Question d'origine :
Bonjour cher guichet,
Je suis à la recherche d'un documentaire récent sur l'étude de l'Hiver nucléaire (Hiver déclenché par une guerre atomique mondiale).
La première étude de ce genre date de 1984 (je pense), mais y a-t-il eu depuis des publications ayant intégré les progrès des connaissances (notamment climatiques) effectuées depuis ?
En vous remerciant par avance !
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/09/2017 à 14h42
Bonjour,
Vous recherchez une bibliographie sélective récente sur le thème de l’hiver nucléaire, en lien notamment avec celui de la question climatique.
Dans son article « Hiver nucléaire » paru dans l’Encyclopédie Universalis en ligne, Adelin Villevieille, ingénieur au Conseil général des ponts et chaussées, résume l’état actuel des connaissances sur le sujet :
« Des études, menées au début des années 1980, ont montré qu'une guerre nucléaire totale entre les États-Unis et l'Union soviétique aurait eu d'importants effets climatiques. Selon ces études, un voile nuageux durable se serait formé, opaque au rayonnement solaire. Dans les estimations les plus pessimistes, l'obscurcissement et le refroidissement consécutifs auraient été tels que leurs auteurs ont cru pouvoir prédire l'apparition d'un « hiver nucléaire » dans les régions tempérées du globe.
Ce sont les charges lancées sur les sites urbains et industriels qui seraient, pour la plus grande part, à l'origine du phénomène. Les matériaux combustibles – hydrocarbures, produits organiques, etc. – y abondent et ils s'enflamment sous l'effet des explosions. De gigantesques incendies donnent naissance à des colonnes de fumées, chargées en poussières partiellement radioactives, en oxydes – notamment de carbone, d'azote, de soufre – et en suies, dont l'opacité est prédominante. Les incendies de forêts peuvent contribuer à la formation de nuages, mais leurs fumées sont moins opaques. À partir d'une certaine altitude, les panaches vont tendre à s'étaler et à se rejoindre pour former une couche uniforme au voisinage de la stratosphère. Ce voile absorbe ou réfléchit une part de l'énergie solaire incidente, de sorte que la proportion qui atteint la surface terrestre est considérablement réduite. Corrélativement, comme c'est le cas entre le jour et la nuit, la température décroît sensiblement.
Les spécialistes de climatologie s'efforcent de déterminer l'importance et la durée de ce phénomène. Ils ont recours à un modèle de circulation atmosphérique générale, à trois dimensions, du type des modèles de prévision météorologique, adapté pour permettre le traitement physico-chimique des gaz et le transport particulaire des fumées. Les résultats dépendent de nombreux paramètres et données. Il faut faire une hypothèse sur le nombre de charges nucléaires et leur énergie, sur la nature des cibles, la zone géographique concernée, la masse des fumées injectées dans l'atmosphère et leur répartition, etc. On connaît mal l'opacité des suies, liée notamment à la taille des particules. On ne sait pas davantage combien de temps elles resteront en suspension, ce qui dépend de l'altitude d'injection, choisie assez arbitrairement. La fraction restée dans la troposphère serait rincée, plus ou moins complètement, par les précipitations pluvio-neigeuses ; par contre, dans la stratosphère, milieu très fermé et pauvre en eau, le voile pourrait stagner pendant de nombreux mois, retardant d'autant le retour à des températures normales.
Dans l'hypothèse d'un échange nucléaire sévère, aux latitudes moyennes de l'hémisphère Nord, en début d'été – saison la plus défavorable –, certains de ces calculs prédisent une chute de température, pour les zones continentales, allant de 10 à 20 0C durant plusieurs semaines. Dans les zones soumises aux influences océaniques, le refroidissement est bien plus faible. En outre, un échange, même limité à l'hémisphère Nord, pourrait étendre ses effets à l'ensemble de la planète par le biais des courants aériens en haute altitude qui favorisent la migration des nuages vers l'hémisphère Sud.
On s'est également interrogé sur le seuil à partir duquel apparaîtraient des perturbations climatiques, seuil exprimé par exemple en mégatonnes d'énergie explosive. L'évaluation est difficile. On a pu le vérifier lors de la guerre du Golfe (1991), où le voile noir créé par les incendies des puits de pétrole au Koweït n'a pas eu, contrairement aux pronostics, d'effet climatique sensible sur la zone géographique concernée.
Il faut insister sur les incertitudes de toute nature qui entachent les résultats. Les schémas de calcul sont perfectibles, le découpage de l'atmosphère en cellules reste grossier. Les données expérimentales sont insuffisantes ou d'utilisation incertaine, qu'il s'agisse de celles qui proviennent d'incendies de forêts (Sibérie, Canada...) ou de celles qui proviennent des tempêtes de feu déclenchées par certains bombardements massifs de la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, même si la perturbation climatique réelle se situe bien en deçà de certaines prédictions, elle peut affecter gravement la production agricole, en particulier dans les grandes régions céréalières et rizicoles. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'elle viendrait s'ajouter, dans un monde désorganisé, aux malheurs de ceux qui auraient survécu aux effets immédiats de souffle et de radiations des armes nucléaires, que l'on sait catastrophiques. […] »
La première étude sur le sujet: il s’agit d’un article de Paul Jozef Crutzen et John W Birks, intitulé « The Atmosphere after a Nuclear War : Twilight at Noon », paru dans la revue « Ambio » entre fin décembre 1982 et janvier 1983.
La seconde date de décembre 1983. Il s’agit de l’article « L’hiver nucléaire », de Richard Turco, Owen Toon, Thomas Ackerman, James Pollack et Carl Sagan, traduit de l’anglais Nuclear Winter: Global Consequences of Multiples Nuclear Explosions, article publié dans la revue « Science », vol. 222, n° 4 630, le 23 décembre 1983, puis dans l’ouvrage collectif La paix surarmée (1987).
Nous vous proposons une sélection d’ouvrages classés par ordre anté-chronologique qui abordent le thème de l’hiver nucléaire en le liant à celui du climat, et qui n’adoptent pas une approche uniquement géopolitique et miliaire :
- Arrêtez la bombe ! / Paul Quilès (2013)
- Le nucléaire à la dérive / Marie-Hélène Labbé (2011)
- La bombe : l'univers opaque du nucléaire (2009)
Autres ressources :
- Fukushima, le poison coule toujours / François-Xavier Ménage (2016)
- Hiver nucléaire – Wikipedia
- Peut-on survivre à l’hiver nucléaire ? (11/11/2016)
- Anniversaire d'Hiroshima : quel impact aurait une guerre nucléaire aujourd'hui ? (08/08/2015)
- Climatic Consequences of Nuclear Conflict - Nuclear Winter is Still a Danger / Site du scientifique Alan Robock
Bonne journée.
Vous recherchez une bibliographie sélective récente sur le thème de l’hiver nucléaire, en lien notamment avec celui de la question climatique.
Dans son article « Hiver nucléaire » paru dans l’Encyclopédie Universalis en ligne, Adelin Villevieille, ingénieur au Conseil général des ponts et chaussées, résume l’état actuel des connaissances sur le sujet :
« Des études, menées au début des années 1980, ont montré qu'une guerre nucléaire totale entre les États-Unis et l'Union soviétique aurait eu d'importants effets climatiques. Selon ces études, un voile nuageux durable se serait formé, opaque au rayonnement solaire. Dans les estimations les plus pessimistes, l'obscurcissement et le refroidissement consécutifs auraient été tels que leurs auteurs ont cru pouvoir prédire l'apparition d'un « hiver nucléaire » dans les régions tempérées du globe.
Ce sont les charges lancées sur les sites urbains et industriels qui seraient, pour la plus grande part, à l'origine du phénomène. Les matériaux combustibles – hydrocarbures, produits organiques, etc. – y abondent et ils s'enflamment sous l'effet des explosions. De gigantesques incendies donnent naissance à des colonnes de fumées, chargées en poussières partiellement radioactives, en oxydes – notamment de carbone, d'azote, de soufre – et en suies, dont l'opacité est prédominante. Les incendies de forêts peuvent contribuer à la formation de nuages, mais leurs fumées sont moins opaques. À partir d'une certaine altitude, les panaches vont tendre à s'étaler et à se rejoindre pour former une couche uniforme au voisinage de la stratosphère. Ce voile absorbe ou réfléchit une part de l'énergie solaire incidente, de sorte que la proportion qui atteint la surface terrestre est considérablement réduite. Corrélativement, comme c'est le cas entre le jour et la nuit, la température décroît sensiblement.
Les spécialistes de climatologie s'efforcent de déterminer l'importance et la durée de ce phénomène. Ils ont recours à un modèle de circulation atmosphérique générale, à trois dimensions, du type des modèles de prévision météorologique, adapté pour permettre le traitement physico-chimique des gaz et le transport particulaire des fumées. Les résultats dépendent de nombreux paramètres et données. Il faut faire une hypothèse sur le nombre de charges nucléaires et leur énergie, sur la nature des cibles, la zone géographique concernée, la masse des fumées injectées dans l'atmosphère et leur répartition, etc. On connaît mal l'opacité des suies, liée notamment à la taille des particules. On ne sait pas davantage combien de temps elles resteront en suspension, ce qui dépend de l'altitude d'injection, choisie assez arbitrairement. La fraction restée dans la troposphère serait rincée, plus ou moins complètement, par les précipitations pluvio-neigeuses ; par contre, dans la stratosphère, milieu très fermé et pauvre en eau, le voile pourrait stagner pendant de nombreux mois, retardant d'autant le retour à des températures normales.
Dans l'hypothèse d'un échange nucléaire sévère, aux latitudes moyennes de l'hémisphère Nord, en début d'été – saison la plus défavorable –, certains de ces calculs prédisent une chute de température, pour les zones continentales, allant de 10 à 20 0C durant plusieurs semaines. Dans les zones soumises aux influences océaniques, le refroidissement est bien plus faible. En outre, un échange, même limité à l'hémisphère Nord, pourrait étendre ses effets à l'ensemble de la planète par le biais des courants aériens en haute altitude qui favorisent la migration des nuages vers l'hémisphère Sud.
On s'est également interrogé sur le seuil à partir duquel apparaîtraient des perturbations climatiques, seuil exprimé par exemple en mégatonnes d'énergie explosive. L'évaluation est difficile. On a pu le vérifier lors de la guerre du Golfe (1991), où le voile noir créé par les incendies des puits de pétrole au Koweït n'a pas eu, contrairement aux pronostics, d'effet climatique sensible sur la zone géographique concernée.
Il faut insister sur les incertitudes de toute nature qui entachent les résultats. Les schémas de calcul sont perfectibles, le découpage de l'atmosphère en cellules reste grossier. Les données expérimentales sont insuffisantes ou d'utilisation incertaine, qu'il s'agisse de celles qui proviennent d'incendies de forêts (Sibérie, Canada...) ou de celles qui proviennent des tempêtes de feu déclenchées par certains bombardements massifs de la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, même si la perturbation climatique réelle se situe bien en deçà de certaines prédictions, elle peut affecter gravement la production agricole, en particulier dans les grandes régions céréalières et rizicoles. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'elle viendrait s'ajouter, dans un monde désorganisé, aux malheurs de ceux qui auraient survécu aux effets immédiats de souffle et de radiations des armes nucléaires, que l'on sait catastrophiques. […] »
La première étude sur le sujet: il s’agit d’un article de Paul Jozef Crutzen et John W Birks, intitulé « The Atmosphere after a Nuclear War : Twilight at Noon », paru dans la revue « Ambio » entre fin décembre 1982 et janvier 1983.
La seconde date de décembre 1983. Il s’agit de l’article « L’hiver nucléaire », de Richard Turco, Owen Toon, Thomas Ackerman, James Pollack et Carl Sagan, traduit de l’anglais Nuclear Winter: Global Consequences of Multiples Nuclear Explosions, article publié dans la revue « Science », vol. 222, n° 4 630, le 23 décembre 1983, puis dans l’ouvrage collectif La paix surarmée (1987).
Nous vous proposons une sélection d’ouvrages classés par ordre anté-chronologique qui abordent le thème de l’hiver nucléaire en le liant à celui du climat, et qui n’adoptent pas une approche uniquement géopolitique et miliaire :
- Arrêtez la bombe ! / Paul Quilès (2013)
- Le nucléaire à la dérive / Marie-Hélène Labbé (2011)
- La bombe : l'univers opaque du nucléaire (2009)
Autres ressources :
- Fukushima, le poison coule toujours / François-Xavier Ménage (2016)
- Hiver nucléaire – Wikipedia
- Peut-on survivre à l’hiver nucléaire ? (11/11/2016)
- Anniversaire d'Hiroshima : quel impact aurait une guerre nucléaire aujourd'hui ? (08/08/2015)
- Climatic Consequences of Nuclear Conflict - Nuclear Winter is Still a Danger / Site du scientifique Alan Robock
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