Apprentissage de la lecture par les sourds et muets
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 30/07/2017 à 08h34
4762 vues
Question d'origine :
Bonjour,
l'apprentissage de la lecture se faisant principalement de manière orale, je m'interrogeais quant à la manière dont les sourds et muets (de naissance) arrivaient à apprendre à lire.
Merci de votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 01/08/2017 à 16h12
Bonjour,
Plusieurs ressources ont été proposées dans notre précédente réponse intitulée Livres et personnes sourdes. Malheureusement certaines ne fonctionnent plus et ne peuvent être mises à jour. C'est pourquoi nous complétons notre précédente réponse ici.
Voici quelques extraits de documents qui vous permettront de mieux comprendre comment les personnes sourdes apprennent à lire :
"Les méthodes d’apprentissage de la lecture
Dans le milieu spécialisé dans l’accueil des sourds, les méthodes d’apprentissage de la lecture se complètent fréquemment d’un soutien gestuel. Les procédés sont personnels à chaque enseignant qui s’inspire généralement de plusieurs méthodes ordinaires. La grande majorité de ces méthodes repose sur une phase d’oralisation, dont :
- la méthode syllabique qui a pour unité de base la syllabe ;
- la méthode phonétique ou analytique-synthétique qui a pour unité de base le phonème, c’est-à-dire la plus petite unité du langage parlé. Ce type d’enseignement permet le déchiffrage ;
- la méthode globale qui a été mise au point par Decroly, d’après les travaux de Claparède sur la perception, pour aider les enfants sourds dans l’apprentissage de la lecture. En réalité, c’est une méthode mixte puisque l’on part de mots complets ou de petites phrases que l’on décompose ensuite en syllabes puis en lettres ;
- la méthode de lecture naturelle de Freinet : les enfants élaborent un petit texte à partir d’une expérience vécue, puis repèrent les mots identiques, les syllabes, les lettres, les phonèmes.
L’oralisation se retrouve dans toutes les méthodes d’apprentissage de la lecture, sauf dans la méthode idéovisuelle. Celle-ci est inspirée de la méthode naturelle de Freinet ainsi que de la méthode globale de Decroly. Elle est apparue en France à partir des années 1970, sous l’impulsion de Jean Foucambert. Au contraire des autres méthodes, la méthode idéovisuelle s’en tient exclusivement à l’identification des formes écrites, considérées comme des unités de sens. On confond souvent la méthode globale et la méthode idéo-visuelle.
Cette dernière n’a quasiment jamais été pratiquée, pas même dans les institutions pour enfants sourds et malentendants. "
source : L'apprentissage de la lecture chez les enfants sourds / Mélanie Hamm
"L’entrée dans l’écrit et les premiers apprentissages de lecture
Les albums ou autres supports abondamment illustrés sont des supports particulièrement adaptés aux élèves sourds qui vont pouvoir s’appuyer sur des indices extratextuels pour entrer dans l’écrit de façon plaisante, tout en étant progressivement exposés à la langue et la culture française. Le choix des supports est déterminant et doit être en rapport avec le niveau de français des élèves. C’est pourquoi il peut être nécessaire de séparer les élèves entendants et sourds pour une partie au moins des enseignements de français.
La méthode de lecture choisie par l’enseignant pourra être directe et analytique (sans déchiffrage graphophonologique) surtout si l’élève a une surdité importante. A partir d’indices visuels de plus en plus fins, l’élève construit du sens, au fil de sa lecture. Une analyse progressive de la composition et de l’orthographe des mots, par discrimination visuelle permet à l’élève de découvrir les graphèmes, et d’induire la connaissance du système alphabétique.
Une méthode de lecture synthétique par la voie indirecte (déchiffrage des syllabes) ne peut être envisagée que dans le cas de surdités peu importantes, il est alors conseillé d’introduire les sons en partant du graphème (lettre ou groupe de lettres renvoyant à un son) plutôt que du son. L’apport du LPC au moment de la présentation des différents sons peut être une aide. L’élève sourd ne peut véritablement commencer son apprentissage de la lecture s’il n’a pas de langue (français ou LSF) et s’il n’a pas eu l’occasion de communiquer régulièrement dans cette langue, dans différentes situations. L’enfant signeur immergé, comme l’enfant entendant, dès la maternelle dans un environnement où l’écrit est présent et fait l’objet de commentaires en LSF (comparaisons de mots, de lettres, apprentissage du nom des lettres en LSF…) pourra commencer son apprentissage de la lecture dès le CP, dès lors qu’il reconnaît un corpus de mots suffisant pour lui permettre d’aborder de petits textes simples et de commencer à en tirer des indices qui seront ensuite mobilisés pour les lectures ultérieures. Un travail sur la langue des signes enregistrée en vue d’une communication différée, grâce au caméscope, lui permet d’entrer dans l’écrit plus facilement, en lui donnant l’expérience de discours adressés à un destinataire absent. "
source : Lire et écrire pour un élève malentendant ou sourd / Anne Vanbrugghe
" Premièrement, l'apprentissage de la lecture nécessite la maitrise de connaissances linguistiques -comme l'alphabet, le fonctionnement du système d’écriture propre à une langue donnée, le système de correspondance sons - groupes de lettres, les structures de phrases et de textes propres à l’écrit, et les fonctions des messages écrits - mais également, l'automatisation des processus de traitement des informations écrites et le développement de stratégies de type :
- visuo-graphique, permettant d’accéder à la signification des mots dont l’orthographe a été mémorisée.
- phonographique, permettant, en utilisant le système de correspondance sons
- groupes de lettres, de décoder des mots écrits nouveaux et d’accéder à leur signification de manière indirecte, par leur forme orale mémorisée (Gombert et al.,2000).
Pour les sourds, la difficulté se situe au niveau du développement de type phonographique. En effet, ne pouvant pas percevoir les oppositions phonétiques du système, il est parfois impossible de manipuler aisément les unités sonores de la langue. En réponse à ce problème, se produit souvent un surdéveloppement des stratégies visuo-graphiques. Des études (Alegria, 1999) ont montré que les sourds développent, grâce à leur mémoire visuelle, un très bon lexique orthographique qui leur permet de reconnaître de nombreux mots écrits ; et au contraire sont lésés face à des mots nouveaux.
Pour la compréhension de l'écrit, ces mêmes études ont démontré que les lecteurs sourds utilisent essentiellement les mots identifiés et le contexte pour accéder au sens, en laissant de coté les informations morphologiques et syntaxiques. C'est là, les limites de cette stratégie, puisque ces deux derniers points sont souvent des paliers nécessaires à la compréhension d'un texte dans sa globalité. "
source : L'apprentissage de l'écrit chez les enfants sourds / Nawel Berkane
Pour aller plus loin :
- «Apprentissage de la lecture-écriture chez les enfants sourds» / Niederberger, N.(2007), Enfance - 2007/3 (Vol.59), p.254-262.
- La lecture chez l’enfant sourd La lecture chez l’enfant sourd : difficultés et perspectives difficultés et perspectives / JESUS ALEGRIA - CONNAISSANCES SURDITÉS • DÉCEMBRE 2006 • N°18
- Alegria, J. (1999).La lecture chez l’enfant sourd : conditions d’acquisition . Langage & Pratiques 23, 27-46.
- « L’entrée dans l’écrit des enfants sourds » / ARCAMBAL Emeline - mémoire de master
- L' apprentissage de l'écriture et la lecture chez les personnes sourdes et malentendantes / Mélanie Hamm ; [sous la direction de] Michèle Kirch
- « La lecture chez quelques sourds lettrés » Mélanie Hamm, Les dossiers des sciences de l’éducation, 28 | 2012, 105-127.
Une vidéo :
Bonne journée.
Plusieurs ressources ont été proposées dans notre précédente réponse intitulée Livres et personnes sourdes. Malheureusement certaines ne fonctionnent plus et ne peuvent être mises à jour. C'est pourquoi nous complétons notre précédente réponse ici.
Voici quelques extraits de documents qui vous permettront de mieux comprendre comment les personnes sourdes apprennent à lire :
"
Dans le milieu spécialisé dans l’accueil des sourds, les méthodes d’apprentissage de la lecture se complètent fréquemment d’un soutien gestuel. Les procédés sont personnels à chaque enseignant qui s’inspire généralement de plusieurs méthodes ordinaires. La grande majorité de ces méthodes repose sur une phase d’oralisation, dont :
- la méthode syllabique qui a pour unité de base la syllabe ;
- la méthode phonétique ou analytique-synthétique qui a pour unité de base le phonème, c’est-à-dire la plus petite unité du langage parlé. Ce type d’enseignement permet le déchiffrage ;
- la méthode globale qui a été mise au point par Decroly, d’après les travaux de Claparède sur la perception, pour aider les enfants sourds dans l’apprentissage de la lecture. En réalité, c’est une méthode mixte puisque l’on part de mots complets ou de petites phrases que l’on décompose ensuite en syllabes puis en lettres ;
- la méthode de lecture naturelle de Freinet : les enfants élaborent un petit texte à partir d’une expérience vécue, puis repèrent les mots identiques, les syllabes, les lettres, les phonèmes.
L’oralisation se retrouve dans toutes les méthodes d’apprentissage de la lecture, sauf dans la méthode idéovisuelle. Celle-ci est inspirée de la méthode naturelle de Freinet ainsi que de la méthode globale de Decroly. Elle est apparue en France à partir des années 1970, sous l’impulsion de Jean Foucambert. Au contraire des autres méthodes, la méthode idéovisuelle s’en tient exclusivement à l’identification des formes écrites, considérées comme des unités de sens. On confond souvent la méthode globale et la méthode idéo-visuelle.
Cette dernière n’a quasiment jamais été pratiquée, pas même dans les institutions pour enfants sourds et malentendants. "
source : L'apprentissage de la lecture chez les enfants sourds / Mélanie Hamm
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Les albums ou autres supports abondamment illustrés sont des supports particulièrement adaptés aux élèves sourds qui vont pouvoir s’appuyer sur des indices extratextuels pour entrer dans l’écrit de façon plaisante, tout en étant progressivement exposés à la langue et la culture française. Le choix des supports est déterminant et doit être en rapport avec le niveau de français des élèves. C’est pourquoi il peut être nécessaire de séparer les élèves entendants et sourds pour une partie au moins des enseignements de français.
La méthode de lecture choisie par l’enseignant pourra être directe et analytique (sans déchiffrage graphophonologique) surtout si l’élève a une surdité importante. A partir d’indices visuels de plus en plus fins, l’élève construit du sens, au fil de sa lecture. Une analyse progressive de la composition et de l’orthographe des mots, par discrimination visuelle permet à l’élève de découvrir les graphèmes, et d’induire la connaissance du système alphabétique.
Une méthode de lecture synthétique par la voie indirecte (déchiffrage des syllabes) ne peut être envisagée que dans le cas de surdités peu importantes, il est alors conseillé d’introduire les sons en partant du graphème (lettre ou groupe de lettres renvoyant à un son) plutôt que du son. L’apport du LPC au moment de la présentation des différents sons peut être une aide. L’élève sourd ne peut véritablement commencer son apprentissage de la lecture s’il n’a pas de langue (français ou LSF) et s’il n’a pas eu l’occasion de communiquer régulièrement dans cette langue, dans différentes situations. L’enfant signeur immergé, comme l’enfant entendant, dès la maternelle dans un environnement où l’écrit est présent et fait l’objet de commentaires en LSF (comparaisons de mots, de lettres, apprentissage du nom des lettres en LSF…) pourra commencer son apprentissage de la lecture dès le CP, dès lors qu’il reconnaît un corpus de mots suffisant pour lui permettre d’aborder de petits textes simples et de commencer à en tirer des indices qui seront ensuite mobilisés pour les lectures ultérieures. Un travail sur la langue des signes enregistrée en vue d’une communication différée, grâce au caméscope, lui permet d’entrer dans l’écrit plus facilement, en lui donnant l’expérience de discours adressés à un destinataire absent. "
source : Lire et écrire pour un élève malentendant ou sourd / Anne Vanbrugghe
" Premièrement, l'apprentissage de la lecture nécessite la maitrise de connaissances linguistiques -comme l'alphabet, le fonctionnement du système d’écriture propre à une langue donnée, le système de correspondance sons - groupes de lettres, les structures de phrases et de textes propres à l’écrit, et les fonctions des messages écrits - mais également, l'automatisation des processus de traitement des informations écrites et le développement de stratégies de type :
- visuo-graphique, permettant d’accéder à la signification des mots dont l’orthographe a été mémorisée.
- phonographique, permettant, en utilisant le système de correspondance sons
- groupes de lettres, de décoder des mots écrits nouveaux et d’accéder à leur signification de manière indirecte, par leur forme orale mémorisée (Gombert et al.,2000).
Pour les sourds, la difficulté se situe au niveau du développement de type phonographique. En effet, ne pouvant pas percevoir les oppositions phonétiques du système, il est parfois impossible de manipuler aisément les unités sonores de la langue. En réponse à ce problème, se produit souvent un surdéveloppement des stratégies visuo-graphiques. Des études (Alegria, 1999) ont montré que les sourds développent, grâce à leur mémoire visuelle, un très bon lexique orthographique qui leur permet de reconnaître de nombreux mots écrits ; et au contraire sont lésés face à des mots nouveaux.
Pour la compréhension de l'écrit, ces mêmes études ont démontré que les lecteurs sourds utilisent essentiellement les mots identifiés et le contexte pour accéder au sens, en laissant de coté les informations morphologiques et syntaxiques. C'est là, les limites de cette stratégie, puisque ces deux derniers points sont souvent des paliers nécessaires à la compréhension d'un texte dans sa globalité. "
source : L'apprentissage de l'écrit chez les enfants sourds / Nawel Berkane
Pour aller plus loin :
- «Apprentissage de la lecture-écriture chez les enfants sourds» / Niederberger, N.(2007), Enfance - 2007/3 (Vol.59), p.254-262.
- La lecture chez l’enfant sourd La lecture chez l’enfant sourd : difficultés et perspectives difficultés et perspectives / JESUS ALEGRIA - CONNAISSANCES SURDITÉS • DÉCEMBRE 2006 • N°18
- Alegria, J. (1999).
- « L’entrée dans l’écrit des enfants sourds » / ARCAMBAL Emeline - mémoire de master
- L' apprentissage de l'écriture et la lecture chez les personnes sourdes et malentendantes / Mélanie Hamm ; [sous la direction de] Michèle Kirch
- « La lecture chez quelques sourds lettrés » Mélanie Hamm, Les dossiers des sciences de l’éducation, 28 | 2012, 105-127.
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