Valeur de la vie au moyen-âge (et en temps de guerre)
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 28/03/2017 à 15h11
464 vues
Question d'origine :
Bonjour,
J'aurais aimé savoir, dans des époques et des lieux ou la mort est courante (maladies, guerres et autres), est-ce que la vie a la même valeur que chez nous? On imagine facilement un pirate, un chevalier ou un cow-boy tuer à tour de bras, mais est-ce que c'était vraiment des actes si courant, et quelles en étaient les conséquences sur la santé mentale des personnes responsables des morts, ou sur les familles et entourages des tués?
Par ailleurs de nos jours, il existe toujours des zones troubles où la mort est constamment présente. Comment les populations le vivent-elles, et est-ce semblable aux siècles passés?
Merci pour votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 31/03/2017 à 09h19
Bonjour,
Votre question a fait l’objet de nombreuses publications (avec des concepts et des thèses parfois contradictoires) qui toutes montrent la complexité de la vision de l’au-delà et la diversité de l’appréhension de celle-ci.
Dans L’heure du grand passage chronique de la mort, Michel Vovelle rappelle ainsi qu’en « tout état de cause, la mort a toujours fait peur, quitte à ce que cette angoisse s’exprime en termes bien différents et s’oppose à la thèse développée par philippe Ariès [sur la mort au Moyen-Age] ».
A ce propos Michel Vovelle écrit : « Y évoquer la mort comme cruelle sans doute, « naturelle » somme toute, et prise en charge par le tissu des solidarités communautaires, c’est peut-être céder à une certaine idéalisation, qui risque de ne refléter que nos ignorances ».
Aussi, Edgar Morin dans La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances mentionne que « l’homme moderne partage avec l’homme traditionnel une même appréhension devant la mort. Pour l’un comme pour l’autre, un même dénuement, une même incompréhension essentielle. Mais si le second conçoit sa mort comme un passage qui ouvre sur une autre dimension du temps et fonde l’évidence d’un prolongement de soi, le premier hésite à se projeter dans un au-delà que ses doutes et son scepticisme ne légitiment plus (…) c’est bien la conscience de sa mort et de celle de ses proches qui, comme l’affirme l’anthropologie, est le propre de l’homme :" il n’existe pratiquement aucun groupe archaïque, si primitif soit-il, qui abandonne ses morts ou qui les abandonne sans rite" ».
L’exposition Eternités. visions de l’au-delà du musée des Confluences interroge sur ces concepts :
« La question du devenir du défunt dans sa chair et son esprit, est une problématique commune à toute l’humanité. Chaque culture a développé des motifs propres afin de matérialiser ce que personne ne connaît et ce que seuls quelques initiés peuvent entrevoir. Les cultures indienne nord-américaine, africaine et inuit se rencontrent autour de la figure de l’intercesseur, ancêtre ou chamane, point de contact entre le monde des vivants et celui des morts.
Bouclier amérindien (Etats-Unis, Grandes Plaines). Les sociétés humaines distinguent le visible et l’invisible, mais des échanges entre les deux mondes sont possibles. Les esprits protecteurs ou néfastes agissent sur le monde des vivants. Parmi d’autres pièces témoignant de ces passages figure ce bouclier amérindien : sa couverture de plumes dissimule le dessin d’un être surnaturel aux caractéristiques de l’ours, animal protecteur qui aide à communiquer avec les esprits.
(…)
Imposant à tous une même réalité, la mort revêt pourtant une forme différente pour un médecin, un avocat ou un philosophe. Dans la société contemporaine, l’allongement de la vie, les conditions matérielles et économiques nouvelles modifient notre rapport à la mort.
(…)
D’un côté, la vanité, issue du monde occidental, invite à une réflexion sur la fragilité de notre condition et la finitude de l’être humain. De l’autre, le parinirvana, de tradition bouddhiste, offre une vision sereine où la mort et son néant constituent l’aboutissement suprême pour tout croyant.
Bouddha couché en parinirvana. Chez les bouddhistes, la mort inévitable est une étape dans un cycle sans fin de renaissances, jusqu’à l’Extinction complète qui clôt ce cycle immuable pour atteindre le Parinirvana. Ce bouddha Khmer du xviie siècle qui présente d’exceptionnelles traces de peintures rouges et de dorures au visage, est allongé dans un état de total abandon et dégage une impression de bien-être étonnante…»
Voir aussi le dossier enseignants (format pdf) ;
Dans ce sens, Brigitte Rochelandet-Ottignon dans Comment nos aïeux apprivoisaient la mort s’intéresse aux différents mythes qui démontrent toute l’ingéniosité des hommes, s’étant inspirés de leur vie quotidienne pour expliquer la mort. Ainsi, pour reprendre son propos, chaque civilisation a développé un mythe « mortel », qui diffère selon les lieux, les époques et les cultures ».
Nous vous laissons également prendre connaissance du chapitre « la sensibilité des populations face à la mort ».
En complément, dans Les rites de l’au-delà, Jean-Pierre Mohen aborde tous les rites de l’au-delà et expliquent que l’idée que se font de la mort les groupes ancestraux (.. .) prend en compte non seulement le corps individuel, mais aussi la personnalité du défunt et sa dimension sociale.
(…)
Le décès est par exemple considéré dans de nombreuses sociétés comme une maladie provoquée par un esprit chasseur d’âmes qui prend possession du corps défunt, à la suite des intrigues d’un chaman malveillant (…)
Et à travers des exemples aussi divers que les Nyakyusa africains ou les Toradja en Indonésie, l’auteur présente une dimension collective et sociale de la mort qui n'est plus toujours présente dans la société occidentale .
Pour expliciter encore la diversité de la vision de l’au-delà, nous pourrions aussi mentionner l’article de François Biotti-Mache, Entre vivants et morts : quelques exemples asiatiques, 2012 qui évoque qu’ en « Asie, religions et philosophies ont en commun de dépassionner la mort, de l’entourer de sagesse, de sérénité, de tendre à la raisonner, tant et si bien, que les Asiatiques, dans leur grande majorité, n’ont pas peur de la mort ou, du moins, n’ont pas la même réaction d’angoisse, voire de panique, face à elle, attitude si courante, et depuis si longtemps, en Occident. Mais en contrepartie, en quelque sorte, toute l’Asie bruisse de fantômes, de revenants, d’esprits de toutes catégories et de démons omniprésents, et toute l’Asie les craint, tout en les fréquentant de manière assidue.
Ce paradoxe apparent s’explique par les vieux fonds d’animisme, de totémisme et de shamanisme qui se retrouvent, des millénaires après, dans le Bouddhisme, le Taoïsme et le Shint?, grâce à la maintenance de cette omniprésence des esprits dans les folklores populaires, particulièrement le plus ancien folklore chinois. Ainsi, en Asie, surnaturel et superstitions font partie intégrante de la vie de tout un chacun, sans que nul ne songe à le nier ou à les condamner.
D’autre part, les croyances asiatiques connaissent toutes les formes de transmigration des âmes, de métempsycose. La mort est plus considérée comme une porte, un passage, une libération ou encore, un aboutissement que comme une fin. Or, comme dans d’autres religions, par exemple l’antique religion égyptienne, le voyage entre la vie et la mort est, parfois, un voyage long et périlleux. Le passage n’est pas toujours aisé et certains morts ne peuvent atteindre le but tant espéré et qui prend la forme, le plus souvent, d’un paradis plus ou moins délicieux, telle l’Ile des Bienheureux du Taoïsme, ou le « Nirvâna », ce monde de pureté absolue pour l’âme, dans le Bouddhisme et l’Hindouisme.
Si bien qu’un permanent dialogue s’instaure entre les vivants et les morts par l’intermédiaire des esprits et le truchement des shamans ».
Pour approfondir cette question, nous vous laissons parcourir Enquête d’ailleurs. Frontières du corps et de l’esprit qui rassemble 30 représentations qu’ont des civilisations de la mort et du corps mort ou encore La mort et les au-delàs : conception et représentations de la mort dans les arts, la religion et la culture II qui s’intéresse à la conception que la société japonaise à de la mort.
vous trouverez également des éléments et références bibliographiques dans nos réponses :
âge moyen
Les romains vivaient-ils mieux ?
sépultures d’aujourd’hui
rites funéraires
veillissement.
Bonnes réflexions.
Votre question a fait l’objet de nombreuses publications (avec des concepts et des thèses parfois contradictoires) qui toutes montrent la complexité de la vision de l’au-delà et la diversité de l’appréhension de celle-ci.
Dans L’heure du grand passage chronique de la mort, Michel Vovelle rappelle ainsi qu’en « tout état de cause, la mort a toujours fait peur, quitte à ce que cette angoisse s’exprime en termes bien différents et s’oppose à la thèse développée par philippe Ariès [sur la mort au Moyen-Age] ».
A ce propos Michel Vovelle écrit : « Y évoquer la mort comme cruelle sans doute, « naturelle » somme toute, et prise en charge par le tissu des solidarités communautaires, c’est peut-être céder à une certaine idéalisation, qui risque de ne refléter que nos ignorances ».
Aussi, Edgar Morin dans La mort et l’immortalité. Encyclopédie des savoirs et des croyances mentionne que « l’homme moderne partage avec l’homme traditionnel une même appréhension devant la mort. Pour l’un comme pour l’autre, un même dénuement, une même incompréhension essentielle. Mais si le second conçoit sa mort comme un passage qui ouvre sur une autre dimension du temps et fonde l’évidence d’un prolongement de soi, le premier hésite à se projeter dans un au-delà que ses doutes et son scepticisme ne légitiment plus (…) c’est bien la conscience de sa mort et de celle de ses proches qui, comme l’affirme l’anthropologie, est le propre de l’homme :" il n’existe pratiquement aucun groupe archaïque, si primitif soit-il, qui abandonne ses morts ou qui les abandonne sans rite" ».
L’exposition Eternités. visions de l’au-delà du musée des Confluences interroge sur ces concepts :
« La question du devenir du défunt dans sa chair et son esprit, est une problématique commune à toute l’humanité. Chaque culture a développé des motifs propres afin de matérialiser ce que personne ne connaît et ce que seuls quelques initiés peuvent entrevoir. Les cultures indienne nord-américaine, africaine et inuit se rencontrent autour de la figure de l’intercesseur, ancêtre ou chamane, point de contact entre le monde des vivants et celui des morts.
Bouclier amérindien (Etats-Unis, Grandes Plaines). Les sociétés humaines distinguent le visible et l’invisible, mais des échanges entre les deux mondes sont possibles. Les esprits protecteurs ou néfastes agissent sur le monde des vivants. Parmi d’autres pièces témoignant de ces passages figure ce bouclier amérindien : sa couverture de plumes dissimule le dessin d’un être surnaturel aux caractéristiques de l’ours, animal protecteur qui aide à communiquer avec les esprits.
(…)
Imposant à tous une même réalité, la mort revêt pourtant une forme différente pour un médecin, un avocat ou un philosophe. Dans la société contemporaine, l’allongement de la vie, les conditions matérielles et économiques nouvelles modifient notre rapport à la mort.
(…)
D’un côté, la vanité, issue du monde occidental, invite à une réflexion sur la fragilité de notre condition et la finitude de l’être humain. De l’autre, le parinirvana, de tradition bouddhiste, offre une vision sereine où la mort et son néant constituent l’aboutissement suprême pour tout croyant.
Bouddha couché en parinirvana. Chez les bouddhistes, la mort inévitable est une étape dans un cycle sans fin de renaissances, jusqu’à l’Extinction complète qui clôt ce cycle immuable pour atteindre le Parinirvana. Ce bouddha Khmer du xviie siècle qui présente d’exceptionnelles traces de peintures rouges et de dorures au visage, est allongé dans un état de total abandon et dégage une impression de bien-être étonnante…»
Voir aussi le dossier enseignants (format pdf) ;
Dans ce sens, Brigitte Rochelandet-Ottignon dans Comment nos aïeux apprivoisaient la mort s’intéresse aux différents mythes qui démontrent toute l’ingéniosité des hommes, s’étant inspirés de leur vie quotidienne pour expliquer la mort. Ainsi, pour reprendre son propos, chaque civilisation a développé un mythe « mortel », qui diffère selon les lieux, les époques et les cultures ».
Nous vous laissons également prendre connaissance du chapitre « la sensibilité des populations face à la mort ».
En complément, dans Les rites de l’au-delà, Jean-Pierre Mohen aborde tous les rites de l’au-delà et expliquent que l’idée que se font de la mort les groupes ancestraux (.. .) prend en compte non seulement le corps individuel, mais aussi la personnalité du défunt et sa dimension sociale.
(…)
Le décès est par exemple considéré dans de nombreuses sociétés comme une maladie provoquée par un esprit chasseur d’âmes qui prend possession du corps défunt, à la suite des intrigues d’un chaman malveillant (…)
Et à travers des exemples aussi divers que les Nyakyusa africains ou les Toradja en Indonésie, l’auteur présente une dimension collective et sociale de la mort qui n'est plus toujours présente dans la société occidentale .
Pour expliciter encore la diversité de la vision de l’au-delà, nous pourrions aussi mentionner l’article de François Biotti-Mache, Entre vivants et morts : quelques exemples asiatiques, 2012 qui évoque qu’ en « Asie, religions et philosophies ont en commun de dépassionner la mort, de l’entourer de sagesse, de sérénité, de tendre à la raisonner, tant et si bien, que les Asiatiques, dans leur grande majorité, n’ont pas peur de la mort ou, du moins, n’ont pas la même réaction d’angoisse, voire de panique, face à elle, attitude si courante, et depuis si longtemps, en Occident. Mais en contrepartie, en quelque sorte, toute l’Asie bruisse de fantômes, de revenants, d’esprits de toutes catégories et de démons omniprésents, et toute l’Asie les craint, tout en les fréquentant de manière assidue.
Ce paradoxe apparent s’explique par les vieux fonds d’animisme, de totémisme et de shamanisme qui se retrouvent, des millénaires après, dans le Bouddhisme, le Taoïsme et le Shint?, grâce à la maintenance de cette omniprésence des esprits dans les folklores populaires, particulièrement le plus ancien folklore chinois. Ainsi, en Asie, surnaturel et superstitions font partie intégrante de la vie de tout un chacun, sans que nul ne songe à le nier ou à les condamner.
D’autre part, les croyances asiatiques connaissent toutes les formes de transmigration des âmes, de métempsycose. La mort est plus considérée comme une porte, un passage, une libération ou encore, un aboutissement que comme une fin. Or, comme dans d’autres religions, par exemple l’antique religion égyptienne, le voyage entre la vie et la mort est, parfois, un voyage long et périlleux. Le passage n’est pas toujours aisé et certains morts ne peuvent atteindre le but tant espéré et qui prend la forme, le plus souvent, d’un paradis plus ou moins délicieux, telle l’Ile des Bienheureux du Taoïsme, ou le « Nirvâna », ce monde de pureté absolue pour l’âme, dans le Bouddhisme et l’Hindouisme.
Si bien qu’un permanent dialogue s’instaure entre les vivants et les morts par l’intermédiaire des esprits et le truchement des shamans ».
Pour approfondir cette question, nous vous laissons parcourir Enquête d’ailleurs. Frontières du corps et de l’esprit qui rassemble 30 représentations qu’ont des civilisations de la mort et du corps mort ou encore La mort et les au-delàs : conception et représentations de la mort dans les arts, la religion et la culture II qui s’intéresse à la conception que la société japonaise à de la mort.
vous trouverez également des éléments et références bibliographiques dans nos réponses :
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Les romains vivaient-ils mieux ?
sépultures d’aujourd’hui
rites funéraires
veillissement.
Bonnes réflexions.
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