Question d'origine :
Bonjour, y a-t-il eu un courant "réactionnaire" pendant la révolution française ? Et, si oui, quels ont été ses chefs ? Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 26/10/2017 à 13h55
Bonjour,
Il y a eu un, et même des courants réactionnaires durant la révolution française. En revanche, les historiens dont nous avons pu consulter les ouvrages parlent plus facilement de « Contre-Révolution ».
Selon Jean-Clément Martin, dans son incontournable Contre-Révolution, Révolution et Nation en France, la réaction à la Révolution se manifeste dès ses commencements. « La Contre-Révolution, née à partir de 1789, constitue un courant de pensée qui refuse la Révolution, et la philosophie des Lumières, les Droits de l’Homme et la laïcité, qui dénonce la Terreur et la guillotine, les illusion de l’égalité et les déviations de la fraternité ».
Dans le livre de référence La Contre-Révolution, Jacques Godechot précise qu’en 1789 « réagissent de manière différente trois groupes de personnes [...] le roi et son entourage, […] la droite modérée qui accepte quelques réformes et une droite intransigeante ou extrémiste qui les repousse presque toutes mais qui, néanmoins, n’est pas aussi totalement réactionnaire qu’on le croit souvent ».
A la tête de cette droite la plus réactionnaire, on trouve le comte d’Antraigues, l’abbé Maury et Mirabeau-Tonneau. Antraigues se positionne très rapidement contre les évolutions législatives importantes qui aboutiront à la Révolution proprement dite. Dès les 11 mai 1789, il s’oppose au vote par tête, processus qui ferait pencher la balance en faveur du tiers Etat. Le 23 juin « il demande notamment le maintien de tous les droits seigneuriaux ».
Quant à la droite modérée, elle est incarnée par le représentant de la noblesse au Etats Généraux Cazalès qui lui aussi s’oppose au vote par tête. On trouve aussi Montlosier, élu suppléant aux Etats Généraux qui, bien que favorable à un certain nombre de réformes, préconise le maintien des ordres et de la hiérarchie sociale.
Mais le chef officiel de la Contre-Révolution, qu’il dirige depuis l’étranger, c’est le comte d’Artois. Il est le dernier petit-fils de Louis XV et finira par monter sur le trône de France restauré en 1814 sous le nom de Charles X. Il s’exile très tôt, en juillet 89 et constitue dès septembre 1789 un comité de contre-révolution. Durant les 2 ans de son fonctionnement, ce comité va multiplier les intrigues pour enlever Louis XVI et déclencher des contre feux à la Révolution sur le territoire français.
Bien entendu, les figures de proue des mouvements contre-révolutionnaires vont évoluer au fil des événements. Entre 1789 et 1799, la « Contre-Révolution aura été illustrée par des aristocrates émigrés, les penseurs catholiques, les insurgés vendéens et chouans » (Jean-Clément martin, ouvrage cité plus haut).
En parallèle à ces figures contre-révolutionnaires « de terrain » on trouve aussi (et parfois ce sont les mêmes) de véritables théoriciens réactionnaires. Parmi les plus célèbres et les plus précoces nous pouvons citer Edmond Burke.
Cet irlandais né à Dublin en 1729, homme de lettres, membre de la Chambre des Communes, grand connaisseur de la France, publie dès 1790 un ouvrage qui fera date dans la pensée contre-révolutionnaire : Réflexions sur la Révolution de France, écrit en anglais et traduit presque immédiatement après sa parution. Dans l’ouvrage collectif dirigé par Jean Tulard, La Contre-Révolution : origines, Histoire, postérité, Yves Chiron soutient que « Burke peut être considéré comme le premier auteur contre-révolutionnaire ». Sa critique la plus récurrente consiste à considérer comme folie et danger l’ambition que porteraient les révolutionnaires de faire table rase du passé.
Son influence sur les penseurs réactionnaires fut décisive.
On trouve évidemment en France des théoriciens contre-révolutionnaires, tels que Rivarol, le comte Ferrand, Sénac de Meilhan, les abbés Barruel et Duvoisin. Pour en savoir un peu plus sur ces figures, nous vous renvoyons à nouveau vers l’ouvrage de Jacques Godechot.
Deux autres personnages célèbres sont à mentionner dans cette galerie non-exhaustive des grands réactionnaires.
- Louis de Bonald : traditionnaliste et monarchiste, cet homme politique s’est largement opposé aux innovations sociales proposées par la Révolution et les penseurs des Lumières.
- Joseph de Maistre: au-delà des péripéties qui ne l’intéressent pas, de Maistre critique les principes mêmes de la Révolution dont il affirme qu’ils sont toujours à l’œuvre avec Napoléon et la Restauration.
Ajoutons que la réaction à la Révolution Française se poursuit bien après cette dernière. Dans un ouvrage brillant sur les Antimodernes, Antoine Compagnon indique ainsi que : « La Contre-Révolution est inséparable de la Révolution ; elle est son double, sa réplique, sa négation ou sa réfutation ; elle fait obstacle à la révolution, la contrecarre comme la reconstruction en face de la destruction. Et elle se prolongea avec force tout au long du XIXe siècle (jusqu’en 1889 au moins : Paul Bourget réclamait alors de “défaire systématiquement l’œuvre meurtrière de la Révolution française ») et peut-être du XXe siècle ».
Pour aller plus loin dans la connaissance des figures principales (et secondaires) de la réaction à la Révolution, nous vous invitons vivement à parcourir le dictionnaire proposé à la fin de l’ouvrage de Jean Tulard déjà cité.
Enfin, l’article Wikipédia sur la Contre-Révolution donne aussi des informations et des références pertinentes.
Bonnes lectures !
Il y a eu un, et même des courants réactionnaires durant la révolution française. En revanche, les historiens dont nous avons pu consulter les ouvrages parlent plus facilement de « Contre-Révolution ».
Selon Jean-Clément Martin, dans son incontournable Contre-Révolution, Révolution et Nation en France, la réaction à la Révolution se manifeste dès ses commencements. « La Contre-Révolution, née à partir de 1789, constitue un courant de pensée qui refuse la Révolution, et la philosophie des Lumières, les Droits de l’Homme et la laïcité, qui dénonce la Terreur et la guillotine, les illusion de l’égalité et les déviations de la fraternité ».
Dans le livre de référence La Contre-Révolution, Jacques Godechot précise qu’en 1789 « réagissent de manière différente trois groupes de personnes [...] le roi et son entourage, […] la droite modérée qui accepte quelques réformes et une droite intransigeante ou extrémiste qui les repousse presque toutes mais qui, néanmoins, n’est pas aussi totalement réactionnaire qu’on le croit souvent ».
A la tête de cette droite la plus réactionnaire, on trouve le comte d’Antraigues, l’abbé Maury et Mirabeau-Tonneau. Antraigues se positionne très rapidement contre les évolutions législatives importantes qui aboutiront à la Révolution proprement dite. Dès les 11 mai 1789, il s’oppose au vote par tête, processus qui ferait pencher la balance en faveur du tiers Etat. Le 23 juin « il demande notamment le maintien de tous les droits seigneuriaux ».
Quant à la droite modérée, elle est incarnée par le représentant de la noblesse au Etats Généraux Cazalès qui lui aussi s’oppose au vote par tête. On trouve aussi Montlosier, élu suppléant aux Etats Généraux qui, bien que favorable à un certain nombre de réformes, préconise le maintien des ordres et de la hiérarchie sociale.
Mais le chef officiel de la Contre-Révolution, qu’il dirige depuis l’étranger, c’est le comte d’Artois. Il est le dernier petit-fils de Louis XV et finira par monter sur le trône de France restauré en 1814 sous le nom de Charles X. Il s’exile très tôt, en juillet 89 et constitue dès septembre 1789 un comité de contre-révolution. Durant les 2 ans de son fonctionnement, ce comité va multiplier les intrigues pour enlever Louis XVI et déclencher des contre feux à la Révolution sur le territoire français.
Bien entendu, les figures de proue des mouvements contre-révolutionnaires vont évoluer au fil des événements. Entre 1789 et 1799, la « Contre-Révolution aura été illustrée par des aristocrates émigrés, les penseurs catholiques, les insurgés vendéens et chouans » (Jean-Clément martin, ouvrage cité plus haut).
En parallèle à ces figures contre-révolutionnaires « de terrain » on trouve aussi (et parfois ce sont les mêmes) de véritables théoriciens réactionnaires. Parmi les plus célèbres et les plus précoces nous pouvons citer Edmond Burke.
Cet irlandais né à Dublin en 1729, homme de lettres, membre de la Chambre des Communes, grand connaisseur de la France, publie dès 1790 un ouvrage qui fera date dans la pensée contre-révolutionnaire : Réflexions sur la Révolution de France, écrit en anglais et traduit presque immédiatement après sa parution. Dans l’ouvrage collectif dirigé par Jean Tulard, La Contre-Révolution : origines, Histoire, postérité, Yves Chiron soutient que « Burke peut être considéré comme le premier auteur contre-révolutionnaire ». Sa critique la plus récurrente consiste à considérer comme folie et danger l’ambition que porteraient les révolutionnaires de faire table rase du passé.
Son influence sur les penseurs réactionnaires fut décisive.
On trouve évidemment en France des théoriciens contre-révolutionnaires, tels que Rivarol, le comte Ferrand, Sénac de Meilhan, les abbés Barruel et Duvoisin. Pour en savoir un peu plus sur ces figures, nous vous renvoyons à nouveau vers l’ouvrage de Jacques Godechot.
Deux autres personnages célèbres sont à mentionner dans cette galerie non-exhaustive des grands réactionnaires.
- Louis de Bonald : traditionnaliste et monarchiste, cet homme politique s’est largement opposé aux innovations sociales proposées par la Révolution et les penseurs des Lumières.
- Joseph de Maistre: au-delà des péripéties qui ne l’intéressent pas, de Maistre critique les principes mêmes de la Révolution dont il affirme qu’ils sont toujours à l’œuvre avec Napoléon et la Restauration.
Ajoutons que la réaction à la Révolution Française se poursuit bien après cette dernière. Dans un ouvrage brillant sur les Antimodernes, Antoine Compagnon indique ainsi que : « La Contre-Révolution est inséparable de la Révolution ; elle est son double, sa réplique, sa négation ou sa réfutation ; elle fait obstacle à la révolution, la contrecarre comme la reconstruction en face de la destruction. Et elle se prolongea avec force tout au long du XIXe siècle (jusqu’en 1889 au moins : Paul Bourget réclamait alors de “défaire systématiquement l’œuvre meurtrière de la Révolution française ») et peut-être du XXe siècle ».
Pour aller plus loin dans la connaissance des figures principales (et secondaires) de la réaction à la Révolution, nous vous invitons vivement à parcourir le dictionnaire proposé à la fin de l’ouvrage de Jean Tulard déjà cité.
Enfin, l’article Wikipédia sur la Contre-Révolution donne aussi des informations et des références pertinentes.
Bonnes lectures !
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