Question d'origine :
Quelles ont été les circonstances du transfert des juifs falashas d'Ethiopie en Israël en 1985 ?
Quelles ont été les raisons invoquées par l'état hébreu pour procéder à cette opération ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 01/06/2005 à 11h16
Sur l’histoire de cette émigration, on trouve quelques éléments sur le site : Clio
En 1974, Mengistu Hailé Maryam s’empare du pouvoir et institue un gouvernement marxiste-léniniste. Sa politique de redistribution des terres n’améliore guère le sort des Falachas, à qui le régime n’octroie toujours pas de visa de sortie. Pourtant, en 1975, le rabbinat d’Israël reconnaît la judéité des Falachas sur la base d’opinions rabbiniques qui affirmeraient qu’ils descendent de l’une des dix tribus perdues d’Israël, celle de Dan. Admettre leur statut de juifs leur confère la possibilité de bénéficier de la Loi du retour, autorisant tout individu reconnu comme juif à immigrer en Israël.
Cette décision n’a pas d’effet immédiat sur les Falachas, qui habitent principalement le nord-ouest de l’Éthiopie. Mais, au début des années quatre-vingt, à la suite d’une sécheresse dévastatrice et d’instabilité politique, les Falachas des régions du Tigré et du Wolqayt commencent à marcher vers le Soudan, où ils passent plusieurs mois, voire plusieurs années dans des camps de réfugiés. En 1984, six mille d’entre eux atteignent Israël par l’intermédiaire d’opérations secrètes. Ils continuent à affluer vers le Soudan, à présent venant aussi de la région de Gondar. En raison des conditions déplorables dans les camps soudanais, entre novembre 1984 et janvier 1985, les autorités israéliennes organisent le premier pont aérien d’envergure, surnommé Opération Moïse, au cours duquel six mille sept cents Falachas sont secrètement évacués. La divulgation de cette opération mettra un terme à l’immigration à partir du Soudan, pays membre de la Ligue arabe.
Interrompues à la suite de la guerre de Kippour, les relations diplomatiques entre l’Éthiopie et Israël reprennent en 1989 et l’ouverture d’une ambassade israélienne à Addis-Abéba permet une immigration, légale bien que restreinte, vers Israël. Des centaines de Falachas quittent alors leurs villages et affluent vers la capitale éthiopienne. En 1990, ils sont près de vingt mille à résider autour de l’ambassade d’Israël, dans l’espoir d’émigrer bien que le gouvernement éthiopien limite encore les visas de sortie. Au printemps 1991, alors que les forces rebelles du Tigré sont aux portes d’Addis et que le régime de Mengistu est sur le point d’être renversé, le gouvernement israélien décide de profiter de ce moment de désorganisation politique pour mettre en action l’opération d’évacuation massive baptisée Opération Salomon. En quarante-huit heures, quatorze mille deux cents personnes sont transportées par pont aérien entre Addis-Abéba et Tel-Aviv. C’est alors que le destin des Falachas bascule et que cette communauté entame un nouvel épisode de son histoire… Lisa Antéby-Yemini
Décembre 2002
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Un article du magazine Le Pointà l’occasion de la sortie du film « Va, vis et deviens » retrace les circonstances de cette émigration
Cet exode, secret, confus, est une des odyssées les plus compliquées du XXe siècle. Une des plus méconnues. En parallèle à son film, Mihaileanu a mené des entretiens avec les agents du Mossad et des Falachas ayant participé à cette opération. Il aurait dû en résulter un passionnant documentaire. « Nous avions de l'argent belge, italien, anglais, israélien, et la chaîne Odyssée nous aidait. Il manquait 100 000 euros. » Aucune chaîne française hertzienne, pas même Arte, n'a manifesté d'intérêt. On peut s'en étonner. Car les faits sont sidérants
Dès 1977, une tentative fut menée pour sortir d'Ethiopie les Falachas reconnus comme juifs par le grand rabbin Ovadia Yossef depuis 1973. Deux Hercules israéliens se posent à Addis-Abeba. A l'insu de l'URSS, un pacte secret a été scellé entre Israël et Mengistu, le dictateur communiste éthiopien. Mais Moshe Dayan, sous la pression de religieux israéliens, révèle le pot aux roses. L'URSS se fâche. L'opération est interrompue. Pour atteindre la Terre promise, les Falachas devront désormais passer par le Soudan musulman.
L'opération Moïse débute en 1983. Des Falachas commencent à converger vers des camps sur la frontière soudano-éthiopienne. La consigne est vague. Elle circule par ouï-dire. Israël a aussi envoyé dans les villages des montagnes du Simen des agents du Mossad éthiopiens. La plupart sont arrêtés. Ils sont suivis de guides éthiopiens non juifs, qui trahissent les Falachas. Finalement, pour convaincre les Falachas de partir, certains agents israéliens se peignent en noir et les rejoignent à leur tour. « Il fallait leur expliquer qu'ils devaient cacher leur judaïsme, ne plus faire shabbat, qu'ils en avaient le droit pour protéger leur vie. » Mais ce droit, inscrit dans le Talmud, les Falachas ne l'acceptent pas. Car, s'ils connaissent la Thora, ils ignorent le Talmud. L'antisémitisme, les brigands, la famine (les Falachas vivent dans le Tigré, région séparatiste, affamée par le régime de Mengistu) : près de 4 000 Falachas meurent avant d'atteindre les camps. Ils continueront de mourir dans les camps.
En juillet 1984, un accord secret est signé à Genève entre le Soudan musulman, Israël et les Etats-Unis. Ceux-ci versent 250 millions de dollars au Soudan pour qu'il ferme les yeux sur différents vols aériens et n'alerte pas ses « frères arabes ». Nimeiry, le dictateur soudanais, fait remplacer les chefs de camp à la frontière éthiopienne. Ce qu'il ignore, c'est qu'Israël a déjà envoyé des Hercules non balisés. « Chaque avion avait deux bombes à son bord. S'il était repéré, les Israéliens devaient se détruire. » Ce que Nimeiry ignore aussi, c'est qu'à Port-Soudan s'est ouvert un faux club de vacances allemand et belge. Les touristes sont vrais, mais les moniteurs sont des agents du Mossad qui, la nuit, sortent par bateau jusqu'à Charm el-Cheikh les Falachas. Une nuit, l'armée soudanaise leur tire dessus : le lendemain, le club a prétendument fait faillite. Puis, le 21 novembre 1984, les Boeing 707 de la TEA, compagnie belge appartenant à un juif, Guttman, entament leur ballet entre le Soudan, Bruxelles et Tel-Aviv. Pendant six semaines, près de 7 000 Falachas seront évacués. Pourquoi la TEA ? D'ordinaire, ses avions convoient les pèlerins soudanais jusqu'à La Mecque : ils sont donc bien vus au Soudan. Fait méconnu : l'aide de la France. A l'été de 1984, des Falachas, via les camps de Médecins du monde, sont embarqués sur Air France à Khartoum. On leur donne des visas pour transiter par Paris. Attali et Mitterrand ferment les yeux.
Le financement de la logistique est lui aussi étonnant. Dès l'arrivée des premiers Falachas à l'aéroport de Tel-Aviv, Israël réalise un petit film, qui est projeté à Washington, où sont convoqués, dans le plus grand secret, les membres des communautés juives américaine et canadienne. En trois semaines, 65 millions de dollars sont récoltés. Mais l'opé- ration Moïse sera trahie par un de ses organi- sateurs, Yehouda Dominitz, le patron du dépar- tement de l'immigration de l'Agence juive. Sous la pression des milieux orthodoxes, furieux de cet afflux de Falachas indésirables, Dominitz divulgue l'opération, qui est suspendue le 2 janvier 1985. On aurait aimé voir tout cela dans un documentaire François-Guillaume Lorrain
Origine des Falachas
Leur nom est problématique. «Falacha», ou « «immigré», «sans terre», est le terme dont les ont affublés les Ethiopiens, mais il est récusé par les intéressés, qui se désignent sous le nom de «Beta-Israël», la « maison d'Israël». Certains voient en eux les descendants de Ménélik, issu des amours légendaires du roi Salomon et de la reine de Saba. D'autres, les héritiers de la tribu de Dan, une des «douze tribus perdues d'Israël». Il pourrait s'agir aussi de peuplades juives yéménites ayant traversé la mer Rouge. L'influence juive a pénétré l'Ethiopie par l'Egypte et l'Arabie du Sud. Au Moyen Age, ils forment un royaume qui décline dès le XVIIIe siècle. Découverts en 1769 par un savant écossais, James Bruce, ils seront étudiés par Jacques Faitlovitch, qui passa un an avec eux en 1904. A l'époque, les Falachas étaient persuadés d'être les seuls juifs sur terre.
Il reste en Ethiopie plus de 10 000 Falachmoras, des Falachas christianisés de force au XIXe siècle. Ariel Sharon a promis que, d'ici à 2007, ils rejoindraient les 80 000 Falachas d'Israël. Pour Sharon, ce flux serait un moyen d'enrayer le ralentissement de l'immigration provoqué par l'Intifada
Un livre de Tidiane N’Diaye propose une enquête historique , la première en son genre, sur les Falachas et porte un regard très critique sur les motivations de l’Etat d’Israël.
Les falachas, Nègres errants du peuple juif
La Librairie Decitre vous propose une fiche détaillée dont le résumé ci-dessous est extrait :
En 1985 et 1991, Israël, après être longtemps resté indifférent au sort de cette population, décide d'accueillir des Noirs éthiopiens se réclamant du judaïsme. Organisées parle Mossad et baptisées Moïse et Salomon, ces opérations se révélèrent bien moins messianiques qu'elles n'affectaient de l'être. Elles furent surtout l'occasion pour l'Etat hébreu de restaurer son image :son incroyable alliance avec l'Afrique du Sud de l'apartheid et les éclaboussures du massacre de Sabra et Chatila avaient ébranlé l'opinion. Les Nations unies venaient aussi d'assimiler le sionisme au racisme. Les Falachas, ces Juifs noirs, auraient-ils servi de simples figurants dans un scénario de vaste manipulation de l'opinion internationale ? En 2003, le gouvernement Sharon autorisait à nouveau près de 20 000 Ethiopiens, des Falachmouras cette fois, non reconnus jusque-là comme juifs, à immigrer. Israël, confronté à un enjeu démographique devenu vital, ne cherchait-il pas à opérer un gonflement de sa population, avant un possible règlement de la question palestinienne ? Or, du fait de leur couleur et de leurs coutumes africaines, ces Juifs d'Ethiopie n'ont trouvé sur la Terre promise que misère, racisme et discrimination. Le sort qui leur a été réservé signifierait-il que le judaïsme, particulièrement hostile au métissage, est non pas un choix ou une adhésion, mais bel et bien un destin religieux et une condition " raciale " ? Les Falachas, Nègres errants du peuple juif, est une enquête historique, la première en son genre, sur un drame de notre temps quasiment tabou et jusqu'à présent masqué ou escamoté.
Vous pouvez consulter d’autres ouvrages pour compléter ces informations à la bibliothèque notamment :
- Les enfants de la reine de Saba : les juifs d’Ethiopie (Falachas) : histoire, exode , intégration
- Les juifs éthiopiens en Israël : les paradoxes du paradis
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