Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir quelles sont les étapes de la thérapie génique et quel est le matériel nécessaire à sa réalisation. Merci.
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 20/12/2017 à 09h54
Bonjour,
Rappelons tout d’abord une définition de la thérapie génique : « La thérapie génique utilise des acides nucléiques (ADN ou ARN) pour soigner ou prévenir des maladies. Selon la pathologie, cet objectif peut être atteint en délivrant aux cellules un gène fonctionnel qui remplace le gène défectueux à l’origine de la maladie (transgène), un gène à action thérapeutique, ou encore de l’ARN capable de réguler ou bloquer partiellement l’expression d’un gène altéré. Ces acides nucléiques sont le plus souvent transportés dans les cellules du patient grâce à un vecteur viral modifié qui sert à apporter un gène thérapeutique aux cellules., mais ils peuvent également être injectés directement dans les cellules, sous forme d’ADN nu. »
Les étapes de la thérapie génique en image avec l'Inserm et le CNRS
La thérapie génique peut prendre prendre deux formes :
In vivo : injection directe, soit en intraveineuse, intramusculaire, intrapéritonéale… d’un de ces 3 éléments préalablement modifié et porteur du vecteur thérapeutique :
- Solution d’ADN nu
- Liposomes
- Vecteur viral
Ex vivo : greffes de cellules génétiquement modifiées
Prélèvement de cellules de l’organe malade. Ensuite, infection de ces cellules par un rétrovirus contenant le gène à transférer. Enfin, on réintroduit les cellules modifiées chez le patient.
Les protocoles de thérapie génique varient en fonction des indications et des objectifs thérapeutiques à atteindre. Cependant, ils consistent toujours à
Pour que la thérapie fonctionne, il faut trouver les bons vecteurs. En effet, les gènes qui posent problème sont dans une séquence d’ADN, et cette séquence est une quantité d’information qui est très bien protégée au cœur d’une cellule. La thérapie génique se heurte donc à deux défis :
En ce qui concerne les virus, on distingue ceux qui intègrent directement leur charge ADN modifiée directement dans le génome de l’hôte et ceux qui introduisent leur matériel génétique dans le noyau de la cellule sans s’intégrer à l’ADN, en restant indépendants (on les appelle des épisomes).
4 types de virus sont actuellement utilisés : oncorétrovirus, leslentivirus, les adénovirus et les virus adéno-associés.
Parmi les vecteurs viraux intégratifs, les rétrovirus ont été beaucoup utilisés dans les années 2000, mais le recours à cette famille de vecteurs viraux décline peu à peu car ils s’insèrent de manière trop aléatoire dans l’ADN hôte en créant des dysfonctionnements.
Pour palier ce risque d’insertion aléatoire, les chercheurs utilisent maintenant des lentivirus. Les lentivirus pénètrent bien dans des cellules qui ne se divisent pas comme les neurones ou les cellules hépatiques (alors que les rétrovirus s’y insèrent mal). Ces virus sont dérivés de virus humains comme le VIH, mais ils sont modifiés de manière à être inoffensifs.
Quand il s’agit de faire pénétrer un transgène dans des cellules qui ne se divisent pas, les vecteurs non intégratifs sont privilégiés car ils sont considérés comme plus sûrs. Avec ces vecteurs, le transgène reste dans la cellule de l’hôte, mais sans s’insérer dans son génome. Il s’exprime pendant la durée de vie de la cellule et disparaît avec la mort de celle-ci.
Les adénovirus ont été très utilisés dans le passé mais leur usage tend à diminuer, notamment pour le traitement des maladies monogéniques. Ils restent cependant des vecteurs de choix en immunothérapie qui consiste à administrer des substances qui vont stimuler les défenses immunitaires de l’organisme, ou qui utilise des protéines produites par les cellules du système immunitaire. Ils peuvent transporter de plus grandes séquences d’ADN que les virus intégratifs, même si la taille maximale des transgènes transportés reste parfois inférieure à celle de gènes humains. Ce type de vecteurs présente plusieurs avantages : il pénètre bien dans les cellules qui ne sont pas en division et il est associé à un niveau élevé d’expression du gène vectorisé.
Les vecteurs dérivés de virus adéno-associés (ou AAV) permettent le transfert de petites séquences génétiques (seulement 4 kilobases contre 13 kilobases avec les lentivirus). Ils sont intéressants car peu inflammatoires.
En parallèle, la mise au point de vecteurs non viraux se poursuit afin de répondre à deux problématiques : une meilleure sécurité des vecteurs et le transport de grandes quantités d’ADN. A ce titre, près de 20 % des essais de thérapie génique se fondent sur l’injection directe d’ADN nu modifié et protégé des enzymes cellulaires (nucléases) grâce à des modifications chimiques. Une autre stratégie est la lipofection : le gène thérapeutique est associé à des lipides cationiques qui favorisent son entrée dans la cellule hôte.
Ainsi, dans le cas d’une maladie monogénique qui affecte les cellules sanguines, des cellules souches hématopoïétiques (cellules à l’origine de l’ensemble des cellules sanguines) sont prélevées chez le patient lors d’une procédure qui s’apparente à une simple prise de sang. Ces cellules sont ensuite modifiées ex vivo : un vecteur est utilisé pour leur délivrer un transgène thérapeutique, puis elles sont placées en culture pendant quelques jours. Lorsque les cellules ainsi traitées commencent à exprimer le gène thérapeutique, elles sont finalement réinjectées au patient par perfusion veineuse. Les cellules modifiées vont alors proliférer dans l’organisme du patient et, à priori, contribuer à le soigner. L’avantage de cette approche est de modifier une population de cellules bien précise, sans risque de voir le vecteur pénétrer dans des organes non ciblés.
Cependant, il n’est pas toujours possible de prélever les cellules à corriger : cette stratégie ne peut être utilisée lorsqu’il s’agit de modifier des cellules cardiaques ou encore des neurones. Des protocoles prévoient alors l’injection du vecteur contenant le transgène directement dans les organes cibles, in vivo.
Dans 2 % des essais de thérapie génique, la technique utilisée s’apparente à une chirurgie du gène : on parle de "
Une autre approche, consistant à
Tiré du dossier très complet de l'Inserm sur la Thérapie génique
5/ Exemple d’une thérapie génique dans le traitement d’un jeune homme atteint de B-thalassémie
[B-thalassémie : maladie héréditaire qui affecte le gène produisant une protéine qui participe, dans les globules rouges, au transport de l’oxygène de l’organisme.]
Préparation du vecteur thérapeutique :
1-suppression des gènes dangereux d’un virus pour le rendre inoffensif
2- intégration dans son génome de la bonne version du gène initialement défectueux avec ses éléments régulateurs, dit gène correcteur
3-obtention d’un vecteur thérapeutique qui permettra d’introduire le gène correcteur dans les cellules souches du sang
Correction des cellules
4-prélèvement de moelle osseuse dans les os du bassin du patient
5-extraction des cellules souches du sang et mise en contact avec le vecteur thérapeutique
6-pénétration du vecteur dans le noyau des cellules souches
7-intégration du gène correcteur dans le génome des cellules souches, ainsi corrigées
Traitement
8-chimiothérapie, pour éliminer les cellules souches contenant le gène défectueux, puis injection sanguine des cellules souches corrigées, pendant quelques heures, pour qu’elles s’installent dans la moelle osseuse du patient
Suivi thérapeutique : 3 ans après ce traitement, le patient, aujourd’hui âgé de 22 ans, n’a plus besoin des transfusions sanguines mensuelles depuis 2 ans. Mais les médecins vérifient régulièrement l’innocuité de cette thérapie ainsi que la persistance de son effet thérapeutique.
6/ Explication vidéo : La thérapie génique expliquée en vidéo par des chercheurs sur le site du Téléthon
7/ Conseil de lecture : N'étant pas généticiens, nous nous sommes aussi appuyés sur cet ouvrage récent : La génétique pour les nuls, pour vous répondre.
Cordialement,
L’équipe Cap’Culture Santé.
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