avignon photo interdite
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 14/07/2017 à 15h27
1763 vues
Question d'origine :
Hello guichet,
En visite à AVignon je passe par le palais des papes. Je paie mon ecot et entre. Je découvre que dans les deux salles intéressantes, avec des fresques remarquables, les photos sont interdites de même que les films, y compris les photos sans flash.
Je m'enquiers de la raison, une guide me répond que c'est une question de droits. Je parle domaine public, on me répond que le lieu est privé. Je demande le nom du propriétaire, on me nomme M. Pacqueu. Mettons.
Après quelques vérifications, j'apprends sans surprise que le palais appartient partie à la ville, partie au département. Pas du tout privé.
Ma question : peut-on interdire la prise de photo sans flash d'éléments du domaine public (on ne risque pas grand chose à supposer que tous les auteurs sont morts depuis plus de 70 ans...) ?
Sinon, de quel droit la société de tourisme qui gère le palais des papes pour la ville prend cette initiative ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 17/07/2017 à 15h18
Bonjour,
Effectivement, la ville d’Avignon est propriétaire du Palais des Papes depuis 1907.
L’interdiction illégale de la prise de photographie (nous entendons bien sûr, la photographie sans flash, et destinée à un usage privé) est toujours une pratique répandue, en particulier dans les musées, mais aussi dans les monuments. C’est ce qu’explique notre collègue Calimaq dans ce billet : Vermeer au Louvre : une exposition qui bafoue vos droits ! :
« Le Louvre fait en effet partie des musées qui autorisent les visiteurs à photographier les oeuvres figurant dans les collections permanentes (j’avais déjà consacré un billet à la question), mais pas dans les expositions temporaires. Il rejoint par là de nombreux établissements qui ont fixé des règles similaires, en entrouvrant seulement le droit à la photographie individuelle.
Il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises de me retrouver confronté à ce genre d’interdictions lors d’une visite et de demander quel en était le fondement au personnel du musée. Généralement, on me répond que la règle est fixée par le règlement intérieur de l’établissement auquel je dois me plier en tant que visiteur et d’autres fois, on m’a indiqué que l’interdiction avait été en fait imposée par les prêteurs d’oeuvres figurant dans l’exposition et qu’une interdiction générale avait été mise en place pour faire respecter leur volonté.
Juridiquement, ces deux fondements invoqués m’ont toujours paru extrêmement fragiles. Or il se trouve que ces dernières semaines, un guide juridique « Photographier au musée » a été publié, qui examine dans le détail ces questions. Il a été produit par Pierre Noual, docteur en droit et diplômé en histoire de l’art, dont je tiens à saluer le travail de clarification effectué avec ce guide.
Il ressort de la lecture de ce document que l’exposition Vermeer au Louvre bafoue en réalité les droits des visiteurs en leur refusant la possibilité de prendre en photo les oeuvres exposées. Ni la propriété (publique ou privée) des supports des oeuvres, ni le règlement intérieur de l’établissement ne peuvent justifier valablement une telle restriction. »
Voici comment se conclut le document de Pierre Noual :
« Au terme de cette analyse juridique, il a été possible de percevoir le véritable déni (ou pudeur) juridique des institutions muséales qui interdisent la pratique photographique. Aussi, il est possible de dresser un schéma synthétique (v. page 16) démontrant qu’un musée ne peut légitimement et légalement restreindre la photographie tant sur le fondement de la propriété que sur celui du règlement intérieur .
La propriété :
La propriété corporelle empêche le propriétaire privé ou public de limiter la prise de vue. La propriété intellectuelle peut (sous conditions) limiter la prise de vue. En effet, si le droit moral ne peut jamais l’empêcher, le droit patrimonial le permet quand l’œuvre est soumise au droit d’auteur. Toutefois,il existe une exception à ce principe par le bénéfice de la copie à usage privé (avec un usage non commercial et non collectif). En revanche si l’œuvre est tombée dans le domaine public du droit d’auteur, rien ne peut restreindre la prise de vue .
Le règlement intérieur :
Cet acte qui limite la photographie dans les espaces d’expositions temporaires est illégal puisqu’il entre en contradiction avec le code de la propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne l’exception de la copie à usage privé du visiteur-photographe . Malgré la libéralisation de la photographie souhaitée par la charte Tous Photographes, celle-ci est limitée puisqu’elle n’a aucune valeur juridique propre.
Tout démontre donc qu’au regard du droit, il est impossible de restreindre la prise de vue au sein du musée. Pour autant, ces aspects juridiques ne doivent pas occulter de bonnes pratiques de la part du visiteur-photographe : regarder avec attention l’environnement lors de ses déplacements lorsqu’il détermine un angle de vue, être respectueux des autres visiteurs, désactiver les bruits sonores de ses appareils... »
Malheureusement il semble que la charte Tous photographes ! peine à s’imposer auprès des établissements patrimoniaux… Nous vous encourageons néanmoins à la lire, ainsi que l’analyse de Pierre Noual, qui vous permettra de vous informer précisément sur vos droits afin de les faire valoir lors d'une prochaine visite.
Bonne journée.
Effectivement, la ville d’Avignon est propriétaire du Palais des Papes depuis 1907.
L’interdiction illégale de la prise de photographie (nous entendons bien sûr, la photographie sans flash, et destinée à un usage privé) est toujours une pratique répandue, en particulier dans les musées, mais aussi dans les monuments. C’est ce qu’explique notre collègue Calimaq dans ce billet : Vermeer au Louvre : une exposition qui bafoue vos droits ! :
« Le Louvre fait en effet partie des musées qui autorisent les visiteurs à photographier les oeuvres figurant dans les collections permanentes (j’avais déjà consacré un billet à la question), mais pas dans les expositions temporaires. Il rejoint par là de nombreux établissements qui ont fixé des règles similaires, en entrouvrant seulement le droit à la photographie individuelle.
Il m’est déjà arrivé à plusieurs reprises de me retrouver confronté à ce genre d’interdictions lors d’une visite et de demander quel en était le fondement au personnel du musée. Généralement, on me répond que la règle est fixée par le règlement intérieur de l’établissement auquel je dois me plier en tant que visiteur et d’autres fois, on m’a indiqué que l’interdiction avait été en fait imposée par les prêteurs d’oeuvres figurant dans l’exposition et qu’une interdiction générale avait été mise en place pour faire respecter leur volonté.
Juridiquement, ces deux fondements invoqués m’ont toujours paru extrêmement fragiles. Or il se trouve que ces dernières semaines, un guide juridique « Photographier au musée » a été publié, qui examine dans le détail ces questions. Il a été produit par Pierre Noual, docteur en droit et diplômé en histoire de l’art, dont je tiens à saluer le travail de clarification effectué avec ce guide.
Il ressort de la lecture de ce document que l’exposition Vermeer au Louvre bafoue en réalité les droits des visiteurs en leur refusant la possibilité de prendre en photo les oeuvres exposées. Ni la propriété (publique ou privée) des supports des oeuvres, ni le règlement intérieur de l’établissement ne peuvent justifier valablement une telle restriction. »
Voici comment se conclut le document de Pierre Noual :
« Au terme de cette analyse juridique, il a été possible de percevoir le véritable déni (ou pudeur) juridique des institutions muséales qui interdisent la pratique photographique. Aussi, il est possible de dresser un schéma synthétique (v. page 16) démontrant qu’
La propriété corporelle empêche le propriétaire privé ou public de limiter la prise de vue. La propriété intellectuelle peut (sous conditions) limiter la prise de vue. En effet, si le droit moral ne peut jamais l’empêcher, le droit patrimonial le permet quand l’œuvre est soumise au droit d’auteur. Toutefois,
Tout démontre donc qu’au regard du droit, il est impossible de restreindre la prise de vue au sein du musée. Pour autant, ces aspects juridiques ne doivent pas occulter de bonnes pratiques de la part du visiteur-photographe : regarder avec attention l’environnement lors de ses déplacements lorsqu’il détermine un angle de vue, être respectueux des autres visiteurs, désactiver les bruits sonores de ses appareils... »
Malheureusement il semble que la charte Tous photographes ! peine à s’imposer auprès des établissements patrimoniaux… Nous vous encourageons néanmoins à la lire, ainsi que l’analyse de Pierre Noual, qui vous permettra de vous informer précisément sur vos droits afin de les faire valoir lors d'une prochaine visite.
Bonne journée.
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