La place des chiens chez les nobles sous le règne de Louis X
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 08/02/2018 à 14h43
1982 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Les femmes - et les jeunes filles - de la noblesse avaient-elles des chiens de compagnie, sous le règne de Louis XIV ?
Ou bien les chiens étaient-ils réservés à la chasse?
Si c'est le second cas, des nobles de la cour de Versailles pouvaient-ils posséder un (ou des) chiens de chasse, ou bien seul le roi en avait-il?
Le chien, lui, n'était pas à la mode d'après ce que j'ai lu?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/02/2018 à 13h49
Bonjour,
Il y a sous le règne de Louis XIV à la fois des chiens d’agrément et des chiens de chasse. Les femmes et jeunes filles ont uniquement des chiens d’agrément, tandis que le roi et les nobles peuvent avoir les deux, et élèvent parfois leurs chiens de chasse au rang d’animaux de compagnie.
«Les variétés canines d’agrément les plus prisées alors ont d’abord été sélectionnées dans le cadre de la chasse : c’est la cas du lévrier nain et du barbet, ancêtre de notre moderne caniche […],ou encore des épagneuls nains […]. Parmi ces derniers, une variété à la robe blanche tachetée de noir ou de feu, dite « chien de Bologne », connaît une grande vogue depuis le règne de Louis XIII et la régence d’Anne d’Autriche, époque durant laquelle le marchand Giovanni-Maria Filipponi commence à se rendre régulièrement en France pour en faire commerce. Louis XIV lui-même s’arroge les plus beaux animaux du marchand italien, même s’il préfère les chiens de chasse, en particulier les braques et les épagneuls, qui vivent à ses côtés et l’accompagnent lorsqu’il part tirer du gibier» […]
Article Chiens du Dictionnaire Louis XIV, sous la direction de Lucien Bély.
Plusieurs ouvrages analysent les représentations picturales de la famille royale avec ses chiens. On peut lire par exemple dans L’Epagneul nain continental, chien des rois, de Régine Gautier et Fernande Harnist, en ligne :
«Nous avons longuement observé ces petits chiens gravitant autour de Louis XIV et de sa famille. Qu’il joue ardemment de la prunelle pour attraper la bulle de Mademoiselle de Tours, fille de Louis XIV et de Madame de Montespan (page 218), ou qu’il accompagne le petit fils tout à fait légitime du Roi (sur la toile représentant le Grand Dauphin et les siens, page 24), peint soit par Largillière, soit par Mignard dans les années 1680 comme vers 1710, il présente les mêmes caractéristiques : souvent noir et blanc, avec un corps plus long que haut, une fourrure modérée avec de larges taches de couleur sur le dos, il est toujours listé, et grande nouveauté : ses oreilles ont allongé... jusqu’aux épaules pour certains sujets. Même blanc et orange comme celui des deux portraits de Madame Henriette, Duchesse d’Orléans, belle sœur de Louis XIV (Versailles), il est différent du type Vecelli à cause de la longueur de ses oreilles qui confère un type nouveau à la tête. L’importance des oreilles s’accentue et cent ans après l’épagneul tout minuscule à côté de l’immense robe de la reine Marie Leszczynska a des oreilles prodigieuses. Elles contribuent à sa dignité triste. Van Loo a merveilleusement saisi l’expression de ce petit chien. »
Voir aussi :
- Les chiens du Roi dans l'exposition Le château de Versailles en 100 chefs-d’œuvre au Musée des Beaux-Arts d'Arras
- l’article Chiens (antichambre des) dans Versailles, histoire, dictionnaire, anthologie
- Folle et Mite. Les chiennes préférées de Louis XIV ne sont pas les plus malheureuses : le roi est aux petits soins pour elles, p. 144-147 de Louis XIV intime, Hélène Delalex.
Seuls les chiens couchants, ou chiens d’arrêt, sont progressivement réservés au roi et à quelques privilégiés :
« Au nombre des plus orgueilleuses jouissances des anciens gentilshommes riches, il faut mettre celle d’entretenir des chiens pour leurs chasses particulières quand ils vivaient retirer dans leurs terres. Ce goût dispendieux était universel. Il n’y avait pas de domaine seigneurial sans bois ou partie de forêt, et par conséquent sans équipage de chasse, chevaux, chiens, valets de chiens, piqueurs.[…] Ce fut sous Louis XIII et Louis XIV que la chasse prit un développement excessif et devint, d’un simple exercice, une passion ruineuse, une fureur qui consuma des existences entières.»
Mémorial historique de la noblesse, Volume 1, A.-J. Duvergier.
«La chasse au chien couchant, devenue très meurtrière, avait fait prendre cette sorte de chiens en haine à nos rois, qui firent tous leurs efforts pour en détruire la race partout ailleurs que chez eux-mêmes et chez quelques chasseurs privilégiés. En ce qui les concernait personnellement, ils affectionnaient au contraire les chiens couchants d'une façon toute particulière. Louis XIV surtout avait pour eux un goût constaté par quelques anecdotes que nous avons citées plus haut. Il dressait lui-même ses chiens couchants et daignait parfois chasser avec ceux de quelques seigneurs de sa cour. L'excellent peintre Desportes a transmis à la postérité les figures et les noms de plusieurs de ces favoris du grand roi, dans des tableaux qui sont un des ornements de la galerie française du Louvre. (De Noirmont, t. II, p. 360, 361.) »
L'origine et l'évolution intellectuelle du chien d'arrêt, C. A. Piétrement, Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, Année 1888, 11, p. 345
« Les chiens d’arrêt semblent s’être largement répandus en France dès le 16eme siècle. Plusieurs ordonnances royales (La première fut rédigée en 1578, rapidement suivie de plusieurs autres publiées successivement en 1600,1601,1607 et 1669) émanant de Henri III, Henri IV , Louis XIII, et Louis XIV en réglementent sévèrement l’utilisation, ces derniers étant jugés trop meurtriers. Les chiens d’arrêts demeureront l’apanage exclusif des rois, des princes, et de quelques privilégiés, jusqu’à la révolution française, moment à partir duquel leur usage sera toléré. »
Petite histoire du chien d’arrêt, blog Caille des blés.
Quant au chat (car vous voulez sans doute parler du chat dans votre dernière assertion), longtemps vu comme une créature diabolique, il semble remonter en estime au cours du XVIIe siècle.
C’est du moins ce que l’on peut constater à la lecture des p. 36 à 38 de La cour de France et ses animaux XVIe-XVIIe siècles, de Joan Pieragnoli. Il montre l’intérêt des cercles savants pour l’introduction de nouvelles races de chats tandis que la diabolisation du chat persiste surtout chez les domestiques.
«Le chat semble faire l’objet d’une timide réhabilitation dans la seconde moitié du XVIIe siècle. » […]. Dans une de ses Lettres françaises, «Madame Palatine écrit : « J’aime quasi autant les chats que les chiens, mais je n’ose pas en avoir chez moi, parce que j’ai beaucoup de gens qui les haïssent » ».
A la lecture de la recension de La Princesse palatine, protectrice des animaux, Nicolas Milovanovic, on peut voir qu’elle aura abandonné ces scrupules au soir de sa vie :
«A travers cet intérêt, c’est toute la place des animaux de compagnie à Versailles qui se dessine sous la plume de N. Milanovic, dans cet ouvrage sans précédent. Imaginez en effet le château traversé de chats, de chiens, de magots (ces petits singes), d’oiseaux rares, jappant, miaulant, caquetant… Ils participent à l’éducation des jeunes princes et ceux-ci s’y attachent durablement. Ils se font peindre avec leur petit chien préféré dans les bras ou auprès d’un oiseau ou d’un perroquet. La princesse Palatine amuse son petit-fils en lui donnant un spectacle approprié à son âge : « Un char de triomphe où est assise une chienne nommée Adrienne. Un gros chat traîne le char, un pigeon fait le cocher, deux autres font les pages, et un chien fait le laquais… ».
Résultat : à la fin du XVIIe siècle, les animaux sont les maîtres de Versailles ! Chiens et chats ont droit à des écuelles en porcelaine fine, à des colliers ornés de pierres précieuses ou à des niches en marqueterie de bois précieux. Ils font leur sieste sur les belles robes des courtisanes qui s’en plaignent. Un gros chat eut même l’idée de se lover au fond de la chaise percée de Louis XVI, ce qui provoqua une scène très drôle lorsque le roi voulut se soulager. Louis XV et Marie Leszczynska, eux, sont fous de leurs chats et réprimandent tous ceux qui ne les respecteraient pas ! »
Recension de La Princesse Palatine, protectrice des animaux de Nicolas Milovanovic, sur le site Noblesse & Royauté, par Régine Salens
Il y a sous le règne de Louis XIV à la fois des chiens d’agrément et des chiens de chasse. Les femmes et jeunes filles ont uniquement des chiens d’agrément, tandis que le roi et les nobles peuvent avoir les deux, et élèvent parfois leurs chiens de chasse au rang d’animaux de compagnie.
«Les variétés canines d’agrément les plus prisées alors ont d’abord été sélectionnées dans le cadre de la chasse : c’est la cas du lévrier nain et du barbet, ancêtre de notre moderne caniche […],ou encore des épagneuls nains […]. Parmi ces derniers, une variété à la robe blanche tachetée de noir ou de feu, dite « chien de Bologne », connaît une grande vogue depuis le règne de Louis XIII et la régence d’Anne d’Autriche, époque durant laquelle le marchand Giovanni-Maria Filipponi commence à se rendre régulièrement en France pour en faire commerce. Louis XIV lui-même s’arroge les plus beaux animaux du marchand italien, même s’il préfère les chiens de chasse, en particulier les braques et les épagneuls, qui vivent à ses côtés et l’accompagnent lorsqu’il part tirer du gibier» […]
Article Chiens du Dictionnaire Louis XIV, sous la direction de Lucien Bély.
Plusieurs ouvrages analysent les représentations picturales de la famille royale avec ses chiens. On peut lire par exemple dans L’Epagneul nain continental, chien des rois, de Régine Gautier et Fernande Harnist, en ligne :
«Nous avons longuement observé ces petits chiens gravitant autour de Louis XIV et de sa famille. Qu’il joue ardemment de la prunelle pour attraper la bulle de Mademoiselle de Tours, fille de Louis XIV et de Madame de Montespan (page 218), ou qu’il accompagne le petit fils tout à fait légitime du Roi (sur la toile représentant le Grand Dauphin et les siens, page 24), peint soit par Largillière, soit par Mignard dans les années 1680 comme vers 1710, il présente les mêmes caractéristiques : souvent noir et blanc, avec un corps plus long que haut, une fourrure modérée avec de larges taches de couleur sur le dos, il est toujours listé, et grande nouveauté : ses oreilles ont allongé... jusqu’aux épaules pour certains sujets. Même blanc et orange comme celui des deux portraits de Madame Henriette, Duchesse d’Orléans, belle sœur de Louis XIV (Versailles), il est différent du type Vecelli à cause de la longueur de ses oreilles qui confère un type nouveau à la tête. L’importance des oreilles s’accentue et cent ans après l’épagneul tout minuscule à côté de l’immense robe de la reine Marie Leszczynska a des oreilles prodigieuses. Elles contribuent à sa dignité triste. Van Loo a merveilleusement saisi l’expression de ce petit chien. »
Voir aussi :
- Les chiens du Roi dans l'exposition Le château de Versailles en 100 chefs-d’œuvre au Musée des Beaux-Arts d'Arras
- l’article Chiens (antichambre des) dans Versailles, histoire, dictionnaire, anthologie
- Folle et Mite. Les chiennes préférées de Louis XIV ne sont pas les plus malheureuses : le roi est aux petits soins pour elles, p. 144-147 de Louis XIV intime, Hélène Delalex.
Seuls les chiens couchants, ou chiens d’arrêt, sont progressivement réservés au roi et à quelques privilégiés :
« Au nombre des plus orgueilleuses jouissances des anciens gentilshommes riches, il faut mettre celle d’entretenir des chiens pour leurs chasses particulières quand ils vivaient retirer dans leurs terres. Ce goût dispendieux était universel. Il n’y avait pas de domaine seigneurial sans bois ou partie de forêt, et par conséquent sans équipage de chasse, chevaux, chiens, valets de chiens, piqueurs.[…] Ce fut sous Louis XIII et Louis XIV que la chasse prit un développement excessif et devint, d’un simple exercice, une passion ruineuse, une fureur qui consuma des existences entières.»
Mémorial historique de la noblesse, Volume 1, A.-J. Duvergier.
«La chasse au chien couchant, devenue très meurtrière, avait fait prendre cette sorte de chiens en haine à nos rois, qui firent tous leurs efforts pour en détruire la race partout ailleurs que chez eux-mêmes et chez quelques chasseurs privilégiés. En ce qui les concernait personnellement, ils affectionnaient au contraire les chiens couchants d'une façon toute particulière. Louis XIV surtout avait pour eux un goût constaté par quelques anecdotes que nous avons citées plus haut. Il dressait lui-même ses chiens couchants et daignait parfois chasser avec ceux de quelques seigneurs de sa cour. L'excellent peintre Desportes a transmis à la postérité les figures et les noms de plusieurs de ces favoris du grand roi, dans des tableaux qui sont un des ornements de la galerie française du Louvre. (De Noirmont, t. II, p. 360, 361.) »
L'origine et l'évolution intellectuelle du chien d'arrêt, C. A. Piétrement, Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, Année 1888, 11, p. 345
« Les chiens d’arrêt semblent s’être largement répandus en France dès le 16eme siècle. Plusieurs ordonnances royales (La première fut rédigée en 1578, rapidement suivie de plusieurs autres publiées successivement en 1600,1601,1607 et 1669) émanant de Henri III, Henri IV , Louis XIII, et Louis XIV en réglementent sévèrement l’utilisation, ces derniers étant jugés trop meurtriers. Les chiens d’arrêts demeureront l’apanage exclusif des rois, des princes, et de quelques privilégiés, jusqu’à la révolution française, moment à partir duquel leur usage sera toléré. »
Petite histoire du chien d’arrêt, blog Caille des blés.
Quant au chat (car vous voulez sans doute parler du chat dans votre dernière assertion), longtemps vu comme une créature diabolique, il semble remonter en estime au cours du XVIIe siècle.
C’est du moins ce que l’on peut constater à la lecture des p. 36 à 38 de La cour de France et ses animaux XVIe-XVIIe siècles, de Joan Pieragnoli. Il montre l’intérêt des cercles savants pour l’introduction de nouvelles races de chats tandis que la diabolisation du chat persiste surtout chez les domestiques.
«Le chat semble faire l’objet d’une timide réhabilitation dans la seconde moitié du XVIIe siècle. » […]. Dans une de ses Lettres françaises, «Madame Palatine écrit : « J’aime quasi autant les chats que les chiens, mais je n’ose pas en avoir chez moi, parce que j’ai beaucoup de gens qui les haïssent » ».
A la lecture de la recension de La Princesse palatine, protectrice des animaux, Nicolas Milovanovic, on peut voir qu’elle aura abandonné ces scrupules au soir de sa vie :
«A travers cet intérêt, c’est toute la place des animaux de compagnie à Versailles qui se dessine sous la plume de N. Milanovic, dans cet ouvrage sans précédent. Imaginez en effet le château traversé de chats, de chiens, de magots (ces petits singes), d’oiseaux rares, jappant, miaulant, caquetant… Ils participent à l’éducation des jeunes princes et ceux-ci s’y attachent durablement. Ils se font peindre avec leur petit chien préféré dans les bras ou auprès d’un oiseau ou d’un perroquet. La princesse Palatine amuse son petit-fils en lui donnant un spectacle approprié à son âge : « Un char de triomphe où est assise une chienne nommée Adrienne. Un gros chat traîne le char, un pigeon fait le cocher, deux autres font les pages, et un chien fait le laquais… ».
Résultat : à la fin du XVIIe siècle, les animaux sont les maîtres de Versailles ! Chiens et chats ont droit à des écuelles en porcelaine fine, à des colliers ornés de pierres précieuses ou à des niches en marqueterie de bois précieux. Ils font leur sieste sur les belles robes des courtisanes qui s’en plaignent. Un gros chat eut même l’idée de se lover au fond de la chaise percée de Louis XVI, ce qui provoqua une scène très drôle lorsque le roi voulut se soulager. Louis XV et Marie Leszczynska, eux, sont fous de leurs chats et réprimandent tous ceux qui ne les respecteraient pas ! »
Recension de La Princesse Palatine, protectrice des animaux de Nicolas Milovanovic, sur le site Noblesse & Royauté, par Régine Salens
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Quelle est la composition du papier Verdol et où était-il...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter