Question d'origine :
Bonjour,
J'ai trouvé une référence disant que les planteurs anglais étaient plus cruels que les planteurs français au dix-huitième siècle, et j'aimerais en savoir plus.
Je vous serais très reconnaissante si vous pouviez me conseiller un livre ou un article en anglais ou en français sur le sujet.
Merci beaucoup.
Réponse attendue le 03/11/2017 à 17:01
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 03/11/2017 à 09h18
Bonjour,
En préambule, un petit extrait de l’introduction très intéressante de Travail, capitalisme et société esclavagiste, qui rend bien compte des fluctuations historiographiques autour de la mémoire de l’esclavage et du manque de sources directes.
« Un des éléments du patriotisme est d’ordinaire la communauté des souffrances et des joies dans le passé. Malheureusement il ne saurait exister ici. Il faut donc que les descendants des anciens maîtres et des anciens esclaves oublient des souvenirs déjà si lointains. Puissent-ils, se dégageant de préjugés funestes, se réconcilier et fraterniser bien plutôt dans la communauté d’effort en vue de l’œuvre présente qui s’impose à eux et par la communauté des espérances en vue de l’avenir ! » Ainsi Lucien Peytraud conclut-il par une paradoxale injonction à l’oubli, la première étude historique importante-publiée en 1897- consacrée au système esclavagiste français des Antilles françaises…
L’injonction à l’oubli semble avoir été d’autant plus efficace qu’elle est allée de pair avec le silence des victimes : les affranchis de 1848 qui avaient vécu l’expérience « non humaine », selon Primo Levi – d’être assimilés à des objets par d’autres hommes on tu la souffrance, la honte et la culpabilité afférentes à cette expérience. Ils ont demandé « à leur silence de panser la blessure, de soigner au plus vite la douleur, de recréer autour de leur conscience cette stabilité émotionnelle qui aide à vivre, ou, plus exactement à essayer de vivre ». Force est de constater qu’il n’existe pas aux Antilles de transmission orale explicite d’un récit de la traite de l’esclavage.
Dans un chapitre de ce même livre, intitulé « de l’inhumain » ; marchandise et bête de somme, de la nécessité de la violence, il est question entre autres horreurs, reconnues en tant que « crime contre l’humanité » par la loi du 10 mai 2001, dont l’initiative revient à la députée de la Guyane, Christiane Taubira, de l’usage du « fouet stimulation », , « de la violence –châtiment » dans une logique de « dressage », des « nègres de houe » semblant à l’instar des bêtes de somme, conditionnés au travail par le seul bruit du fouet, des fers, du cachot, du sectionnement du nerf du jarret ; p235 à 251. Le châtiment est à la discrétion du maître.
« Au contraire de celui du « nègre de houe », le « dressage de l’esclave « coureur » ou « porteur » n’a pas de visée productive ; il a pour unique finalité la jouissance du maître. De telles pratiques- d’ailleurs décrites avec complaisance par les auteurs coloniaux du XIXe siècle-ont pour fonction essentielle de visualiser le rapport esclavagiste : tout en mettant en lumière le privilège d’oisiveté du colon- le dressage du coureur » lui assure la présence continuelle d’un esclave pour « le servir dans le besoin » ; celui des « porteurs » transforme les déplacements en moments de volupté-, elles manifestent la mise en adéquation du corps de l’esclave au service du maître, mise en adéquation d’autant mieux réussie que l’esclave ne semble pas souffrir de sa tâche qu’elle est devenue une seconde nature »… … « On touche ici à ce qui constitue, Daniel Maragnes l’observe avec justesse, la spécificité du dispositif de la violence coloniale : la privatisation de la violence, conséquence nécessaire de la privatisation de l’esclave «
Poursuivons avec Etre esclave, Afrique-Amériques, XVe-XIXe siècle :
Les descriptions les plus fréquentes du travail et de la vie quotidienne des esclaves concernant les grands domaines, qui ont le plus produit d’archives, or, aux Etats-Unis, ils étaient l’exception. A la veille de la guerre de Sécession, il y avait 385 000propriétaires d’esclaves parmi les 1 55 000 familles qui composaient la population des Etats esclavagistes du sud. Plus de la moitié de ces propriétaires possédaient moins de cinq esclaves, et seuls trois mille planteurs étaient propriétaires de plus de cent esclaves. La grande majorité des esclaves vivaient dans des petits domaines agricoles. ; Les grandes exploitations étaient cantonnées à la Louisiane, aux terres humides de l’Alabama et du Mississipi, ainsi qu’à la bande côtière de la Caroline du sud et de la Géorgie. Les conditions de vie des esclaves étaient très diverses selon qu’ils travaillaient sur une petite ou sur une grande exploitation, selon la culture à laquelle ils étaient employés, selon leur fonction et leur qualification, selon le comportement de leur maître et les relations qu’ils entretenaient avec lui. Voir p. 147 et suivantes.
Voir aussi :
un mémoire de master : violence dans l’esclavage des colonies françaises au XVIIIe siècle
Plus jamais esclaves ! de l’insoumission à la révolte : Crimes et châtiments dans la justice coloniale, p. 114 et suivantes.
L’auteur insiste sur la sévérité des tribunaux britanniques en cas de rébellion :
Les colonies britanniques et néerlandaises, quant à elles, établirent des cours de justice spéciales pour esclaves à partir de 1660, avec une procédure expéditive et sans appel ; et, dans les cas de découvertes de complot ou de rébellion serviles, des tribunaux d’exception étaient rapidement formés par des juges souvent volontaires, en l’absence de tout jury.
L’esclave et les plantations
Au temps des îles à sucre par Jacques Cauna
L’Europe, la mer et les colonies, XVIIe –XVIIIe siècles , p. 176 et suivantes
Vous imaginez bien qu’il n’existe pas d’étude comparative des sévices infligés aux esclaves, selon que les colons sont français ou britanniques et gardons-nous bien de généralités hâtives, la cruauté étant universelle.
Retenons cependant que des codes esclavagistes servaient de base légale à l’esclavage et qu’ils ne sont pas identiques d’un pays à un autre. Dès qu’il y a une société esclavagiste, il y a aussi un droit, des coutumes ou des règles afin d’en assurer le fonctionnement de favoriser la stabilité et la reproduction » de cette société
Voir à l’article « codes esclavagistes dans le dictionnaire des esclavages :
Mars 1685. Un ensemble de règlements « touchant la police des îles de l’Amérique française est édicté, tristement célèbre sous le nom de « Code noir ». des textes de même type furent mis en place dans toutes les colonies de l’Amérique Anglo-Saxonne à l’époque moderne, comme à la Barbade en 1661 ou en Virginie en 1705. Dans les possessions espagnoles, ce furent les « Siete Partidas » (lois inspirées du droit romain et du christianisme) qui furent appliquées, complétées par divers règlements.
Voir aussi l’article « Amérique coloniale française » :
a la différence des pays ibériques, la France n’avait pas un droit métropolitain en matière d’esclavage susceptible d’être transférée dans ses colonies. Ses colons n’avaient pas non plus d’assemblées aptes à légiférer comme chez leurs voisins britanniques. Le texte fondamental fut cependant l’édit de 1685 élaboré par Colbert. Mais partiellement fondé sur des pratiques déjà en cours dans les colonies, il fut vite corrigé par des décisions prises aux îles. Ces origines hybrides confèrent t au droit français un caractère intermédiaire entre celui des espagnols, sensible à la défense de l’esclave, et celui des anglais, focalisé presque exclusivement sur les droits du maitre.
Voir aussi :
Code des esclaves de la Barbade_du_lien
Abolition de l’esclavage au Royaume-Uni Il est intéressant de noter que ce processus est particulièrement précoce et trouve son aboutissement en 1833.
Déclin de l’esclavage
Le Code noir par Louis Sala Molins
L’esclavage à la française
Autobiographie d’une esclave
Bonnes lectures.
En préambule, un petit extrait de l’introduction très intéressante de Travail, capitalisme et société esclavagiste, qui rend bien compte des fluctuations historiographiques autour de la mémoire de l’esclavage et du manque de sources directes.
« Un des éléments du patriotisme est d’ordinaire la communauté des souffrances et des joies dans le passé. Malheureusement il ne saurait exister ici. Il faut donc que les descendants des anciens maîtres et des anciens esclaves oublient des souvenirs déjà si lointains. Puissent-ils, se dégageant de préjugés funestes, se réconcilier et fraterniser bien plutôt dans la communauté d’effort en vue de l’œuvre présente qui s’impose à eux et par la communauté des espérances en vue de l’avenir ! » Ainsi Lucien Peytraud conclut-il par une paradoxale injonction à l’oubli, la première étude historique importante-publiée en 1897- consacrée au système esclavagiste français des Antilles françaises…
L’injonction à l’oubli semble avoir été d’autant plus efficace qu’elle est allée de pair avec le silence des victimes : les affranchis de 1848 qui avaient vécu l’expérience « non humaine », selon Primo Levi – d’être assimilés à des objets par d’autres hommes on tu la souffrance, la honte et la culpabilité afférentes à cette expérience. Ils ont demandé « à leur silence de panser la blessure, de soigner au plus vite la douleur, de recréer autour de leur conscience cette stabilité émotionnelle qui aide à vivre, ou, plus exactement à essayer de vivre ». Force est de constater qu’il n’existe pas aux Antilles de transmission orale explicite d’un récit de la traite de l’esclavage.
Dans un chapitre de ce même livre, intitulé « de l’inhumain » ; marchandise et bête de somme, de la nécessité de la violence, il est question entre autres horreurs, reconnues en tant que « crime contre l’humanité » par la loi du 10 mai 2001, dont l’initiative revient à la députée de la Guyane, Christiane Taubira, de l’usage du « fouet stimulation », , « de la violence –châtiment » dans une logique de « dressage », des « nègres de houe » semblant à l’instar des bêtes de somme, conditionnés au travail par le seul bruit du fouet, des fers, du cachot, du sectionnement du nerf du jarret ; p235 à 251. Le châtiment est à la discrétion du maître.
« Au contraire de celui du « nègre de houe », le « dressage de l’esclave « coureur » ou « porteur » n’a pas de visée productive ; il a pour unique finalité la jouissance du maître. De telles pratiques- d’ailleurs décrites avec complaisance par les auteurs coloniaux du XIXe siècle-ont pour fonction essentielle de visualiser le rapport esclavagiste : tout en mettant en lumière le privilège d’oisiveté du colon- le dressage du coureur » lui assure la présence continuelle d’un esclave pour « le servir dans le besoin » ; celui des « porteurs » transforme les déplacements en moments de volupté-, elles manifestent la mise en adéquation du corps de l’esclave au service du maître, mise en adéquation d’autant mieux réussie que l’esclave ne semble pas souffrir de sa tâche qu’elle est devenue une seconde nature »… … « On touche ici à ce qui constitue, Daniel Maragnes l’observe avec justesse, la spécificité du dispositif de la violence coloniale : la privatisation de la violence, conséquence nécessaire de la privatisation de l’esclave «
Poursuivons avec Etre esclave, Afrique-Amériques, XVe-XIXe siècle :
Les descriptions les plus fréquentes du travail et de la vie quotidienne des esclaves concernant les grands domaines, qui ont le plus produit d’archives, or, aux Etats-Unis, ils étaient l’exception. A la veille de la guerre de Sécession, il y avait 385 000propriétaires d’esclaves parmi les 1 55 000 familles qui composaient la population des Etats esclavagistes du sud. Plus de la moitié de ces propriétaires possédaient moins de cinq esclaves, et seuls trois mille planteurs étaient propriétaires de plus de cent esclaves. La grande majorité des esclaves vivaient dans des petits domaines agricoles. ; Les grandes exploitations étaient cantonnées à la Louisiane, aux terres humides de l’Alabama et du Mississipi, ainsi qu’à la bande côtière de la Caroline du sud et de la Géorgie. Les conditions de vie des esclaves étaient très diverses selon qu’ils travaillaient sur une petite ou sur une grande exploitation, selon la culture à laquelle ils étaient employés, selon leur fonction et leur qualification, selon le comportement de leur maître et les relations qu’ils entretenaient avec lui. Voir p. 147 et suivantes.
Voir aussi :
un mémoire de master : violence dans l’esclavage des colonies françaises au XVIIIe siècle
Plus jamais esclaves ! de l’insoumission à la révolte : Crimes et châtiments dans la justice coloniale, p. 114 et suivantes.
L’auteur insiste sur la sévérité des tribunaux britanniques en cas de rébellion :
Les colonies britanniques et néerlandaises, quant à elles, établirent des cours de justice spéciales pour esclaves à partir de 1660, avec une procédure expéditive et sans appel ; et, dans les cas de découvertes de complot ou de rébellion serviles, des tribunaux d’exception étaient rapidement formés par des juges souvent volontaires, en l’absence de tout jury.
L’esclave et les plantations
Au temps des îles à sucre par Jacques Cauna
L’Europe, la mer et les colonies, XVIIe –XVIIIe siècles , p. 176 et suivantes
Vous imaginez bien qu’il n’existe pas d’étude comparative des sévices infligés aux esclaves, selon que les colons sont français ou britanniques et gardons-nous bien de généralités hâtives, la cruauté étant universelle.
Retenons cependant que des codes esclavagistes servaient de base légale à l’esclavage et qu’ils ne sont pas identiques d’un pays à un autre. Dès qu’il y a une société esclavagiste, il y a aussi un droit, des coutumes ou des règles afin d’en assurer le fonctionnement de favoriser la stabilité et la reproduction » de cette société
Voir à l’article « codes esclavagistes dans le dictionnaire des esclavages :
Mars 1685. Un ensemble de règlements « touchant la police des îles de l’Amérique française est édicté, tristement célèbre sous le nom de « Code noir ». des textes de même type furent mis en place dans toutes les colonies de l’Amérique Anglo-Saxonne à l’époque moderne, comme à la Barbade en 1661 ou en Virginie en 1705. Dans les possessions espagnoles, ce furent les « Siete Partidas » (lois inspirées du droit romain et du christianisme) qui furent appliquées, complétées par divers règlements.
Voir aussi l’article « Amérique coloniale française » :
a la différence des pays ibériques, la France n’avait pas un droit métropolitain en matière d’esclavage susceptible d’être transférée dans ses colonies. Ses colons n’avaient pas non plus d’assemblées aptes à légiférer comme chez leurs voisins britanniques. Le texte fondamental fut cependant l’édit de 1685 élaboré par Colbert. Mais partiellement fondé sur des pratiques déjà en cours dans les colonies, il fut vite corrigé par des décisions prises aux îles. Ces origines hybrides confèrent t au droit français un caractère intermédiaire entre celui des espagnols, sensible à la défense de l’esclave, et celui des anglais, focalisé presque exclusivement sur les droits du maitre.
Voir aussi :
Code des esclaves de la Barbade_du_lien
Abolition de l’esclavage au Royaume-Uni Il est intéressant de noter que ce processus est particulièrement précoce et trouve son aboutissement en 1833.
Déclin de l’esclavage
Le Code noir par Louis Sala Molins
L’esclavage à la française
Autobiographie d’une esclave
Bonnes lectures.
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