Question d'origine :
Bonjour,
En architecture, "l'oeil-de-boeuf" est-il une invention française ?
D'où vient cette appellation/quelle est l'époque où il est devenu à la mode ?
Je vous remercie.
Très cordialement.
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 02/06/2017 à 10h50
Pour toute recherche de la définition d’un mot de la langue française, nous vous invitons à consulter en premier le TLFi :
A. ARCHIT. Lucarne, fenêtre ronde ou ovale pratiquée dans la partie supérieure d'un édifice ou dans un mur. L'escalier se développait derrière de manière à laisser pour cette chambre un petit cabinet éclairé par un œil-de-bœuf sur la cour (BALZAC, U. Mirouët, 1841, p.140). En face de la fenêtre surplombant le jardin, un œil-de-bœuf regardait la cour (FLAUBERT, Cœur simple, 1877, p.61):
1. Mais comment faire comprendre à des prêtres que la laideur est sacrilège et que rien n'égale l'effrayant péché de ce bout-ci, bout-là de romain et de grec, de ces peintures d'octogénaires, de ce plafond plat et ocellé d'œils-de-bœuf d'où coulent, par tous les temps, les lueurs avariées des jours de pluie...
HUYSMANS, En route, t.1, 1895, p.20.
Pour les termes d’architecture, l’ouvrage de référence est Architecture : description et vocabulaire méthodiques / Inventaire général du patrimoine culturel ; rédigé par Jean-Marie Pérouse de Montclos :
Lucarne dont la fenêtre est circulaire ou ovale.
Références: Félibien, D'Aviler. Désigne aussi l'oculus (Roland Le Virloys).
Ouvrage construit sur un toit et permettant d'éclairer le comble par une ou plusieurs fenêtres, c'est-à-dire des baies placées dans un plan vertical et leur encadrement…
Voir lucarne, chapitre IX. Croisée de lucarne. Grande-lucarne à deux fenêtres. Ne pas confondre la fenêtre de lucarne avec la fenêtre de pignon ou avec la fenêtre d'attique, qui ne sont pas sur un versant, ou avec la tabatière, qui n'est pas une fenêtre puisque son ouverture n'est pas dans un plan vertical. La fenêtre de lucarne est dite pendante lorsque son appui est placé dans le surcroît en dessous du niveau de la corniche supérieure qui s'en trouve interrompue. Ne pas confondre la fenêtre pendante de lucarne, qui éclaire un étage de comble, avec la fenêtre passante d'un vaisseau ou d'un étage carré, dont le couvrement est au-dessus du niveau de la corniche supérieure : seule sa partie haute est en lucarne. L'œil-de-bœuf est une fenêtre ronde ou ovale comprise dans une lucarne qui la circonscrit.
L’autre ouvrage de référence pour l’histoire des termes utilisés en architecture est le Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIème au XVIème siècle / Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc :
«
Les clefs largement ouvertes, circulaires, qui dans les voûtes servent de passage aux cloches et qui prennent habituellement le profil des arcs ogives sont aussi appelées quelquefois œils ou lunettes (voy. LUNETTE).
L'œil, oculus de la basilique chrétienne primitive, est une baie circulaire avec ébrasement intérieur, qui était percée dans le mur pignon de face au-dessous du lambris de la charpente. On trouve encore la trace de cette tradition dans certaines églises romanes, surtout au midi de la Loire. La rose gothique est un développement de l'oculus de la basilique primitive (voy. ROSE).
Le mot œil-de-bœuf, appliqué à l’architecture, n’apparaît ainsi dans la langue française qu’au XVIe siècle. Son essor dans la construction est indiqué à l’époque Baroque, notamment quand il adopte la forme ovale, forme caractéristique du Baroque, comme l’indique l’ouvrage Les styles en architecture : guide visuel / Owen Hopkins :
«
Si la symétrie parfaite du cercle symbolisait l’ordre de l’architecture renaissance, le baroque se caractérise par l’ovale. C’est cette forme qui définit les dômes des deux églises jumelles Santa Maria dei Miracoli et Santa Maria in Montesanto, sur la piazza del Popolo, à Rome ; dans l’église San Carlo, construite par Borromini, et à Sant’Andrea al Quirinal, œuvre du Bernin, l’ovale est l’élément qui unifie toute l’architecture. »
Tous les ouvrages consultés confirment le développement de l’œil-de-bœuf à l’époque baroque.
Dans l’ouvrage L'architecture pour les nuls / Deborah K. Dietsch, Simon Texier, on peut noter ces deux définitions :
«
Le livre Comprendre l'architecture : décoder les édifices et reconnaître tous les styles / Carole Davidson Cragoe, dresse un historique des fenêtres et situe la période faste pour l’œil-de-bœuf dans la période Baroque et rococo :
«
Les fenêtres baroques ressemblent à celles de style Renaissance, mais elles s'en distinguent par leur sophistication, leurs formes curvilignes, leur variété et surtout par les originaux frontons qui les surmontent. C’est à la période baroque que furent créés les frontons brisés à la base ou au sommet. Ceux-ci se firent de plus en plus élaborés au fil du temps, ainsi que les œils-de-bœuf de forme ovale, les embrasures ornées de bossage rustique ou de pierres de taille en saillie, et les clés de voûte surdimensionnées.
La Kollegienkirche de Salzbourg illustre l'extrême inventivité qui caractérisa la fin de la période baroque. La façade de sa nef principale est ornée non seu1ement de fenêtres rectangulaires, d'arcades surmontées d'un fronton au décor très élaboré ou d'une clé surdimensionnée, mais aussi de mu1tiples œils-de-bœuf ovales de divers formats à tous les niveaux de l'édifice.
Qu'ils soient ovales ou circulaires, les œils-de-bœuf avaient beaucoup de succès à l'époque baroque. Ils étaient insérés dans les pignons, les lucarnes ou les combles et enchâssés dans un cadre décoratif, ce qui avait pour effet d'attirer le regard vers la partie supérieure des édifices. »
Dans le Dictionnaire critique et raisonné des termes d'art et d'archéologie : à l'intention des amateurs, chercheurs et curieux / Jacques Girard :
«
ARCHIT. Lucarne de forme ronde ou ovale.
Depuis le XVIe s., mais surtout utilisée depuis Louis XIII. L'antichambre de la chambre de Louis XIV à Versailles possédait un tel type d'ouverture au-dessus de la fenêtre du fond. D'où le célèbre livre, compilation apocryphe, de Touchard-Lafosse au XIXe s. : Les Chroniques de l'œil-de-bœuf. »
Grammaire de l'architecture / direction Emily Cole :
«
L'architecture française du XVIIe s. était plus en continuité avec la Renaissance que l'architecture romaine de la Contre-Réforme. Pourtant, à son retour à Paris après les troubles de la guerre civile, Henri IV souhaitait affirmer à nouveau la monarchie par l'introduction d'une série de places ornées de statues du souverain et abritant les demeures de la noblesse. Il en résulta un style d'une sobriété uniforme, bientôt adopté dans les châteaux des campagnes et dans les hôtels nobles en ville. Des architectes, tels François Mansart, Jules Hardouin-Mansart et Louis Le Vau, furent chargés de construire de longues façades à motifs répétitifs, accentuant ainsi les effets baroques.
De forme ronde ou ovoïde, elles ornent la partie supérieure des édifices du baroque français, les toits mansardés et les dômes, en particulier. Parfois véritables fenêtres en mansarde, elles agrémentent la surface d'ouvertures décoratives. »
Sur Internet, on peut trouver quelques articles fournissant d’autres renseignements concernant l’historique de l’œil-de-bœuf :
Celui de Emilie RABOTTIN sur le site Plurielles :
«
Dans les clochers d'église, il permettait aussi de monter plus facilement les cloches par l'extérieur.
Au château de Versailles, il existe une petite antichambre menant à la chambre du roi, nommée elle-même "œil-de-bœuf", parce qu'éclairée par... un œil-de-bœuf.
Les toits à la Mansart, du nom du célèbre architecte, présentent de nombreuses lucarnes cernées de zinc, percées dans le pan coupé des toitures. Presque toujours muni d'une vitre, l'œil de bœuf peut se compléter d'une grille décorative en fer forgé.
L'Angleterre adopte aussi l'œil-de-bœuf et son nom français, pour ses manoirs du 17e siècle. La période Art déco, voit refleurir cet élément orné de décors de pierres et les immeubles haussmanniens de Paris présentent très souvent des dômes percés d'un œil-de-bœuf. »
Ou celui de l’Académie de Caen :
«
Cette nouvelle architecture utilise les éléments redécouverts pendant la Renaissance : colonnes, tours, coupoles et quelques nouveautés : fenêtres ovales, œil-de-bœuf, colonnes torsadées, frontons brisés, mais elle se défait des règles classiques, recherche la variété, l'originalité, l'effet théâtral, l'impression. C'est un art approprié pour exprimer le pouvoir. »
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