Question d'origine :
Bonjour,
pour compléter mon analyse dans un dossier de certification je recherche des informations et des sources fiables qui explique :
le phénomène de bouc-émissaire et conservation du sentiment de contrôle.
Je pense que Z.K. Rothschild (un psycho-sociologue) en parle mais je ne trouve pas de textes clair et en français sur internet.
pourriez-vous m'aiguiller ?
merci,
leezy
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/03/2017 à 11h19
Bonjour,
Nous supposons que vous avez déjà toutes les informations sur la théorie du bouc émissaire, la tradition française s’orientant beaucoup sur des analyses anthropologiques, sociales ou psychanalytiques.
Le sociologue Yves Chevalier en présente de nombreuses analyses dans la première partie de l’article Le modèle du bouc émissaire : l’exemple de l’antisémitisme allemand, Germanica, 2/1987
La recherche que vous faites est très spécifique et l’article Bouc émissaire sur Wikipédia, qui refait bien le point sur la théorie, est semble-t-il le seul article en français où on trouve une allusion aux travaux de Zachary Rothschild et ses collègues, et un résumé clair de leur apport. Au lieu de baser le phénomène du Bouc émissaire sur la seule frustration, ils proposent un autre modèle :
« Modèle à double dimension de Rothschild
Un groupe choisit collectivement une cible pour porter la responsabilité d'un événement négatif, afin de répondre à une motivation individuelle. Dans son modèle à double dimension, Rothschild avance deux origines motivationnelles au phénomène de bouc émissaire : le besoin de conserver un sentiment de moralité, et le besoin de conserver un sentiment de contrôle.
- Conservation du sentiment de moralité : un groupe peut déplacer la culpabilité sur un individu ou un autre groupe, lui attribuant la responsabilité d'un élément négatif, en conservant ainsi un sentiment de moralité.
- Conservation du sentiment de contrôle : lors d'un événement négatif dont la cause est inconnue ou peu claire, un groupe peut choisir un bouc émissaire pour porter la responsabilité de cet événement, et ainsi augmenter le sentiment de contrôle sur les événements ».
Nous n’avons pas trouvé de traductions des travaux de Rothschild, Sullivan et al. ni sur Internet, ni dans les catalogues de bibliothèques. Nous n’avons pas non plus trouvé de recherche équivalente par des psychologues français, malgré de nombreuses recherches et la lecture de la bibliographie La Biblio et ses Bla Bla Bouc (http://bouc-émissaire.com/bibliographie-bouc-emissaire), sur le site de l’Observatoire du Bouc émissaire et des violences institutionnelles. Il vous faudra copier-coller l'adresse, qui ne marche pas directement à cause de l'accent sur émissaire ...
On trouve en revanche le résumé de ce modèle à deux motivations en ligne : A dual motive model of scapegoating blame : to reduice guilt or increase control, Zachary K. Rothschild, Mark J. Landau, Daniel Sullivan, Lucas A. Keefer ainsi que le texte complet.
Dans un article plus grand public sur les élections américaines, Daniel Sullivan résume le propos en termes anglais certes mais assez clairs :
« As a researcher of the experience of psychological threat, I have learned that humans have two fundamental needs:
1. To feel that they are in control of their lives.
2. To feel that they are people of moral worth.
[…]At the same time, blaming a scapegoat or enemy for one’s misfortune can also preserve a sense of personal control. One representative study was carried out by Daphna Motro and recently published in The Journal of Experimental Social Psychology. She recruited working adults from around the country and asked some of them to think about concerns they have about their job security, which elevated their anxiety. Some of these participants were then additionally given the opportunity to privately vent their aggression toward someone in the workplace who causes them problems. Threatened participants who were given the chance to express anger toward a boss or coworker expressed elevated feelings of control and empowerment. Therefore, by reducing complex problems to a single enemy person or group, we restore threatened feelings of power.”
Source : US election : psychology explains how Donald Trump won by making white men feel like victims, Daniel Sullivan
Dans Searching for the root of all evil: an existential-sociological perspective on political enemyship and scapegoating, les auteurs reviennent sur leurs études en ces termes :
“This analysis [celle de Becker 1969,1975] suggests an interesting hypothesis – namely, that it is exactly when people feel like their sense of personal control is under threat that they should be most desirous of having powerful enemies.
We (Sullivan, Landau, and Rothschild, 2010) tested this hypothesis in the political arena just prior to the 2008 US presidential election. We primed half of our participants with a reminder that they have little control over multiple sources of hazard, ranging from communicable diseases to accidents during travel. The other participants were not reminded of such hazards. We then asked participants the extent to which they endorsed different conspiracy theories claiming that the candidate opposed to their preferred candidate was orchestrating attempts to steal the election. In confirmation of our hypothesis, those participants whose sense of control had been threatened were more likely to believe that their political enemy (in this case, either President Barack Obama or Senator John McCain) had enough power and malicious intent to rig the election.”
Dans la suite, ils relatent leurs expériences de 2012 concernant les boucs émissaires, conçues notamment pour voir si, comme le suggère Becker, les gens ont besoin en cas de crise d’ennemis identifiables et, (contrairement à ce que dit parfois la théorie classique du bouc émissaire) puissants, pour maintenir leur sentiment de contrôle sur un monde chaotique. Les résultats l’infirment, avec de nombreuses nuances et précautions cependant.
Bon travail !
Nous supposons que vous avez déjà toutes les informations sur la théorie du bouc émissaire, la tradition française s’orientant beaucoup sur des analyses anthropologiques, sociales ou psychanalytiques.
Le sociologue Yves Chevalier en présente de nombreuses analyses dans la première partie de l’article Le modèle du bouc émissaire : l’exemple de l’antisémitisme allemand, Germanica, 2/1987
La recherche que vous faites est très spécifique et l’article Bouc émissaire sur Wikipédia, qui refait bien le point sur la théorie, est semble-t-il le seul article en français où on trouve une allusion aux travaux de Zachary Rothschild et ses collègues, et un résumé clair de leur apport. Au lieu de baser le phénomène du Bouc émissaire sur la seule frustration, ils proposent un autre modèle :
« Modèle à double dimension de Rothschild
Un groupe choisit collectivement une cible pour porter la responsabilité d'un événement négatif, afin de répondre à une motivation individuelle. Dans son modèle à double dimension, Rothschild avance deux origines motivationnelles au phénomène de bouc émissaire : le besoin de conserver un sentiment de moralité, et le besoin de conserver un sentiment de contrôle.
- Conservation du sentiment de moralité : un groupe peut déplacer la culpabilité sur un individu ou un autre groupe, lui attribuant la responsabilité d'un élément négatif, en conservant ainsi un sentiment de moralité.
- Conservation du sentiment de contrôle : lors d'un événement négatif dont la cause est inconnue ou peu claire, un groupe peut choisir un bouc émissaire pour porter la responsabilité de cet événement, et ainsi augmenter le sentiment de contrôle sur les événements ».
Nous n’avons pas trouvé de traductions des travaux de Rothschild, Sullivan et al. ni sur Internet, ni dans les catalogues de bibliothèques. Nous n’avons pas non plus trouvé de recherche équivalente par des psychologues français, malgré de nombreuses recherches et la lecture de la bibliographie La Biblio et ses Bla Bla Bouc (http://bouc-émissaire.com/bibliographie-bouc-emissaire), sur le site de l’Observatoire du Bouc émissaire et des violences institutionnelles. Il vous faudra copier-coller l'adresse, qui ne marche pas directement à cause de l'accent sur émissaire ...
On trouve en revanche le résumé de ce modèle à deux motivations en ligne : A dual motive model of scapegoating blame : to reduice guilt or increase control, Zachary K. Rothschild, Mark J. Landau, Daniel Sullivan, Lucas A. Keefer ainsi que le texte complet.
Dans un article plus grand public sur les élections américaines, Daniel Sullivan résume le propos en termes anglais certes mais assez clairs :
« As a researcher of the experience of psychological threat, I have learned that humans have two fundamental needs:
1. To feel that they are in control of their lives.
2. To feel that they are people of moral worth.
[…]At the same time, blaming a scapegoat or enemy for one’s misfortune can also preserve a sense of personal control. One representative study was carried out by Daphna Motro and recently published in The Journal of Experimental Social Psychology. She recruited working adults from around the country and asked some of them to think about concerns they have about their job security, which elevated their anxiety. Some of these participants were then additionally given the opportunity to privately vent their aggression toward someone in the workplace who causes them problems. Threatened participants who were given the chance to express anger toward a boss or coworker expressed elevated feelings of control and empowerment. Therefore, by reducing complex problems to a single enemy person or group, we restore threatened feelings of power.”
Source : US election : psychology explains how Donald Trump won by making white men feel like victims, Daniel Sullivan
Dans Searching for the root of all evil: an existential-sociological perspective on political enemyship and scapegoating, les auteurs reviennent sur leurs études en ces termes :
“This analysis [celle de Becker 1969,1975] suggests an interesting hypothesis – namely, that it is exactly when people feel like their sense of personal control is under threat that they should be most desirous of having powerful enemies.
We (Sullivan, Landau, and Rothschild, 2010) tested this hypothesis in the political arena just prior to the 2008 US presidential election. We primed half of our participants with a reminder that they have little control over multiple sources of hazard, ranging from communicable diseases to accidents during travel. The other participants were not reminded of such hazards. We then asked participants the extent to which they endorsed different conspiracy theories claiming that the candidate opposed to their preferred candidate was orchestrating attempts to steal the election. In confirmation of our hypothesis, those participants whose sense of control had been threatened were more likely to believe that their political enemy (in this case, either President Barack Obama or Senator John McCain) had enough power and malicious intent to rig the election.”
Dans la suite, ils relatent leurs expériences de 2012 concernant les boucs émissaires, conçues notamment pour voir si, comme le suggère Becker, les gens ont besoin en cas de crise d’ennemis identifiables et, (contrairement à ce que dit parfois la théorie classique du bouc émissaire) puissants, pour maintenir leur sentiment de contrôle sur un monde chaotique. Les résultats l’infirment, avec de nombreuses nuances et précautions cependant.
Bon travail !
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