Question d'origine :
Bonjour, Curieuse et amatrice de films autour du thème de la transsexualité, pourriez-vous m'en dire plus sur l'histoire des "gender studies" avec des conseils de films ou de lectures à ce propos ? Merci d'avance
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 24/04/2017 à 15h44
Bonjour,
Les « gender studies » sont nées dans les universités américaines pendant les années 1970 :
« Des différences structurelles, idéologiques, et culturelles expliquent le développement inégal de l’histoire des femmes et du genre en France et aux États-Unis. Si dans ce dernier pays, l’histoire des femmes et du genre n’a pas toujours été accueillie à bras ouverts, du moins a-t-elle pu bénéficier d’un certain ancrage institutionnel et scientifique dès les années 1970. À la différence de la France, son implantation à l’université commence dès cette époque. Le premier cours est proposé par l’université de San Diego (Californie) en 1967, rapidement suivi ailleurs par toute une série de cours et de programmes d’études de women’s studies. Cette histoire n’a cessé de s’amplifier et de se diversifier depuis, à tel point que l’on peut aujourd’hui parler d’un véritable milieu professionnel, ayant son réseau et ses revues, ses centres de recherches et ses associations, ses diplômes et ses diplômées, ses bourses d’études et ses colloques.
Dans les années 1980, les études sur les femmes (women’s studies) ont été marquées par une évolution en faveur des études de genre (gender studies). Reste à saisir la différence entre les deux approches. Dans bien des intitulés de travaux, de programmes d’études, de revues ou de centres de recherches, on pourrait substituer genre à femmes sans qu’une modification du contenu soit nécessaire, tant la terminologie semble floue. Femmes et genre se succèdent et s’entremêlent, même si le passage de l’une à l’autre n’a pas toujours été obtenu sans discussion. Pour les partisanes du genre, traiter les femmes seules ne tiendrait pas compte de leur insertion dans un univers sexué plus large. Mais se référer au genre sans mettre en avant les femmes risquerait de les occulter de nouveau dans une histoire globalisante, les refondre dans une humanité indifférenciée à dominante masculine. Revenir à la case de départ, en somme. Pour certaines, l’abandon de la rubrique « femmes » équivaudrait à une quête de respectabilité où le mot ne viendrait plus discréditer la recherche aux yeux de ses détracteurs. Pire encore, il creuserait la tombe du projet féministe au profit de ceux qui investiraient les études de genre pour mieux en exclure les femmes. Comme pour réaliser ces craintes, le domaine appelé men’s studies – redondance aux yeux des tenantes de cette tendance – a bien vu le jour dans les années 1990, même s’il reste très marginal. En dépit de ces considérations dont la signification varie selon les situations locales, l’étude des femmes et celle du genre ne s’excluent pas, bien au contraire. Comment réconcilier les deux, du moins sur le plan sémantique ? La solution pour certains programmes d’études et centres de recherches a été l’adoption de women’s and gender studies. D’autres ont fermement maintenu leur nomenclature originale.
Source : Schwartz Paula, Women's studies, gender studies. Le contexte américain, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 3/2002 (no 75), p. 15-20 (consultable sur Cairn).
«Les « gender studies » : genèse et développements
Le concept de « gender » est né aux Etats-Unis d’une réflexion autour du sexe et de l’utilisation de cette variable dans les recherches en sciences sociales. Le mouvement féministe, qui a pris de l’ampleur après la révolution sexuelle, cherche à faire entendre sa voix au sein des institutions de recherche. Il s’agit de faire reconnaître un engagement qui se veut de plus en plus une réflexion renouvelée sur le monde.
C’est un psychologue, Robert Stoller, qui popularise en 1968 une notion déjà utilisée par ses confrères américains depuis le début des années 1950 pour comprendre la séparation chez certains patients entre corps et identité. De là l’idée qu’il n’existe pas une réelle correspondance entre le genre (masculin/féminin) et le sexe (homme/femme). Dès 1972, en s’appuyant sur l’articulation entre la nature et la culture développée par l’anthropologue française Claude Lévi-Strauss, la sociologue britannique Anne Oakley renvoie le sexe au biologique et le genre au culturel. Les universitaires américaines récusent le rapprochement souvent effectué entre les femmes et la nature (principalement à cause de leurs facultés reproductives) alors que les hommes seraient du côté de la culture. Un retentissant article publié en 1974 par l’anthropologue Sherry Ortner en rend les termes particulièrement explicites : « Femme est-il à homme ce que nature est à culture ? » En anthropologie, c’est à Margaret Mead que revient une première réflexion sur les rôles sexuels dans les années 1930. L’étude des rôles assignés aux individus selon les sexes et les caractères proprement féminins et masculins permet de dégager l’apprentissage de ce qui a été donné par la nature. »
Vous pourrez lire la suite de ce texte de Sandrine Teixido dans l’ouvrage dirigé par Martine Fournier : Masculin-féminin : pluriel, disponible à la BmL.
Voici une bibliographie d’articles et d’ouvrages qui vous permettrons d’approfondir ce sujet :
Articles :
- Les gender studies pour les nul(-le)s, Sandrine Teixido, Héloïse Lhérété et Martine Fournier
- Éliane Elmaleh, Les Women’s Studies aux États Unis, Transatlantica [En ligne], 1 | 2003, mis en ligne le 27 mars 2006
- Clair Isabelle, Heinen Jacqueline, Le genre et les études féministes françaises : une histoire ancienne. Introduction, Cahiers du Genre, 1/2013 (n° 54), p. 9-19.
- Berger Anne E., Petite histoire paradoxale des études dites de " genre " en France, Le français aujourd'hui, 4/2008 (n° 163), p. 83-91.
- Victoria E. Thompson, L’histoire du genre : trente ans de recherches des historiennes américaines de la France, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 96-97 | 2005, 41-62.
Ouvrages :
- Sociologie du genre, Isabelle Clair; sous la direction de François de Singly
- Le genre, théories et controverses, ouvrage présenté et dirigé par Laure Bereni, Mathieu Trachman
Pour terminer, nous vous laissons consulter le dossier bibliographique très complet sur la discipline des études de genre établi par l’Université Paris Diderot.
Nous complèterons ultérieurement cette réponse avec des références de films.
Bonne journée.
Les « gender studies » sont nées dans les universités américaines pendant les années 1970 :
« Des différences structurelles, idéologiques, et culturelles expliquent le développement inégal de l’histoire des femmes et du genre en France et aux États-Unis. Si dans ce dernier pays, l’histoire des femmes et du genre n’a pas toujours été accueillie à bras ouverts, du moins a-t-elle pu bénéficier d’un certain ancrage institutionnel et scientifique dès les années 1970. À la différence de la France, son implantation à l’université commence dès cette époque. Le premier cours est proposé par l’université de San Diego (Californie) en 1967, rapidement suivi ailleurs par toute une série de cours et de programmes d’études de women’s studies. Cette histoire n’a cessé de s’amplifier et de se diversifier depuis, à tel point que l’on peut aujourd’hui parler d’un véritable milieu professionnel, ayant son réseau et ses revues, ses centres de recherches et ses associations, ses diplômes et ses diplômées, ses bourses d’études et ses colloques.
Dans les années 1980, les études sur les femmes (women’s studies) ont été marquées par une évolution en faveur des études de genre (gender studies). Reste à saisir la différence entre les deux approches. Dans bien des intitulés de travaux, de programmes d’études, de revues ou de centres de recherches, on pourrait substituer genre à femmes sans qu’une modification du contenu soit nécessaire, tant la terminologie semble floue. Femmes et genre se succèdent et s’entremêlent, même si le passage de l’une à l’autre n’a pas toujours été obtenu sans discussion. Pour les partisanes du genre, traiter les femmes seules ne tiendrait pas compte de leur insertion dans un univers sexué plus large. Mais se référer au genre sans mettre en avant les femmes risquerait de les occulter de nouveau dans une histoire globalisante, les refondre dans une humanité indifférenciée à dominante masculine. Revenir à la case de départ, en somme. Pour certaines, l’abandon de la rubrique « femmes » équivaudrait à une quête de respectabilité où le mot ne viendrait plus discréditer la recherche aux yeux de ses détracteurs. Pire encore, il creuserait la tombe du projet féministe au profit de ceux qui investiraient les études de genre pour mieux en exclure les femmes. Comme pour réaliser ces craintes, le domaine appelé men’s studies – redondance aux yeux des tenantes de cette tendance – a bien vu le jour dans les années 1990, même s’il reste très marginal. En dépit de ces considérations dont la signification varie selon les situations locales, l’étude des femmes et celle du genre ne s’excluent pas, bien au contraire. Comment réconcilier les deux, du moins sur le plan sémantique ? La solution pour certains programmes d’études et centres de recherches a été l’adoption de women’s and gender studies. D’autres ont fermement maintenu leur nomenclature originale.
Source : Schwartz Paula, Women's studies, gender studies. Le contexte américain, Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 3/2002 (no 75), p. 15-20 (consultable sur Cairn).
«
Le concept de « gender » est né aux Etats-Unis d’une réflexion autour du sexe et de l’utilisation de cette variable dans les recherches en sciences sociales. Le mouvement féministe, qui a pris de l’ampleur après la révolution sexuelle, cherche à faire entendre sa voix au sein des institutions de recherche. Il s’agit de faire reconnaître un engagement qui se veut de plus en plus une réflexion renouvelée sur le monde.
C’est un psychologue, Robert Stoller, qui popularise en 1968 une notion déjà utilisée par ses confrères américains depuis le début des années 1950 pour comprendre la séparation chez certains patients entre corps et identité. De là l’idée qu’il n’existe pas une réelle correspondance entre le genre (masculin/féminin) et le sexe (homme/femme). Dès 1972, en s’appuyant sur l’articulation entre la nature et la culture développée par l’anthropologue française Claude Lévi-Strauss, la sociologue britannique Anne Oakley renvoie le sexe au biologique et le genre au culturel. Les universitaires américaines récusent le rapprochement souvent effectué entre les femmes et la nature (principalement à cause de leurs facultés reproductives) alors que les hommes seraient du côté de la culture. Un retentissant article publié en 1974 par l’anthropologue Sherry Ortner en rend les termes particulièrement explicites : « Femme est-il à homme ce que nature est à culture ? » En anthropologie, c’est à Margaret Mead que revient une première réflexion sur les rôles sexuels dans les années 1930. L’étude des rôles assignés aux individus selon les sexes et les caractères proprement féminins et masculins permet de dégager l’apprentissage de ce qui a été donné par la nature. »
Vous pourrez lire la suite de ce texte de Sandrine Teixido dans l’ouvrage dirigé par Martine Fournier : Masculin-féminin : pluriel, disponible à la BmL.
Voici une bibliographie d’articles et d’ouvrages qui vous permettrons d’approfondir ce sujet :
- Les gender studies pour les nul(-le)s, Sandrine Teixido, Héloïse Lhérété et Martine Fournier
- Éliane Elmaleh, Les Women’s Studies aux États Unis, Transatlantica [En ligne], 1 | 2003, mis en ligne le 27 mars 2006
- Clair Isabelle, Heinen Jacqueline, Le genre et les études féministes françaises : une histoire ancienne. Introduction, Cahiers du Genre, 1/2013 (n° 54), p. 9-19.
- Berger Anne E., Petite histoire paradoxale des études dites de " genre " en France, Le français aujourd'hui, 4/2008 (n° 163), p. 83-91.
- Victoria E. Thompson, L’histoire du genre : trente ans de recherches des historiennes américaines de la France, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 96-97 | 2005, 41-62.
- Sociologie du genre, Isabelle Clair; sous la direction de François de Singly
- Le genre, théories et controverses, ouvrage présenté et dirigé par Laure Bereni, Mathieu Trachman
Pour terminer, nous vous laissons consulter le dossier bibliographique très complet sur la discipline des études de genre établi par l’Université Paris Diderot.
Nous complèterons ultérieurement cette réponse avec des références de films.
Bonne journée.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 11/05/2017 à 14h04
Concernant le cinéma, vous trouverez ci-dessous quelques ouvrages sur le cinéma LGBT / queer, ou bien sur le traitement des rapports sociaux de sexe au cinéma. Comme les titres l’indiquent, la plupart n’abordent pas les transidentités de manière centrale. En effet, si ces ouvrages sérieux sont souvent issus de travaux engagés, la sociologie, l’économie et la recherche LGBT étant traversées des mêmes rapports que la société en général, les questions transidentitaires y sont sous-représentées.
Le plus souvent néanmoins, ces ouvrages les abordent (ne serait-ce que de manière liminale), faisant malgré tout émerger une certaine visibilité. Ou bien ils contribuent à l’analyse plus générale des questions de genre et de sexualité, prisme de réflexion dans lequel s’inscrivent les transidentités.
En d’autres termes, des bases existent mais beaucoup reste à faire...
Le cinéma queer : écolières, vampires et cowboys gays de Barbara Mennel
New queer cinema : The director's cut de B. Ruby Rich
Le cinéma au prisme des rapports de sexe de Noël Burch et Geneviève Sellier
L'homosexualité au cinéma de Didier Roth-Bettoni
D’autres ouvrages pouvant vous intéresser :
La transyclopédie : tout savoir sur les transidentités dirigé par Karine Espineira
Médiacultures. La transidentité en télévision : une recherche menée sur un corpus à l'INA, 1946-2010 de Karine Espineira
La transidentité, de l’espace médiatique à l’espace public de Karine Espineira [sur la télévision]
En plus des oeuvres citées dans ces livres, voiciquelques films se trouvant dans nos collections et donnant déjà à voir une certaine diversité de personnages transgenres -- en y incluant les personnages intersexués -- au cinéma.
Gardez à l’esprit que ces films sont diversement perçus de la part des personnes transgenres, d’où l’intérêt de contextualiser à l’aide des livres ci-dessus. D’autre part, cette courte liste ne constitue en rien une filmographie exhaustive, ni même représentative (notamment parce que les productions les plus militantes ou les plus « underground » ne sont pas toujours accessibles pour les institutions).
Glen or Glenda d’Ed Wood (1953)
The Rocky horror picture show de Jim Sharman (1975)
L’année des 13 Lunes de Rainer Werner Fassbinder (1978)
The crying game de Neil Jordan (1992)
Priscilla, folle du désert de Stephan Elliott (1995)
Tout sur ma mère de Pedro Almodovar (1999)
Boys don’t cry de Kimberley Pierce (1999)
Chouchou de Merzak Allouache (2002)
Hedwig and the angry inch de John Cameron Mitchell (2001)
Wild side de Sébastien Lifshitz (2004)
Transamerica de Duncan Tucker (2005)
Breakfast on Pluto de Neil Jordan (2005)
XXY de Lucia Puenzo (2007)
Laurence anyways de Xavier Dolan (2012)
Dallas buyers club de Jean-Marc Vallée (2013)
Le plus souvent néanmoins, ces ouvrages les abordent (ne serait-ce que de manière liminale), faisant malgré tout émerger une certaine visibilité. Ou bien ils contribuent à l’analyse plus générale des questions de genre et de sexualité, prisme de réflexion dans lequel s’inscrivent les transidentités.
En d’autres termes, des bases existent mais beaucoup reste à faire...
D’autres ouvrages pouvant vous intéresser :
En plus des oeuvres citées dans ces livres, voici
Gardez à l’esprit que ces films sont diversement perçus de la part des personnes transgenres, d’où l’intérêt de contextualiser à l’aide des livres ci-dessus. D’autre part, cette courte liste ne constitue en rien une filmographie exhaustive, ni même représentative (notamment parce que les productions les plus militantes ou les plus « underground » ne sont pas toujours accessibles pour les institutions).
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