides comme pour lay. Liv. II, titre VII. — D'après ces dispositions, c'est avec juste raison que la juridiction civile n'aurait pas voulu se dessaisir du procès de Jacques Cœur en faveur des tribunaux ecclésiastiques ."
source : JACQUES CŒUR ET CHARLES VII - OU LA FRANCE AU XVe SIÈCLE - TOME SECOND - CHAPITRE IX.
" Il se trouve par ailleurs que le propre frère de Jacques Cœur, Nicolas Cœur avait été représentant du roi auprès de la papauté pendant quelques années. Ce que l'on voulait surtout dans cette sentence que l'on appelle interlocutoire, c'était de savoir si l'accusé pouvait bénéficier, après avoir reçu les ordres ecclésiastiques, d'un privilège de cléricature.
C'était très important parce que l'accusé ne pourrait certainement pas échapper aux hommes du roi puisqu'il y avait lèse-majesté mais s'il y avait la preuve de la cléricature au moment de la reprise des interrogatoires, la question, c'est à dire la torture, serait effectuée sous le contrôle de l'Eglise. Donc il était très important de savoir si Jacques Cœur était clerc ou pas. Il y avait deux moyens assez simples, savoir s'il était tonsuré au moment de son arrestation et savoir s'il portait des vêtements de clerc.
Des témoins sont entendus, dont Jean Vidal, marchand de Narbonne, et la conclusion, c'est qu'il n'était absolument pas clerc et finalement son costume devait être comparable à ce que l'on voit ici dans le décors de la tour centrale,
Il portait une robe courte à mi-cuisse et on a un témoignage qui est particulièrement intéressant, c'est un témoin qui décrit très précisément le costume porté par Jacques Cœur au moment où il est arrêté, costume je dois le dire qui n'a rien à voir avec celui que vous avez vu devant la grande maison avec la statue de Préault.
On peut citer maintenant : "Jacques Cœur a été pris en robe noire courte, mi-cuisse, chausses de vert obscur, pourpoint de velours ou satin cramoisi, chapeau gris, chaussures à poulaines" donc finalement Jacques Cœur ne tire pas profit de cette suspension exception faite de la production de deux saufs conduits pontificaux (Eugène IV en 1446 et Nicolas V en 1448) qui autorisaient sous certaines conditions le trafic avec les infidèles et on arrive à la dernière phase qui est celle des derniers interrogatoires, en mars 1453 au château de Tours.
Ce qui domine tout ça, c'est la mention de la torture ou sa menace, une tentative d'appel et finalement l'effondrement de l'accusé. On peut voir les questions que l'on pose à Jacques Cœur, là ce sont des indications chiffrées, ce sont les articles sur lesquels on interroge Jacques Cœur et là, ce sont les mentions de tortures. Donc la torture est absolument pratiquée. "
source : LA VIE DE JACQUES COEUR (1400 - 1456) / Site des amis de Jacques Coeur
Bonne journée.
Jacques Coeur aurait souhaité bénéficier du
Pourquoi "
Voici quelques extraits de documents qui pourront vous intéresser :
" A l'époque de sa prospérité, Jacques Cœur avait, peut-être en prévision du sort qui lui était réservé, pris des lettres de tonsure, afin de jouir ainsi, conformément à une coutume du temps,
[...]
" Le 26 mai, l'évêque de Poitiers tenta un nouvel effort ; il envoya ses vicaires à Lusignan auprès des commissaires pour réclamer, au nom de l'Église, la personne de Jacques Cœur, attendu qu'
Bonamy, 1er Mémoire, note : voir pièces justificatives, n° 22. — La législation concernant les clercs donnait lieu à de nombreux conflits. A la vérité un mandement de Philippe-Auguste, sans date, au maire de Sens, et aux autres maires et communes, portait que
source : JACQUES CŒUR ET CHARLES VII - OU LA FRANCE AU XVe SIÈCLE - TOME SECOND - CHAPITRE IX.
" Il se trouve par ailleurs que le propre frère de Jacques Cœur, Nicolas Cœur avait été représentant du roi auprès de la papauté pendant quelques années. Ce que l'on voulait surtout dans cette sentence que l'on appelle interlocutoire, c'était de savoir si l'accusé pouvait bénéficier, après avoir reçu les ordres ecclésiastiques, d'un privilège de cléricature.
C'était très important parce que
Des témoins sont entendus, dont Jean Vidal, marchand de Narbonne, et la conclusion, c'est qu'il n'était absolument pas clerc et finalement son costume devait être comparable à ce que l'on voit ici dans le décors de la tour centrale,
Il portait une robe courte à mi-cuisse et on a un témoignage qui est particulièrement intéressant, c'est un témoin qui décrit très précisément le costume porté par Jacques Cœur au moment où il est arrêté, costume je dois le dire qui n'a rien à voir avec celui que vous avez vu devant la grande maison avec la statue de Préault.
On peut citer maintenant : "Jacques Cœur a été pris en robe noire courte, mi-cuisse, chausses de vert obscur, pourpoint de velours ou satin cramoisi, chapeau gris, chaussures à poulaines" donc finalement Jacques Cœur ne tire pas profit de cette suspension exception faite de la production de deux saufs conduits pontificaux (Eugène IV en 1446 et Nicolas V en 1448) qui autorisaient sous certaines conditions le trafic avec les infidèles et on arrive à la dernière phase qui est celle des derniers interrogatoires, en mars 1453 au château de Tours.
Ce qui domine tout ça, c'est la mention de la torture ou sa menace, une tentative d'appel et finalement l'effondrement de l'accusé. On peut voir les questions que l'on pose à Jacques Cœur, là ce sont des indications chiffrées, ce sont les articles sur lesquels on interroge Jacques Cœur et là, ce sont les mentions de tortures. Donc la torture est absolument pratiquée. "
source : LA VIE DE JACQUES COEUR (1400 - 1456) / Site des amis de Jacques Coeur
Bonne journée.
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