A quel âge se marient les jeunes filles à la cour de Louis X
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 10/10/2017 à 12h44
1937 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je sais qu'une fille de Louis XIV, non reconnue, s'est mariée à l'âge de 13 ans.
Mais était-ce un âge exceptionnellement jeune à cette époque parmi les filles nobles, ou bien cela correspondait-il à une moyenne / une norme?
Merci!
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 13/10/2017 à 11h26
Bonjour,
Le droit canonique autorisait le mariage à douze ans pour les filles, quatorze pour les garçons. Mais le développement physique était en général plus tardif (souvent dix-sept ans pour les filles…
En fait l’ancien régime connut des mariages précoces décidés par les familles, répondant à des considérations d’intérêts, voire à des raisons politiques, plus qu’à la précocité d’un désir amoureux. Mais les historiens s’accordent pour constater que depuis les années 1550, le mariage tardif est très répandu. On y a vu « une entreprise répressive, menée par la théologie chrétienne, l’état moderne et la morale bourgeoise », l’institution « d’une prison où l’occident des réformes a voulu enfermer le sexe » ou encore « la réponse malthusienne au défi d’un monde plein » (Chaunu). Dans son « Essai sur le principe de la population (1798), Malthus se fera en effet le défenseur de du mariage tardif, par souci d’équilibrer production et population. Le mariage précoce selon lui à des habitudes de « sauvage »Et il ajoute à ces conseils l’éloge du célibat. Mais en prônant le mariage tardif, Malthus se fait le « prophète du passé ». Il vante une pratique suivie depuis deux siècles et qui va disparaitre.
Les mariages tardifs étaient fréquents bien avant Malthus, les considérations qui président aux unions sont trop complexes pour que l’on puisse réduire à une seule explication le choix tardif du conjoint.
Cette pratique qui se développe dans la deuxième moitié du XVIe siècle, fléchit nettement à l’époque révolutionnaire. Il s’agit donc d’un phénomène qui marque les XVIIe et XVIIIe siècles…Le retard du mariage est souvent imposé par des considérations économiques-frais de la noce et la dot, de la vie du foyer, de l’éducation des enfants.
Tallement tient pour nécessaire ce retard dans les classes pauvres ;…
Dans l’aristocratie, où les préoccupations matérielles comptent moins, où le mariage répond souvent à des stratégies familiales (dans lesquelles l’attrait d’une belle fortune n’est pas sans importance), les mariages surtout ceux des filles, sont fréquemment précoces. Les « historiettes » de Tallement des Réaux mentionnent des fillettes de l’aristocratie mariées à onze, douze ou treize ans. Si l’on a pu fixer l’âge moyen du mariage pour l’ensemble de la population française entre vingt-sept et vingt-huit ans pour les garçons, ces âges tombent por l’aristocratie à vingt et un et dix-huit ans.
(Le mariage en Occident , jean Gaudemet)
Au XVIIIe siècle, plus du tiers des filles de l’aristocratie écossaise étaient restées célibataires…Cela tenait en grande partie à l’augmentation considérable du montant des dotes. Pourvoir à l’établissement de plusieurs filles pouvait même grever la fortune des familles les plus riches. On mariait une ou deux filles pour établir des alliances et assurer sa position sociale, et les autres restaient à la maison , ou s’installaient à un âge plus avancé avec un revenu très modeste sur des propriétés qui, après leur décès, revenaient à la famille..
( histoire des femmes en Occident, , T 3 XVI-XVIIIe siècles ; sous la direction de Ntahalie Zemon Davis et Arlette Farge : p 39)
Les demoiselles de l’aristocratie sortent toujours chaperonnées, et elles reçoivent leur époux de la main de leurs parents. Les bals, ceux de Paris, de Versailles, de Londres ou de Bath, sont les pépinières de filles à marier. Les unions s’organisent lorsque les filles sont encore très jeunes et quittent souvent le couvent pour le mariage.
(Histoire du mariage , Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles)
Le hasard et l’amour entrent peu en ligne de compte dans les mariages de l’aristocratie de l’Ancien Régime. L’alliance importe plus que le mariage, et on épouse un épouse une famille plus qu’une personne :
L’aristocratie abuse du droit reconnu aux parents de marier leur fille à douze ; parce qu’il fallait dans ce milieu restreint, s’assurer le plus tôt possible du parti convenable.
Le mariage est un élément essentiel de la stratégie sociale de la famille noble pour perpétuer le nom, conserver le prestige et la puissance de la maison et si possible l’accroître. Il est l’objet de savantes manœuvres qui mobilisent souvent quantité de personnes. Il entraîne la constitution d’un réseau de parenté plus ou moins étendu qui devient une sorte d’investissement humain qu’il s’agit d’entretenir et de faire prospérer parce qu’il est utile pour toutes les opérations que la famille pourrait être amenée à développer…Il faut ranger à part les princes de sang que les souverains se chargent de marier en fonction de leurs intérêts diplomatiques ou des problèmes de sécurité intérieure…
Le déséquilibre intellectuel est particulière ment sensible dans les pièces de Molière, des « femmes savantes » au "bourgeois gentilhomme »-n’est pas plus inquiétant que celui des âges, pourvu qu’on reste sagement dans sa condition.
La noblesse française aux XVI et XVIIe siècles par jean Marie Constant
La montée de la bourgeoisie et les problèmes financiers de la petite noblesse vont cependant menacer le vieux système. Entre ceux qui cherchent à acheter un titre et ceux qui veulent « redorer leur blason » se nouent des alliances que réprouve la morale nobiliaire aussi bien que bourgeoise ; Seules les grandes familles y échappent. (In : Histoire du mariage en Occident )
Voir aussi :
Les institutions de la France sous la monarchie absolue,
Dictionnaire Louis XIV , à l’article « mariage »
Dictionnaire du grand siècle
Histoire de la vie privée de la Renaissance aux Lumières]
Bonnes lectures.
Le droit canonique autorisait le mariage à douze ans pour les filles, quatorze pour les garçons. Mais le développement physique était en général plus tardif (souvent dix-sept ans pour les filles…
En fait l’ancien régime connut des mariages précoces décidés par les familles, répondant à des considérations d’intérêts, voire à des raisons politiques, plus qu’à la précocité d’un désir amoureux. Mais les historiens s’accordent pour constater que depuis les années 1550, le mariage tardif est très répandu. On y a vu « une entreprise répressive, menée par la théologie chrétienne, l’état moderne et la morale bourgeoise », l’institution « d’une prison où l’occident des réformes a voulu enfermer le sexe » ou encore « la réponse malthusienne au défi d’un monde plein » (Chaunu). Dans son « Essai sur le principe de la population (1798), Malthus se fera en effet le défenseur de du mariage tardif, par souci d’équilibrer production et population. Le mariage précoce selon lui à des habitudes de « sauvage »Et il ajoute à ces conseils l’éloge du célibat. Mais en prônant le mariage tardif, Malthus se fait le « prophète du passé ». Il vante une pratique suivie depuis deux siècles et qui va disparaitre.
Les mariages tardifs étaient fréquents bien avant Malthus, les considérations qui président aux unions sont trop complexes pour que l’on puisse réduire à une seule explication le choix tardif du conjoint.
Cette pratique qui se développe dans la deuxième moitié du XVIe siècle, fléchit nettement à l’époque révolutionnaire. Il s’agit donc d’un phénomène qui marque les XVIIe et XVIIIe siècles…Le retard du mariage est souvent imposé par des considérations économiques-frais de la noce et la dot, de la vie du foyer, de l’éducation des enfants.
Tallement tient pour nécessaire ce retard dans les classes pauvres ;…
Dans l’aristocratie, où les préoccupations matérielles comptent moins, où le mariage répond souvent à des stratégies familiales (dans lesquelles l’attrait d’une belle fortune n’est pas sans importance), les mariages surtout ceux des filles, sont fréquemment précoces. Les « historiettes » de Tallement des Réaux mentionnent des fillettes de l’aristocratie mariées à onze, douze ou treize ans. Si l’on a pu fixer l’âge moyen du mariage pour l’ensemble de la population française entre vingt-sept et vingt-huit ans pour les garçons, ces âges tombent por l’aristocratie à vingt et un et dix-huit ans.
(Le mariage en Occident , jean Gaudemet)
Au XVIIIe siècle, plus du tiers des filles de l’aristocratie écossaise étaient restées célibataires…Cela tenait en grande partie à l’augmentation considérable du montant des dotes. Pourvoir à l’établissement de plusieurs filles pouvait même grever la fortune des familles les plus riches. On mariait une ou deux filles pour établir des alliances et assurer sa position sociale, et les autres restaient à la maison , ou s’installaient à un âge plus avancé avec un revenu très modeste sur des propriétés qui, après leur décès, revenaient à la famille..
( histoire des femmes en Occident, , T 3 XVI-XVIIIe siècles ; sous la direction de Ntahalie Zemon Davis et Arlette Farge : p 39)
Les demoiselles de l’aristocratie sortent toujours chaperonnées, et elles reçoivent leur époux de la main de leurs parents. Les bals, ceux de Paris, de Versailles, de Londres ou de Bath, sont les pépinières de filles à marier. Les unions s’organisent lorsque les filles sont encore très jeunes et quittent souvent le couvent pour le mariage.
(Histoire du mariage , Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles)
Le hasard et l’amour entrent peu en ligne de compte dans les mariages de l’aristocratie de l’Ancien Régime. L’alliance importe plus que le mariage, et on épouse un épouse une famille plus qu’une personne :
L’aristocratie abuse du droit reconnu aux parents de marier leur fille à douze ; parce qu’il fallait dans ce milieu restreint, s’assurer le plus tôt possible du parti convenable.
Le mariage est un élément essentiel de la stratégie sociale de la famille noble pour perpétuer le nom, conserver le prestige et la puissance de la maison et si possible l’accroître. Il est l’objet de savantes manœuvres qui mobilisent souvent quantité de personnes. Il entraîne la constitution d’un réseau de parenté plus ou moins étendu qui devient une sorte d’investissement humain qu’il s’agit d’entretenir et de faire prospérer parce qu’il est utile pour toutes les opérations que la famille pourrait être amenée à développer…Il faut ranger à part les princes de sang que les souverains se chargent de marier en fonction de leurs intérêts diplomatiques ou des problèmes de sécurité intérieure…
Le déséquilibre intellectuel est particulière ment sensible dans les pièces de Molière, des « femmes savantes » au "bourgeois gentilhomme »-n’est pas plus inquiétant que celui des âges, pourvu qu’on reste sagement dans sa condition.
La noblesse française aux XVI et XVIIe siècles par jean Marie Constant
La montée de la bourgeoisie et les problèmes financiers de la petite noblesse vont cependant menacer le vieux système. Entre ceux qui cherchent à acheter un titre et ceux qui veulent « redorer leur blason » se nouent des alliances que réprouve la morale nobiliaire aussi bien que bourgeoise ; Seules les grandes familles y échappent. (In : Histoire du mariage en Occident )
Voir aussi :
Les institutions de la France sous la monarchie absolue,
Dictionnaire Louis XIV , à l’article « mariage »
Dictionnaire du grand siècle
Histoire de la vie privée de la Renaissance aux Lumières]
Bonnes lectures.
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