Question d'origine :
JBonjour, je souhaite me faire une idée sur le numérique à l'école maternelle, quels sont les arguments pour, ceux contre merci
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 21/04/2018 à 13h25
Bonjour,
La question de l’usage du numérique à l’école est un des grands débats de notre époque. Son entrée dans les classes de maternelles est déjà actée dans les programmes :
« Parmi les nombreux éléments qui composent les nouveaux programmes de la Maternelle, on remarque la présence d’une section entièrement consacrée aux outils numériques. Il sera désormais attendu des élèves qu’ils sachent « utiliser » un ordinateur, une tablette et un appareil photo numérique avant leur entrée en CP. Bien entendu, il est question d’une utilisation de base, telle que manipuler une souris ou agir sur une tablette. »
(Source : ww2.ac-poitiers.fr)
Les partisans du numérique à l’école considèrent que celui-ci a une double fonction en maternelle : outil d’apprentissages pour les élèves, il est aussi un outil de communication avec les familles – à travers des plateformes permettant aux parents d’assister à distance à la vie de classe et de suivre les progrès des enfants.
2 Proposer un autre usage de la tablette que celui de la « «simple consommation de jeux et de vidéos» en utilisant cet outil
comme outil de création.
« Sur les acquis des élèves :
Motivation et implication des élèves, confiance et plaisir !
Qualité et pertinence des échanges langagiers lors des productions orales de présentations.
Sur les pratiques des enseignants :
Renforcement de la cohésion des enseignants et du travail d’équipe malgré l'éloignement géographique des structures (RPI)
Ouverture vers de nouvelles modalités de travail et d'apprentissage.
Sur le leadership et les relations professionnelles :
Renforcement du travail d'équipe.
Valorisation du projet par l’Inspecteur de circonscription et la communauté de communes.
Participation aux temps de formation locale et départementale.
[…]
Sur l'école / l'établissement :
Les parents apprécient de voir que leurs enfants bénéficient des dernières innovations technologiques.
Implication de la communauté éducative. (projet fédérateur offrant bonne lisibilité à une école maternelle isolée)
Plus généralement, sur l'environnement :
Un regard plus juste et valorisant sur le travail réalisé à l'école maternelle »
(Source : eduscol.education.fr)
Les auteurs précisent toutefois :
« Mais attention ! L'utilisation des tablettes n'est pas une fin en soi, c'est un outil supplémentaire, un complément d'apprentissage. Avec des enfants de cet âge, les phases de manipulation, les interactions sensorielles (toucher, voir, entendre bouger) restent la priorité ! »
Car le numérique utilisé à mauvais escient ou en excès peuvent avoir des conséquences cognitives, sociales et psychiques indésirables.
La faculté de Sciences de l’éducation de l’Université de Grenoble a mis en ligne une synthèse approfondissant ces questions. Y sont d’abord listés les arguments pour et contre le numérique à l’école :
«Arguments positifs :
Le numérique permet de connecter l’école et la maison, puisque les mêmes appareils, et parfois les mêmes contenus, s’y retrouvent ;
Les programmes (et les activités afférentes) sont enrichis par l’usage du numérique ;
Le numérique est de toute façon bien plus utilisé à la maison qu’à l’école mais pour le loisir, en tant que « jouets » ;
Le numérique peut combler les possibles fractures sociales ou de genre.
Arguments négatifs :
Un enfant de 4-10 ans regarde plus la télévision que les 11-14 (2 h 13 vs. 2 h 09, source CSA) ;
L’usage intensif du numérique peut gêner le développement des enfants (obésité, retard de langage, communication) ;
L’usage intensif du numérique peut gêner le développement des enfants (obésité, retard de langage, communication) ;
Le numérique est déjà utilisé au quotidien, donc il n’est pas nécessaire qu’elles apparaissent à l’EM ;
Les enfants de moins de 6 ans n’ont pas suffisamment de recul pour interpréter ce qu’ils voient à l’écran.
[...]
Les enseignants utilisant le numérique à l’école (et ce quel que soit le niveau) se rendent souvent compte de la grande attention des élèves à leur propos. Cette attention peut être principalement due au fait de leur nouveauté. Hayles oppose par exemple « attention profonde » et « hyper-attention ». L’hyper-attention est le résultat d’une hyper-stimulation et mène rapidement à de l’ennui, voire à de l’hyperactivité. De plus, cela entraîne chez des élèves une surcharge cognitive : leur présenter, de manière intensive, des images, des messages audio, des vidéos, des animations... Jusqu’à quel point l’auditoire est-il multi-tâches pour tout assimiler ? Ces informations ne surchargent-elles pas leur attention et leur mémoire de travail ?
Seconde question : quel est l’effet de l’écran sur les moins de trois ans ? Il existe un phénomène que l’on appelle le risque d’attachement. C’est une théorie psychologique qui a été avancée dans les années 1950 par Konrad Lorenz et Harry Harlow dans les années 1960-70. L’enfant a besoin de s’attacher en particulier à sa mère ou à son père. Un objet peut devenir une substitution pour cet attachement. S’il reste trop devant l’écran dans les premières années de sa vie, il y a un risque qu’il s’y attache avec des conséquences assez graves de troubles psycho-affectifs touchant l’émotion, de mémoire limitée, une incapacité à supporter la séparation, etc. »
De plus, on peut noter que les outils numériques, du fait de leur contexte de production, sont pensés pour aider les enfants à devenir non des citoyens, mais des… consommateurs :
« Pour finir, il faut noter que la plupart des marques sur le marché ont intérêt à créer chez les élèves et enseignants des habitudes de consommation, un rapport avec les marques. Celles-ci sont très habiles, elles ne vous vendent plus des produits isolés, mais insérés dans un médiamix : on ne va pas vendre un produit à un seul niveau, mais un ordinateur avec ses multiples produits dérivés (T-shirts, livres, casquettes, films, etc.). Cela insère l’enfant dans un « schéma narratif global » qui lui donnera l’impression de faire des choses avec telle ou telle marque. Il ne voit plus les marques, il est dans les marques. Les rapports européens sont tout à fait précis sur ce point-là : ils parlent d’achat. De Selys et Hirtt [dSH98] montrent que parfois l’École se vend et vend, selon l’expression maintenant classique “du temps de cerveau disponible” pour faire de futurs consommateurs plutôt que de futurs connaisseurs. »
Pour Isabelle Gravillon, les jeux d’apprentissage traditionnels doivent, quoi qu’il arrive, rester à la base de l’éducation :
« Il ne s’agit pas d’exclure les jeux numériques, mais de ne pas les proposer trop tôt. « Une tablette tactile exerce une telle fascination sur un petit enfant qu’elle risque de lui faire oublier tous ses autres jouets, remarque Catherine Jousselme, pédopsychiatre.
Surtout, elle ne laisse aucune place à la rêverie, à la différence des cubes ou de la toupie, par exemple, qu’il peut parfois manipuler en pensant à autre chose. » D’où l’importance de préserver les jeux classiques qui, à chaque âge, apportent leur lot de bénéfices. »
(« L’Ecole des parents » n°605, à lire sur cairn.info)
Pour aller plus loin :
- L'enfant et les écrans : un avis de l'Académie des sciences / rédigé par Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna... [et al.]
- Faut-il interdire les écrans aux enfants ? / Bernard Stiegler, Serge Tisseron; entretiens réalisés par Thierry Steiner
Les écrans et nos enfants [Livre] : plaisir ou dépendance ? / Marie-France Le Heuzey ; avec la collaboration du Dr. Sara Bahadori
La tablette en petite section de maternelle [Livre] : journal de bord d'une enseignante / Marie Saliou-Guilvarch
Bonne journée.
La question de l’usage du numérique à l’école est un des grands débats de notre époque. Son entrée dans les classes de maternelles est déjà actée dans les programmes :
« Parmi les nombreux éléments qui composent les nouveaux programmes de la Maternelle, on remarque la présence d’une section entièrement consacrée aux outils numériques. Il sera désormais attendu des élèves qu’ils sachent « utiliser » un ordinateur, une tablette et un appareil photo numérique avant leur entrée en CP. Bien entendu, il est question d’une utilisation de base, telle que manipuler une souris ou agir sur une tablette. »
(Source : ww2.ac-poitiers.fr)
Les partisans du numérique à l’école considèrent que celui-ci a une double fonction en maternelle : outil d’apprentissages pour les élèves, il est aussi un outil de communication avec les familles – à travers des plateformes permettant aux parents d’assister à distance à la vie de classe et de suivre les progrès des enfants.
2 Proposer un autre usage de la tablette que celui de la « «simple consommation de jeux et de vidéos» en utilisant cet outil
comme outil de création.
« Sur les acquis des élèves :
Motivation et implication des élèves, confiance et plaisir !
Qualité et pertinence des échanges langagiers lors des productions orales de présentations.
Renforcement de la cohésion des enseignants et du travail d’équipe malgré l'éloignement géographique des structures (RPI)
Ouverture vers de nouvelles modalités de travail et d'apprentissage.
Renforcement du travail d'équipe.
Valorisation du projet par l’Inspecteur de circonscription et la communauté de communes.
Participation aux temps de formation locale et départementale.
[…]
Les parents apprécient de voir que leurs enfants bénéficient des dernières innovations technologiques.
Implication de la communauté éducative. (projet fédérateur offrant bonne lisibilité à une école maternelle isolée)
Un regard plus juste et valorisant sur le travail réalisé à l'école maternelle »
(Source : eduscol.education.fr)
Les auteurs précisent toutefois :
«
Car le numérique utilisé à mauvais escient ou en excès peuvent avoir des conséquences cognitives, sociales et psychiques indésirables.
La faculté de Sciences de l’éducation de l’Université de Grenoble a mis en ligne une synthèse approfondissant ces questions. Y sont d’abord listés les arguments pour et contre le numérique à l’école :
«
Le numérique permet de connecter l’école et la maison, puisque les mêmes appareils, et parfois les mêmes contenus, s’y retrouvent ;
Les programmes (et les activités afférentes) sont enrichis par l’usage du numérique ;
Le numérique est de toute façon bien plus utilisé à la maison qu’à l’école mais pour le loisir, en tant que « jouets » ;
Le numérique peut combler les possibles fractures sociales ou de genre.
Un enfant de 4-10 ans regarde plus la télévision que les 11-14 (2 h 13 vs. 2 h 09, source CSA) ;
L’usage intensif du numérique peut gêner le développement des enfants (obésité, retard de langage, communication) ;
L’usage intensif du numérique peut gêner le développement des enfants (obésité, retard de langage, communication) ;
Le numérique est déjà utilisé au quotidien, donc il n’est pas nécessaire qu’elles apparaissent à l’EM ;
Les enfants de moins de 6 ans n’ont pas suffisamment de recul pour interpréter ce qu’ils voient à l’écran.
[...]
Les enseignants utilisant le numérique à l’école (et ce quel que soit le niveau) se rendent souvent compte de la grande attention des élèves à leur propos. Cette attention peut être principalement due au fait de leur nouveauté. Hayles oppose par exemple « attention profonde » et « hyper-attention ». L’hyper-attention est le résultat d’une hyper-stimulation et mène rapidement à de l’ennui, voire à de l’hyperactivité. De plus, cela entraîne chez des élèves une surcharge cognitive : leur présenter, de manière intensive, des images, des messages audio, des vidéos, des animations... Jusqu’à quel point l’auditoire est-il multi-tâches pour tout assimiler ? Ces informations ne surchargent-elles pas leur attention et leur mémoire de travail ?
Seconde question : quel est l’effet de l’écran sur les moins de trois ans ? Il existe un phénomène que l’on appelle le risque d’attachement. C’est une théorie psychologique qui a été avancée dans les années 1950 par Konrad Lorenz et Harry Harlow dans les années 1960-70. L’enfant a besoin de s’attacher en particulier à sa mère ou à son père. Un objet peut devenir une substitution pour cet attachement. S’il reste trop devant l’écran dans les premières années de sa vie, il y a un risque qu’il s’y attache avec des conséquences assez graves de troubles psycho-affectifs touchant l’émotion, de mémoire limitée, une incapacité à supporter la séparation, etc. »
De plus, on peut noter que les outils numériques, du fait de leur contexte de production, sont pensés pour aider les enfants à devenir non des citoyens, mais des… consommateurs :
« Pour finir, il faut noter que la plupart des marques sur le marché ont intérêt à créer chez les élèves et enseignants des habitudes de consommation, un rapport avec les marques. Celles-ci sont très habiles, elles ne vous vendent plus des produits isolés, mais insérés dans un médiamix : on ne va pas vendre un produit à un seul niveau, mais un ordinateur avec ses multiples produits dérivés (T-shirts, livres, casquettes, films, etc.). Cela insère l’enfant dans un « schéma narratif global » qui lui donnera l’impression de faire des choses avec telle ou telle marque. Il ne voit plus les marques, il est dans les marques. Les rapports européens sont tout à fait précis sur ce point-là : ils parlent d’achat. De Selys et Hirtt [dSH98] montrent que parfois l’École se vend et vend, selon l’expression maintenant classique “du temps de cerveau disponible” pour faire de futurs consommateurs plutôt que de futurs connaisseurs. »
Pour Isabelle Gravillon, les jeux d’apprentissage traditionnels doivent, quoi qu’il arrive, rester à la base de l’éducation :
« Il ne s’agit pas d’exclure les jeux numériques, mais de ne pas les proposer trop tôt. « Une tablette tactile exerce une telle fascination sur un petit enfant qu’elle risque de lui faire oublier tous ses autres jouets, remarque Catherine Jousselme, pédopsychiatre.
Surtout, elle ne laisse aucune place à la rêverie, à la différence des cubes ou de la toupie, par exemple, qu’il peut parfois manipuler en pensant à autre chose. » D’où l’importance de préserver les jeux classiques qui, à chaque âge, apportent leur lot de bénéfices. »
(« L’Ecole des parents » n°605, à lire sur cairn.info)
- L'enfant et les écrans : un avis de l'Académie des sciences / rédigé par Jean-François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna... [et al.]
- Faut-il interdire les écrans aux enfants ? / Bernard Stiegler, Serge Tisseron; entretiens réalisés par Thierry Steiner
Les écrans et nos enfants [Livre] : plaisir ou dépendance ? / Marie-France Le Heuzey ; avec la collaboration du Dr. Sara Bahadori
La tablette en petite section de maternelle [Livre] : journal de bord d'une enseignante / Marie Saliou-Guilvarch
Bonne journée.
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