COLBERTISME.
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 07/03/2017 à 11h33
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Question d'origine :
S.V.P.
Que signifie exactement l'expression, entendue souvent ,"être Colbertiste" ?
je ne pense pas que cela ne concernerait que les gens qui, tel Colbert, travaillait seize heures par jour...vieux souvenir d'histoire. Quelle différence avec le Jacobinisme . merci.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 09/03/2017 à 11h47
Bonjour,
« colbertisme » désigne le système économique pré-industriel préconisé par Colbert, basé sur le protectionnisme et le développement des manufactures.
(source : Grand Robert)
« Colbert, le plus grand des « grands commis » de la royauté française, a donné son nom à un système économique original qui, selon le mot de Blanqui dans son Histoire de l'économie politique (1837), était « complet et conséquent, dans toutes ses parties ». Pourtant, tous les historiens – et Blanqui lui-même dans une certaine mesure – sont d'accord pour considérer que Colbert n'a pas inventé une doctrine neuve, comparable par exemple à celle des physiocrates ou à celle de Marx. Bien des théoriciens, et quelques-uns de ses prédécesseurs dans la direction des affaires publiques, avaient pensé, en France même, que l'argent constitue la fortune d'un État et qu'« il n'y a que l'abondance d'argent qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance ». Et ces doctrinaires français ne faisaient que se rallier à un courant plus général, né au cours du xvie siècle, le « mercantilisme ».
À la base du système mercantiliste, ce principe essentiel : la richesse d'un État est avant tout fonction de l'accumulation des métaux précieux. En conséquence, puisque cette conquête des métaux précieux doit être la préoccupation principale des gouvernements, d'une part la nation qui possède des mines d'or, d'argent ou de cuivre doit s'efforcer d'empêcher la fuite de ces métaux précieux, et celle qui n'en a pas doit les attirer par l'échange et en freiner la sortie ; d'autre part, pour aboutir à cette balance favorable, il faut établir un contrôle constant de l'État, d'où la nécessité d'une politique dirigiste : à l'intérieur, réglementation du commerce et de l'industrie ; aux frontières, contrôle douanier ; au-dehors, recherche des débouchés.
Il est vrai que toutes ces thèses ont été défendues, avant et après Colbert, aussi bien en France que dans d'autres pays européens. L'originalité de Colbert et du colbertisme ne doit donc pas être cherchée dans les principes mêmes du régime économique qu'il préconise : elle apparaît en pleine lumière, semble-t-il, dans deux directions. D'une part, alors que le mercantilisme se présente ailleurs comme « une philosophie de comptable hargneux » (tel Laffemas qui, sous Henri IV, souhaitait que tous les importateurs soient pendus et étranglés), Colbert a fait de ces pratiques de gagne-petit un système prestigieux de gouvernement, où apparaît un souci inégalé de puissance et de grandeur. D'autre part, jamais avant Colbert un homme d'État n'a poussé aussi loin, ne s'est efforcé de réaliser avec autant d'efficacité, jusque dans les moindres détails, toutes les conséquences qu'entraînait, logiquement, le mercantilisme : si l'Espagne et la France sont toutes deux mercantilistes, la première voit son économie sombrer au moment même où la seconde connaît une expansion sans précédent, parce que Colbert n'a négligé aucun aspect du système mercantiliste. Pour retracer l'histoire du colbertisme, c'est donc de toute l'économie française de l'époque qu'il faudrait évoquer les orientations. »
IMBERT, « COLBERTISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 9 mars 2017.
(l’article dans son intégralité peut être consulté en ligne depuis la BmL)
« De la politique de Colbert, on retient généralement au premier chef le protectionnisme et la création de manufactures royales comme les Gobelins. Encore faut-il éviter anachronismes et contresens, en replaçant l'action du Contrôleur général dans l'horizon de son temps. Colbert combat l'hégémonie commerciale hollandaise et vise la conquête de marchés extérieurs par les exportations françaises : il mène une " guerre d'argent " destinée à capturer le plus possible de ces métaux précieux venus d'Amérique dont l'afflux doit asseoir et manifester la gloire du roi. Cette politique de la balance commerciale relève du mercantilisme le plus banal qui soit, vision alors universellement partagée. Dans ce cadre, le développement de la production industrielle apparaît non comme un but en soi, mais comme un instrument au service de la gloire du prince, le moyen d'une puissance qui s'évalue au nombre des hommes et aux disponibilités monétaires du royaume. Or, la situation particulière de l'économie française à ce moment justifie aux yeux de Colbert des mesures exceptionnelles : vers 1670, après un siècle de guerres civiles et de révoltes paysannes, après un demi-siècle de conflit extérieur, de ponction fiscale accrue, et quatre années d'une Fronde dévastatrice, l'impulsion industrielle doit avoir un effet réparateur. Il s'agit de suppléer de multiples carences et défaillances conjoncturelles : les capitaux font défaut, préférant les placements dans les finances monarchiques à l'investissement industriel ; corrélativement, les initiatives restent fort rares en matière d'innovation technique. Pour Colbert, l'industrie française est encore " dans l'enfance ", et son émancipation va de pair avec une unification économique intérieure à la fois urgente et indispensable pour relever le défi mercantiliste.
D'où une série de mesures circonstanciées. Tout d'abord, la réduction progressive du maquis des douanes intérieures et des péages sur les voies de transport, objectif qui n'est que très partiellement atteint.
Ensuite, la mise en ordre de bataille de l'industrie française, censée conquérir de nouveaux marchés. Convaincu que la qualité fait le débouché et que la bataille se mène sur le créneau du haut-de-gamme, Colbert entend améliorer la qualité des produits français en renforçant les normes de fabrication. Les règlements ne sont pas une nouveauté, mais le ministre innove en débordant le cadre corporatif local, en imposant l'universalisation des règles et des contrôles. Dans le secteur textile, première industrie du pays, la dimension des pièces, la qualité des matières premières, le nombre de fils, les apprêts, toutes les spécifications de chaque produit sont strictement définies. Un corps d'inspecteurs des manufactures est créé pour veiller à la bonne application des nouveaux règlements par les corporations et les manufacturiers (Minard, 1998). Tous les tissus mis sur le marché doivent au préalable être certifiés dans les bureaux de marque, où ils reçoivent l'estampille de conformité. La certification des qualités vise ainsi à réduire l'incertitude, et empêcher l'opportunisme, à renforcer la confiance notamment sur les marchés extérieurs lointains. Estimant ne pouvoir compter sur des fabricants et des marchands qu'il juge trop préoccupés de leur seul intérêt particulier et immédiat, Colbert entend décloisonner les marchés et, pour chaque type de produit, mettre en concurrence les différents producteurs (corporations, métiers libres, manufactures privilégiées) sur la base de règles de fabrication uniformes et connues de tous, manière d'émulation " à qualité garantie ", en somme, tandis que l'estampillage des produits doit soutenir la réputation des fabrications nationales.
Enfin, l'innovation est impulsée non seulement par l'appel à des ouvriers étrangers hautement qualifiés, attirés par les primes et subventions royales, mais aussi par la distribution de privilèges royaux aux entreprises : l'exclusivité d'un marché et le titre de " manufacture royale privilégiée " protègent alors un procédé nouveau ou une entreprise débutante, le temps pour eux de se renforcer pour pouvoir ensuite affronter la concurrence.
Ces mesures sont en effet transitoires, nullement destinées à durer : il s'agit pour Colbert de béquilles provisoires destinées à initier de nouvelles fabrications. Le privilège n'est qu'un pis-aller rendu nécessaire par les carences de l'initiative privée. Le développement " sous serre " de nouveaux procédés n'a pas pour but, comme on l'a trop vite répété, la mise en place de monopoles : il convient en effet de ne pas oublier que, sauf exception, le privilège n'a de portée que locale ou régionale, et une durée définie. Il s'agit donc bien plutôt d'une politique visant à créer les conditions d'une ultérieure mise en concurrence dynamique de toutes les fabriques, à l'échelle d'un futur marché national unifié capable d'affronter la concurrence étrangère. " Vous devez être assuré que chaque fois que je trouve un plus grand avantage ou un avantage égal, je n'hésite pas à retrancher tous les privilèges ", écrit-il le 17 février 1679. Il faut prendre au mot le ministre quand il dit et répète que " la liberté est l'âme du commerce ". Il n'a pas renié la conviction familiale : " Tout ce qui tend à restreindre la liberté et le nombre des marchands ne peut rien valoir " Sa politique découle seulement d'un constat pragmatique : les conditions ne sont pas remplies pour que la liberté produise ses effets et réalise les objectifs de croissance et d'exportation que l'Etat s'est fixés. Les handicaps français sont trop importants, et les politiques protectionnistes des Etats concurrents imposent une riposte à la hauteur. Il faut enfin tenir compte de l'existence des corporations de métier, nullement décidées à s'effacer. En accordant privilèges et subventions, Colbert contourne le corporatisme des fabricants, il instille l'innovation et la concurrence dans l'organisation industrielle du pays, paradoxalement. Nul projet, donc, de substituer durablement l'Etat à l'" entreprise privée " ; les manufactures d'Etat comme Sèvres ou les Gobelins sont des cas très exceptionnels d'industries de luxe, de prestige et de haute technicité, à caractère parfois expérimental, qui exigent l'importation de procédés étrangers et la formation d'une main-d'oeuvre très qualifiée. »
Source : Minard Philippe, « Economie de marché et Etat en France : mythes et légendes du colbertisme », L'Économie politique, 1/2008 (n° 37), p. 77-94.
(consulté dans Cairn)
Le jacobinisme, quant à lui est une doctrine politique née sous la Révolution :
« Historiquement, le jacobinisme, né sous la Révolution française, est lié au Club des jacobins, à son organisation, à sa pratique et à son idéologie.
Très tôt, ce club s'appuie sur un réseau national de sociétés de province, qui lui sont affiliées. En l'an II, alors que le mouvement jacobin est à son apogée, on compte environ 5 500 sociétés populaires : bien qu'elles ne soient pas toutes rattachées au club parisien, elles n'en représentent pas moins en province le jacobinisme dans toutes ses nuances. Elles sont particulièrement nombreuses dans le Sud-Est, à forte tradition de sociabilité associative, dans le Sud-Ouest, en région parisienne, en Haute-Normandie ; ailleurs, leur semis est plus irrégulier, voire très dispersé dans l'Ouest ou le Nord-Est. Même si leurs membres appartiennent avant tout à la bourgeoisie, on y rencontre aussi des artisans et des boutiquiers ; en outre, des militants (ou des militantes) qui n'appartiennent pas aux sociétés - dont la très large majorité exclut les femmes - peuvent être également considérés comme des partisans et des soutiens du jacobinisme.
Les interprétations du jacobinisme révolutionnaire.
• Les historiens distinguent différents moments du jacobinisme révolutionnaire : 1789-1791 (jacobinisme primitif : constitutionnel), 1791-1792 (jacobinisme mixte : démocratique et libéral), 1793-1794 (jacobinisme de l'an II), selon Michelet, suivi par François Furet. Albert Soboul propose, lui, une périodisation différente : 1789-juin 1793 (naissance et affirmation d'une pratique politique), 1793-1794 (hégémonie politique et dictature d'opinion), puis une « longue phase de survie et de transfiguration » après Thermidor.
L'idéologie jacobine de l'an II se caractérise par la recherche de l'unité, l'alliance entre la bourgeoisie et le mouvement populaire, la défense de la république démocratique, l'attachement à la « centralité législative » (Billaud-Varenne) autour de la Convention. Avec des nuances plus ou moins importantes et des appréciations variées, les différentes écoles historiques s'accordent néanmoins pour voir dans le jacobinisme de l'an II une « machine » (Michelet) « à produire de l'unanimité » et exerçant un « magistère d'orthodoxie » (Furet), un « instrument de direction politique et de domination idéologique » exerçant un « magistère idéologique et moral » (Claude Mazauric). Des études récentes soulignent cependant la diversité du jacobinisme avant l'an II, et mettent en avant, par exemple, l'existence d'un fédéralisme jacobin provençal en 1793 (Jacques Guilhaumou) : branche d'un mouvement jacobin moins homogène qu'on a pu l'écrire, celui-ci diffère du fédéralisme modéré progirondin, tout comme, sur certains points, du jacobinisme parisien, et vise à « instaurer un rapport égalitaire, démocratique, entre Paris et la province ». Mais ces tentatives sont étouffées, et en l'an II on assiste à un « processus de jacobinisation », d'« encadrement jacobin » des sociétés (Françoise Brunel), tant à Paris qu'en province. »
Source : Dictionnaire de l’Histoire de France, Larousse
Bonne journée.
« colbertisme » désigne le système économique pré-industriel préconisé par Colbert, basé sur le protectionnisme et le développement des manufactures.
(source : Grand Robert)
« Colbert, le plus grand des « grands commis » de la royauté française, a donné son nom à un système économique original qui, selon le mot de Blanqui dans son Histoire de l'économie politique (1837), était « complet et conséquent, dans toutes ses parties ». Pourtant, tous les historiens – et Blanqui lui-même dans une certaine mesure – sont d'accord pour considérer que Colbert n'a pas inventé une doctrine neuve, comparable par exemple à celle des physiocrates ou à celle de Marx. Bien des théoriciens, et quelques-uns de ses prédécesseurs dans la direction des affaires publiques, avaient pensé, en France même, que l'argent constitue la fortune d'un État et qu'« il n'y a que l'abondance d'argent qui fasse la différence de sa grandeur et de sa puissance ». Et ces doctrinaires français ne faisaient que se rallier à un courant plus général, né au cours du xvie siècle, le « mercantilisme ».
À la base du système mercantiliste, ce principe essentiel : la richesse d'un État est avant tout fonction de l'accumulation des métaux précieux. En conséquence, puisque cette conquête des métaux précieux doit être la préoccupation principale des gouvernements, d'une part la nation qui possède des mines d'or, d'argent ou de cuivre doit s'efforcer d'empêcher la fuite de ces métaux précieux, et celle qui n'en a pas doit les attirer par l'échange et en freiner la sortie ; d'autre part, pour aboutir à cette balance favorable, il faut établir un contrôle constant de l'État, d'où la nécessité d'une politique dirigiste : à l'intérieur, réglementation du commerce et de l'industrie ; aux frontières, contrôle douanier ; au-dehors, recherche des débouchés.
Il est vrai que toutes ces thèses ont été défendues, avant et après Colbert, aussi bien en France que dans d'autres pays européens. L'originalité de Colbert et du colbertisme ne doit donc pas être cherchée dans les principes mêmes du régime économique qu'il préconise : elle apparaît en pleine lumière, semble-t-il, dans deux directions. D'une part, alors que le mercantilisme se présente ailleurs comme « une philosophie de comptable hargneux » (tel Laffemas qui, sous Henri IV, souhaitait que tous les importateurs soient pendus et étranglés), Colbert a fait de ces pratiques de gagne-petit un système prestigieux de gouvernement, où apparaît un souci inégalé de puissance et de grandeur. D'autre part, jamais avant Colbert un homme d'État n'a poussé aussi loin, ne s'est efforcé de réaliser avec autant d'efficacité, jusque dans les moindres détails, toutes les conséquences qu'entraînait, logiquement, le mercantilisme : si l'Espagne et la France sont toutes deux mercantilistes, la première voit son économie sombrer au moment même où la seconde connaît une expansion sans précédent, parce que Colbert n'a négligé aucun aspect du système mercantiliste. Pour retracer l'histoire du colbertisme, c'est donc de toute l'économie française de l'époque qu'il faudrait évoquer les orientations. »
IMBERT, « COLBERTISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 9 mars 2017.
(l’article dans son intégralité peut être consulté en ligne depuis la BmL)
« De la politique de Colbert, on retient généralement au premier chef le protectionnisme et la création de manufactures royales comme les Gobelins. Encore faut-il éviter anachronismes et contresens, en replaçant l'action du Contrôleur général dans l'horizon de son temps. Colbert combat l'hégémonie commerciale hollandaise et vise la conquête de marchés extérieurs par les exportations françaises : il mène une " guerre d'argent " destinée à capturer le plus possible de ces métaux précieux venus d'Amérique dont l'afflux doit asseoir et manifester la gloire du roi. Cette politique de la balance commerciale relève du mercantilisme le plus banal qui soit, vision alors universellement partagée. Dans ce cadre, le développement de la production industrielle apparaît non comme un but en soi, mais comme un instrument au service de la gloire du prince, le moyen d'une puissance qui s'évalue au nombre des hommes et aux disponibilités monétaires du royaume. Or, la situation particulière de l'économie française à ce moment justifie aux yeux de Colbert des mesures exceptionnelles : vers 1670, après un siècle de guerres civiles et de révoltes paysannes, après un demi-siècle de conflit extérieur, de ponction fiscale accrue, et quatre années d'une Fronde dévastatrice, l'impulsion industrielle doit avoir un effet réparateur. Il s'agit de suppléer de multiples carences et défaillances conjoncturelles : les capitaux font défaut, préférant les placements dans les finances monarchiques à l'investissement industriel ; corrélativement, les initiatives restent fort rares en matière d'innovation technique. Pour Colbert, l'industrie française est encore " dans l'enfance ", et son émancipation va de pair avec une unification économique intérieure à la fois urgente et indispensable pour relever le défi mercantiliste.
D'où une série de mesures circonstanciées. Tout d'abord, la réduction progressive du maquis des douanes intérieures et des péages sur les voies de transport, objectif qui n'est que très partiellement atteint.
Ensuite, la mise en ordre de bataille de l'industrie française, censée conquérir de nouveaux marchés. Convaincu que la qualité fait le débouché et que la bataille se mène sur le créneau du haut-de-gamme, Colbert entend améliorer la qualité des produits français en renforçant les normes de fabrication. Les règlements ne sont pas une nouveauté, mais le ministre innove en débordant le cadre corporatif local, en imposant l'universalisation des règles et des contrôles. Dans le secteur textile, première industrie du pays, la dimension des pièces, la qualité des matières premières, le nombre de fils, les apprêts, toutes les spécifications de chaque produit sont strictement définies. Un corps d'inspecteurs des manufactures est créé pour veiller à la bonne application des nouveaux règlements par les corporations et les manufacturiers (Minard, 1998). Tous les tissus mis sur le marché doivent au préalable être certifiés dans les bureaux de marque, où ils reçoivent l'estampille de conformité. La certification des qualités vise ainsi à réduire l'incertitude, et empêcher l'opportunisme, à renforcer la confiance notamment sur les marchés extérieurs lointains. Estimant ne pouvoir compter sur des fabricants et des marchands qu'il juge trop préoccupés de leur seul intérêt particulier et immédiat, Colbert entend décloisonner les marchés et, pour chaque type de produit, mettre en concurrence les différents producteurs (corporations, métiers libres, manufactures privilégiées) sur la base de règles de fabrication uniformes et connues de tous, manière d'émulation " à qualité garantie ", en somme, tandis que l'estampillage des produits doit soutenir la réputation des fabrications nationales.
Enfin, l'innovation est impulsée non seulement par l'appel à des ouvriers étrangers hautement qualifiés, attirés par les primes et subventions royales, mais aussi par la distribution de privilèges royaux aux entreprises : l'exclusivité d'un marché et le titre de " manufacture royale privilégiée " protègent alors un procédé nouveau ou une entreprise débutante, le temps pour eux de se renforcer pour pouvoir ensuite affronter la concurrence.
Ces mesures sont en effet transitoires, nullement destinées à durer : il s'agit pour Colbert de béquilles provisoires destinées à initier de nouvelles fabrications. Le privilège n'est qu'un pis-aller rendu nécessaire par les carences de l'initiative privée. Le développement " sous serre " de nouveaux procédés n'a pas pour but, comme on l'a trop vite répété, la mise en place de monopoles : il convient en effet de ne pas oublier que, sauf exception, le privilège n'a de portée que locale ou régionale, et une durée définie. Il s'agit donc bien plutôt d'une politique visant à créer les conditions d'une ultérieure mise en concurrence dynamique de toutes les fabriques, à l'échelle d'un futur marché national unifié capable d'affronter la concurrence étrangère. " Vous devez être assuré que chaque fois que je trouve un plus grand avantage ou un avantage égal, je n'hésite pas à retrancher tous les privilèges ", écrit-il le 17 février 1679. Il faut prendre au mot le ministre quand il dit et répète que " la liberté est l'âme du commerce ". Il n'a pas renié la conviction familiale : " Tout ce qui tend à restreindre la liberté et le nombre des marchands ne peut rien valoir " Sa politique découle seulement d'un constat pragmatique : les conditions ne sont pas remplies pour que la liberté produise ses effets et réalise les objectifs de croissance et d'exportation que l'Etat s'est fixés. Les handicaps français sont trop importants, et les politiques protectionnistes des Etats concurrents imposent une riposte à la hauteur. Il faut enfin tenir compte de l'existence des corporations de métier, nullement décidées à s'effacer. En accordant privilèges et subventions, Colbert contourne le corporatisme des fabricants, il instille l'innovation et la concurrence dans l'organisation industrielle du pays, paradoxalement. Nul projet, donc, de substituer durablement l'Etat à l'" entreprise privée " ; les manufactures d'Etat comme Sèvres ou les Gobelins sont des cas très exceptionnels d'industries de luxe, de prestige et de haute technicité, à caractère parfois expérimental, qui exigent l'importation de procédés étrangers et la formation d'une main-d'oeuvre très qualifiée. »
Source : Minard Philippe, « Economie de marché et Etat en France : mythes et légendes du colbertisme », L'Économie politique, 1/2008 (n° 37), p. 77-94.
(consulté dans Cairn)
Le jacobinisme, quant à lui est une doctrine politique née sous la Révolution :
« Historiquement, le jacobinisme, né sous la Révolution française, est lié au Club des jacobins, à son organisation, à sa pratique et à son idéologie.
Très tôt, ce club s'appuie sur un réseau national de sociétés de province, qui lui sont affiliées. En l'an II, alors que le mouvement jacobin est à son apogée, on compte environ 5 500 sociétés populaires : bien qu'elles ne soient pas toutes rattachées au club parisien, elles n'en représentent pas moins en province le jacobinisme dans toutes ses nuances. Elles sont particulièrement nombreuses dans le Sud-Est, à forte tradition de sociabilité associative, dans le Sud-Ouest, en région parisienne, en Haute-Normandie ; ailleurs, leur semis est plus irrégulier, voire très dispersé dans l'Ouest ou le Nord-Est. Même si leurs membres appartiennent avant tout à la bourgeoisie, on y rencontre aussi des artisans et des boutiquiers ; en outre, des militants (ou des militantes) qui n'appartiennent pas aux sociétés - dont la très large majorité exclut les femmes - peuvent être également considérés comme des partisans et des soutiens du jacobinisme.
Les interprétations du jacobinisme révolutionnaire.
• Les historiens distinguent différents moments du jacobinisme révolutionnaire : 1789-1791 (jacobinisme primitif : constitutionnel), 1791-1792 (jacobinisme mixte : démocratique et libéral), 1793-1794 (jacobinisme de l'an II), selon Michelet, suivi par François Furet. Albert Soboul propose, lui, une périodisation différente : 1789-juin 1793 (naissance et affirmation d'une pratique politique), 1793-1794 (hégémonie politique et dictature d'opinion), puis une « longue phase de survie et de transfiguration » après Thermidor.
L'idéologie jacobine de l'an II se caractérise par la recherche de l'unité, l'alliance entre la bourgeoisie et le mouvement populaire, la défense de la république démocratique, l'attachement à la « centralité législative » (Billaud-Varenne) autour de la Convention. Avec des nuances plus ou moins importantes et des appréciations variées, les différentes écoles historiques s'accordent néanmoins pour voir dans le jacobinisme de l'an II une « machine » (Michelet) « à produire de l'unanimité » et exerçant un « magistère d'orthodoxie » (Furet), un « instrument de direction politique et de domination idéologique » exerçant un « magistère idéologique et moral » (Claude Mazauric). Des études récentes soulignent cependant la diversité du jacobinisme avant l'an II, et mettent en avant, par exemple, l'existence d'un fédéralisme jacobin provençal en 1793 (Jacques Guilhaumou) : branche d'un mouvement jacobin moins homogène qu'on a pu l'écrire, celui-ci diffère du fédéralisme modéré progirondin, tout comme, sur certains points, du jacobinisme parisien, et vise à « instaurer un rapport égalitaire, démocratique, entre Paris et la province ». Mais ces tentatives sont étouffées, et en l'an II on assiste à un « processus de jacobinisation », d'« encadrement jacobin » des sociétés (Françoise Brunel), tant à Paris qu'en province. »
Source : Dictionnaire de l’Histoire de France, Larousse
Bonne journée.
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