Question d'origine :
Je voudrais savoir la différence entre un protestant un janséniste et un jésuite.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 22/02/2018 à 17h22
Bonjour,
Le jansénisme est un mouvement et une doctrine catholique que l’on peut qualifier de rigoriste et réactionnaire, qui se développe essentiellement en France au XVIIe et XVIIIe siècles. Il émerge à la suite de la condamnation par le Pape Urbain VIII d’un ouvrage de Cornelius Jansénius publié en 1639 intitulé Augustinus, qui évoque notamment un sujet théologique alors très sensible, celui de la prédestination. Jansénius y soutient que « depuis le péché originel, la volonté de l’homme n’est capable que du mal, que seule l’action de Dieu, dite encore « la grâce efficace », et sans intervention de la volonté humaine, permet de préférer la délectation céleste à la délectation terrestre, enfin que cette grâce est irrésistible et n’est pas accordée à tous les hommes mais aux seuls élus » (cf. Dictionnaire de la civilisation chrétienne, Fernand Comte, page 522). En cela, Jansénius et ses disciples s’opposent au Concordia du Jésuite Luis Molina, paru en 1588, pour qui la prédestination repose sur les mérites, « laissant ainsi une grande place à la libre volonté de l’homme » (op. cit.). Cette question oppose donc directement Jésuites et Jansénistes, et la discorde s’étendra bientôt à d’autres sujets : la communion fréquente, la morale laxiste des Jésuites et la défense de la vertu.
Les Jésuites sont les membres de la Compagnie de Jésus (ou Société de Jésus), un ordre religieux catholique fondé par Ignace de Loyola en 1534. Contrairement aux Jansénistes et aux Protestants, ils font un vœu particulier d’obéissance au pape et ils reçoivent d’ailleurs rapidement l’assentiment de l’Eglise de Rome et du pape Paul III, dès 1540. Les Jésuites se feront notamment une mission de combattre le protestantisme. Ignace de Loyola sera d’ailleurs l’un des fers de lance de la Contre-Réforme visant à le faire disparaitre. Ils subirent toutefois l’influence grandissante du jansénisme, du gallicanisme et du parlementarisme, ainsi que les attaques des philosophes de l’Encyclopédie et en France comme au Portugal, en Espagne, au duché de Parme et au royaume des Deux-Siciles, la Compagnie de Jésus est mise au ban : « le Parlement déclara la Compagnie incompatible avec tout Etat en 1762 » (Les mots du Christianisme , Dominique le Tourneau, page 342). Devant les revendications des cours européennes, le pape Clément XIV supprime l’ordre en 1773. Il ne sera rétabli qu'en 1814 par Pie VII.
Le protestantisme est l’une des confessions du christianisme issue de la Réforme engagée par Luther à partir de 1517. Il défend notamment l’Ecriture comme seule et unique autorité à l’exclusion de la Tradition, des Pères de l’Eglise, des papes et des conciles, ainsi que le dogme de la « grâce seule », qui permet d’obtenir le salut, quelles que soient les actions des baptisés. En cela, on peut considérer à première vue que le jansénisme se rapproche du protestantisme par son gallicanisme (une doctrine qui conçoit une organisation de l’Eglise dégagée de l’autorité séculière voire spirituelle du pape), ainsi que sa conception de la Bible comme référence théologique principale et sa conception de la prédestination et de la grâce. Le théologien André Gounelle explique que les protestants ont longtemps vu dans le jansénisme « une histoire parente de la leur, en dépit de différences importantes, et une théologie à la fois proche de celle de la Réforme sur certains points et éloignée sur d’autres. Ils ont été fascinés par cet étrange mélange de similitudes et d’oppositions, de proximité et de distance, de parallélismes et de contrastes ».
Pourtant, en dépit de convergences doctrinales, les jansénistes ont participé avec ferveur à l’anti-protestantisme, notamment Antoine Arnauld (1612-1694), d’autant plus que « les jésuites les accusaient de calvinisme pour mieux les disqualifier. Il y a, en effet, toujours eu, au sein de l’Église romaine, un soupçon de connivence entre jansénistes et protestants. Il explique l’expression de « calvinisme rebouilli » attribuée à Mazarin ou cette définition formulée par un jésuite et rapportée par Sainte-Beuve : « Un janséniste est un calviniste disant la messe. » (op. cit.).
Même sur la question de la prédestination, on relève des divergences quant à ses conséquences. Ainsi, « pour le calvinisme, la prédestination engendre une certitude intérieure totale et s’avère productrice en termes d’activité humaine, dans une prise en charge responsable du monde en sa sécularité. Pour un janséniste, la liberté souveraine du Dieu caché implique qu’il peut retirer sa grâce. Cette incertitude entraîne une vision tragique du monde, poussant le fidèle janséniste dans ce que René Taveneaux a appelé « l’héroïsme de la sainteté », qui doit se vivre dans l’idéal de la retraite et dans une pratique de la fuite du monde. » (op. cit.)
De même, si l’on relève des similitudes quant à leur conception de l’organisation de l’Eglise, « sur la sacramentalité, en particulier sur l’eucharistie, les positions sont inconciliables » et Pascal, qui défend le jansénisme, écrit : " « Tout le monde sait, mes Pères, que l’hérésie de Genève consiste essentiellement à croire que Jésus-Christ n’est point enfermé dans ce sacrement ; […] Voilà ce qui nous fait abhorrer les calvinistes. » À cet égard, le jansénisme reste une théologie catholique de la présence et de l’incorporation opposée à une théologie de la parole et de l’absence." (op. cit.)
Pour aller plus loin :
Histoire du jansénisme
Histoire du protestantisme
Quelles sont les différences entre les jésuites et les jansénistes ?
Jésuites et protestants
Jésuites et protestants XVIe-XXe siècles – colloque – Lyon, 24-25 mai 2018
Le jansénisme est un mouvement et une doctrine catholique que l’on peut qualifier de rigoriste et réactionnaire, qui se développe essentiellement en France au XVIIe et XVIIIe siècles. Il émerge à la suite de la condamnation par le Pape Urbain VIII d’un ouvrage de Cornelius Jansénius publié en 1639 intitulé Augustinus, qui évoque notamment un sujet théologique alors très sensible, celui de la prédestination. Jansénius y soutient que « depuis le péché originel, la volonté de l’homme n’est capable que du mal, que seule l’action de Dieu, dite encore « la grâce efficace », et sans intervention de la volonté humaine, permet de préférer la délectation céleste à la délectation terrestre, enfin que cette grâce est irrésistible et n’est pas accordée à tous les hommes mais aux seuls élus » (cf. Dictionnaire de la civilisation chrétienne, Fernand Comte, page 522). En cela, Jansénius et ses disciples s’opposent au Concordia du Jésuite Luis Molina, paru en 1588, pour qui la prédestination repose sur les mérites, « laissant ainsi une grande place à la libre volonté de l’homme » (op. cit.). Cette question oppose donc directement Jésuites et Jansénistes, et la discorde s’étendra bientôt à d’autres sujets : la communion fréquente, la morale laxiste des Jésuites et la défense de la vertu.
Les Jésuites sont les membres de la Compagnie de Jésus (ou Société de Jésus), un ordre religieux catholique fondé par Ignace de Loyola en 1534. Contrairement aux Jansénistes et aux Protestants, ils font un vœu particulier d’obéissance au pape et ils reçoivent d’ailleurs rapidement l’assentiment de l’Eglise de Rome et du pape Paul III, dès 1540. Les Jésuites se feront notamment une mission de combattre le protestantisme. Ignace de Loyola sera d’ailleurs l’un des fers de lance de la Contre-Réforme visant à le faire disparaitre. Ils subirent toutefois l’influence grandissante du jansénisme, du gallicanisme et du parlementarisme, ainsi que les attaques des philosophes de l’Encyclopédie et en France comme au Portugal, en Espagne, au duché de Parme et au royaume des Deux-Siciles, la Compagnie de Jésus est mise au ban : « le Parlement déclara la Compagnie incompatible avec tout Etat en 1762 » (Les mots du Christianisme , Dominique le Tourneau, page 342). Devant les revendications des cours européennes, le pape Clément XIV supprime l’ordre en 1773. Il ne sera rétabli qu'en 1814 par Pie VII.
Le protestantisme est l’une des confessions du christianisme issue de la Réforme engagée par Luther à partir de 1517. Il défend notamment l’Ecriture comme seule et unique autorité à l’exclusion de la Tradition, des Pères de l’Eglise, des papes et des conciles, ainsi que le dogme de la « grâce seule », qui permet d’obtenir le salut, quelles que soient les actions des baptisés. En cela, on peut considérer à première vue que le jansénisme se rapproche du protestantisme par son gallicanisme (une doctrine qui conçoit une organisation de l’Eglise dégagée de l’autorité séculière voire spirituelle du pape), ainsi que sa conception de la Bible comme référence théologique principale et sa conception de la prédestination et de la grâce. Le théologien André Gounelle explique que les protestants ont longtemps vu dans le jansénisme « une histoire parente de la leur, en dépit de différences importantes, et une théologie à la fois proche de celle de la Réforme sur certains points et éloignée sur d’autres. Ils ont été fascinés par cet étrange mélange de similitudes et d’oppositions, de proximité et de distance, de parallélismes et de contrastes ».
Pourtant, en dépit de convergences doctrinales, les jansénistes ont participé avec ferveur à l’anti-protestantisme, notamment Antoine Arnauld (1612-1694), d’autant plus que « les jésuites les accusaient de calvinisme pour mieux les disqualifier. Il y a, en effet, toujours eu, au sein de l’Église romaine, un soupçon de connivence entre jansénistes et protestants. Il explique l’expression de « calvinisme rebouilli » attribuée à Mazarin ou cette définition formulée par un jésuite et rapportée par Sainte-Beuve : « Un janséniste est un calviniste disant la messe. » (op. cit.).
Même sur la question de la prédestination, on relève des divergences quant à ses conséquences. Ainsi, « pour le calvinisme, la prédestination engendre une certitude intérieure totale et s’avère productrice en termes d’activité humaine, dans une prise en charge responsable du monde en sa sécularité. Pour un janséniste, la liberté souveraine du Dieu caché implique qu’il peut retirer sa grâce. Cette incertitude entraîne une vision tragique du monde, poussant le fidèle janséniste dans ce que René Taveneaux a appelé « l’héroïsme de la sainteté », qui doit se vivre dans l’idéal de la retraite et dans une pratique de la fuite du monde. » (op. cit.)
De même, si l’on relève des similitudes quant à leur conception de l’organisation de l’Eglise, « sur la sacramentalité, en particulier sur l’eucharistie, les positions sont inconciliables » et Pascal, qui défend le jansénisme, écrit : " « Tout le monde sait, mes Pères, que l’hérésie de Genève consiste essentiellement à croire que Jésus-Christ n’est point enfermé dans ce sacrement ; […] Voilà ce qui nous fait abhorrer les calvinistes. » À cet égard, le jansénisme reste une théologie catholique de la présence et de l’incorporation opposée à une théologie de la parole et de l’absence." (op. cit.)
Pour aller plus loin :
Histoire du jansénisme
Histoire du protestantisme
Quelles sont les différences entre les jésuites et les jansénistes ?
Jésuites et protestants
Jésuites et protestants XVIe-XXe siècles – colloque – Lyon, 24-25 mai 2018
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
je cherche des lectures sur l'actualisation des connaissances...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter