C'est de bioque!
Le 06/02/2018 à 11h21
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Question d'origine :
Bonjour,
Bien que je n'ai plus utilisé cette expression depuis longtemps, ma sœur et moi avions l'habitude de dire que quelque chose est "de bioque" pour dire que quelque chose est "de travers" (ex : ce meuble est de bioque!).
Sans jamais trop avoir réfléchi à l'origine de cette expression, nous étions persuadées que cela venait du patois savoyard. Or nous nous sommes rendues compte récemment que personne d'autre que nous ne comprend cette expression, pas même des savoyards! Mais d'où cela nous vient-il ? Nous sommes surprises!
Je vous remercie par avance pour votre aide en espérant que vous saurez nous éclairer!
Bien à vous
Tania
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 07/02/2018 à 12h54
Nous avons consulté un certain nombre de dictionnaires de patois savoyard tels que :
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Dans l’ouvrage intitulé
Adj. (fém. bokla, pl. klè), « arqué en dedans (d’une jambe, d’un pied) ». Se dit aussi de l’animal qui a cette déformation : al a fay’ soun servicho dè la kavalèï, al a lè pyotè boklè « il a fait son service dans la cavalerie, il a les jambes arquées ».
Nous sommes désolés de ne pouvoir faire mieux.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 07/02/2018 à 16h20
Réponse du département Langues et Littératures:
Après avoir consulté bon nombre de dictionnaires, et glossaires de patois savoyard, force nous a été de constater que l’expression que vous utilisez depuis votre enfance n’y figure pas.
Afin de vérifier qu’il ne s’agissait pas non plus d’une tournure utilisée très localement, nous avons été nous plonger dans les ouvrages de Charles Vianney qui a recensé lesvariantes locales du patois savoyard sur les zones géographiques de Sainte-Marie d'Alvey, Saint-Maurice de Rotherens, Verel de Montbel, Saint-Béron, Meyrieux-Trouet, Saint-Paul sur Yenne,Gerbaix, La Bridoire, Champagneux, Saint-Maurice de Rotherens, Gerbaix et Avressieux.
Hormis ces dialectes, une autre langue est encore parlée par un bon nombre de savoyards : lefrancoprovençal . Issu des influences italiennes et suisses qui se sont imprimées sur cette aire culturelle, le francoprovençal parfois appelé arpitan, est une langue romane parlée à la fois en France (avec des dialectes bressan, burgondan, dauphinois, forézien, jurassien, lyonnais, savoyard), en Suisse (dialectes genevois, fribourgeois, neuchâtelois, valaisan, vaudois) et en Italie (dialectes faetar, valdôtain, valsoanin). Nous avons donc recherché cette locution dans des lexiques de francoprovençal comme le Dictionnaire des mots de base du francoprovençal ou le Glossaire des patois franco-provençaux sans parvenir à en trouver la moindre occurrence.
Dans ces différents ouvrages que nous avons parcourus, nous avons constaté que le fait d’être de travers, en biais ou de guingois peut se dire de multiples façons dans les dialectes savoyards. La 4e édition du Dictionnaire français-savoyard de Roger Viret recense ainsi les variantes suivantes :
darala (Genève) , d’travé, dè travé, de travér, de travê, dè travê, dè travêr, an travé, ê travé, in travé, în travé, in travêr, d'travyola, d(e) travyôla [de traviôle], dè travyôla (Esserts-Blay), de binèla, de binéla, d'bizinga, dè bizangwin (Épagny), d'bizôla.
Désirant savoir si cette formule ne pouvait pas trouver ses origines dans un patois plus éloigné, nous avons été voir si nous pouvions la dénicher dans d’autres patois et argots de France.
Ainsi, nous avons pu voir dans le Dictionnaire provençal-français, ou Dictionnaire de la langue d’Oc ancienne et moderne de S.-J. Honnorat que dans lepatois du Béarn , le nom féminin bioca (ou bioque) désigne « les vivres », alors que dans ce même patois, utilisé en tant qu’expression adverbiale bioque est une altération de l’expression « d’abord que ».
En outre, ce même ouvrage nous propose une autre définition du mot bioc, ayant cette fois à voir avec la poétique, puisqu’il signifie sous cette orthographe une brisure, une rupture, en parlant des vers et des stances, voire une portion de vers, un hémistiche.
Nous éloignant toujours plus de la Savoie, nous avons trouvé le mot bioque dans lepatois lorrain désignant cette fois-ci une boucle, et une occurrence dans la langue bretonne dans laquelle le mot bioc’h est utilisé pour désigner un animal à corne, et par extension une vache.
Malgré ces recherches, parmi les quelques occurrences du mot bioque (sous des orthographes variées) que nous avons trouvées, aucune ne semble se rapporter à la signification que vous et votre sœur lui attribuez. Il convient alors de se demander si cette expression de votre enfance n’aurait pas une origine beaucoup plus proche de vous que vous ne le pensez.
En effet, outre les patois et argots régionaux, il ne faut pas oublier que chaque société, et par extension chaque groupe d’individus crée des codes et un vocabulaire qui lui est propre.
On retrouve ainsi au sein de chaque cellule familiale des particularismes langagiers et des expressions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, mais qui se transmettent parfois de génération en génération comme l’explique la romancière Cookie Allez dans deux ouvrages : 200 expressions inventées en famille, et Les Mots des familles qui sont consacrés à ces argots intrafamiliaux.
Après avoir consulté bon nombre de dictionnaires, et glossaires de patois savoyard, force nous a été de constater que l’expression que vous utilisez depuis votre enfance n’y figure pas.
Afin de vérifier qu’il ne s’agissait pas non plus d’une tournure utilisée très localement, nous avons été nous plonger dans les ouvrages de Charles Vianney qui a recensé les
Hormis ces dialectes, une autre langue est encore parlée par un bon nombre de savoyards : le
Dans ces différents ouvrages que nous avons parcourus, nous avons constaté que le fait d’être de travers, en biais ou de guingois peut se dire de multiples façons dans les dialectes savoyards. La 4e édition du Dictionnaire français-savoyard de Roger Viret recense ainsi les variantes suivantes :
darala (Genève) , d’travé, dè travé, de travér, de travê, dè travê, dè travêr, an travé, ê travé, in travé, în travé, in travêr, d'travyola, d(e) travyôla [de traviôle], dè travyôla (Esserts-Blay), de binèla, de binéla, d'bizinga, dè bizangwin (Épagny), d'bizôla.
Désirant savoir si cette formule ne pouvait pas trouver ses origines dans un patois plus éloigné, nous avons été voir si nous pouvions la dénicher dans d’autres patois et argots de France.
Ainsi, nous avons pu voir dans le Dictionnaire provençal-français, ou Dictionnaire de la langue d’Oc ancienne et moderne de S.-J. Honnorat que dans le
En outre, ce même ouvrage nous propose une autre définition du mot bioc, ayant cette fois à voir avec la poétique, puisqu’il signifie sous cette orthographe une brisure, une rupture, en parlant des vers et des stances, voire une portion de vers, un hémistiche.
Nous éloignant toujours plus de la Savoie, nous avons trouvé le mot bioque dans le
Malgré ces recherches, parmi les quelques occurrences du mot bioque (sous des orthographes variées) que nous avons trouvées, aucune ne semble se rapporter à la signification que vous et votre sœur lui attribuez. Il convient alors de se demander si cette expression de votre enfance n’aurait pas une origine beaucoup plus proche de vous que vous ne le pensez.
En effet, outre les patois et argots régionaux, il ne faut pas oublier que chaque société, et par extension chaque groupe d’individus crée des codes et un vocabulaire qui lui est propre.
On retrouve ainsi au sein de chaque cellule familiale des particularismes langagiers et des expressions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, mais qui se transmettent parfois de génération en génération comme l’explique la romancière Cookie Allez dans deux ouvrages : 200 expressions inventées en famille, et Les Mots des familles qui sont consacrés à ces argots intrafamiliaux.
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