Question d'origine :
Bonjour,
pourquoi certains noms d'État américain ont une traduction française et d'autres non ? Par exemple, on parle du Nouveau Mexique mais on dit New Jersey, New Hemphire et même New York
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/04/2017 à 10h29
Bonjour,
Pourquoi les français désignent-ils l'état américain de New-Mexico par sa traduction française "Nouveau-Mexique" ?
Tout d'abord, un petit point de vocabulaire.
Il s'agit d'unexonyme : nom propre employé dans une certaine langue pour désigner un objet géographique situé à l'extérieur du territoire dans lequel cette langue a un statut officiel et différent dans sa forme du nom propre utilisé dans la ou les langues officielles du territoire où l'objet géographique est situé"
source : Essai de classification des exonymes / Nations Unies
Dans le document précédemment cité, il est précisé qu'"il est très difficile de connaître l'origine de l'exonyme et le processus qui a conduit à sa forme actuelle ".
Nous supposons qu'ici, il s'agit fort probablement d'une question d'usage .
Comme l'indique Thierry Grass dans son article intitulé La traduction comme appropriation : le cas des toponymes étrangers :
... parfois aucune explication logique n'entre en jeu : "Ces exonymes ont été intégrés dans notre langue selon divers processus qui en ont fait un ensemble extrêmement hétérogène et sans logique interne"
... parfois une dimension qualifiée de « poids de l’histoire » peut l'expliquer :
"la traduction étant une appropriation, plus un toponyme étranger aura de liens historiques avec une culture donnée, plus on aura tendance à le traduire et inversement. Ceci en dépit des recommandations des Nations Unies en matière de traduction des toponymes."
S'est-on senti plus proche de cet état espagnol de "Nuevo Mexico" que des états anglais qu'étaient le New Jersey ou le New Hemphire ?
Nous l'ignorons !
Certains Etats américains ont d'ailleurs conservé des noms français comme la Louisianne, le Vermont, ou le Maine.
C'est en raison de la colonisation française en Amérique du Nord du XVIIe au XVIIIe siècle que de nombreux noms de lieux aux États-Unis (villes, Etats, éléments de relief...) sont français.
" La Nouvelle-France désignait l'ensemble des territoires de l'Amérique du Nord sous administration française, avant 1763. Dans sa plus grande dimension, avant le Traité d'Utrecht (1713), la Nouvelle-France comprenait cinq colonies possédant, chacune, une administration propre : le Canada, l'Acadie, la Baie d'Hudson, Terre-Neuve, la Louisiane.
La frontière occidentale de ces colonies était ouverte sur tout l'ouest du continent, sans délimitation précise. "
source : La Nouvelle-France
Si le sujet vous intéresse, nous vous renvoyons également à cet article du magazine Historia, no. 791 (DOSSIER ÉTATS-UNIS INATTENDUS, jeudi 1 novembre 2012, p. 40) : La Louisiane « speaks French ». Yes, monsieur ! dont voici quelques extraits :
" Les premiers Français à s'intéresser à l'Amérique septentrionale sont des marins venus pêcher la morue dans les eaux froides et poissonneuses de la région de Terre-Neuve. Après quelques expéditions sans lendemain, une première « habitation » est établie en 1604. Dans le second quart du XVIIe siècle, le golfe du Saint-Laurent et les côtes de l'Atlantique Nord connaissent un début de colonisation. Deux hommes sont à l'origine de la fondation de l'Acadie et de Québec : Pierre Dugua de Mons et Samuel de Champlain. Le pays est rude et attire plus les coureurs de bois et les découvreurs que les familles paysannes. La traite des fourrures sera longtemps la seule activité. La monarchie française n'est que modérément tournée vers ces territoires lointains, dépourvus d'or et d'argent.
La France se maintient néanmoins et s'établit définitivement grâce à des hommes courageux, épris d'aventures et motivés par les grandes découvertes maritimes du temps. Du courage, il en faut car, outre la rudesse du climat, les Français doivent aussi s'accommoder de leurs turbulents voisins amérindiens - en particulier, les puissants Iroquois. Non que ceux-ci aient choisi délibérément d'exterminer les nouveaux venus, mais parce que ces derniers se sont alliés avec leurs ennemis : Montagnais, Algonquins et Hurons.
[...]
La langue française cimente ces groupes hétérogènes et leur donne une identité. Dans les récits des voyageurs du temps, d'ailleurs, on dit d'ailleurs qu'ils parlent français, et non qu'ils sont français.
[...]
Le bilan de la colonisation française est maigre. Elle s'est montrée incapable de développer une véritable colonie de peuplement en raison, certes, de l'immensité du territoire, mais également du manque de moyens et de volonté de la métropole, de la rigidité de la politique coloniale, menée depuis Versailles, et de l'intolérance religieuse de Louis XIV. Car les territoires américains de Louis le Grand sont interdits aux protestants, alors même qu'ils en ont été les plus actifs découvreurs.
[...]
Le passé français est présent de l'est au Far West
Tous les États de l'Est s'enorgueillissent de ce passé. Non que les descendants des pionniers huguenots éprouvent une nostalgie de la France « toute catholique », qui leur fut si nuisible, mais ils tiennent à garder la mémoire de leur histoire particulière. C'est pourquoi, en 1883, est créée la Huguenot Society of America , dont le but est de promouvoir la liberté d'expression et de garder la mémoire de cette épopée. Des branches locales voient le jour : elles ne sont pas seulement gardiennes de cette mémoire, mais s'occupent de recherches généalogiques. Descendre d'une famille huguenote est aujourd'hui un titre de noblesse en Amérique, c'est dire l'influence que les réfugiés - parfois venus avec des capitaux et toujours avec du savoir-faire - ont eue sur le développement de leur pays d'adoption. Ils ont constitué des communautés importantes dans les colonies anglaises. La réussite des Faneuil à Boston, ou des Manigault à Charleston (Caroline du Sud), montre la capacité d'adaptation à leur nouvel environnement.
Les Louisianais, eux, se sont accrochés à leur passé français et à leur langue d'origine. Leur idiome est pour eux un facteur d'identité, au même titre que la religion. À La Nouvelle-Orléans, afin de préserver l'héritage français, est née voici un siècle une association culturelle, Les Causeries du lundi, où se réunissent chaque mois, encore aujourd'hui, des amoureux de la langue de Molière. Mais surtout, une organisation officielle, le Conseil pour le développement du français en Louisiane, a été créée en 1968 par un acte de la législature dont le double objectif est de préserver le noyau francophone de l'État et d'offrir aux Louisianais la possibilité d'apprendre le français ou de l'améliorer s'ils le parlent déjà. Son siège est situé à Lafayette, ville cajun par excellence : l'organisation fait venir de France des enseignants des premier et second degrés.
L'influence française est indubitablement forte dans le 18e État de l'Union, où les paroisses remplacent les comtés, le Code Napoléon la Common Law ... et la chicorée le café américain. Mais ce passé est en réalité présent un peu partout aux États-Unis, aussi bien à l'Est qu'au Far West, comme en témoigne la toponymie. Des lieux par centaines portent des noms donnés en l'honneur d'un homme ou d'une ville française : LaFayette et Fayetteville, bien entendu, mais aussi Macon, New Rochelle, Montpellier, Saint Louis, Saint Paul, Boise, Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, sans oublier les États du Vermont et du Maine, tandis que sur le grand sceau de celui du Minnesota est inscrit « L'Étoile du Nord », en hommage aux coureurs de bois qui en parcoururent les forêts et les lacs au cours du XVIIe siècle. "
Pour approfondir le sujet, voici quelques documents :
- Quand l'Amérique était française (La Nouvelle-France)
- Liste des noms de lieux d'origine française aux États-Unis
- Histoire de l'Amérique française / Jean-Marie Montbarbut Du Plessis
- Histoire de l'Amérique française / Gilles Havard, Cécile Vidal
- Amérique française : l'aventure / Alain Beaulieu, Yves Bergeron
- La France en Amérique : mémoire d'une conquête / dir. Susanne Berthier-Foglar
- France, Nouvelle-France : naissance d'un peuple français en Amérique / sous la direction de Bertrand Guillet et Louise Pothier - Exposition.
Source : Gallica / BNF
Bonne journée !
Pourquoi les français désignent-ils l'état américain de New-Mexico par sa traduction française "Nouveau-Mexique" ?
Tout d'abord, un petit point de vocabulaire.
Il s'agit d'un
source : Essai de classification des exonymes / Nations Unies
Dans le document précédemment cité, il est précisé qu'"
Nous supposons qu'ici, il s'agit fort probablement d'une question d'
Comme l'indique Thierry Grass dans son article intitulé La traduction comme appropriation : le cas des toponymes étrangers :
... parfois aucune explication logique n'entre en jeu : "Ces exonymes ont été intégrés dans notre langue selon divers processus qui en ont fait un ensemble extrêmement hétérogène et sans logique interne"
... parfois une dimension qualifiée de « poids de l’histoire » peut l'expliquer :
"la traduction étant une appropriation, plus un toponyme étranger aura de liens historiques avec une culture donnée, plus on aura tendance à le traduire et inversement. Ceci en dépit des recommandations des Nations Unies en matière de traduction des toponymes."
S'est-on senti plus proche de cet état espagnol de "Nuevo Mexico" que des états anglais qu'étaient le New Jersey ou le New Hemphire ?
Nous l'ignorons !
Certains Etats américains ont d'ailleurs conservé des noms français comme la Louisianne, le Vermont, ou le Maine.
C'est en raison de la colonisation française en Amérique du Nord du XVIIe au XVIIIe siècle que de nombreux noms de lieux aux États-Unis (villes, Etats, éléments de relief...) sont français.
" La Nouvelle-France désignait l'ensemble des territoires de l'Amérique du Nord sous administration française, avant 1763. Dans sa plus grande dimension, avant le Traité d'Utrecht (1713), la Nouvelle-France comprenait cinq colonies possédant, chacune, une administration propre : le Canada, l'Acadie, la Baie d'Hudson, Terre-Neuve, la Louisiane.
La frontière occidentale de ces colonies était ouverte sur tout l'ouest du continent, sans délimitation précise. "
source : La Nouvelle-France
Si le sujet vous intéresse, nous vous renvoyons également à cet article du magazine Historia, no. 791 (DOSSIER ÉTATS-UNIS INATTENDUS, jeudi 1 novembre 2012, p. 40) : La Louisiane « speaks French ». Yes, monsieur ! dont voici quelques extraits :
" Les premiers Français à s'intéresser à l'Amérique septentrionale sont des marins venus pêcher la morue dans les eaux froides et poissonneuses de la région de Terre-Neuve. Après quelques expéditions sans lendemain, une première « habitation » est établie en 1604. Dans le second quart du XVIIe siècle, le golfe du Saint-Laurent et les côtes de l'Atlantique Nord connaissent un début de colonisation. Deux hommes sont à l'origine de la fondation de l'Acadie et de Québec : Pierre Dugua de Mons et Samuel de Champlain. Le pays est rude et attire plus les coureurs de bois et les découvreurs que les familles paysannes. La traite des fourrures sera longtemps la seule activité. La monarchie française n'est que modérément tournée vers ces territoires lointains, dépourvus d'or et d'argent.
La France se maintient néanmoins et s'établit définitivement grâce à des hommes courageux, épris d'aventures et motivés par les grandes découvertes maritimes du temps. Du courage, il en faut car, outre la rudesse du climat, les Français doivent aussi s'accommoder de leurs turbulents voisins amérindiens - en particulier, les puissants Iroquois. Non que ceux-ci aient choisi délibérément d'exterminer les nouveaux venus, mais parce que ces derniers se sont alliés avec leurs ennemis : Montagnais, Algonquins et Hurons.
[...]
La langue française cimente ces groupes hétérogènes et leur donne une identité. Dans les récits des voyageurs du temps, d'ailleurs, on dit d'ailleurs qu'ils parlent français, et non qu'ils sont français.
[...]
Le bilan de la colonisation française est maigre. Elle s'est montrée incapable de développer une véritable colonie de peuplement en raison, certes, de l'immensité du territoire, mais également du manque de moyens et de volonté de la métropole, de la rigidité de la politique coloniale, menée depuis Versailles, et de l'intolérance religieuse de Louis XIV. Car les territoires américains de Louis le Grand sont interdits aux protestants, alors même qu'ils en ont été les plus actifs découvreurs.
[...]
Tous les États de l'Est s'enorgueillissent de ce passé. Non que les descendants des pionniers huguenots éprouvent une nostalgie de la France « toute catholique », qui leur fut si nuisible, mais ils tiennent à garder la mémoire de leur histoire particulière. C'est pourquoi, en 1883, est créée la Huguenot Society of America , dont le but est de promouvoir la liberté d'expression et de garder la mémoire de cette épopée. Des branches locales voient le jour : elles ne sont pas seulement gardiennes de cette mémoire, mais s'occupent de recherches généalogiques. Descendre d'une famille huguenote est aujourd'hui un titre de noblesse en Amérique, c'est dire l'influence que les réfugiés - parfois venus avec des capitaux et toujours avec du savoir-faire - ont eue sur le développement de leur pays d'adoption. Ils ont constitué des communautés importantes dans les colonies anglaises. La réussite des Faneuil à Boston, ou des Manigault à Charleston (Caroline du Sud), montre la capacité d'adaptation à leur nouvel environnement.
Les Louisianais, eux, se sont accrochés à leur passé français et à leur langue d'origine. Leur idiome est pour eux un facteur d'identité, au même titre que la religion. À La Nouvelle-Orléans, afin de préserver l'héritage français, est née voici un siècle une association culturelle, Les Causeries du lundi, où se réunissent chaque mois, encore aujourd'hui, des amoureux de la langue de Molière. Mais surtout, une organisation officielle, le Conseil pour le développement du français en Louisiane, a été créée en 1968 par un acte de la législature dont le double objectif est de préserver le noyau francophone de l'État et d'offrir aux Louisianais la possibilité d'apprendre le français ou de l'améliorer s'ils le parlent déjà. Son siège est situé à Lafayette, ville cajun par excellence : l'organisation fait venir de France des enseignants des premier et second degrés.
L'influence française est indubitablement forte dans le 18e État de l'Union, où les paroisses remplacent les comtés, le Code Napoléon la Common Law ... et la chicorée le café américain. Mais ce passé est en réalité présent un peu partout aux États-Unis, aussi bien à l'Est qu'au Far West, comme en témoigne la toponymie. Des lieux par centaines portent des noms donnés en l'honneur d'un homme ou d'une ville française : LaFayette et Fayetteville, bien entendu, mais aussi Macon, New Rochelle, Montpellier, Saint Louis, Saint Paul, Boise, Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, sans oublier les États du Vermont et du Maine, tandis que sur le grand sceau de celui du Minnesota est inscrit « L'Étoile du Nord », en hommage aux coureurs de bois qui en parcoururent les forêts et les lacs au cours du XVIIe siècle. "
Pour approfondir le sujet, voici quelques documents :
- Quand l'Amérique était française (La Nouvelle-France)
- Liste des noms de lieux d'origine française aux États-Unis
- Histoire de l'Amérique française / Jean-Marie Montbarbut Du Plessis
- Histoire de l'Amérique française / Gilles Havard, Cécile Vidal
- Amérique française : l'aventure / Alain Beaulieu, Yves Bergeron
- La France en Amérique : mémoire d'une conquête / dir. Susanne Berthier-Foglar
- France, Nouvelle-France : naissance d'un peuple français en Amérique / sous la direction de Bertrand Guillet et Louise Pothier - Exposition.
Source : Gallica / BNF
Bonne journée !
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