Question d'origine :
S.V.P.
Que se passait il ,il a 100 ans tout juste ,durant l'été 1917, en particulier sur le front, lors de la première guerre mondiale ?
Si l'on connait assez bien les conditions épouvantables ,vécues dans les tranchées entre autre,par les soldats, durant les hivers, comment furent vécus les étés et les périodes de grande chaleur, voire de canicule, s'il en fut ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 12/07/2017 à 15h17
Bonjour,
L’année 1917 de la Grande Guerre fut marquée par des événements importants : l’entrée en guerre des Etats-Unis, l’écroulement du front est avec la Révolution russe (armistice en décembre 1917), et les désertions et mutineries tout particulièrement en France, suite à l’échec de l’offensive Nivelle le 16 avril 1917 au Chemin des Dames. Plus globalement, un vent de démoralisation souffle sur l’Europe et des grèves frappent tous les pays.
Pourtant les états-majors avaient préparé au cours de l’année 1917 de nouvelles offensives. Outre les Français au Chemin des dames, "les Anglais à Ypres en juin-juillet tentèrent encore l’impossible, au prix, une fois de plus, de centaines de milliers d’hommes. Seuls les autrichiens, avec l’aide de l’Allemagne il est vrai, et avec une tactique laissant plus d’initiative aux troupes d’assaut spécialement entraînées, réussirent à infliger aux Italiens la grave défaite de Caporetto en octobre 1917. »
Source : La Grande guerre, 1914-1918 / Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker
Nous vous conseillons ce petit film sur l’année 1917 de la Grande guerre, sur le site de la Mission Centenaire 14-18, qui en résume les événements importants, ainsi que celui-ci Première Guerre Mondiale : 1917, L'hécatombe continue
Sur cette page, vous trouverez un bon résumé des opérations militaires de 1917 et notamment de l’été : Année 1917 : le tournant
Concernant le vécu des soldats pendant l’été et les périodes de grandes chaleurs, la difficulté était de supporter la poussière et la soif . A cela, s’ajoutaient parfois les moustiques (si la chaleur s’accompagnait d’orages), mais surtout les odeurs nauséabondes accentuées par la chaleur .
Ce document répondra plus précisément à votre question : AU TEMPS METEOROLOGIQUE DE LA GRANDE GUERRE, Approche séquentielle des périodes contraignantes dans les tranchées sur le front de la Marne et de la Meuse, 1914-1918
En voici des extraits : «Or, le plus souvent, il ne s’agit pas de simples allusions anodines au contexte atmosphérique : la pluie et la boue, le froid et la neige, la chaleur et la soif étaient de véritables « fléaux » qui, au fil des saisons et des années, ne cessèrent d’aggraver les dures conditions de vie sur le front (Soudagne, 2009) »
« Certes les témoignages des combattants évoquent comme contraintes majeures la pluie et la boue, le froid, le gel et la neige. Mais la lecture des lettres de guerre si soigneusement conservées par les familles, puis publiées, révèle aussi la pénibilité induite par la chaleur étouffante, accablante, torride, implacable, extraordinaire et ce, dès le début du conflit lorsque les hommes, tout juste mobilisés, eurent rejoint le Front. Par temps anticyclonique, du 9 au 14 août 1914 (figure 7), les marches interminables dans les campagnes française et belge étaient éreintantes, surtout à midi « en pleins champs » avec des températures maximales supérieures à 30°C qui faisaient « tomber encore beaucoup de monde » comme l’évoque un officier saxon de Kamenz (en Allemagne, au nord de Dresde) dans sa traversée de la Famenne wallonne (de Dampierre, 1916). »… « L’été 1915 et, dans une moindre mesure l’été 1917, furent aussi marqués par de longues séquences sèches, si bien qu’au mal-être provoqué par la chaleur ambiante se conjuguait celui du manque d’eau, obligeant quelquefois les hommes à boire celle « d’une source coulant au fond d’une tranchée dont les abords étaient pleins de cadavres et avait mauvaise odeur » »
« Durant l’été 1918, d’autres contraintes, récurrence de temps extrêmement secs accompagnés de fortes chaleurs, imprimèrent leur sceau à la fin de la guerre. Tout bien considéré, les hommes vécurent les périodes de beau temps, sans excès pluviométrique ou thermique, comme des moments de répit, entendons répit physiologique, puisque les améliorations atmosphériques rendaient alors possible le déclenchement d’offensives de grande envergure… »
Cette page Les soldats de Passy, la chaleur et la soif en 14-18, reprend en partie l’article ci-dessus et le complèteavec des informations sur le ravitaillement en eau, les bidons des soldats et des témoignages terribles sur la soif, ainsi que sur la puanteur des cadavres .
Dans l’ouvrage Le quotidien des soldats dans les tranchées de Jean Pascal Soudagne, il est raconté que le 24 mai 1917 par souci d’hygiène (contre les poux notamment) et à cause de la chaleur, le général Brissaud-Desmaillet ordonne que tous les hommes soient rasés : « Il fait chaud. On se bat. Donc : cheveux ras pour tout le monde… Les officiers feront comprendre à leurs hommes que cette mesure n’est nullement une brimade. Dans la saison actuelle une tête non tondue est forcément sale et envahie de poux dans les tranchées. Toute blessure au crâne devient alors très grave. ».
Cependant, on peut voir que le beau temps a aussi eu d’autres effets : Dans La grève des tranchées, les mutineries de 1917, l’auteur Denis Rolland parle du printemps 1917 dont le climat aurait permis les mutineries : «On oublie aujourd’hui que le mouvement d’indiscipline a bénéficié de conditions climatiques très favorables. Il ne faut sans doute pas en exagérer la portée, néanmoins on ne peut pas nier qu’un printemps exceptionnel a pu favoriser les manifestations d’indiscipline…Nous avons la chance d’avoir des relevés des conditions atmosphériques, jour par jour, effectués à Hautmont. Recoupés avec les souvenirs de Onézime Henin et de Bertier de Sauvigny, ils permettent de restituer de façon précise le climat d’avril à juin. L’offensive avait débuté le 16 avril avec un temps exécrable mais, à partir du 20, il s’améliore et devient beau et frais. A la fin du mois d’avril, il s’améliore encore et la température augmente très nettement à partir du 10 mai. Au total, jusqu’à la fin du mois de juin, on ne compte que six jours de pluie pour quarante-cinq jours de beau temps. La température dépasse les 22° et atteint parfois 30°. Du 25 mai au 7 juin, période au cours de laquelle se concentrent les plus grosses manifestations, le temps est très chaud. » (p. 319-320)
Voici aussi l’histoire de la tranchée de la soif à Marbotte : « À court de grenade, ce fut à coup de fusil que les Français repoussèrent l'assaut allemand du 22 mai 1915. Mais sans vivres depuis le 19 mai et sans eau depuis le matin du 20 mai, accablé par une chaleur suffocante et la poussière soulevée par les obus, la fin fut inéluctable. Le 22 mai 1915 à 16h, les Allemands envahirent la tranchée et firent prisonniers les 64 survivants. Le commandant quitta la tranchée en dernier en criant en direction des lignes françaises "N'oubliez pas la tranchée de la soif ". »
Voir aussi :
La météo au temps de la Grande Guerre
La météorologie durant la Première Guerre mondiale. Comment l’expérience de guerre a radicalement transformé les pratiques de prévision du temps ?
La guerre des tranchées / Mathilde Benoistel, Laëtitia Desserrières
Dico atlas de la Grande Guerre : chronologie de la Première Guerre mondiale, 1914-1918 / Pierre Royer
Atlas de la Première Guerre mondiale : 1914-1918, la chute des empires européens / Yves Buffetaut
1917 : la paix impossible / Jean-Yves Le Naour
Bonnes lectures !
L’année 1917 de la Grande Guerre fut marquée par des événements importants : l’entrée en guerre des Etats-Unis, l’écroulement du front est avec la Révolution russe (armistice en décembre 1917), et les désertions et mutineries tout particulièrement en France, suite à l’échec de l’offensive Nivelle le 16 avril 1917 au Chemin des Dames. Plus globalement, un vent de démoralisation souffle sur l’Europe et des grèves frappent tous les pays.
Pourtant les états-majors avaient préparé au cours de l’année 1917 de nouvelles offensives. Outre les Français au Chemin des dames, "les Anglais à Ypres en juin-juillet tentèrent encore l’impossible, au prix, une fois de plus, de centaines de milliers d’hommes. Seuls les autrichiens, avec l’aide de l’Allemagne il est vrai, et avec une tactique laissant plus d’initiative aux troupes d’assaut spécialement entraînées, réussirent à infliger aux Italiens la grave défaite de Caporetto en octobre 1917. »
Source : La Grande guerre, 1914-1918 / Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker
Nous vous conseillons ce petit film sur l’année 1917 de la Grande guerre, sur le site de la Mission Centenaire 14-18, qui en résume les événements importants, ainsi que celui-ci Première Guerre Mondiale : 1917, L'hécatombe continue
Sur cette page, vous trouverez un bon résumé des opérations militaires de 1917 et notamment de l’été : Année 1917 : le tournant
Ce document répondra plus précisément à votre question : AU TEMPS METEOROLOGIQUE DE LA GRANDE GUERRE, Approche séquentielle des périodes contraignantes dans les tranchées sur le front de la Marne et de la Meuse, 1914-1918
En voici des extraits : «Or, le plus souvent, il ne s’agit pas de simples allusions anodines au contexte atmosphérique : la pluie et la boue, le froid et la neige, la chaleur et la soif étaient de véritables « fléaux » qui, au fil des saisons et des années, ne cessèrent d’aggraver les dures conditions de vie sur le front (Soudagne, 2009) »
« Certes les témoignages des combattants évoquent comme contraintes majeures la pluie et la boue, le froid, le gel et la neige. Mais la lecture des lettres de guerre si soigneusement conservées par les familles, puis publiées, révèle aussi la pénibilité induite par la chaleur étouffante, accablante, torride, implacable, extraordinaire et ce, dès le début du conflit lorsque les hommes, tout juste mobilisés, eurent rejoint le Front. Par temps anticyclonique, du 9 au 14 août 1914 (figure 7), les marches interminables dans les campagnes française et belge étaient éreintantes, surtout à midi « en pleins champs » avec des températures maximales supérieures à 30°C qui faisaient « tomber encore beaucoup de monde » comme l’évoque un officier saxon de Kamenz (en Allemagne, au nord de Dresde) dans sa traversée de la Famenne wallonne (de Dampierre, 1916). »… « L’été 1915 et, dans une moindre mesure l’été 1917, furent aussi marqués par de longues séquences sèches, si bien qu’au mal-être provoqué par la chaleur ambiante se conjuguait celui du manque d’eau, obligeant quelquefois les hommes à boire celle « d’une source coulant au fond d’une tranchée dont les abords étaient pleins de cadavres et avait mauvaise odeur » »
« Durant l’été 1918, d’autres contraintes, récurrence de temps extrêmement secs accompagnés de fortes chaleurs, imprimèrent leur sceau à la fin de la guerre. Tout bien considéré, les hommes vécurent les périodes de beau temps, sans excès pluviométrique ou thermique, comme des moments de répit, entendons répit physiologique, puisque les améliorations atmosphériques rendaient alors possible le déclenchement d’offensives de grande envergure… »
Cette page Les soldats de Passy, la chaleur et la soif en 14-18, reprend en partie l’article ci-dessus et le complète
Dans l’ouvrage Le quotidien des soldats dans les tranchées de Jean Pascal Soudagne, il est raconté que le 24 mai 1917 par souci d’hygiène (contre les poux notamment) et à cause de la chaleur, le général Brissaud-Desmaillet ordonne que tous les hommes soient rasés : « Il fait chaud. On se bat. Donc : cheveux ras pour tout le monde… Les officiers feront comprendre à leurs hommes que cette mesure n’est nullement une brimade. Dans la saison actuelle une tête non tondue est forcément sale et envahie de poux dans les tranchées. Toute blessure au crâne devient alors très grave. ».
Cependant, on peut voir que le beau temps a aussi eu d’autres effets : Dans La grève des tranchées, les mutineries de 1917, l’auteur Denis Rolland parle du printemps 1917 dont le climat aurait permis les mutineries : «On oublie aujourd’hui que le mouvement d’indiscipline a bénéficié de conditions climatiques très favorables. Il ne faut sans doute pas en exagérer la portée, néanmoins on ne peut pas nier qu’un printemps exceptionnel a pu favoriser les manifestations d’indiscipline…Nous avons la chance d’avoir des relevés des conditions atmosphériques, jour par jour, effectués à Hautmont. Recoupés avec les souvenirs de Onézime Henin et de Bertier de Sauvigny, ils permettent de restituer de façon précise le climat d’avril à juin. L’offensive avait débuté le 16 avril avec un temps exécrable mais, à partir du 20, il s’améliore et devient beau et frais. A la fin du mois d’avril, il s’améliore encore et la température augmente très nettement à partir du 10 mai. Au total, jusqu’à la fin du mois de juin, on ne compte que six jours de pluie pour quarante-cinq jours de beau temps. La température dépasse les 22° et atteint parfois 30°. Du 25 mai au 7 juin, période au cours de laquelle se concentrent les plus grosses manifestations, le temps est très chaud. » (p. 319-320)
Voici aussi l’histoire de la tranchée de la soif à Marbotte : « À court de grenade, ce fut à coup de fusil que les Français repoussèrent l'assaut allemand du 22 mai 1915. Mais sans vivres depuis le 19 mai et sans eau depuis le matin du 20 mai, accablé par une chaleur suffocante et la poussière soulevée par les obus, la fin fut inéluctable. Le 22 mai 1915 à 16h, les Allemands envahirent la tranchée et firent prisonniers les 64 survivants. Le commandant quitta la tranchée en dernier en criant en direction des lignes françaises "
Voir aussi :
La météo au temps de la Grande Guerre
La météorologie durant la Première Guerre mondiale. Comment l’expérience de guerre a radicalement transformé les pratiques de prévision du temps ?
La guerre des tranchées / Mathilde Benoistel, Laëtitia Desserrières
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Bonnes lectures !
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