Comment expliquait-on les moisissures avant la découverte de
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 11/06/2017 à 13h40
411 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je commence à rédiger un texte sur les micro-organismes,et je me penche donc naturellement sur l'histoire de leur découverte.
J'ai lu que leur présence était soupçonnée dès l'antiquité, mais j'aimerais savoir comment ils expliquaient l'apparition des moisissures.
Merci d'avance pour le temps que vous consacrez.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/06/2017 à 14h28
Bonjour,
Malgré nos recherches nous n’avons pas trouvé d’éléments précis sur la manière dont on expliquait l’apparition des moisissures à l’antiquité.
Ces indications données par Gilles Macagno sur les micro-organismes peuvent néanmoins nous donner quelques pistes :
« Dans la haute antiquité on utilisait déjà les services des microbes, des levures en particulier, pour produire de la bière (à Babylone, – 6000 av. J.- C.), du pain (Égypte, – 4000 av. J.- C.) ou du vin. Les « ferments » que ces peuples antiques pouvaient ajouter à leurs préparations abritaient de nombreux micro-organismes. Mais qui s’en doutait ? Probablement personne.
1 L’IDÉE DE MICRO-ORGANISME
Pour expliquer telle maladie ou telle épidémie, on invoquait en général une cause divine, comportementale ou environnementale. Ainsi, les égyptiens craignaient-ils les excès alimentaires, les vents, les ordures et les vers. La Grèce ancienne invoquait les disputes entre les dieux pour expliquer les épidémies. Cette origine divine fut réfutée par Hippocrate. Pour lui et ses disciples, la cause de la maladie est à chercher dans l’environnement, notamment dans les vents. Le vent sec du nord entraînerait un afflux de bile, tandis que le vent chaud et humide du sud provoquerait une surproduction de phlegme, toutes deux étant considérées, dans la médecine ancienne, comme des humeurs néfastes lorsqu’elles sont présentes en excès dans le corps.
Les naturalistes grecs, Aristote en particulier, envisageaient la notion de génération spontanée pour expliquer les grouillements d’animaux observés dans la vase ou dans le cœur des cadavres en putréfaction. Mais il ne semble pas qu’ils aient imaginé, à cette époque, un monde vivant invisible à l’œil nu .
Aristote aurait toutefois envisagé que les maladies pussent être contagieuses
par transmission de « germes » invisibles.
Mais voici ce qu’écrivit Lucrèce, en 55 av. J.- C. (De la nature, livre VI) :
« Maintenant, quelle est la cause des maladies et d’où naît soudain cette force malsaine qui sème ses ravages parmi les hommes et les troupeaux ? Je vais le dire. D’abordil existe des germes multiples, je l’ai déjà enseigné, qui sont créateurs de vie ; mais il en est d’autres en grand nombre dans l’air qui sont porteurs de maladie et de mort . Lorsque le hasard a rassemblé ces derniers et en a infesté le ciel, l’air devient malsain. Et toutes ces maladies, toutes ces épidémies nous arrivent de climats étrangers, comme les nuages et les brouillards à travers le ciel, ou bien elles montent de la terre elle-même, lorsque le sol humide se putréfie par l’alternance de pluies insolites et d’excessives chaleurs. »
Il avait l’intuition, ne lui manquait plus qu’un moyen de voir ces germes. Au Moyen Âge, en Europe, on ne s’éloigna guère des théories antiques. En Chine, par contre, on entrevit très tôt des causes « biologiques » à certaines maladies : le médecin Ge Hang (281-341) décrivit de nombreuses maladies infectieuses et montra que la fièvre fluviale du Japon était provoquée par la piqûre d’un aoutât (en fait, celui- ci transmet une bactérie provoquant la fièvre).
Il est possible que les Chinois pratiquassent très tôt, vers le XVIe siècle la « variolisation », qui consistait à inoculer par une petite plaie ou les narines le contenu d’une vésicule variolique prélevé sur un malade. Si le micro-organisme injecté n’était pas trop virulent, on pouvait espérer être immunisé.
Au tournant du millénaire, Avicenne (Abd Allāh ibn Sı̄nā, en fait), savant iranien, s’intéressait à la médecine et au fonctionnement du corps. Il émit l’hypothèse que la peste pouvait être transmise par les rats. Mais surtout, il supposait que l’eau ou l’air pouvaient contenir de minuscules organismes pouvant être à l’origine de maladies.
Trois siècles plus tard, Ibn-al-Khatib, philosophe andalou, confronté à une épidémie de peste, préconisa l’isolement des malades et la destruction de leurs vêtements. Il pressentait donc la présence de vecteurs contagieux dont il fallait se préserver.
C’est au début du XVIe siècle qu’on trouve dans des ouvrages européens cette idée d’organismes vecteurs de maladie. Notamment sous la plume d’un médecin poète de Vérone, Girolamo Fracastoro qui imagina la théorie des seminaria contigioni.
Pour lui, ces « semences contagieuses » sont si petites qu’on ne peut les voir. Elles peuvent ainsi facilement passer d’un individu à l’autre par contact direct, par l’air ou par les humeurs – il étudia de près la syphilis (surnommé mal de Naples ou vérole française, selon le côté des Alpes où l’on se trouve) qui faisait des ravages à l’époque. D’après lui, lorsqu’elles pénètrent dans le corps, les seminaria se multiplient et envahissent un organe. »
Source : Les micro-organismes dominent-ils le monde ? Gilles Macagno
A l’instar d’autres micro-organismes, les moisissures étaient utilisées par l’homme à travers des méthodes empiriques, bien avant que celui-ci comprenne leur nature :
« Les Champignons, comme tous les vivants, libèrent des déchets, mais si originaux que l’Homme en a tiré empiriquement parti depuis la plus haute antiquité. Il en a domestiqué maintes espèces, alors qu’il n’en soupçonnait même pas la nature. Levures et moisissures, mais aussi Bactéries lactiques sont devenues de précieux auxiliaires des industries alimentaires en boulangerie, brasserie, fromagerie, œnologie… Les boissons fermentées, aux effets déjà évoqués par la Bible, mais aussi le pain, sont l’œuvre de Levures, transformant les sucres en alcool et gaz carbonique. Les fromages doivent leurs arômes à divers Penicillium (moisissure) dont le plus célèbre teinte de bleu-vert le roquefort. »
Source : Le génie des végétaux : des conquérants fragiles, Marcel Bournérias et Christian Bock
(extraits disponibles dans Google Books)
« L’usage des boissons et aliments fermentés, devenus traditionnels, remonte à la plus haute Antiquité. Selon la légende, n’est-ce pas Dionysos, fils de Zeus, qui inventa le vin ? Sans vouloir remonter si loin, nous savons que la fabrication de la bière à partir d’orge germée était connue des Egyptiens et que le pain leur était familier.
Depuis des millénaires, la fabrication de fromages, yoghourts et autres laitages fermentés est connue en Europe et en Asie. En fait, les microorganismes amélioraient ou détérioraient la qualité des aliments bien avant que l’on ne découvre leur existence ! »
Source : Science et technologie des aliments : principes de chimie des constituants et de technologie des procédés, Werner J. Bauer, Raphaël Badoud, Jürg Löliger
(extraits disponibles dans Google Books)
Une étude publiée dans la revue Nature va même jusqu’à suggérer que l’homme de Neandertal aurait compris, 40 000 ans avant la découverte de la pénicilline par Alexander Flemming, les propriétés antibiotiques de cette moisissure.
Source : Les Néandertaliens prenaient-ils de l'aspirine ? liberation.fr
Bonne journée.
Malgré nos recherches nous n’avons pas trouvé d’éléments précis sur la manière dont on expliquait l’apparition des moisissures à l’antiquité.
Ces indications données par Gilles Macagno sur les micro-organismes peuvent néanmoins nous donner quelques pistes :
« Dans la haute antiquité on utilisait déjà les services des microbes, des levures en particulier, pour produire de la bière (à Babylone, – 6000 av. J.- C.), du pain (Égypte, – 4000 av. J.- C.) ou du vin. Les « ferments » que ces peuples antiques pouvaient ajouter à leurs préparations abritaient de nombreux micro-organismes. Mais qui s’en doutait ? Probablement personne.
Pour expliquer telle maladie ou telle épidémie, on invoquait en général une cause divine, comportementale ou environnementale. Ainsi, les égyptiens craignaient-ils les excès alimentaires, les vents, les ordures et les vers. La Grèce ancienne invoquait les disputes entre les dieux pour expliquer les épidémies. Cette origine divine fut réfutée par Hippocrate. Pour lui et ses disciples, la cause de la maladie est à chercher dans l’environnement, notamment dans les vents. Le vent sec du nord entraînerait un afflux de bile, tandis que le vent chaud et humide du sud provoquerait une surproduction de phlegme, toutes deux étant considérées, dans la médecine ancienne, comme des humeurs néfastes lorsqu’elles sont présentes en excès dans le corps.
Aristote aurait toutefois envisagé que les maladies pussent être contagieuses
par transmission de « germes » invisibles.
Mais voici ce qu’écrivit Lucrèce, en 55 av. J.- C. (De la nature, livre VI) :
« Maintenant, quelle est la cause des maladies et d’où naît soudain cette force malsaine qui sème ses ravages parmi les hommes et les troupeaux ? Je vais le dire. D’abord
Il avait l’intuition, ne lui manquait plus qu’un moyen de voir ces germes. Au Moyen Âge, en Europe, on ne s’éloigna guère des théories antiques. En Chine, par contre, on entrevit très tôt des causes « biologiques » à certaines maladies : le médecin Ge Hang (281-341) décrivit de nombreuses maladies infectieuses et montra que la fièvre fluviale du Japon était provoquée par la piqûre d’un aoutât (en fait, celui- ci transmet une bactérie provoquant la fièvre).
Il est possible que les Chinois pratiquassent très tôt, vers le XVIe siècle la « variolisation », qui consistait à inoculer par une petite plaie ou les narines le contenu d’une vésicule variolique prélevé sur un malade. Si le micro-organisme injecté n’était pas trop virulent, on pouvait espérer être immunisé.
Au tournant du millénaire, Avicenne (Abd Allāh ibn Sı̄nā, en fait), savant iranien, s’intéressait à la médecine et au fonctionnement du corps. Il émit l’hypothèse que la peste pouvait être transmise par les rats. Mais surtout, il supposait que l’eau ou l’air pouvaient contenir de minuscules organismes pouvant être à l’origine de maladies.
Trois siècles plus tard, Ibn-al-Khatib, philosophe andalou, confronté à une épidémie de peste, préconisa l’isolement des malades et la destruction de leurs vêtements. Il pressentait donc la présence de vecteurs contagieux dont il fallait se préserver.
C’est au début du XVIe siècle qu’on trouve dans des ouvrages européens cette idée d’organismes vecteurs de maladie. Notamment sous la plume d’un médecin poète de Vérone, Girolamo Fracastoro qui imagina la théorie des seminaria contigioni.
Pour lui, ces « semences contagieuses » sont si petites qu’on ne peut les voir. Elles peuvent ainsi facilement passer d’un individu à l’autre par contact direct, par l’air ou par les humeurs – il étudia de près la syphilis (surnommé mal de Naples ou vérole française, selon le côté des Alpes où l’on se trouve) qui faisait des ravages à l’époque. D’après lui, lorsqu’elles pénètrent dans le corps, les seminaria se multiplient et envahissent un organe. »
Source : Les micro-organismes dominent-ils le monde ? Gilles Macagno
A l’instar d’autres micro-organismes, les moisissures étaient utilisées par l’homme à travers des méthodes empiriques, bien avant que celui-ci comprenne leur nature :
« Les Champignons, comme tous les vivants, libèrent des déchets, mais si originaux que l’Homme en a tiré empiriquement parti depuis la plus haute antiquité. Il en a domestiqué maintes espèces, alors qu’il n’en soupçonnait même pas la nature. Levures et moisissures, mais aussi Bactéries lactiques sont devenues de précieux auxiliaires des industries alimentaires en boulangerie, brasserie, fromagerie, œnologie… Les boissons fermentées, aux effets déjà évoqués par la Bible, mais aussi le pain, sont l’œuvre de Levures, transformant les sucres en alcool et gaz carbonique. Les fromages doivent leurs arômes à divers Penicillium (moisissure) dont le plus célèbre teinte de bleu-vert le roquefort. »
Source : Le génie des végétaux : des conquérants fragiles, Marcel Bournérias et Christian Bock
(extraits disponibles dans Google Books)
« L’usage des boissons et aliments fermentés, devenus traditionnels, remonte à la plus haute Antiquité. Selon la légende, n’est-ce pas Dionysos, fils de Zeus, qui inventa le vin ? Sans vouloir remonter si loin, nous savons que la fabrication de la bière à partir d’orge germée était connue des Egyptiens et que le pain leur était familier.
Depuis des millénaires, la fabrication de fromages, yoghourts et autres laitages fermentés est connue en Europe et en Asie. En fait, les microorganismes amélioraient ou détérioraient la qualité des aliments bien avant que l’on ne découvre leur existence ! »
Source : Science et technologie des aliments : principes de chimie des constituants et de technologie des procédés, Werner J. Bauer, Raphaël Badoud, Jürg Löliger
(extraits disponibles dans Google Books)
Une étude publiée dans la revue Nature va même jusqu’à suggérer que l’homme de Neandertal aurait compris, 40 000 ans avant la découverte de la pénicilline par Alexander Flemming, les propriétés antibiotiques de cette moisissure.
Source : Les Néandertaliens prenaient-ils de l'aspirine ? liberation.fr
Bonne journée.
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