Question d'origine :
Bonjour,
Je travaille actuellement à la traduction d'un texte écrit en anglais selon lequel Diderot aurait écrit, en 1767, “I enjoyed the sight of crows gathered around a corpse, tearing the eyes out of its head.”
Je vois mal Diderot se repaître d'un spectacle aussi morbide, mais peut-être a-t-il en effet écrit ces mots dans un contexte particulier...
Pourriez-vous m'éclairer?
D'avance, merci.
C.L. D.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 07/06/2017 à 13h17
Bonjour,
Dans sa passionnante histoire des lectures et des traductions de l'Iliade et de l'Odyssée, Alberto Manguel revient en effet sur cette remarque ô combien macabre de Diderot au sujet d’une description de Homère.
Etonnant au premier abord, et vous avez raison, car Diderot, homme des Lumières, s’est toujours consacré à la vie dans ce qu’elle a de plus louable et dans une vision optimiste et progressiste des choses : ainsi que le rappelle Robert Mauzi, « le 18ème siècle a donné une forme rationnelle à la recherche du prolongement de la vie. L’esprit de sérieux et l’optimisme des Philosophes, les plus aberrantes chimères et les plus cyniques impostures se rencontrent en cette tentative passionnée pour métamorphoser l’homme en un magicien devenu totalement maître de son destin ».
Ainsi, le 18ème siècle a constitué l’époque où l’on a tenté de se révolter contre ce destin incontournable, la mort. Cette tentation reflétait non seulement un attachement à la vie terrestre mais aussi aux progrès de la médecine. On a de plus en plus la conscience de prolonger la vie, et cette vie devait être heureuse.
D’ailleurs, Diderot ne dit pas pas autre chose lorsqu’il écrit : « J’aime la vie », dans sa Lettre d’un citoyen zélé (1748) ». Et de poursuivre : « Je veux donc vivre [...] mais point de vrai bonheur pour qui n’a pas celui de se bien porter ».
Il semblerait ainsi que Diderot, évoquant une description macabre dans l’Illiade et L’odyssée, y trouve une image juste (ou juste une image) de ce qu’est la mort (et des affres de la guerre).
Néanmoins, il ne s’agirait pas non plus d’oublier l’ironie mordante de notre écrivain et qui fait écho à toute une veine critique qui se fond dans la fameuse gaieté française, mondaine, libertine, voire blasphématoire. Rappelons ici que Diderot et Voltaire sont les deux philosophes français du 18ème siècle les plus fréquemment désignés comme ironistes.
La remarque macabre peut s’entendre également sous cet angle ironique.
A creuser…
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