Question d'origine :
Très cher Guichet,
j'aimerais savoir si les abbayes médiévales d'un même ordre, cistercien par exemple, travaillaient pour elles et étaient en rivalité les unes avec les autres ou si elles mettaient leurs richesses en commun.
Merci par avance,
Tinodela.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/04/2017 à 13h06
Bonjour,
En fait, la réponse serait un peu entre les deux. Les abbayes d’un même ordre n’étaient pas en rivalité entre elles mais bénéficiaient suivant les ordres d’un plus ou moins grand degré d’autonomie. C’est ce qu’explique très bien Sophie Hasquenoph dans Histoire des ordres et congrégations religieuses en France du Moyen Âge à nos jours, p. 208 à 213 :
« La mise en place d’une organisation monastique
Les disciples de Saint Benoît optent pour deux modes possibles d’organisation : l’autonomie de chaque communauté ou une dépendance plus ou moins étroite des maisons religieuses entre elles. Pendant tout le moyen-Age, les deux systèmes coexistent. Mais pour durer, il faut des assises solides. Au fur et à mesure que les différents ordres monastiques se densifient, ils cherchent à pallier au risque de dilution et d’indépendance régionale. […] A chacun de trouver le mode d’organisation et de fonctionnement qui permette de préserver l’épanouissement de la communauté, ainsi que le lien naturel et historique avec la Maison Mère. Bien évidemment, les institutions mises en place et officialisés par les Statuts, sont évolutives et perfectibles.
Le modèle centralisé de Cluny : des rapports de soumisson
L’ordre de Cluny, étendu à l’échelle européenne, se construit sur le système de la distinction entre abbaye mère et prieuré. Mais son originalité est de ne reconnaître qu’une seule maison mère, en l’occurrence l’abbaye de Cluny, autour de laquelle gravitent des abbayes d’obédience et des prieurés. L’orientation choisie est clairement celle de la centralisation. […]
Le modèle cistercien : des rapports de filiation
Le modèle cistercien est très différent de celui de Cluny, non axé sur le principe de la centralisation mais sur celui de la filiation. Outre l’abbaye mère de Cîteaux, il existe quatre de «filles de Cîteaux » (La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, qui sont abbayes de plein exercice et non d’obédience comme à Cluny. Elles sont unies à Cîteaux par des liens reposant sur le principe d’ancienneté, définis dans la Charte de Charité (1114). Chacune d’elles a personnellement des « affiliées », l’ensemble formant donc une cascade d’affiliation à partir de Cîteaux. »
Vous pouvez lire l’intégralité de ces pages sur Google Livres
L’article Ordre cistercien, paragraphe L’Abbaye mère et ses filiales de Wikipedia décrit également particulièrement le modèle cistercien :
« Dans les années 1120, les nouveaux venus, intégrés dans des établissements géographiquement distants, reçoivent des formations propres à la maison qui les accueille. Pour favoriser la cohésion, éviter les discordes et fonder des relations organiques entre les monastères, dès 1114, Étienne rédige une Charte d'unanimité et de charité. Cette charte, document juridique, « règle le contrôle et la continuité de l'administration de chaque maison, […] définit les rapports des maisons entre elles et assure l'unité de l'ordre ». Elle est complétée jusqu'en 1119, puis, au vu de nouvelles difficultés, remaniée vers 1170 pour donner naissance à la Charte de charité postérieure.
Par son esprit, elle se détache du modèle clunisien de la familia hiérarchisée en offrant une large autonomie à chaque monastère. Cîteaux reste l'autorité spirituelle gardienne de « l'observance de la sainte règle » établie au Nouveau Monastère.
Chaque monastère, selon le principe de charité, doit secours aux fondations les plus démunies, les abbayes mères assurant le contrôle et l'élection des abbés au sein des abbayes filles. L'abbé de Cîteaux garde, par ses conseils et dans ses visites, une autorité supérieure. Chaque abbé doit se rendre chaque année à Cîteaux pour le Chapitre général, organe suprême de gouvernement et de justice, autour de la fête de la Sainte Croix (14 septembre), à la suite desquels des statuts étaient promulgués. Cette procédure n'est pas entièrement originale puisqu'elle remonte aussi aux origines de l'ordre de Vallombreuse, mais l'inspiration vient évidemment de la convention entre Molesme et Aulps signée en 1097, sous l'abbatiat de Robert. Depuis la fin du XIIe siècle, le Chapitre est assisté par un comité de définiteurs nommés par l'abbé de Cîteaux, le Définitoire. Les cisterciens acceptent cependant le soutien et le contrôle de l'évêque du lieu en cas de conflit au sein de l'ordre. Ainsi, dès 1120, sur le plan juridique et normatif, l'essentiel de ce qu'est l'ordre repose sur des principes solides et cohérents. »
Voir aussi l’article Filiation des abbayes cisterciennes et sur l’ Encyclopédie Universalis, Charte de charité.
Les mêmes informations sur ce modèle « familial » cistercien se retrouvent ailleurs, par exemple dans :
Moines en Limousin : l’aventure cistercienne, Bernadette Barrière, Abbayes-mères, Abbayes-filles, p. 18
La grande famille cistercienne, Empreintes cisterciennes, Département de l’Yonne
Bonne journée !
En fait, la réponse serait un peu entre les deux. Les abbayes d’un même ordre n’étaient pas en rivalité entre elles mais bénéficiaient suivant les ordres d’un plus ou moins grand degré d’autonomie. C’est ce qu’explique très bien Sophie Hasquenoph dans Histoire des ordres et congrégations religieuses en France du Moyen Âge à nos jours, p. 208 à 213 :
« La mise en place d’une organisation monastique
Les disciples de Saint Benoît optent pour deux modes possibles d’organisation : l’autonomie de chaque communauté ou une dépendance plus ou moins étroite des maisons religieuses entre elles. Pendant tout le moyen-Age, les deux systèmes coexistent. Mais pour durer, il faut des assises solides. Au fur et à mesure que les différents ordres monastiques se densifient, ils cherchent à pallier au risque de dilution et d’indépendance régionale. […] A chacun de trouver le mode d’organisation et de fonctionnement qui permette de préserver l’épanouissement de la communauté, ainsi que le lien naturel et historique avec la Maison Mère. Bien évidemment, les institutions mises en place et officialisés par les Statuts, sont évolutives et perfectibles.
Le modèle centralisé de Cluny : des rapports de soumisson
L’ordre de Cluny, étendu à l’échelle européenne, se construit sur le système de la distinction entre abbaye mère et prieuré. Mais son originalité est de ne reconnaître qu’une seule maison mère, en l’occurrence l’abbaye de Cluny, autour de laquelle gravitent des abbayes d’obédience et des prieurés. L’orientation choisie est clairement celle de la centralisation. […]
Le modèle cistercien : des rapports de filiation
Le modèle cistercien est très différent de celui de Cluny, non axé sur le principe de la centralisation mais sur celui de la filiation. Outre l’abbaye mère de Cîteaux, il existe quatre de «filles de Cîteaux » (La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, qui sont abbayes de plein exercice et non d’obédience comme à Cluny. Elles sont unies à Cîteaux par des liens reposant sur le principe d’ancienneté, définis dans la Charte de Charité (1114). Chacune d’elles a personnellement des « affiliées », l’ensemble formant donc une cascade d’affiliation à partir de Cîteaux. »
Vous pouvez lire l’intégralité de ces pages sur Google Livres
L’article Ordre cistercien, paragraphe L’Abbaye mère et ses filiales de Wikipedia décrit également particulièrement le modèle cistercien :
« Dans les années 1120, les nouveaux venus, intégrés dans des établissements géographiquement distants, reçoivent des formations propres à la maison qui les accueille. Pour favoriser la cohésion, éviter les discordes et fonder des relations organiques entre les monastères, dès 1114, Étienne rédige une Charte d'unanimité et de charité. Cette charte, document juridique, « règle le contrôle et la continuité de l'administration de chaque maison, […] définit les rapports des maisons entre elles et assure l'unité de l'ordre ». Elle est complétée jusqu'en 1119, puis, au vu de nouvelles difficultés, remaniée vers 1170 pour donner naissance à la Charte de charité postérieure.
Par son esprit, elle se détache du modèle clunisien de la familia hiérarchisée en offrant une large autonomie à chaque monastère. Cîteaux reste l'autorité spirituelle gardienne de « l'observance de la sainte règle » établie au Nouveau Monastère.
Chaque monastère, selon le principe de charité, doit secours aux fondations les plus démunies, les abbayes mères assurant le contrôle et l'élection des abbés au sein des abbayes filles. L'abbé de Cîteaux garde, par ses conseils et dans ses visites, une autorité supérieure. Chaque abbé doit se rendre chaque année à Cîteaux pour le Chapitre général, organe suprême de gouvernement et de justice, autour de la fête de la Sainte Croix (14 septembre), à la suite desquels des statuts étaient promulgués. Cette procédure n'est pas entièrement originale puisqu'elle remonte aussi aux origines de l'ordre de Vallombreuse, mais l'inspiration vient évidemment de la convention entre Molesme et Aulps signée en 1097, sous l'abbatiat de Robert. Depuis la fin du XIIe siècle, le Chapitre est assisté par un comité de définiteurs nommés par l'abbé de Cîteaux, le Définitoire. Les cisterciens acceptent cependant le soutien et le contrôle de l'évêque du lieu en cas de conflit au sein de l'ordre. Ainsi, dès 1120, sur le plan juridique et normatif, l'essentiel de ce qu'est l'ordre repose sur des principes solides et cohérents. »
Voir aussi l’article Filiation des abbayes cisterciennes et sur l’ Encyclopédie Universalis, Charte de charité.
Les mêmes informations sur ce modèle « familial » cistercien se retrouvent ailleurs, par exemple dans :
Moines en Limousin : l’aventure cistercienne, Bernadette Barrière, Abbayes-mères, Abbayes-filles, p. 18
La grande famille cistercienne, Empreintes cisterciennes, Département de l’Yonne
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