Question d'origine :
Cher guichet,
Je voudrais savoir quand en France ,l'habitude de la sieste a été prise tant dans les villes que les campagnes ,surtout dans le Midi et l'été étant donné qu'on se lève et se couche tôt ne serais-ce que pour économiser la chandelle ?
Merci
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/06/2017 à 15h54
Bonjour,
Si la sieste est un besoin physiologique naturel de l'ensemble des mammifères, et donc de l'homme, on remarque qu'elle n'est pas universellement pratiquée.
" Fréquente chez plus de 85% des mammifères, la sieste n’est pas une phase d’inertie ou une simple pratique dans les pays chauds. « La sieste n’est pas culturelle, elle est naturelle . C’est nous qui en faisons quelque chose de culturel », rappelle Eric Mullens, spécialiste du sommeil et auteur d’Apprendre à faire la sieste. Et si c’était un médicament ?"
source : La sieste, cette pause aux mille vertus
C'est l'idée qui est également développée dans Eloge de la sieste par Bruno Comby :
" Pendant un temps, les chercheurs ont cru que la fatigue ressentie en début d'après-midi était liée à la digestion. Mais les recherches de scientifiques canadiens ont démontré que ce coup de pompe n'est pas seulement lié à la digestion. Il semble plutôt qu'il s'agisse d'un rythme biologique inné. En effet, si le coup de pompe de l'après-midi était lié à l'ingestion de nourriture, on l'observerait aussi après le petit déjeuner et le repas du soir et on ne l'observerait pars chez les sujets qui sautent le repas de midi. Or, il n'en est rien. Le coup de pompe s'observe même chez des individus qui n'ont pas déjeuné.La sieste semble donc être programmée génétiquement . L'indépendance entre la sieste et le repas a d'ailleurs été confirmée par une autre équipe, celle du professeur Michel Billiard qui dirige l'Unité des troubles du sommeil et de l'éveil de l'hôpital de Montpellier. Ce spécialiste du sommeil, de renommée internationale, en arrive à la conclusion que "la sieste appartient à notre patrimoine génétique" et que "nous sommes physiologiquement faits pour dormir l'après-midi."
[...]
Tous les peuples de la Terre pratiquent la sieste. Mais, en fonction des régions et des époques, cette habitude prend des aspects différents . Dans certains pays, souvent des pays en voie de développement, la sieste est une coutume générale, presque institutionnelle, et les horaires de travail en tiennent compte. Dans d'autres, la sieste est tout autant appréciée, mais elle est moins bien acceptée socialement. [...]
Chez nous, une partie importante de la population pratique la sieste. Mais, dans un monde axé sur la compétition, il est mal considéré de parler de repos. C'est pourquoi un grand nombre d'individus qui font la sieste évitent d'en parler au travail.
La sieste est aussi le résultat d’une adaptation de l’homme à son environnement ou à ses contraintes professionnelles :
" Dans les pays méditerranéens, où les paysans en ont fait l’institution que l’on connaît, elle est ainsi la conséquence d’un rythme de vie calqué sur celui du soleil qui, lève-tôt et couche-tard, ménage des nuits de six à sept heures de sommeil dans le meilleur des cas. Entre 14 et 16 heures, au moment où il fait de toute façon trop chaud pour travailler la terre, la sieste permet de rattraper le manque de sommeil de la nuit précédente, la majorité d’entre nous ayant besoin de sept à neuf heures de sommeil. Le besoin total de sommeil peut ainsi être réparti en deux, voire en plusieurs moments de repos, sans qu’une dette de sommeil n’apparaisse pour autant. "
source : « La Sieste », Études, 2011/7 (Tome 415), p. 89-98.
Qu'en est-il en ville ?
Thierry Paquot dans L'art de la sieste nous explique pourquoi il est plus difficile de faire la sieste en ville :
" La longue histoire de la sieste et sa présence dans de nombreuses sociétés pas entièrement modernisées pourraient laisser croire qu'il s'agit d'une pratique vouée à disparaître avec les derniers témoins d'une tradition villageoise. Pourtant, la sieste est également urbaine et, dans un monde qui s'urbanise à grands pas, l'on est en droit de se demander le temps qu'elle pourra occuper. Une question plus ample s'impose : comment et en quoi l'urbanisation des mœurs modifie-t-elle les rythmes de la vie quotidienne ? Le citadin vit plusieurs temporalités à la fois : celle de l'administration et des services publics avec ses heures d'ouverture ; celle de son entreprise avec ses horaires ; celle de l'école avec son emploi du temps hebdomadaire et son calendrier des congés ; celle des transformations qui affectent son environnement bâti ou non ; celle de sa propre existence, avec ses attentes, ses espérances, ses déceptions, ses moments "hors-jeu", etc.
La ville moderne, celle qui naît de l'industrie et des transports mécaniques, est un tourbillon permanent qui sans cesse renouvelle les relations, les échanges, les rencontres, etc. Beaudelaire s'enivrait, et se fatiguait, des flux ininterrompus des hommes et des choses dans la ville. La ville moderne est une machine complexe qui se méfie des temps morts. [...]
Tandis qu'en Allemagne, le philosophe "inclassable" Georg Simmel se préoccupait, de fait, des rythmes urbains dans ses études concernant l'individu dans la grande ville. A ce propos, il décrit "l'intensification de la vie nerveuse " du citadin et explique "que la grande ville crée justement ces conditions psychologiques - à chaque sortie dans la rue, avec le rythme et la diversité de la vie sociale, professionnelle, économique, -, elle établit dès les fondements sensibles de la vie de l'âme, dans la quantité de conscience, qu'elle réclame de nous en raison de notre organisation comme être différentiel, une profonde opposition avec la petite ville et la vie à la campagne, dont le modèle de vie sensible a un rythme plus lent, plus habituel et qui s'écoule de manière régulière." Pense-t-il alors à la sieste, qui est banalement pratiquée par les villageois et s'estomperait en ville ? [...]
De plus en plus fréquemment, le citadin ne travaille pas à proximité de son logement et ne peut revenir s'y reposer à l'heure de la sieste, c'est pour cette raison que le siesteur n'est pas un actif à temps plein, mais généralement un étudiant, un travailleur indépendant (catégorie allant du commerçant à la profession libérale), un enseignant, un chercheur, un artiste ou un retraité, qui réussit tant bien que mal à contrôler ses horaires. "
Bonne journée.
Si la sieste est un besoin physiologique naturel de l'ensemble des mammifères, et donc de l'homme, on remarque qu'elle n'est pas universellement pratiquée.
" Fréquente chez plus de 85% des mammifères, la sieste n’est pas une phase d’inertie ou une simple pratique dans les pays chauds. «
source : La sieste, cette pause aux mille vertus
C'est l'idée qui est également développée dans Eloge de la sieste par Bruno Comby :
" Pendant un temps, les chercheurs ont cru que la fatigue ressentie en début d'après-midi était liée à la digestion. Mais les recherches de scientifiques canadiens ont démontré que ce coup de pompe n'est pas seulement lié à la digestion. Il semble plutôt qu'il s'agisse d'un rythme biologique inné. En effet, si le coup de pompe de l'après-midi était lié à l'ingestion de nourriture, on l'observerait aussi après le petit déjeuner et le repas du soir et on ne l'observerait pars chez les sujets qui sautent le repas de midi. Or, il n'en est rien. Le coup de pompe s'observe même chez des individus qui n'ont pas déjeuné.
[...]
Chez nous, une partie importante de la population pratique la sieste. Mais, dans un monde axé sur la compétition, il est mal considéré de parler de repos. C'est pourquoi un grand nombre d'individus qui font la sieste évitent d'en parler au travail.
La sieste est aussi le résultat d’une adaptation de l’homme à son environnement ou à ses contraintes professionnelles :
" Dans les pays méditerranéens, où les paysans en ont fait l’institution que l’on connaît, elle est ainsi la conséquence d’un rythme de vie calqué sur celui du soleil qui, lève-tôt et couche-tard, ménage des nuits de six à sept heures de sommeil dans le meilleur des cas. Entre 14 et 16 heures, au moment où il fait de toute façon trop chaud pour travailler la terre, la sieste permet de rattraper le manque de sommeil de la nuit précédente, la majorité d’entre nous ayant besoin de sept à neuf heures de sommeil. Le besoin total de sommeil peut ainsi être réparti en deux, voire en plusieurs moments de repos, sans qu’une dette de sommeil n’apparaisse pour autant. "
source : « La Sieste », Études, 2011/7 (Tome 415), p. 89-98.
Thierry Paquot dans L'art de la sieste nous explique pourquoi il est plus difficile de faire la sieste en ville :
" La longue histoire de la sieste et sa présence dans de nombreuses sociétés pas entièrement modernisées pourraient laisser croire qu'il s'agit d'une pratique vouée à disparaître avec les derniers témoins d'une tradition villageoise. Pourtant, la sieste est également urbaine et, dans un monde qui s'urbanise à grands pas, l'on est en droit de se demander le temps qu'elle pourra occuper. Une question plus ample s'impose : comment et en quoi l'urbanisation des mœurs modifie-t-elle les rythmes de la vie quotidienne ? Le citadin vit plusieurs temporalités à la fois : celle de l'administration et des services publics avec ses heures d'ouverture ; celle de son entreprise avec ses horaires ; celle de l'école avec son emploi du temps hebdomadaire et son calendrier des congés ; celle des transformations qui affectent son environnement bâti ou non ; celle de sa propre existence, avec ses attentes, ses espérances, ses déceptions, ses moments "hors-jeu", etc.
La ville moderne, celle qui naît de l'industrie et des transports mécaniques, est un tourbillon permanent qui sans cesse renouvelle les relations, les échanges, les rencontres, etc. Beaudelaire s'enivrait, et se fatiguait, des flux ininterrompus des hommes et des choses dans la ville. La ville moderne est une machine complexe qui se méfie des temps morts. [...]
Tandis qu'en Allemagne, le philosophe "inclassable" Georg Simmel se préoccupait, de fait, des rythmes urbains dans ses études concernant l'individu dans la grande ville. A ce propos, il décrit "l'intensification de la vie nerveuse " du citadin et explique "que la grande ville crée justement ces conditions psychologiques - à chaque sortie dans la rue, avec le rythme et la diversité de la vie sociale, professionnelle, économique, -, elle établit dès les fondements sensibles de la vie de l'âme, dans la quantité de conscience, qu'elle réclame de nous en raison de notre organisation comme être différentiel, une profonde opposition avec la petite ville et la vie à la campagne, dont le modèle de vie sensible a un rythme plus lent, plus habituel et qui s'écoule de manière régulière." Pense-t-il alors à la sieste, qui est banalement pratiquée par les villageois et s'estomperait en ville ? [...]
De plus en plus fréquemment, le citadin ne travaille pas à proximité de son logement et ne peut revenir s'y reposer à l'heure de la sieste, c'est pour cette raison que le siesteur n'est pas un actif à temps plein, mais généralement un étudiant, un travailleur indépendant (catégorie allant du commerçant à la profession libérale), un enseignant, un chercheur, un artiste ou un retraité, qui réussit tant bien que mal à contrôler ses horaires. "
Bonne journée.
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