Question d'origine :
Bonjour,
à partir de quel moment a-t-on le droit de refuser de "participer" à des opérations de communication clairement marquées politiquement ?
Recruté sur des missions de service public, qui consistent, comme leur nom l'indique, à faire de la communication publique à destination des administrés (et non des électeurs) du maire d'une commune, je refuse de participer à des campagnes qui servent un bilan de mi-mandat, surtout si cela se fait au détriment de l'intérêt public.
Je sais que la frontière est ténue entre la communication politique et la communication publique, cependant sans garde-fous, comment se positionner, et quel texte de loi brandir pour justifier notre crainte d'être "instrumentalisé" à des fins politiques ?
Merci à vous de m'éclairer sur le sujet
Réponse du Guichet
bml_soc
- Département : Société
Le 11/09/2017 à 13h04
En effet, la frontière entre communication publique et politique est assez floue. Cependant de nombreux textes issus de revues universitaires permettent de différencier les deux champs d’ action. «
Communication et Organisation.- 2009.- Bessieres
Presses universitaires de Bordeaux
Le modèle ancien incite les élus à recruter les membres du service communication parmi des militants politiques du même bord alors que le modèle actuel et les analystes prônent un recrutement parmi les professionnels neutres, sachant que l’ on peut être simultanément professionnel de la com’ et politiquement engagé. «
La communication publique, un concept pour repositionner le journalisme contemporain.
Difficile pour vous de garder une attitude neutre dans le cas décrit dans la question. Il est difficile de maintenir votre position si vos opinions politiques sont différentes de celles de l’élu ou si vous émettez l’idée que vous servez un discours contraire à l’intérêt public. Les textes sur lesquels vous pouvez vous appuyer sont rares. Il existe quelques textes de loi et surtout une charte déontologique qui montre les contours de l'exercice de la communication locale de service public, des droits et devoirs des professionnels qui l'exercent. De nombreuses associations défendent les intérêts des professionnels de la communication publique.
"Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s'exerce sans préjudice des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs. "
Code général des collectivités territoriales
CHAPITRE Ier : Dispositions générales
Article L2141-10.
Modifié par la Loi n°2004-809 du 13 août 2004 - art. 122 JORF 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005
Article 2
Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public.
Article 2 bis
Tout journaliste, au sens du 1° du I de l'article 2, a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice.
Loi de 1901 de la liberté de la presse
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Vingtième anniversaire de l'association « Communication Publique » - Colloque organisé à Paris au Palais-Royal le 21 octobre 2009
Ce concours apporté par la communication publique à l'Etat de droit procède également, en second lieu, de l'éthique de cette communication. Les bornes de la communication publique, par exemple, se superposent nécessairement à celles des informations publiques, telles qu'elles sont définies par la Loi du 17 juillet 1978.
ne relèvent donc de la catégorie des informations communicables ni celles susceptibles de porter atteinte aux activités qui concourent de la manière la plus essentielle aux intérêts public, ni les informations produites ou reçues par les services publics, dont la diffusion mettrait en cause les droits des personnes. Les limites de la communication publique sont ainsi liées au respect des droits et du droit.
Conseil d' Etat
- Cap.com
- Union national des professionnels
- lafrenchcom.fr
- briefmag.com
Cette charte a été discutée, amendée et adoptée dans le cadre de l'association "Club Cap'Com" qui en garantit l'authenticité et qui la met à disposition de tout communicant qui en fait la demande.
La charte a été proclamée le 25 novembre 2002 à Marseille, en ouverture du 14e Forum de la communication publique et territoriale.
Les signataires de la présente charte s'engagent à la respecter, à la promouvoir auprès d'autres établissements publics ou para-publics et à en appeler à leur conseil consultatif en cas de transgression de celle-ci.
La charte ‐dite de Marseille -¬‐a pour objet de tracer les contours de l'exercice de la communication locale de service public, des droits et devoirs des professionnels qui l'exercent. Elle a pour but d'élaborer "un contrat public" de son exercice entre les partenaires qui la pratiquent : décideurs, employeurs et communicants.Cette charte a été discutée, amendée et adoptée dans le cadre de l'association "Club Cap'Com" qui en garantit l'authenticité et qui la met à disposition de tout communicant qui en fait la demande.
Les signataires de la présente charte s'engagent à la respecter, à la promouvoir auprès d'autres établissements publics ou para-¬‐publics et à en appeler à leur conseil consultatif en cas de transgression de celle‐ci.
"Devant le déploiement croissant de la société de l'information, la communication publique s'affirme aujourd'hui comme une nécessité incontournable des institutions et états démocratiques. De ce point de vue, elle s'apparente, non à un simple outil technique de mise en forme des politiques publiques, mais à une démarche globale inscrite dans l'exercice même de la gouvernance publique."
"La communication publique s'inscrit dans le cadre des missions de l'information de service public et en respecte les règles en vigueur, tant déontologiques que juridiques. Elle doit s'exercer hors de toute propagande ou falsification des faits et respecter la nécessaire transparence des informations dont elle dispose, tant à l'intention des décideurs."
"Les professionnels de la communication publique viseront à faire respecter la présente charte et pourront en appeler à leurs instances de régulation professionnelles ou syndicales pour faire valoir leurs droits et devoirs. Ils s'attacheront, à terme, à créer les instances qui constitueront un organe consultatif de conseils et d'aide aux professionnels dans l'exercice de leur activité.
Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s'exerce sans préjudice des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs."
La communication publique, un concept pour repositionner le journalisme contemporain de François Demers in : les cahiers du journalisme, no 18
"
Les définitions de la communication institutionnelle publique constituent un enjeu de lutte disciplinaire. Ces logiques de positionnement correspondent à des modèles d’interprétation d’une réalité sociale en croissance. Mais elles manquent de précision, même si l’appellation communication publique bénéficie du soutien des acteurs sociaux qui la mettent en œuvre.
Une spécification communication publique pour les SIC8 et les professionnels des Sciences de l’information et de la communication.
Certains auteurs cherchent à définir la communication institutionnelle comme une communication publique, en la différenciant d’une communication politique. Ainsi, Bernard Miège (1989) définit la communication publique comme différente de la communication politique bien qu’il admette des chevauchements inévitables dans la recherche d’une adhésion à une politique menée par l’Etat par une campagne de communication : « Il faut d’abord distinguer la communication publique de la communication politique avec laquelle elle est souvent confondue ». « La communication publique est donc multiple, même si les effets qu’elle recherche se complètent plus qu’ils ne s’opposent ou se concurrencent ». Pour caractériser cette communication institutionnelle, des d’analystes prônent une séparation théorique entre les deux appellations parce qu’elle entraîne un choix de recrutement entre des professionnels (modèle actuel) d’un côté ou des militants politiques (modèle ancien) d’un autre (Pailliart, 1993). On critique également le risque d’une personnalisation de la communication autour de l’élu attentatoire aux finalités publiques (Zémor, 2008), responsable de son assimilation à la communication politique (Miège, 1989).
Grâce aux associations Comunicazione Pubblica et Communication Publique Wallonie-Bruxelles.
C’est l’association éponyme, créée en 1989, qui permet à cette appellation de supplanter celle de communication sociale antérieure (Ollivier-Yaniv, 2000) et son succès auprès du champ de professionnels et des institutions publiques. Selon son fondateur, Pierre Zémor (2008), « la communication publique est la communication formelle qui tend à l’échange et au partage d’informations d’utilité publique, ainsi qu’au maintien du lien social, et dont la responsabilité incombe à des institutions publiques »… Ses finalités sont par conséquent les mêmes que celles d’organismes publics, à savoir « d’informer, (faire savoir, rendre compte et faire valoir), d’écouter (les attentes, les interrogations et le débat public), de contribuer à assurer la relation sociale (sentiment d’appartenance collectif, prise en considération du citoyen en tant qu’acteur) et d’accompagner les changements tant comportementaux que d’organisation sociale ». Elle s’attache aux organisations publiques. Cette conception est également reprise en Italie et en Belgique9 avec un sens plus restreint que dans le contexte nord américain où elle recouvre les institutions publiques, mais aussi plus largement les médias, les entreprises, les mouvements et les groupes qui interviennent sur la place publique (Beauchamp, 1998). La spécificité de la communication publique en France est donc majoritairement organique, c’est le critère juridique du secteur public (son statut) et/ou sa nature non concurrentielle (son comportement).
Ce caractère public fonde sa spécificité en l’écartant de la publicité et de la communication commerciale, trop simplificatrice de la complexité du service public (Zémor, 2008). Incontestablement, la communication publique s’oppose au privé dans un vaste champ organisationnel qui regroupe les communications de toutes les institutions publiques : ministères, entreprises publiques, établissements publics, collectivités territoriales (Bille, 1991). Plus encore, cette communication relève du monopole de l’institution dans son champ de compétences, ce qui change la portée de celle-ci par rapport à la communication d’entreprise10 : elle bénéficie d’une emprise beaucoup plus forte. Cependant, elle est généralement moins précise en raison de l’étendue des mesures publiques qui touchent des catégories larges de population et généralement le grand public (Hallé, 1994). Nous avons pu vérifier lors de divers entretiens que cette communication est souvent peu ciblée, en comparaison de la communication commerciale, au motif de l’intérêt général. Tout se passe comme si le principe de droit public d’égalité de traitement était contradictoire avec les cibles précises de catégories socioprofessionnelles. C’est une communication adressée à un ou des grands publics relevant de découpages de compétences administratives générales (Bessières, 2000). Enfin, des contraintes de gestion publique contribuent également à la définir : le droit (Bille, 1991), le code des marchés publics, la concertation avec un représentant politique (élu ou ministre).
Nombre d’auteurs politistes témoignent d’une logique de marquage de champ disciplinaire. La communication institutionnelle publique étant regardée comme une politique publique ou une communication politique, catégories préexistantes.
Cette possibilité existe quelques fois, au niveau de l’État dans les ministères de l’Equipement et (...)
Pour parler de politique publique, à la base il y a toujours l’identification d’un problème sujet à débat appelant une régulation politique. Des maux sociaux deviennent ainsi des problèmes politiques (Muller, 2008). Ce n’est généralement pas le cas en matière de communication : les exemples de négociations participatives sont marginaux et ponctuels entre acteurs de la décision publique12. Pour certains auteurs (Le Bart, 1994 ; Dubois 1991), la communication est sensée apporter une réponse à des besoins d’information présumés des usagers en donnant à voir les autres politiques publiques. Un tel besoin n’est pourtant pas démontré, faute de revendications en ce sens exprimées de façon générale par les populations locales ou nationales : la communication publique ne représente pas un problème collectif en soi (Nay, 1994a) de nature à expliquer son institutionnalisation et sa pérennisation. C’est là une restriction fondamentale à la possibilité d’une analyse de la communication locale comme une politique publique. Dans ces conditions, c’est bien plus la logique de l’offre, issue du pouvoir politique qui prime sur celle d’une hypothétique demande de la population. Le besoin de communication organisationnelle ressort plutôt d’un souci de légitimation institutionnelle et politique ou de gestion et de contrôle symbolique de l’organisation (Bessières, 1998).
On peut concevoir qu’un effet d’annonce soit considéré comme une politique publique qui identifie des actes, mais aussi à la limite leur absence en faisant croire que l’on agit au moyen de supports de communication (Thoenig, 1985). On voit bien qu’une telle possibilité d’analyse de la communication s’adresse à des actions ponctuelles et non pas à une pratique généralisée. Plus largement, la communication n’est pas une politique publique dans les entreprises, ni dans la communication électorale. Aussi, on ne saisit pas bien ce qui fondamentalement impliquerait de dissocier la communication des institutions publiques des autres types de communication d’organisation. En ce sens, elle est seconde, « intersectorielle », « englobante », et « il n’est pas possible de la dissocier des politiques sectorielles » (Nay, 1994ab) qu’elle met en scène, ni d’évaluer facilement son impact spécifique (Dubois, 1991) des actions ou des services qu’elle promeut.
Pour autant, fondamentalement, cette activité organisationnelle publique a toujours une signification politique. Elle est placée sous le contrôle d’un homme politique (ministre, élu) ou d’un dirigeant tirant sa légitimité d’une nomination politique. Elle sera jugée sur son impact dans l’opinion, sur l’image de l’institution, voire sur celle du dirigeant politique placé à sa tête (Laufer, Burlaud, 1980). Cette communication est de facto conditionnée par la notion de mandat, à ce titre elle est politique. Nombre d’auteurs du champ disciplinaire science politique classent d’entrée de jeu cette communication institutionnelle comme une branche de la communication politique dans leurs ouvrages (Currap, 1991 ; Gerstlé, 2008).
Aussi, certains n’hésitent pas à définir la communication politique locale comme une série de méthodes et de techniques visant à mobiliser des formes symboliques (des images, des mots, des attitudes…) représentant une réalité suggérée que le pouvoir politique local voudrait imposer comme référent commun », de nature à répondre à la curiosité de la population, pour transmettre des valeurs, culturelles et politiques, tout en étant un élément de distraction (Nay, 1994a). Il en découle que cette communication est plurielle dans ses utilisations - communication des élus, des institutions, des politiques publiques - mais avec également dans ses objectifs d’information (donner le sens d’une action), de promotion (agir sur les perceptions du public), de socialisation (diffusion de valeurs et de modèles de comportement). Ainsi, la communication locale comporte toujours une valorisation implicite des actions des élus décideurs et l’activation de l’identité locale (Chevalier, 1991). Les édiles sont présentés selon un discours axé sur des thèmes territoriaux (promotion du développement local, gestion publique..) destinés à mettre en scène une intervention publique locale consensuelle et à minimiser corrélativement les oppositions d’intérêts (Faure, 1994). Cette dimension des pratiques sociales représente la définition de la communication politique au niveau local selon Jean-Baptiste Legavre (1994).
15Cependant, fondamentalement, la communication politique est plus vaste que la communication institutionnelle publique. Elle a trait aux relations sociales dans un espace de coopération et de conflit, au lien social en définitive. Elle passe par divers canaux (Gerstlé, 2008) : institutionnels (parlement, administrations...), organisationnels (partis et groupements politiques), médiatiques (presse, écrits, audiovisuels), interpersonnels (groupes sociaux et relations interindividuelles). En effet, « la communication politique est un échange d’information entre les gouvernants et les gouvernés, par des canaux de transmission structurés ou informels » (Cotteret, 2000), afin d’assurer un accord par la mise en commun de valeurs dans le cadre d’un code commun partagé par les deux groupes d’acteurs.
En dépit des enjeux de définition théorique, la communication se développe dans la pratique des organisations. Il s’agit pour les institutions de se faire connaître (identification) et reconnaître (légitimation), mais aussi de renforcer le consensus électoral. Elle est alors montrée comme publique ou politique. En définitive, ces deux acceptions sont tout aussi recevables, mais toutes deux sont polarisées sur des visions restrictives et trop larges de cette activité. Par exemple, la communication locale appartient à ces deux visions. Elle est incontestablement une communication publique ; l’accent est alors mis sur la dimension institutionnelle des organismes qui l’utilisent. Elle est très efficace pour l’institutionnalisation en la rattachant au vaste champ de la communication organisationnelle. Toutefois, cette première appellation souffre d’imprécision parce qu’elle ne se réfère pas expressément au niveau politique, pourtant essentiel. En effet, du point de vue de ses finalités, elle représente une communication politique au service d’un exécutif, de dirigeants politico administratifs. Les actions administratives étant alors jaugées in fine en fonction d’une image globale du travail des décideurs. La dénommer comme politique permet de pointer l’intérêt des élus décideurs pour l’existence des services de communication, mais contribue à évacuer la dimension institutionnelle absente dans cette appellation (Bessières 1998). Cette double vision théoriquement différenciée, se révèle plus fédératrice au regard du champ des pratiques. En effet, l’exécutif local et national incarne « un compromis magique » entre le politique et l’administratif (Zémor, 2008). Aussi, à ce stade, nous définissons la communication institutionnelle publique comme un ensemble de techniques de légitimation constituant une communication publique politique indirecte. Cette définition est en phase avec la réalité organisationnelle.
L’impact organisationnel : vers changement de paradigme ?
Le travail social de la communication institutionnelle publique intègre la structure administrative qu’elle a pour charge de traduire et qui la conditionne. Elle est récemment plus concernée par une dimension gestionnaire.
La communication publique est marquée par un souci de management. Elle représente une transformation des relations avec les administrés de l’Etat qui recherche « une certaine qualité de contact… L’Etat est amené à utiliser de nouveaux procédés de gestion, y compris de gestion d’opinion… » (Miège, 1989). Ainsi, plusieurs opérations de communication sont sollicitées pour l’accueil du public, des moyens de présentation et de transmission d’information, des campagnes visant à modifier des comportements (Sécurité routière...). Aussi, le caractère principal de cette communication réside dans son action sur les représentations accompagnant des actions, des applications de règles, des procédures, la prise de décision publique. Elle met en forme des obligations d’information de certaines décisions (publicité des délibérations du conseil municipal), promeut des actions des services délivrés, ou fait connaître l’institution par des campagnes ou actions d’intérêt général (Zémor, 2008) : son rôle est modeste. L’image de l’action relève de la communication (Dupoirier, 1994). Aujourd’hui, la communication apparaît reconnue et intégrée par les acteurs comme élément de gestion des services publics. Cette idée est clairement exprimée par un des plus hauts fonctionnaires, le Vice-président du Conseil d’Etat (Sauvé, 2008), pour peu qu’elle réponde aux motifs d’accroissement du champ des services publics, des évolutions des sociétés contemporaines impliquant une relation à la fois globale (idée de massification) et individuelle (idée de relations personnelles) avec le collectif et les personnes des usagers. On peut souligner également des évolutions des contextes de fonctionnement, avec un approfondissement de la transparence administrative, la diffusion de méthodes de gouvernance négociatrices d’origine européenne liées à la communication, le développement de la consultation et de la participation (lois de 1995 et 2002) qui consolident le champ des actions de communication publique dans la gestion institutionnelle.
Une pratique professionnelle bureaucratisée réglementée
19La communication, élaborée au moyen de services dédiés dans l’organisation publique, est ainsi soumise à des règles de fonctionnement bureaucratisées. Dans la domination bureaucratique décrite par Max Weber, le pouvoir ne relève pas d’un élément bureaucratique mais du « chef du groupement [qui] occupe une position de détenteur du pouvoir […] en vertu d’une élection » (Weber, 1971). C’est le cas des institutions publiques. En effet, suivant Max Weber, l’administration bureaucratisée se détermine principalement par la détention et la mise en œuvre de savoirs spécialisés, et notamment par le caractère de permanence (Weber, 1971). Les professionnels de cette communication, correspondent en partie à ce que ce sociologue définissait comme activité de fonctionnaires. Leurs recrutements s’opèrent sur la base d’un contrat et d’une sélection ouverte en fonction de la qualification professionnelle en "constante progression" d’une part, et sur les rémunérations fixes ouvrant droit à la retraite d’autre part. Ces personnels correspondent assez bien à ces caractéristiques. En revanche, ils s’en éloignent car leur proximité des dirigeants politiques les prive d’une liberté personnelle qui ne les soumettrait qu’ « aux devoirs objectifs de leur fonction » ; ce qui, allié à leur position hiérarchique variable, ne leur ouvre pas mécaniquement une progression de carrière par avancement à l’ancienneté ou selon leur prestation de service. Ils ne sont pas davantage soumis à une discipline stricte et homogène en raison de la diversité de leurs situations statutaire, hiérarchique, financière, ni même à un véritable contrôle formalisé. S’ils ne correspondent pas totalement au modèle d’idéal type du fonctionnaire formalisé par Max Weber, ils s’en rapprochent.
• 13 Article L-52 du code électoral en particulier
Le droit public français13 participe aujourd’hui de l’intégration organisationnelle de la communication publique qui ne doit plus être personnalisée au moins six mois avant un scrutin national, ni susceptible d’une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion, ni mettre en place des actions nouvelles. Ces restrictions promeuvent ainsi l’institutionnalisation d’une communication d’apparence publique (Bessières 1998). Ces prescriptions légales, parce qu’elles sont intégrées dans la pratique des organisations (Duran, 1992), sont un puissant facteur de renforcement du groupe des communicateurs publics. Il en résulte que leurs applications concrètes relèvent de l’expertise des professionnels de la communication, rendue plus nécessaire en raison des risques notamment de remise en cause des élections en cas de manquements. Plus largement, l’activité communicationnelle est régie par une norme juridique impersonnelle qui la légitime en définitive (Laufer, Paradeise 1982). L’organisation recourt à des professionnels (Chevalier, 1991) qui connaissent des routines administratives, des conditionnements par l’observation de règles administratives et juridiques. De ce fait, ils contrôlent des « zones d’incertitudes » (Crozier, 1963) par leur savoir-faire, en raison de la centralité transversale de la communication dans les organisations publiques (Bessières, 1998).
Récemment, la communication devient une variable managériale, perçue comme un facteur direct de productivité organisationnelle. En effet, le management participatif atteint le secteur des institutions et des administrations publiques. Les mouvements de déréglementation internationale et le développement de la mondialisation des marchés ont contesté l’efficacité de l’économie publique. La résultante de ces évolutions est une contrainte intégrée variablement par les États européens d’alignement sur les modes de gestion du privé et les critères concurrentiels du marché. Cette crise de la gestion publique centralisée s’est traduite à compter des années 1980 par les processus de décentralisation disqualifiant les modes de management bureaucratiques traditionnels fonctionnant sur un usage de masse de services standardisés. En réponse, une logique de différenciation recherchant une qualité du travail et de service comparable au secteur privé se met en place. « De sorte que l’exigence d’un management participatif et communicationnel s’est aussi présentée dans les institutions gérées par l’État, qu’elles soient industrielles, « assistancielle » ou « administratives » (Floris, 1996). Cette mutation se manifeste par des recherches de décloisonnement des organisations publiques, d’autonomie et d’initiative, des contrôles a posteriori, la mise en place de formes participatives dans le travail et de communication institutionnelle. C’est une nouveauté dans la tradition d’unilatéralité des pouvoirs institutionnels fondée sur une organisation pyramidale hiérarchique exprimant les prérogatives de la puissance publique.
• New public management
• Loi d’organisation de la loi de finance
• Ces indicateurs sont modestes aujourd’hui, des expérimentations ont été mises en place par exemple (...)
Le secteur public connaît une large diffusion d’une vision entrepreneuriale devenue un nouveau critère de légitimité. Le management figure un langage adopté par les élites au moment de la perte de légitimé économique du secteur public (Laufer, Burlaud, 1980). La légitimation des moyens ne peut plus se fonder sur le statut public, ni sur des contrôles inopérants face à l’ampleur des activités publiques. Ainsi, l’administration est amenée à rechercher un renouvellement de sa légitimité en permanence, en favorisant un consensus des usagers sur les fins et les résultats (Laufer, Paradeise, 1982) au moyen de la communication. Mais peut-on dire que l’on passe d’une communication bureaucratique à une communication managériale ? Récemment la nouvelle gestion publique s’oppose ainsi à la gestion administrative traditionnelle (bureaucratie wébérienne) critiquée pour son manque de souplesse lié au respect de règles impersonnelles. Elle se manifeste par l’introduction d’instruments de gestion du privé opérant une transformation vers une organisation entrepreneuriale tournée vers la performance (output) et non plus sur les ressources (intrant) (Finger, Ruchat, 1997), recherchant efficience et efficacité. Déjà, on note des exemples d’indicateurs de performance propres à la communication. Dans ce contexte, la légitimité même de la communication dans le fonctionnement des organisations publiques est plus fortement questionnée aujourd’hui par la logique de performance portée par la LOLF15 qui pousse les administrations à la modernisation et à la gestion par la performance. Le but principal réside dans la recherche d’un meilleur pilotage des dépenses et d’une responsabilité accrue des gestionnaires. Les budgets sont votés par des programmes basés sur des objectifs mesurables, assortis d’indicateurs de résultat de communication publique. Les premiers indicateurs apparaissent impropres à retracer l’ensemble des activités communicationnelles. On note l’empirie et une grande diversité de critères choisis. Ils sont pour beaucoup auto définis par des acteurs de la communication publique
Au total, la variété des définitions témoigne d’une légitimation théorique des pratiques organisationnelles de communication. Ces deux mouvements concourent à l’institutionnalisation de la communication publique au même titre que son intégration dans les structures administratives. Ce processus de construction d’un champ social se renforce en tant que discipline entendue comme la conjonction des savoirs professionnels et universitaires labellisant un secteur professionnel. L’émergence de diplômes universitaires spécialisés en communication publique poursuit cette dynamique. « La formation, comme le dit Khun, consiste à apprendre le paradigme, à s’enfermer l’esprit à l’intérieur d’une discipline » (Latour, 1994). Cette discipline, encore floue, permet des passages entre les sciences de l’information et de la communication, la science politique, les sciences de gestion par le jeu des qualifications d’une pratique organisationnelle. De ce point de vue, au classique paradigme bureaucratique wébérien s’ajoute celui du nouveau management public. Tout se passe comme si la communication publique, supportée par le champ de ses professionnels et aussi celui de ses analystes, accroît son emprise grâce à sa plasticité adaptative. Elle est en ce sens toujours une marque de modernité depuis une vingtaine d’années.
Communication et organisation
Les sciences de la communication.- Olivier Bruno.- A. Colin
Courrier des Maires .- novembre 2014
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