Erotique VS pornographique
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 26/06/2017 à 09h46
906 vues
Question d'origine :
Cher Guichet du Savoir,
J'aimerais connaître la différence entre une oeuvre, quelle soit un film ou un roman, érotique et pornographique.
Merci beaucoup pour votre réponse !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/06/2017 à 14h01
Bonjour,
Revêt un caractère érotique ce qui a rapport à l’amour physique, au plaisir et au désir sexuel ; qui est de nature sensuelle, sexuelle.
Quant à la pornographie, il s’agit d’une représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.
«L'érotisme! «C'est plate ça, du sexe de téléromans, de la porno pour les fifilles...» Voilà ce que j'entends quand je parle de ce sujet. Pourquoi qualifier l'érotisme ainsi? Probablement parce qu'il est plus suggestif . En montrant deux acteurs «frenchant» à gorge déployée, grouillant sous des draps, on peut supposer qu'ils font l'amour. Votre imaginaire est alors sollicité; il faut réfléchir, faire des déductions et par conséquent, laisser libre cours à votre univers fantasmatique. De quoi en satisfaire plusieurs, mais aussi en laisser d'autres sur leur appétit!
L'érotisme touche également l'univers des sens et de la sentimentalité . Un film érotique propose une histoire d'amour, une ambiance, un décor se prêtant au jeu d'un scénario précis. De plus, il est possible de s'identifier et souvent d'idéaliser la relation en tant que telle. Effectivement, il n'est pas rare d'entendre des auditrices glorifier l'érotisme puisqu'il suggère la relation amoureuse et/ou sexuelle idéale prônant l'égalité et des valeurs nobles.
La pornographie , communément appelée «fast food» du sexe, suggère une sexualité opposée à l'érotisme. Du sexe pur et dur relayant l'imagination aux oubliettes. Exit la suggestivité et bienvenue l'explicité! Aucun besoin de supposer, tout y est! Gros plan sur les organes génitaux sous toutes leurs coutures, l'éjaculation sous toutes ses versions, et surtout, les rapports sexuels dépassant tout entêtement! Vite fait bien fait, la pornographie provoque une excitation sexuelle quasi immédiate, un soulagement des tensions, un plaisir facilement accessible et anonyme, alimente les fantasmes et ne nécessite aucune implication émotive . Aux danseuses, dans les revues, sur Internet ou à la télévision, cette dernière est très accessible. »
Source : Êtes-vous érotisme ou pornographie? lapresse.ca
«Le regard pornographique . L'ouverture de la société à la pornographie a certainement été le fait le plus marquant de cette période. Autrefois clandestine et liée à la prostitution (porné signifie en grec « la prostituée » ; pornographie désigne « les écrits relatifs à la prostitution »), la pornographie a progressivement acquis droit de cité dans les suites de la libération sexuelle et dans la mesure où notre société n'a pas fait une réflexion suffisante sur ce domaine, confondant allègrement liberté sexuelle, libertinage, érotisme, pornographie... dans une grande crainte du retour d'un ordre moral, comme si l'on faisait à nouveau jouer la censure !
On peut rappeler que l'usage du mot pornographie s'est généralisé au 19è siècle, grande époque de la prostitution légale et des maisons closes en Europe. Le mot renvoyait à l'époque à la production d'images fixes ou mobiles, mettant en scène des rapports sexuels et faisant surtout référence à la femme objet, à la femme marchandise, à la femme vendue, avec une dimention d'obscénité (hors de la scène). La naissance de l'image X est contemporaine des débuts de la photographie et du cinéma.
La rhétorique de la pornographie s'est très vite mise en place. Il ne s'agit pas d'une sexualité relationnelle, mais d'un sexe professionnel. Les premiers films seront tournés dans des maisons closes, les actrices seront des prostituées. Pendant près d'un siècle, ces images (photos et cinéma) seront clandestines. La loi de 1975 autorisera leur diffusion avec la seule restriction de l'interdiction aux mineurs. On peut mentionner ici, avec Patrick Baudry (La pornographie et ses images) les spécificités et les critiques que l'on peut adresser aux films X :
• Pauvreté du scénario
• Nullité de la production
Mais ces deux critères ne sont pas un handicap pour le public de la pornographie car ce qui compte essentiellement, c'est la qualité du rapport que le spectateur entretient à des images spécifiques. Tout se passe comme si la sexualité de métier, qui est ici mise en scène, pouvait suffire au spectacle, avec trois thèmes forts : l'érection du sexe masculin ; la vue de la pénétration (buccale, vaginale, anale) ; le morcellement du corps.
La pornographie joue de l'anticipation de l'excitation par la visualisation quasi immédiate d'une mise à nu de la copulation, assignant le spectateur au rôle de voyeur d'une scène inouie dans la sexualité ordinaire. A côté de l'excitation, qui semble un moteur permanent de ces productions, d'autres expériences ou émotions sont recherchées : l'expérience du vertige ; l'expérience du dégoût ; la position de voyeur non impliqué, qui doit gérer une excitation comme étrangère à sa propre personne.
Baudrillard a bien montré (De la séduction, 1975) que la pornographie tient toute entière du simulacre ou du prestige d'une technique qui déréalise la présence au monde et à soi. Cette déréalisation est encore un élément recherché par les spectateurs de la pornographie. On peut donc dire avec Patrick Baudry « que le succès considérable de la pornographie, notamment au cinéma, ne tient pas qu'à la sexualité qu'on y voit, mais à la manière de la montrer ».
On peut d'abord remarquer un comportement certainement régressif qui fait au voyeur adulte, voir les images solution de son questionnement infantile qu'il n'a parfois pas résolu entièrement. Ces productions satisferaient ainsi tout à la fois une curiosité insatiable à l'endroit du sexe et permettraient au sujet de se débarrasser de la dimension relationnelle de la sexualité. Il faut enfin rétablir une idée fausse, ce qu'a bien montré Alain Giami, la pornographie n'est pas réservée aux frustrés et pervers sexuels, dans une majorité des cas il s'agit d'une consommation conjugale.
La pornographie est ainsi bien plus une sexualité additionnelle que compensatoire, certains couples recherchant une alternative à l'affaiblissement du désir. Mais la pornographie renvoie aussi à une insatisfaction, à une inquiétude vis à vis du corps et du désir. Et en définitive cela remplit la fonction maintenant close des bordels : redonner de la vigueur aux membres qui n'en ont plus. Les maisons closes étaient à l'origine des lieux d'éducation et des lieux de traitement de l'impuissance. C'est pourquoi ce mode excitatoire est essentiellement masculin.
Le regard érotique . Avec la libération sexuelle, l'érotisme a, lui aussi, eu droit de cité mais avec un succès sans commune mesure. S'il a été pendant une courte période au devant de la scène (cf. 1975-1980, la série des films Emmanuelle), il a très vite perdu de son intérêt, ou de son influence, pour être aujourd'hui marginalisé dans quelques scènes limite-porno du cinéma contemporain. Au cinéma, en photographie, l'érotisme (éros = désir) est caractérisé par la réserve et la suggestion. L'image érotique relève du non-dit, de l'implicite, à l'opposé de l'image pornographique qui est toujours explicite. En cela l'érotisme et les images de l'érotisme ne donnent pas de réponses explicites aux interrogations toujours actuelles de notre esprit enfantin. Elles suggèrent sa réponse, elles réveillent ses théories, elles stimulent ses capacités créatrices. En cela faire l'amour ne requiert pas seulement une capacité motrice mais bien évidemment une capacité créatrice dont l'érotisme est un puissant stimulant. Il faut tout de même relever un paradoxe : la répression chrétienne du désir/plaisir a plus fortement condamné l'érotisme car il a été pensé comme une perversion (et a souvent été assimilé à la pornographie). Or l'érotisme est une dimension fondamentale de la sexualité et notamment du couple, qu'il est aujourd'hui difficile de réhabiliter. »
Source : La représentation du sexe : entre érotisme et pornographie, Philippe Brenot
Bonne journée.
Revêt un caractère érotique ce qui a rapport à l’amour physique, au plaisir et au désir sexuel ; qui est de nature sensuelle, sexuelle.
Quant à la pornographie, il s’agit d’une représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.
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Source : Êtes-vous érotisme ou pornographie? lapresse.ca
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On peut rappeler que l'usage du mot pornographie s'est généralisé au 19è siècle, grande époque de la prostitution légale et des maisons closes en Europe. Le mot renvoyait à l'époque à la production d'images fixes ou mobiles, mettant en scène des rapports sexuels et faisant surtout référence à la femme objet, à la femme marchandise, à la femme vendue, avec une dimention d'obscénité (hors de la scène). La naissance de l'image X est contemporaine des débuts de la photographie et du cinéma.
La rhétorique de la pornographie s'est très vite mise en place. Il ne s'agit pas d'une sexualité relationnelle, mais d'un sexe professionnel. Les premiers films seront tournés dans des maisons closes, les actrices seront des prostituées. Pendant près d'un siècle, ces images (photos et cinéma) seront clandestines. La loi de 1975 autorisera leur diffusion avec la seule restriction de l'interdiction aux mineurs. On peut mentionner ici, avec Patrick Baudry (La pornographie et ses images) les spécificités et les critiques que l'on peut adresser aux films X :
• Pauvreté du scénario
• Nullité de la production
Mais ces deux critères ne sont pas un handicap pour le public de la pornographie car ce qui compte essentiellement, c'est la qualité du rapport que le spectateur entretient à des images spécifiques. Tout se passe comme si la sexualité de métier, qui est ici mise en scène, pouvait suffire au spectacle, avec trois thèmes forts : l'érection du sexe masculin ; la vue de la pénétration (buccale, vaginale, anale) ; le morcellement du corps.
La pornographie joue de l'anticipation de l'excitation par la visualisation quasi immédiate d'une mise à nu de la copulation, assignant le spectateur au rôle de voyeur d'une scène inouie dans la sexualité ordinaire. A côté de l'excitation, qui semble un moteur permanent de ces productions, d'autres expériences ou émotions sont recherchées : l'expérience du vertige ; l'expérience du dégoût ; la position de voyeur non impliqué, qui doit gérer une excitation comme étrangère à sa propre personne.
Baudrillard a bien montré (De la séduction, 1975) que la pornographie tient toute entière du simulacre ou du prestige d'une technique qui déréalise la présence au monde et à soi. Cette déréalisation est encore un élément recherché par les spectateurs de la pornographie. On peut donc dire avec Patrick Baudry « que le succès considérable de la pornographie, notamment au cinéma, ne tient pas qu'à la sexualité qu'on y voit, mais à la manière de la montrer ».
On peut d'abord remarquer un comportement certainement régressif qui fait au voyeur adulte, voir les images solution de son questionnement infantile qu'il n'a parfois pas résolu entièrement. Ces productions satisferaient ainsi tout à la fois une curiosité insatiable à l'endroit du sexe et permettraient au sujet de se débarrasser de la dimension relationnelle de la sexualité. Il faut enfin rétablir une idée fausse, ce qu'a bien montré Alain Giami, la pornographie n'est pas réservée aux frustrés et pervers sexuels, dans une majorité des cas il s'agit d'une consommation conjugale.
La pornographie est ainsi bien plus une sexualité additionnelle que compensatoire, certains couples recherchant une alternative à l'affaiblissement du désir. Mais la pornographie renvoie aussi à une insatisfaction, à une inquiétude vis à vis du corps et du désir. Et en définitive cela remplit la fonction maintenant close des bordels : redonner de la vigueur aux membres qui n'en ont plus. Les maisons closes étaient à l'origine des lieux d'éducation et des lieux de traitement de l'impuissance. C'est pourquoi ce mode excitatoire est essentiellement masculin.
Source : La représentation du sexe : entre érotisme et pornographie, Philippe Brenot
Bonne journée.
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