Question d'origine :
Bonjour cher Guichet.
Depuis quand les cartes topologiques avec des références d'altitude existent-elles? Les niveaux ont-ils été exprimés par autre chose que des ombres reportées sur les cartes de champ de bataille utilisées par les armées avant la bataille avant le XIXe, le XXe siècle?
Merci chère guichetière, cher guichetier.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 11/09/2017 à 13h00
Bonjour,
Vous vous interrogez sur l'apparition des courbes de niveau sur les cartes topographiques ou topologiques.
Voici quelques éléments d'information extraits d'ouvrages, conservés à la Bibliothèque municipale de Lyon, qui pourront vous intéresser :
"COMMISSION DE TOPOGRAPHIE DE 1802
Nivellement et orographie .
L'accord se fit tout d'abord sur la nécessité d'inscrire, sur tous les plans et cartes, le plus possible de cotes, et de rattacher ces dernières à un niveau de référence unique, celui de la mer. En effet, nous avons vu quejusqu'alors aucune carte d'ensemble n'était pourvue d'altitudes , et les plans de détail qui en comportaient les référaient à un niveau de comparaison local, arbitrairement choisi.
En ce qui concerne la représentation des formes du terrain, la Commission récapitula les systèmes employés précédemment : la perspective cavalière, comme sur les anciennes cartes (première manière) ; les lignes de plus grande pente continues, comme sur les cartes plus récentes (deuxième manière) ; enfin les sections horizontales équidistantes utilisées par le Génie. La première solution fut tout de suite et définitivement rejetée, comme insuffisante et incompatible avec la projection horizontale qui s'imposait pour la planimétrie.
Quant auxcourbes de niveau, leur origine remonte en réalité à 1729, date à laquelle l'arpenteur hollandais Cruquius avait imaginé de définir le lit des cours d'eau à l'aide de courbes d'égales sondes. En 1737, le géographe français Buache représentait de même le fond de la Manche. Puis en 1799, l'ingénieur géographe Dupain-Triel produisait un curieux essai de courbes hypsométriques avec teintes, sur une carte de France au 1:2164000. Mais on estime à juste titre que c'est le Corps du Génie, le premier, qui sut décrire par des courbes les accidents du sol. Au début, ce système ne fut appliqué qu'à des surfaces limitées dessinées à grande échelle, pour déterminer les plans de défilement des ouvrages. Puis il s'étendit bientôt à de véritables levés topographiques, sous l'influence en particulier du chef de bataillon Haxo, à partir de 1801 .
Les méthodes ne se précisèrent d'ailleurs que quelques années plus tard, en 1809-1811, grâce aux travaux du capitaine Clerc ; elles consistaient essentiellement à filer les courbes à l'aide d'un niveau et d'une mire. Mais elles ne furent jamais appliquées par le Dépôt de la Guerre, dont les travaux plus rapides à échelles plus réduites ne prétendaient pas au tracé rigoureux des horizontales.
Restaient les lignes de pente. La Commission se prononça en leur faveur, car elle les estimait plus faciles à apprécier à vue sur le terrain que les courbes, dont on ne concevait la détermination que par filage. Ayant admis les lignes de pente, il fallait définir la façon de les tracer et le moyen d'augmenter l'effet plastique par un éclairement conventionnel. On décida d'abord de les fractionner en éléments courts appuyés sur des horizontales approximatives, en principe équidistantes : les hachures étaient nées [Il est à noter que la projection de Bonne a été également adoptée, au XIXe siècle, par un certain nombre de pays d'Europe occidentale.]. Elles pouvaient être rehaussées par un lavis, sur les dessins originaux, ou plus ou moins resserrées et renforcées, sur les cartes gravées. Mais l'effet d'éclairement obtenu par ces artifices devait-il être zénithal ou oblique ? Cette question fit l'objet d'une vive controverse, qui aboutit finalement à l'adoption de la seconde solution, dans l'hypothèse de rayons lumineux venant du nord-ouest et faisant avec le plan de la carte un angle de 50 à 65 gr ; les ombres portées étaient supprimées. Ce fut la troisième manière de l'orographie. Remarquons d'ailleurs que, lorsqu'il est question d'éclairement oblique pour les hachures, il faut sous-entendre éclairements oblique et zénithal combinés. [...] "
source : Historique de la cartographie / Institut géographique national
Dans L'aventure cartographique, Jean Lefort explique que le point de référence (niveau de la mer méditerranée) de ce nivellement a été établi de manière consensuelle dans la 2e partie du XIXe siècle :
"Les travaux de nivellement
Les travaux trigonométriques de la carte d'État-Major permettaient de déterminer les altitudes sur l'ensemble du territoire, à un ou deux mètres près. Cette précision était bien insuffisante pour les travaux de génie civil, routes, ponts, canaux, voies ferrées que l'on commençait à construire. Il fallut donc se lancer dans un travail de nivellement avec des instruments appropriés, les anciens niveaux à eau étant remplacés par des niveaux à lunette comme le niveau de Chézy à deux objectifs (voir encadré pages 170 et 171). Bien évidemment, on n'avait pas attendu la carte d'Etat-Major pour effectuer des nivellements : les compagnies de chemin de fer, les entreprises de construction des canaux et d'autres administrations ou services divers avaient déjà eu recours à des nivellements de précision, et avaient pour leurs besoins propres mis au point des techniques efficaces. Mais l'étanchéité entre les administrations et même entre les différents services d'une même administration, les jalousies ou encore les secrets techniques firent que les géodésiens durent réinventer des méthodes tant techniques que de calculs (et pas toujours les meilleures ou les plus pratiques), pour obtenir un nivellement de précision.
Tout nivellement suppose une origine unique, or celle-ci ne fut pas définie dès le début.
Par exemple Bourdalouë, après avoir effectué avec succès le nivellement du canal de Suez, et devenu à son retour en France l'entrepreneur officiel des travaux de nivellement des Ponts et Chaussées, propose en 1855 d'effectuer le nivellement de la Loire de l'embouchure jusqu'à Briare, en prenant comme origine la cote 3,00 mètres de l'échelle de Saint-Nazaire. On se souvient que Picard, chargé de l'alimentation en eau du château de Versailles, avait choisi comme origine le rez-de-chaussée du château. Cassini avait adopté le niveau de la mer dans la région de Perpignan. Le choix de la Méditerranée où les marées sont très faibles est assez logique. Cela n'empêcha pas l'ingénieur Collin de proposer le point situé à 100 mètres en dessous de la cour de l'observatoire de Paris. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !Il fallut attendre une décision ministérielle de 1860 fixant l'origine des altitudes au niveau moyen de la Méditerranée à Marseille, défini par le trait 0,40 mètre de l'échelle de marée de Fort Saint-Jean, pour qu'enfin le réseau français de nivellement soit rattaché à une origine unique.
[...]
C'est avec l'introduction des courbes de niveau et la nouvelle carte de France à partir du XXe siècle que le nivellement sera mené de pair avec la triangulation."
Lire aussi :
- Le procédé récent des courbes de niveau et Les nivellements de précision : une réponse au nombre insuffisant de cotes géodésiques in Histoire d'une parenthèse cartographique : Les Alpes du Nord dans la cartographie topographique française aux 19e et 20e siècles / Thèse de Nicolas Guilhot ; sous la direction de Girolamo Ramunni
- L'oeil du cartographe et la représentation géographique du Moyen âge à nos jours : [actes du Colloque européen La cartographie topographique, Paris, 29 et 30 octobre 1992] / sous la dir. de Catherine Bousquet-Bressolier
- Référentiel de la Région de Dijon - RÔLE DE LA TOPOGRAPHIE (voir notamment page 21)
- OFFICIERS TOPOGRAPHES ET TOPOGRAPHES-ALPINISTES DANS LES ALPES FRANCAISES, 1890-1940 / Nicolas Guilhot
Bonne journée.
Vous vous interrogez sur l'apparition des courbes de niveau sur les cartes topographiques ou topologiques.
Voici quelques éléments d'information extraits d'ouvrages, conservés à la Bibliothèque municipale de Lyon, qui pourront vous intéresser :
"
L'accord se fit tout d'abord sur la nécessité d'inscrire, sur tous les plans et cartes, le plus possible de cotes, et de rattacher ces dernières à un niveau de référence unique, celui de la mer. En effet, nous avons vu que
En ce qui concerne la représentation des formes du terrain, la Commission récapitula les systèmes employés précédemment : la perspective cavalière, comme sur les anciennes cartes (première manière) ; les lignes de plus grande pente continues, comme sur les cartes plus récentes (deuxième manière) ; enfin les sections horizontales équidistantes utilisées par le Génie. La première solution fut tout de suite et définitivement rejetée, comme insuffisante et incompatible avec la projection horizontale qui s'imposait pour la planimétrie.
Quant aux
Les méthodes ne se précisèrent d'ailleurs que quelques années plus tard, en 1809-1811, grâce aux travaux du capitaine Clerc ; elles consistaient essentiellement à filer les courbes à l'aide d'un niveau et d'une mire. Mais elles ne furent jamais appliquées par le Dépôt de la Guerre, dont les travaux plus rapides à échelles plus réduites ne prétendaient pas au tracé rigoureux des horizontales.
Restaient les lignes de pente. La Commission se prononça en leur faveur, car elle les estimait plus faciles à apprécier à vue sur le terrain que les courbes, dont on ne concevait la détermination que par filage. Ayant admis les lignes de pente, il fallait définir la façon de les tracer et le moyen d'augmenter l'effet plastique par un éclairement conventionnel. On décida d'abord de les fractionner en éléments courts appuyés sur des horizontales approximatives, en principe équidistantes : les hachures étaient nées [Il est à noter que la projection de Bonne a été également adoptée, au XIXe siècle, par un certain nombre de pays d'Europe occidentale.]. Elles pouvaient être rehaussées par un lavis, sur les dessins originaux, ou plus ou moins resserrées et renforcées, sur les cartes gravées. Mais l'effet d'éclairement obtenu par ces artifices devait-il être zénithal ou oblique ? Cette question fit l'objet d'une vive controverse, qui aboutit finalement à l'adoption de la seconde solution, dans l'hypothèse de rayons lumineux venant du nord-ouest et faisant avec le plan de la carte un angle de 50 à 65 gr ; les ombres portées étaient supprimées. Ce fut la troisième manière de l'orographie. Remarquons d'ailleurs que, lorsqu'il est question d'éclairement oblique pour les hachures, il faut sous-entendre éclairements oblique et zénithal combinés. [...] "
source : Historique de la cartographie / Institut géographique national
Dans L'aventure cartographique, Jean Lefort explique que le point de référence (niveau de la mer méditerranée) de ce nivellement a été établi de manière consensuelle dans la 2e partie du XIXe siècle :
"
Les travaux trigonométriques de la carte d'État-Major permettaient de déterminer les altitudes sur l'ensemble du territoire, à un ou deux mètres près. Cette précision était bien insuffisante pour les travaux de génie civil, routes, ponts, canaux, voies ferrées que l'on commençait à construire. Il fallut donc se lancer dans un travail de nivellement avec des instruments appropriés, les anciens niveaux à eau étant remplacés par des niveaux à lunette comme le niveau de Chézy à deux objectifs (voir encadré pages 170 et 171). Bien évidemment, on n'avait pas attendu la carte d'Etat-Major pour effectuer des nivellements : les compagnies de chemin de fer, les entreprises de construction des canaux et d'autres administrations ou services divers avaient déjà eu recours à des nivellements de précision, et avaient pour leurs besoins propres mis au point des techniques efficaces. Mais l'étanchéité entre les administrations et même entre les différents services d'une même administration, les jalousies ou encore les secrets techniques firent que les géodésiens durent réinventer des méthodes tant techniques que de calculs (et pas toujours les meilleures ou les plus pratiques), pour obtenir un nivellement de précision.
Par exemple Bourdalouë, après avoir effectué avec succès le nivellement du canal de Suez, et devenu à son retour en France l'entrepreneur officiel des travaux de nivellement des Ponts et Chaussées, propose en 1855 d'effectuer le nivellement de la Loire de l'embouchure jusqu'à Briare, en prenant comme origine la cote 3,00 mètres de l'échelle de Saint-Nazaire. On se souvient que Picard, chargé de l'alimentation en eau du château de Versailles, avait choisi comme origine le rez-de-chaussée du château. Cassini avait adopté le niveau de la mer dans la région de Perpignan. Le choix de la Méditerranée où les marées sont très faibles est assez logique. Cela n'empêcha pas l'ingénieur Collin de proposer le point situé à 100 mètres en dessous de la cour de l'observatoire de Paris. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
[...]
C'est avec l'introduction des courbes de niveau et la nouvelle carte de France à partir du XXe siècle que le nivellement sera mené de pair avec la triangulation."
Lire aussi :
- Le procédé récent des courbes de niveau et Les nivellements de précision : une réponse au nombre insuffisant de cotes géodésiques in Histoire d'une parenthèse cartographique : Les Alpes du Nord dans la cartographie topographique française aux 19e et 20e siècles / Thèse de Nicolas Guilhot ; sous la direction de Girolamo Ramunni
- L'oeil du cartographe et la représentation géographique du Moyen âge à nos jours : [actes du Colloque européen La cartographie topographique, Paris, 29 et 30 octobre 1992] / sous la dir. de Catherine Bousquet-Bressolier
- Référentiel de la Région de Dijon - RÔLE DE LA TOPOGRAPHIE (voir notamment page 21)
- OFFICIERS TOPOGRAPHES ET TOPOGRAPHES-ALPINISTES DANS LES ALPES FRANCAISES, 1890-1940 / Nicolas Guilhot
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Je suis à la recherche d'un article sur les restaurations...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter