Question d'origine :
Bonjour,
Pourriez-vous m'expliquer, à l'aide d'un petit résumé, pourquoi la Yougoslavie a-t-elle éclatée après la mort de Tito et comment les différents pays ont-ils finalement mis fin à la guerre (puisque, de ce que j'ai compris, les puissances européennes/casques bleus n'ont pas été d'une grande aide) ?
Merci par avance.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 17/08/2017 à 15h47
Bonjour,
Bien qu’il soit difficile d’être bref compte tenu de la complexité du sujet, voici ce que nous pouvons en dire, le plus succinctement possible :
La Yougoslavie était composée de diverses nations et ethnies : la Slovénie et la Croatie, majoritairement catholiques, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine, orthodoxes et la Bosnie-Herzégovine, musulmane. Ces nations slaves, issues de l’empire austro-hongrois d’un côté et de l’empire ottoman de l’autre, se rassemblent une première fois en 1918 sous la forme d’une monarchie.
En 1945, la Yougoslavie devient une République fédérale communiste. A sa tête un Croate, Josip Broz Tito, qui durant la guerre froide fait de la Yougoslavie un Etat non aligné. La capitale de la Yougoslavie est située à Belgrade, en Serbie, et la constitution de 1971, en instituant un régime décentralisé, tente de laisser une part d’autonomie à chacune des régions, et leur confère notamment un droit de sécession. Pourtant, en délestant la Serbie du Kosovo et de la Voïvodine, alors que des provinces majoritairement serbes demeurent rattachées à la Croatie et la Bosnie, le découpage semble déjà conflictuel.
Il apparait que l’unité de la Yougoslavie repose alors largement sur la personnalité de Tito. Or celui-ci meurt en 1980. Dès lors, les disparités économiques entre les différentes régions, les velléités occidentales de la Croatie et de la Slovénie, l’essoufflement progressif de l’idéal communiste et l’exacerbation du sentiment national par Franjo Tudjman, côté Croate et par Slobodan Milošević, côté Serbe, sont autant d’éléments à prendre en compte pour expliquer les conflits à venir. A l’aube des années 90, l’influence de ces deux dirigeants est grandissante dans leurs régions respectives. La Serbie souhaite distendre les liens entre les diverses régions en faisant de la Yougoslavie une confédération. Parallèlement, la Slovénie, la Bosnie et la Macédoine sont à leur tour gagnées par la tentation nationaliste. En décembre 1990, la Slovénie vote la séparation d’avec la Yougoslavie. De même, le 2 mai 1991, l’indépendance de la Croatie est votée par voie référendaire, avant que la Macédoine n’en fasse autant, le 8 septembre 1991. Dès lors l’éclatement semble inéluctable. C’est ce que Renéo Lukic désigne comme le temps de la désintégration de la fédération yougoslave, de 1987 à 1991.
Puis vient le temps des guerres yougoslaves, entre 1991 et 2001. En 1991, loin de Belgrade et ne comptant que peu de serbes sur son territoire, la sécession de la Slovénie est assez vite entérinée, au terme de la « guerre de dix jours ».
En revanche, le conflit serbo-croate est nettement plus sensible et complexe. D’abord circonscrit à ces deux peuples en 1991, il devient tripartite en avril 1992, tandis que les dirigeants serbes perpètrent des massacres de croates et de musulmans (bosniaques), guidés par un désir de « purification ethnique ». C’est ainsi que la guerre de Bosnie éclate. Peu avant, la Bosnie avait proclamé son indépendance en février 1992, de sorte que ne demeuraient alors au sein de la République fédérale de Yougoslavie que la Serbie et le Monténégro. Mentionnons enfin un autre conflit en marge de la guerre de Bosnie, qui oppose la République de Bosnie-Herzégovine à la République croate d'Herceg-Bosna et qui prend fin le 23 février 1994 par l’accord de Washington.
L’Union Européenne a maintes fois été critiquée pour sa faiblesse et son incapacité à mener une politique étrangère commune dans ces conflits. La contribution de l’OTAN sera plus décisive, menant notamment à la fin de la guerre de Bosnie et à la signature des accords de Dayton en 1995 par Slobodan Milošević, Franjo Tudjman et le bosniaque Alija Izetbegović autour des négociateurs américains Richard Holbrooke et Christopher Hill. Ces accords distinguent la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie. L’OTAN participera également à la résolution du conflit au Kosovo en 1999.
On peut toutefois mettre au crédit de l’Union Européenne d’avoir participé à la sécurisation de ces régions, notamment par l’intermédiaire de l’EUROFOR, entre 1999 et 2007. Il s’agit d’une force d’intervention terrestre, fruit de la coopération entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal, qui est intervenue notamment au Kosovo, en Macédoine et en Bosnie. Aujourd’hui l’Union Européenne contribue encore à la stabilisation de la situation dans ces régions, par exemple en Bosnie-Herzégovine, prenant ainsi le relais de l’OTAN.
L’ONU est également intervenue à plusieurs reprises dans les Balkans depuis 1995 jusqu’à aujourd’hui, sous plusieurs formes et avec des fortunes diverses. La Force de maintien de la paix, ou Casques bleus, a notamment été sollicitée. Il est vrai que son efficacité a été remise en cause. Par exemple, elle n’a pu empêcher le massacre de Srebrenica, cette offensive serbe qui fera 8000 victimes bosniaques, alors que les Casques bleus étaient en charge de la sécurité des lieux.
Dans la tentative de résolution des conflits a posteriori, mentionnons également le rôle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie sous l’égide de l’ONU, qui a fait arrêter Milošević avant qu’il ne meure, le commandant serbe Ratko Mladic ou encore l’ancien Président de la République serbe de Bosnie Radovan Karadžić, condamné à 40 ans d’emprisonnement pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Une polémique subsiste en ce que les militaires serbes ont été condamnés pour le massacre de Srebrenica, tandis que les généraux croates qui ont orchestré par la suite l’opération tempête en Krajina ont été acquittés.
Aujourd’hui la situation demeure fragile, notamment au Kosovo devenu indépendant, dont les relations avec la Serbie restent tendues.
Autres sources :
L'éclatement de la Yougoslavie
L’éclatement de la Yougoslavie : 1991 – 1999
L’éclatement de la Yougoslavie de Tito, Yves Brossard et Jonathan Vidal
Yougoslavie, de la décomposition aux enjeux européens
Bien qu’il soit difficile d’être bref compte tenu de la complexité du sujet, voici ce que nous pouvons en dire, le plus succinctement possible :
La Yougoslavie était composée de diverses nations et ethnies : la Slovénie et la Croatie, majoritairement catholiques, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine, orthodoxes et la Bosnie-Herzégovine, musulmane. Ces nations slaves, issues de l’empire austro-hongrois d’un côté et de l’empire ottoman de l’autre, se rassemblent une première fois en 1918 sous la forme d’une monarchie.
En 1945, la Yougoslavie devient une République fédérale communiste. A sa tête un Croate, Josip Broz Tito, qui durant la guerre froide fait de la Yougoslavie un Etat non aligné. La capitale de la Yougoslavie est située à Belgrade, en Serbie, et la constitution de 1971, en instituant un régime décentralisé, tente de laisser une part d’autonomie à chacune des régions, et leur confère notamment un droit de sécession. Pourtant, en délestant la Serbie du Kosovo et de la Voïvodine, alors que des provinces majoritairement serbes demeurent rattachées à la Croatie et la Bosnie, le découpage semble déjà conflictuel.
Il apparait que l’unité de la Yougoslavie repose alors largement sur la personnalité de Tito. Or celui-ci meurt en 1980. Dès lors, les disparités économiques entre les différentes régions, les velléités occidentales de la Croatie et de la Slovénie, l’essoufflement progressif de l’idéal communiste et l’exacerbation du sentiment national par Franjo Tudjman, côté Croate et par Slobodan Milošević, côté Serbe, sont autant d’éléments à prendre en compte pour expliquer les conflits à venir. A l’aube des années 90, l’influence de ces deux dirigeants est grandissante dans leurs régions respectives. La Serbie souhaite distendre les liens entre les diverses régions en faisant de la Yougoslavie une confédération. Parallèlement, la Slovénie, la Bosnie et la Macédoine sont à leur tour gagnées par la tentation nationaliste. En décembre 1990, la Slovénie vote la séparation d’avec la Yougoslavie. De même, le 2 mai 1991, l’indépendance de la Croatie est votée par voie référendaire, avant que la Macédoine n’en fasse autant, le 8 septembre 1991. Dès lors l’éclatement semble inéluctable. C’est ce que Renéo Lukic désigne comme le temps de la désintégration de la fédération yougoslave, de 1987 à 1991.
Puis vient le temps des guerres yougoslaves, entre 1991 et 2001. En 1991, loin de Belgrade et ne comptant que peu de serbes sur son territoire, la sécession de la Slovénie est assez vite entérinée, au terme de la « guerre de dix jours ».
En revanche, le conflit serbo-croate est nettement plus sensible et complexe. D’abord circonscrit à ces deux peuples en 1991, il devient tripartite en avril 1992, tandis que les dirigeants serbes perpètrent des massacres de croates et de musulmans (bosniaques), guidés par un désir de « purification ethnique ». C’est ainsi que la guerre de Bosnie éclate. Peu avant, la Bosnie avait proclamé son indépendance en février 1992, de sorte que ne demeuraient alors au sein de la République fédérale de Yougoslavie que la Serbie et le Monténégro. Mentionnons enfin un autre conflit en marge de la guerre de Bosnie, qui oppose la République de Bosnie-Herzégovine à la République croate d'Herceg-Bosna et qui prend fin le 23 février 1994 par l’accord de Washington.
L’Union Européenne a maintes fois été critiquée pour sa faiblesse et son incapacité à mener une politique étrangère commune dans ces conflits. La contribution de l’OTAN sera plus décisive, menant notamment à la fin de la guerre de Bosnie et à la signature des accords de Dayton en 1995 par Slobodan Milošević, Franjo Tudjman et le bosniaque Alija Izetbegović autour des négociateurs américains Richard Holbrooke et Christopher Hill. Ces accords distinguent la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe de Bosnie. L’OTAN participera également à la résolution du conflit au Kosovo en 1999.
On peut toutefois mettre au crédit de l’Union Européenne d’avoir participé à la sécurisation de ces régions, notamment par l’intermédiaire de l’EUROFOR, entre 1999 et 2007. Il s’agit d’une force d’intervention terrestre, fruit de la coopération entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal, qui est intervenue notamment au Kosovo, en Macédoine et en Bosnie. Aujourd’hui l’Union Européenne contribue encore à la stabilisation de la situation dans ces régions, par exemple en Bosnie-Herzégovine, prenant ainsi le relais de l’OTAN.
L’ONU est également intervenue à plusieurs reprises dans les Balkans depuis 1995 jusqu’à aujourd’hui, sous plusieurs formes et avec des fortunes diverses. La Force de maintien de la paix, ou Casques bleus, a notamment été sollicitée. Il est vrai que son efficacité a été remise en cause. Par exemple, elle n’a pu empêcher le massacre de Srebrenica, cette offensive serbe qui fera 8000 victimes bosniaques, alors que les Casques bleus étaient en charge de la sécurité des lieux.
Dans la tentative de résolution des conflits a posteriori, mentionnons également le rôle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie sous l’égide de l’ONU, qui a fait arrêter Milošević avant qu’il ne meure, le commandant serbe Ratko Mladic ou encore l’ancien Président de la République serbe de Bosnie Radovan Karadžić, condamné à 40 ans d’emprisonnement pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Une polémique subsiste en ce que les militaires serbes ont été condamnés pour le massacre de Srebrenica, tandis que les généraux croates qui ont orchestré par la suite l’opération tempête en Krajina ont été acquittés.
Aujourd’hui la situation demeure fragile, notamment au Kosovo devenu indépendant, dont les relations avec la Serbie restent tendues.
Autres sources :
L'éclatement de la Yougoslavie
L’éclatement de la Yougoslavie : 1991 – 1999
L’éclatement de la Yougoslavie de Tito, Yves Brossard et Jonathan Vidal
Yougoslavie, de la décomposition aux enjeux européens
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