Question d'origine :
Bonjour,
Deux questions sur les papes et la papauté :
1°) on parle d'"ordination" de prêtres. Parle-t-on de même d'ordination de papes ? Et que cela signifie-t-il étymologiquement ? Ordonné par qui ? Par l'homme, par Dieu ?
2°) une question plus circonstancielle : un pape a-t-il été "ordonné" pape en présence de sa mère ou de son père au cours de l'histoire. J'imagine dans ce cas (probable au cours des 2 millénaires de chrétienté) la fierté du papa ou de la maman...
3°) en cas d'empêchement (folie, mort...) qui reprend les rênes dans l'attente du choix d'un nouveau pape ? (comme le président du Sénat dans le cas de la mort du président de la république française)
MERCI
Guillaume
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/03/2018 à 12h10
Bonjour,
1°) on parle d'"ordination" de prêtres. Parle-t-on de même d'ordination de papes ? Et que cela signifie-t-il étymologiquement ? Ordonné par qui ? Par l'homme, par Dieu ?
« Ordination » vient du latin ordinatio « action de disposer, de mettre en ordre. Fréquemment employé par les auteurs chrétiens à propos de l’action de donner le sacrement de l’ordre et de l’installation d’un autel dans une église (en parlant d’un évêque) » (Source : Dictionnaire historique de la langue française, d’Alain Rey). En effet, l’ordination, pour les catholiques et les orthodoxes, est un des 7 sacrements de l’Eglise, celui du sacerdoce chrétien.
Les mots du christianisme l’indique clairement : « ce terme est réservé à l’incorporation à l’ordre des évêques, des presbytes, ou prêtres, et des diacres, car l’ordination confère un don du Saint Esprit qui habilite à exercer la sacra potestas, “pouvoir sacré” ».
Le pape, lui, sélectionné au sein des cardinaux (évêques ou prêtres), est élu et non ordonné. Cependant, dans le cas où le pape élu ne serait pas évêque, la constitution apostolique Universi Dominici Gregis, prévoit toute de même une ordination épiscopale immédiate.
Son élection a lieu durant un conclave, « réunion des cardinaux de moins de quatre-vingts ans […]. Ils restent enfermés et coupés de l’extérieur tant que l’un d’eux n’a pas atteint le quorum requis et accepté la charge. Depuis le XVIe siècle, les conclaves se tiennent dans la chapelle Sixtine ».
Vous retrouverez le déroulé détaillé de ce processus en lisant la réponse du Guichet à une précédente question sur le sujet.
Sur le fait que le processus d’élection soit tenu secret, nous vous conseillons aussi la lecture d’une autre réponse du Guichet du savoir. Elle vous livrera aussi de précieux éléments sur l’évolution historique de cette institution.
2°) une question plus circonstancielle : un pape a-t-il été "ordonné" pape en présence de sa mère ou de son père au cours de l'histoire. J'imagine dans ce cas (probable au cours des 2 millénaires de chrétienté) la fierté du papa ou de la maman...
Il nous est difficile (a fortiori dans le temps qui nous est imparti) d’apporter une réponse définitive à cette question. En revanche, l’histoire des conclaves nous entraine à penser que les parents ne pouvaient pas avoir assisté à l’élection à proprement parler.
En effet, dès 1059, l’élection du souverain pontife est réservée au collège des Cardinaux et non plus, comme précédemment, au clergé romain et la noblesse. Deux siècles plus tard, la règle allait se durcir encore :
A la mort de Clément IV en 1268, s’ouvrit ce qui allait devenir le conclave le plus long de l’histoire. Il fallut presque 3 ans pour élire Grégoire X !
Yves Chiron, dans son Histoire des conclaves précise : « une tradition historiographique, relayée encore par des publications récentes, affirme que “les autorités viterboises [de Viterbe, ville italienne où se tint le conclave], après plusieurs mois d’attente vaine, enfermèrent les électeurs dans le palais épiscopal, puis firent murer tous les accès et enfin réduisirent les cardinaux au pain et à l’eau”. Un document inédit, mis à jour il y a une vingtaine d’année, montre que l’épisode fut plus complexe que ne le dit la tradition, qui parle d’enfermement, et moins sévère que ne le dit la légende ».
En réalité, l’enfermement des cardinaux fut pour partie volontaire. Reste qu’à partir de cette élection, on peut littéralement parler de conclave, qui étymologiquement, désigne une pièce fermée cum – clave : à clé. Dès lors, il semble raisonnable de pronostiquer que les parents des tous les futurs papes ne seront pas admis dans le lieu de l’élection de leur fiston et devront se contenter de la déclaration du cardinal protodiacre : habemus papam !
En revanche, il n’est pas impossible que les parents du pape soient présents lors du couronnement pontifical. Depuis le XIVe siècle, il s’agit, comme l’indique le Dictionnaire historique de la papauté, de « l’ensemble des actes liturgiques qui installent dans sa charge un pape nouvellement élu ». Le couronnement donne lieu à une procession qui donne à voir à tous les spectateurs le nouveau Pape élu. De même, le couronnement en tant que tel, à partir du XVIe siècle et jusqu’au XIXe siècle, où le pape est notamment coiffé de la Tiare, a lieu sur les marches de Saint-Pierre où les spectateurs peuvent se masser. Enfin, « lors de sa première bénédiction solennelle sur la Place Saint Pierre, le peuple acclame le nouveau pape »... L'occasion pour les parents de laisser éclater leur fierté ?
La situation est sans doute différente dans les premiers temps de l’institution apostolique, avant la réforme du XIIIe siècle évoquée plus haut et qui instaure le conclave au sens strict. Dans le dictionnaire historique de la papauté, Philippe Levillain explique que « dès la fin du IIe siècle, […] il fallut régler le mode d’investiture de l’évêque [de Rome, qui n’est autre que le pape en personne]. Au début il était élu le dimanche, à l’occasion du rassemblement de la communauté pour célébrer l’eucharistie, par les croyants, clercs et laïcs confondus. Ensuite, plusieurs évêques des environs de Rome, le consacraient par l’imposition des mains en implorant pour lui la protection de Dieu. On ignore où avait lieu l’élection et la consécration car il n’y avait pas encore à cette époque de titre épiscopal à Rome. A partir de l’année 400 environ, tous les actes d’investiture se déroulèrent au Latran […]. Désormais, élection et consécration furent séparés dans le temps ».
3°) en cas d'empêchement (folie, mort...) qui reprend les rênes dans l'attente du choix d'un nouveau pape ? (comme le président du Sénat dans le cas de la mort du président de la république française)
Le site eglise.catholique.fr est clair à ce sujet : « Pendant le temps de la vacance, le gouvernement de l’Église revient à l’assemblée des cardinaux, réunie en Congrégation générale ».
Cette période, appelée aussi sede vacante (siège vacant), ne peut donner lieu à de grandes réformes puisqu’en effet, « le principe essentiel est qu’alors, nihil innovetur, “rien ne doit être innové [dans le gouvernement de l’Eglise universelle” ».
Cependant, la gestion matérielle et administrative du Saint-Siège ainsi que de ses biens temporels est assurée par le Camerlingue (de l’italien chambellan) assisté de trois cardinaux.
La plupart des cas de figures a été imaginée par la doctrine catholique : hérésie, folie, mort…
Mais que se passerait-il si le pape fraichement élu décidait de fuir… ?
« Ordination » vient du latin ordinatio « action de disposer, de mettre en ordre. Fréquemment employé par les auteurs chrétiens à propos de l’action de donner le sacrement de l’ordre et de l’installation d’un autel dans une église (en parlant d’un évêque) » (Source : Dictionnaire historique de la langue française, d’Alain Rey). En effet, l’ordination, pour les catholiques et les orthodoxes, est un des 7 sacrements de l’Eglise, celui du sacerdoce chrétien.
Les mots du christianisme l’indique clairement : « ce terme est réservé à l’incorporation à l’ordre des évêques, des presbytes, ou prêtres, et des diacres, car l’ordination confère un don du Saint Esprit qui habilite à exercer la sacra potestas, “pouvoir sacré” ».
Le pape, lui, sélectionné au sein des cardinaux (évêques ou prêtres), est élu et non ordonné. Cependant, dans le cas où le pape élu ne serait pas évêque, la constitution apostolique Universi Dominici Gregis, prévoit toute de même une ordination épiscopale immédiate.
Son élection a lieu durant un conclave, « réunion des cardinaux de moins de quatre-vingts ans […]. Ils restent enfermés et coupés de l’extérieur tant que l’un d’eux n’a pas atteint le quorum requis et accepté la charge. Depuis le XVIe siècle, les conclaves se tiennent dans la chapelle Sixtine ».
Vous retrouverez le déroulé détaillé de ce processus en lisant la réponse du Guichet à une précédente question sur le sujet.
Sur le fait que le processus d’élection soit tenu secret, nous vous conseillons aussi la lecture d’une autre réponse du Guichet du savoir. Elle vous livrera aussi de précieux éléments sur l’évolution historique de cette institution.
Il nous est difficile (a fortiori dans le temps qui nous est imparti) d’apporter une réponse définitive à cette question. En revanche, l’histoire des conclaves nous entraine à penser que les parents ne pouvaient pas avoir assisté à l’élection à proprement parler.
En effet, dès 1059, l’élection du souverain pontife est réservée au collège des Cardinaux et non plus, comme précédemment, au clergé romain et la noblesse. Deux siècles plus tard, la règle allait se durcir encore :
A la mort de Clément IV en 1268, s’ouvrit ce qui allait devenir le conclave le plus long de l’histoire. Il fallut presque 3 ans pour élire Grégoire X !
Yves Chiron, dans son Histoire des conclaves précise : « une tradition historiographique, relayée encore par des publications récentes, affirme que “les autorités viterboises [de Viterbe, ville italienne où se tint le conclave], après plusieurs mois d’attente vaine, enfermèrent les électeurs dans le palais épiscopal, puis firent murer tous les accès et enfin réduisirent les cardinaux au pain et à l’eau”. Un document inédit, mis à jour il y a une vingtaine d’année, montre que l’épisode fut plus complexe que ne le dit la tradition, qui parle d’enfermement, et moins sévère que ne le dit la légende ».
En réalité, l’enfermement des cardinaux fut pour partie volontaire. Reste qu’à partir de cette élection, on peut littéralement parler de conclave, qui étymologiquement, désigne une pièce fermée cum – clave : à clé. Dès lors, il semble raisonnable de pronostiquer que les parents des tous les futurs papes ne seront pas admis dans le lieu de l’élection de leur fiston et devront se contenter de la déclaration du cardinal protodiacre : habemus papam !
En revanche, il n’est pas impossible que les parents du pape soient présents lors du couronnement pontifical. Depuis le XIVe siècle, il s’agit, comme l’indique le Dictionnaire historique de la papauté, de « l’ensemble des actes liturgiques qui installent dans sa charge un pape nouvellement élu ». Le couronnement donne lieu à une procession qui donne à voir à tous les spectateurs le nouveau Pape élu. De même, le couronnement en tant que tel, à partir du XVIe siècle et jusqu’au XIXe siècle, où le pape est notamment coiffé de la Tiare, a lieu sur les marches de Saint-Pierre où les spectateurs peuvent se masser. Enfin, « lors de sa première bénédiction solennelle sur la Place Saint Pierre, le peuple acclame le nouveau pape »... L'occasion pour les parents de laisser éclater leur fierté ?
La situation est sans doute différente dans les premiers temps de l’institution apostolique, avant la réforme du XIIIe siècle évoquée plus haut et qui instaure le conclave au sens strict. Dans le dictionnaire historique de la papauté, Philippe Levillain explique que « dès la fin du IIe siècle, […] il fallut régler le mode d’investiture de l’évêque [de Rome, qui n’est autre que le pape en personne]. Au début il était élu le dimanche, à l’occasion du rassemblement de la communauté pour célébrer l’eucharistie, par les croyants, clercs et laïcs confondus. Ensuite, plusieurs évêques des environs de Rome, le consacraient par l’imposition des mains en implorant pour lui la protection de Dieu. On ignore où avait lieu l’élection et la consécration car il n’y avait pas encore à cette époque de titre épiscopal à Rome. A partir de l’année 400 environ, tous les actes d’investiture se déroulèrent au Latran […]. Désormais, élection et consécration furent séparés dans le temps ».
Le site eglise.catholique.fr est clair à ce sujet : « Pendant le temps de la vacance, le gouvernement de l’Église revient à l’assemblée des cardinaux, réunie en Congrégation générale ».
Cette période, appelée aussi sede vacante (siège vacant), ne peut donner lieu à de grandes réformes puisqu’en effet, « le principe essentiel est qu’alors, nihil innovetur, “rien ne doit être innové [dans le gouvernement de l’Eglise universelle” ».
Cependant, la gestion matérielle et administrative du Saint-Siège ainsi que de ses biens temporels est assurée par le Camerlingue (de l’italien chambellan) assisté de trois cardinaux.
La plupart des cas de figures a été imaginée par la doctrine catholique : hérésie, folie, mort…
Mais que se passerait-il si le pape fraichement élu décidait de fuir… ?
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