Question d'origine :
En quoi la distance mise par le comique permet elle de nous protéger contre le racisme?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/11/2017 à 10h44
Bonjour,
Vous cherchez à comprendre comment la distance instaurée par le comique, que nous pouvons élargir à l’humour, permet de nous protéger, c’est-à-dire de nous prémunir, contre le racisme.
De nombreux penseurs s’accordent sur le fait que le comique et l’humour reposent sur une mise à distance de la réalité. Ainsi, l’universitaire Jacques Le Goff conclut son ouvrage L'humour c'est sérieux ! (2014) en affirmant que l’humour « est en réalité un art de vivre en tant qu’art de la mise à distance ». Il peut faire émerger l’humanité reliant deux personnes par-delà leurs oppositions et leurs différences : « L’humour ne règle rien, bien entendu. Mais s’il porte, comme dit Bergson, le « sel de l’amertume », il apporte aussi sa musique puissamment humaine parce que même dans la critique il contribue au rapprochement et à une forme de communion qui fait qu’après avoir bien « humorisé », deux adversaires finiront, souvent, par rire ensemble de leur affrontement ».
Gilles Vervisch, enseignant agrégé de philosophie, évoque le lien entre comique et mise à distance, et fait le lien avec les thèmes de l’intolérance et du racisme dans Puis-je vraiment rire de tout ? (2013) : « Le comique en général, et le propos humoristique en particulier, repose toujours sur la distance : toujours complice de ce qu’il dit, il est toujours en même temps « critique ». Le fameux sketch de Desproges sur les Juifs parle évidement d’un point de vue qui n’est pas celui de Desprogres. C’est pour cette raison qu’on ne peut pas « rire avec n’importe qui » : pas avec Le Pen, pas avec un antisémite, parce qu’il ne prendra pas ce texte au « second degré ». Ceux qui ne rient pas et se sentent insultés ne le prennent pas non plus au « second degré », comme ces parents de trisomiques. Mais qui pourrait leur reprocher ? Pour trouver ça drôle, il faut être capable de prendre de la distance, et de ne pas être trop « sensible ». En fait, ce ne sont pas les sujets qui sont « sensibles », ce sont les gens. C’est la raison pour laquelle on peut rire de tout – si on en est capable ».
Vous pouvez poursuivre la réflexion en consultant les sources suivantes :
- « Racisme et humour » / Sauteraud Anne-Marie. Article paru dans LEGICOM, 2015/1 (N° 54), p. 39-43. Début de l’article : « Le racisme étant une idéologie postulant une hiérarchie des races et l’inégalité des hommes entre eux, et l’humour une forme d’esprit consistant à dégager les aspects plaisants et insolites de la réalité, avec un certain recul, les deux notions peuvent apparaître antinomiques. Le sujet devrait-il plutôt être « racisme ou humour » ? Le rire pourrait-il servir de lien entre les deux ? »
- « « Je suis pas raciste hein ! » Racisme et masculinité blanche dans le comique des années 1970-1980 » / Quemener Nelly. Article paru dans Le Temps des médias, 2017/1 (n° 28), p. 61-74.
- « Rire ensemble : la comédie et son public » / Stora-Sandor Judith. Article paru dans Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 2005/1 (n° 44), p. 15-26.
- L'humour : un défi aux certitudes / Marie-France Patti (2017)
- L'humour entre le rire et les larmes : traumatismes et résilience / Marie Anaut ; préface de Boris Cyrulnik (2014)
- L'humour pour les nuls / Gordon Zola (2010)
- Histoires d'humour et de sagesse / Anthony de Mello (2007)
- Le rire et le sacré : histoire de la dérision / Bernard Sarrazin (1992)
- L'Humour / Robert Escarpit (1987)
Articles de presse sur le sujet :
- Au Marrakech du rire, l’arme de l’humour pour lutter contre le racisme / Sandrine Blanchard. Article paru le 05/06/2016 sur le site du Monde.
- On peut rire de tout, mais on peut aussi arrêter de citer Desproges n'importe comment / Frantz Durupt. Article paru le 24/02/2016 sur le site de Libération.
Nous vous invitons enfin à consulter plusieurs réponses du Guichet du savoir à des questions relatives à l’humour :
- Combien existe-t-il de "degrés" d'humour et quelle est leur signification?
- Existerait-il une forme d'humour universelle ?
- Est-ce qu'on naît drôle (comique, marrant, désopilant), ou le devient-on ?
- Comment l’humour se diversifie selon les cultures et pays ?
Bonne journée.
Vous cherchez à comprendre comment la distance instaurée par le comique, que nous pouvons élargir à l’humour, permet de nous protéger, c’est-à-dire de nous prémunir, contre le racisme.
De nombreux penseurs s’accordent sur le fait que le comique et l’humour reposent sur une mise à distance de la réalité. Ainsi, l’universitaire Jacques Le Goff conclut son ouvrage L'humour c'est sérieux ! (2014) en affirmant que l’humour « est en réalité un art de vivre en tant qu’art de la mise à distance ». Il peut faire émerger l’humanité reliant deux personnes par-delà leurs oppositions et leurs différences : « L’humour ne règle rien, bien entendu. Mais s’il porte, comme dit Bergson, le « sel de l’amertume », il apporte aussi sa musique puissamment humaine parce que même dans la critique il contribue au rapprochement et à une forme de communion qui fait qu’après avoir bien « humorisé », deux adversaires finiront, souvent, par rire ensemble de leur affrontement ».
Gilles Vervisch, enseignant agrégé de philosophie, évoque le lien entre comique et mise à distance, et fait le lien avec les thèmes de l’intolérance et du racisme dans Puis-je vraiment rire de tout ? (2013) : « Le comique en général, et le propos humoristique en particulier, repose toujours sur la distance : toujours complice de ce qu’il dit, il est toujours en même temps « critique ». Le fameux sketch de Desproges sur les Juifs parle évidement d’un point de vue qui n’est pas celui de Desprogres. C’est pour cette raison qu’on ne peut pas « rire avec n’importe qui » : pas avec Le Pen, pas avec un antisémite, parce qu’il ne prendra pas ce texte au « second degré ». Ceux qui ne rient pas et se sentent insultés ne le prennent pas non plus au « second degré », comme ces parents de trisomiques. Mais qui pourrait leur reprocher ? Pour trouver ça drôle, il faut être capable de prendre de la distance, et de ne pas être trop « sensible ». En fait, ce ne sont pas les sujets qui sont « sensibles », ce sont les gens. C’est la raison pour laquelle on peut rire de tout – si on en est capable ».
Vous pouvez poursuivre la réflexion en consultant les sources suivantes :
- « Racisme et humour » / Sauteraud Anne-Marie. Article paru dans LEGICOM, 2015/1 (N° 54), p. 39-43. Début de l’article : « Le racisme étant une idéologie postulant une hiérarchie des races et l’inégalité des hommes entre eux, et l’humour une forme d’esprit consistant à dégager les aspects plaisants et insolites de la réalité, avec un certain recul, les deux notions peuvent apparaître antinomiques. Le sujet devrait-il plutôt être « racisme ou humour » ? Le rire pourrait-il servir de lien entre les deux ? »
- « « Je suis pas raciste hein ! » Racisme et masculinité blanche dans le comique des années 1970-1980 » / Quemener Nelly. Article paru dans Le Temps des médias, 2017/1 (n° 28), p. 61-74.
- « Rire ensemble : la comédie et son public » / Stora-Sandor Judith. Article paru dans Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 2005/1 (n° 44), p. 15-26.
- L'humour : un défi aux certitudes / Marie-France Patti (2017)
- L'humour entre le rire et les larmes : traumatismes et résilience / Marie Anaut ; préface de Boris Cyrulnik (2014)
- L'humour pour les nuls / Gordon Zola (2010)
- Histoires d'humour et de sagesse / Anthony de Mello (2007)
- Le rire et le sacré : histoire de la dérision / Bernard Sarrazin (1992)
- L'Humour / Robert Escarpit (1987)
Articles de presse sur le sujet :
- Au Marrakech du rire, l’arme de l’humour pour lutter contre le racisme / Sandrine Blanchard. Article paru le 05/06/2016 sur le site du Monde.
- On peut rire de tout, mais on peut aussi arrêter de citer Desproges n'importe comment / Frantz Durupt. Article paru le 24/02/2016 sur le site de Libération.
Nous vous invitons enfin à consulter plusieurs réponses du Guichet du savoir à des questions relatives à l’humour :
- Combien existe-t-il de "degrés" d'humour et quelle est leur signification?
- Existerait-il une forme d'humour universelle ?
- Est-ce qu'on naît drôle (comique, marrant, désopilant), ou le devient-on ?
- Comment l’humour se diversifie selon les cultures et pays ?
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