Question d'origine :
Bonjour,
La place forte de Mont-Dauphin construite à partir de 1692, pour se prémunir des attaques du Duc de Savoie, a été peuplée par des personnes de la région a priori.
Pour appâter les prétendants, des exemptions d'impôts et tailles ont été mises en avant.
Quel a été le moyen utilisé par "le gouvernement" pour assurer la publicité : affichages, "avis à la population", bouche-à-oreille?
En résumé comment assurer le peuplement des lieux ?
D'autres places fortes (Neuf-Brisach a priori) ont connus la même situation.
Merci d'avance.
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 21/02/2017 à 10h20
Bonjour,
En 1992, à la suite du raid effectué dans les Alpes par Victor – Amédée de Savoie, Vauban comprend la nécessité de surveiller le débouché du Queyras et du col de Vars sur la vallée de la Durance et propose au roi d’implanter une place forte sur le plateau de Millaures. Il s’appelle Mont-Dauphin en l’honneur du grand Dauphin, fils de Louis XIV, et de la province dont ce dernier porte le nom rapidement ébauché, puis lentement poursuivi jusqu’au XIXe siècle, ce qui aurait du être une ville, n’est resté finalement qu’un village…
Comment développer une ville ?
Faire de Mont-Dauphin reste eu rêve impossible. Des mesures sont prises pour attirer de nouveaux venus-don d’un lot constructible, dispense d’impôts pout tout arrivant-mais ces attraits sont insuffisants. Faute de terrain cultivable à proximité, la population n’augmente pas. La situation écartée ne favorise pas non plus le commerce. La location de chambres aux officiers et quelques tavernes pour les troupes sont les seules activités capables de procurer quelque argent. Vauban suggère alors l’organisation d’un marché et l’ouverture d’une issue sur le front d’Embrun pour faciliter la circulation. En 1753, on essaie la fusion avec Eygliers et l’organisation de deux foires annuelles, mais sans grand succès. Le transfert à mont-dauphin de certains services administratifs de Guillestre est même envisagé, mais Guillestre défend énergiquement son bien ! Quant à la porte d’Embrun, ellle sera ouverte dans les années 1780.
Pourquoi une ville à Mont-Dauphin ?
Parmi les nombreux travaux qu’il a dirigés, Vauban a créé six villes ou villages, dont plusieurs ont prospéré, notamment Neuf–Brisach, en Alsace. Tel n’a pas été le cas de Mont-dauphin dont la population est demeurée très peu nombreuse. Plusieurs responsables civils ou militaires se sont d’ailleurs demandé pourquoi on voulait si fort inciter des civils à venir habiter une place militaire. Ainsi, l’intendant du Dauphiné, Pajot de Marceval, écrit-il en 1761 qu’il ne peut [se] dissimuler qu’au premier coup d’œil, il paraît bizarre de construire une ville dans un poste » Il énumère les inconvénients évidents de cette politique : des bouches inutiles à nourrir en cas de siège, l’effet moral des bombes sur la population « plus propre à déterminer le gouverneur à se rendre qu’à soutenir vigoureusement la place ».
Les consignes données aux bâtisseurs ne cachaient d’ailleurs aucune éventualité en imposant la solidité des murs, une hauteur limitée des bâtiments et l’implantation de caves voutées pour servir d’abris.
Vauban ne s’est pas expliqué sur cette question, mais les arguments qui l’ont guidé peuvent se deviner. Le tracé imposé par le site laissait vacant un vaste espace, propice à l’installation des civils mais il était surtout nécessaire pour que la garnison puisse côtoyer la société : aux officiers,
la vie mondaine, aux soldats, la ville avec ses tavernes et ses distractions. Malheureusement, Mont-dauphin offre peu de ressources dans ce domaine et condamne le soldat « à ne trouver dabs ses camarades que l’ennui qui leur est devenu commun ». L’ingénieur Miler de Monville cherche « les moyens de rendre supportable à la garnison le séjour à Mont- Dauphin » Faute. De solutions, c’est-à-dire d’habitants, cette place détient le record de désertions, malgré la sanction capitale prononcée contre tous ceux qu’on attrape. Celles-ci prouvent , a contrario des réticences exprimées par certains contemporains de Vauban, la nécessité d’installer une ville dans une place forte.
( Mont-Dauphin, place forte de Vauban)
La vie à Mont-Dauphin a toujours été décrite comme morne, ennuyeuse, voire déprimante : longueur des hivers, isolement (une seule sortie vers Eygliers), le vent permanent. Pour que les soldats vivent un peu mieux les longues attentes de l’ennemi, Vauban a conçu un projet de ville royale complète, la population civile soutenant le moral de la garnison. Les maisons sont construites sur un plan préétabli, avec des caves voûtées servant d’abri, un rez-de-chaussée réservé aux échoppes, un étage pour l’habitation et, enfin, un grenier. Des rues droites et larges suivent une gargouille centrale en marbre rose ; des fontaines et des lavoirs sont des équipements urbains qui facilitent la sociabilité de la vie quotidienne. Pour attirer la population, les terrains sont gratuits pour qui veut construire, et les habitants bénéficient de franchises d’impôts[5].
Pour favoriser le développement de la ville, il est demandé le transfert d’administrations de Guillestre, qui n’eut jamais lieu. Un marché et des foires sont institués en 1765[6] ; mais les contraintes, règlement sur les constructions, fermeture de la ville le soir, discipline militaire, une seule porte d’entrée, à l’opposé de la grande route, les inconvénients de la présence de nombreux soldats célibataires, limitent la population civile à un maximum de cinq cents habitants au XVIIIe siècle[7].
Bénéficiant de franchises fiscales, la communauté de Mont-Dauphin (réunie à celle d’Eygliers en 1753, avec trois consuls dont le premier était toujours de Mont-Dauphin[8]), a toujours maintenu un instituteur, financé grâce au privilège de non-taxe sur le bétail à pied fourchu entrant dans la place, et proposé une instruction gratuite. Après 1826, les écoles de filles et de garçons sont séparées[9].
Pour limiter la dépense en ravitaillement, et les désertions causées par la situation difficile de la ville, la garnison qui compte deux bataillons au début du siècle (qui participent aux travaux), est répartie entre un bataillon logé à Embrun, et un autre bataillon dont une partie est casernée à Gap et l’autre qui garde effectivement la place de Mont-Dauphin[10].
En montagne et en l’absence de routes, le mulet, animal de bât, a l’avantage sur les animaux de trait grâce à sa force, sa sobriété et à sa grande capacité à évoluer en terrains accidentés. Au XVIIIe siècle, la place dépendait entièrement des mulets pour son ravitaillement : ils furent ainsi entre 100 et 300 à stationner à Mont-Dauphin durant plus de deux cents ans. Vivres et munitions étaient acheminées par de longues caravanes de mulets bâtés.
Formidable instrument de dissuasion, la place forte n’a jamais connu de siège et faute d’habitants qui acceptèrent de vivre près de la garnison, les soldats furent condamnés, comme l’explique un contemporain, « à ne trouver dans leurs camarades que l’ennui qui leur est devenu commun ». Et c’est ainsi que Mont-Dauphin battit des records de désertion.
(La vie dans la place)
Vous vous interrogez sur la diffusion des informations dans ce village, uniquement desservi par des mulets comme il est dit précédemment, et constitué de toute pièce ; nous n’avons pas d’information précise, mais on peut facilement supputer qu’elle ne devait pas être aisée.
Qu’en était-il de la « presse et de la publicité » aux XVII et XVIIIe siècle ?
Dans le dictionnaire de l’Ancien Régime, vous pouvez consulter les articles « colportage », « almanach », « presse périodique » dont voici un extrait :
Avant de prendre un rythme de publication régulier, l’information circule sur des supports divers, depuis l’invention de l’imprimerie : occasionnels, canards (apparus au XVIe siècle, surtout tournés vers les faits merveilleux et les affaires criminelle, mélangeant informations, diffamations, critiques virulentes. On parle de presse périodique quand le décalage temporel et l’évènement et la publication de l’information n’est pas trop grand. En France. , on la fait dater de l’apparition de la « gazette » (1631) de Théophraste Renaudot…
Des journaux spécialisés, couvrant un large éventail de domaines (mode, informations économiques, médicales) ainsi qu’une presse régionale, celle des « Affiches, Annonces et avis divers » dans la deuxième partie du XVIIIe siècle…
L’article très détaillé sur le « colportage » dans le dictionnaire historique de la France moderne :
Le colporteur, ou « marchand coureur » est un petit marchand ambulent qui va porter et crier, par les campagnes ou les villages, diverses sortes de de marchandises et de denrées ;…il joue un rôle important dans la distribution des biens usuels à une époque où les paysans commencent à accéder à l’économie monétaire d’échanges…et où les villages restent démunis d’un commerce sédentaire analogue à celui que des « regrattiers » exercent dans les villes…
A propos des crieurs publics chargés de donner de l’information, dont le rôle est très important au Moyen-Age, avant l’invention de l’imprimerie, rappelons l’excellent ouvrage de Nicolas Offenstadt haro, noël, Oye ; on peut imaginer que cette pratique a perduré au-delà du moyen-Age, mais nous n’avons pas trouvé de source précise. Toujours est-il que le terme « crieur » présent dans le dictionnaire du moyen Age disparaît dans celui de l’Ancien Régime.
Voir aussi :
Cette exposition de la Bibliothèque Narionale. BNF, la presse à la une
Dictionnaire des journaux et gazettes, 1600-1789
Presse et publicité en France (XVIIIe et XIXe siècles):
GAZETTES, PLACARDS ET BILLETS
On nous pardonnera de résumer ici à grands traits une histoire déjà présentée longuement ailleurs. Alors que Théophraste Renaudot peut être à bon droit reconnu comme le fondateur de la publicité mais aussi de la presse en France, pour ses deux innovations de 1630 et 1631, le Bureau d’adresse – un bureau de placement doublé d’une agence d’annonces –, et la Gazette, il n’est pas parvenu à faire entrer la publicité dans la presse. Deux raisons à cela. Rapidement devenue « journal des rois et des puissances de la terre », la Gazette avait de trop hautes fonctions pour frayer avec l’annonce : le service du roi, l’honneur de sa noblesse ne pouvaient se commettre avec les ambitions mercantiles du Bureau d’adresse. Trop noble, la nouvelle ne pouvait rencontrer l’annonce. Pas d’annonces, donc, dans la Gazette. Renaudot s’efforça cependant de créer une véritable presse d’annonces. Il échoua, parce que son Bureau d’adresse était l’essentiel du dispositif. La Feuille du Bureau d’adresse publiée tous les dix jours en 1633, d’autres Listes d’avis éditées par la suite entre les années 1670 et 1720 ne purent durer parce qu’elles n’étaient que des annexes d’un Bureau qui confondait l’ « adresse » ou « indication », le propre de toute démarche publicitaire, et le « trafic » ou vente des objets annoncés, pratiqué par Renaudot et ses successeurs : une concurrence que n’admirent jamais les Six Corps des marchands de Paris.
Puisque la presse leur était provisoirement fermée, les annonceurs exploitèrent d’autres supports imprimés, le « placard » ou affiche murale, et le « billet » ou tract. D’abord consacré à la publication cérémonielle des actes du pouvoir souverain, et aux annonces légales ordonnées par l’édit des Criées de 1551, le « média-placard » fut très rapidement utilisé par la contestation politique. Très tôt aussi, l’annonce marchande sut en profiter. Les règlements corporatifs interdisant toute publicité, la librairie fut le seul métier à employer le placard et le billet dès le début du XVIIe siècle. Refusée par les métiers jurés, l’annonce marchande fut abandonnée aux gens de théâtre, aux charlatans qui en usèrent et abusèrent, l’enveloppant ainsi d’un discrédit durable, aux marchands de nouveautés. Tout indique que cette publicité par tract ou affichage mural s’épanouit vraiment à partir des années 1670-1680. Le placard devint d’un usage si courant que tout naturellement se développa à Paris, à côté du corps des colporteurs, un corps d’afficheurs qui ne fut réglementé qu’en 1721. L’affichage des particuliers – petites annonces et annonces marchandes – vint sérieusement concurrencer l’affichage officiel, surtout présent jusque-là.
Le placard gagna au moins provisoirement la partie au début du XVIIIe siècle. Rien ne le prouve mieux que ce curieux journal des Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers de 1716 : loin de rivaliser avec les placards, la presse se contente de les servir en les reproduisant purement et simplement. Le promoteur de ces Affiches « prie ceux qui feront faire des affiches à Paris, ou ailleurs, de vouloir bien en envoyer un exemplaire à l’imprimeur de ce Recueil, et d’en affranchir le port lorsqu’ils les enverront de province. Il ne manquera pas d’y insérer cet exemplaire ». Et d’ajouter :
La vûë de ceux qui font poser ces affiches est qu’on les lise. Et c’est pourtant ce que ne font pas bien des gens. La bienséance ne permet pas à toutes sortes de personnes, de s’amuser au coin des ruës, pour y voir tout ce que leur présentent ces sortes de placards. Les personnes qui sont en carrosse, ne sçauroient guéres s’y arrêter. Un Magistrat, ou d’autres personnes en robe, des Ecclésiastiques d’un certain rang, et bien d’autres d’un certain étage, ne seraient pas bien aises qu’on les vît grossir la foule de ces gens, qu’une nouvelle affiche assemble ordinairement.
Il donne ensuite la longue liste des « articles » qui formeront les Affiches. Outre les actes « officiels » venant du pouvoir monarchique ou de la justice, la masse des affiches est distribuée entre les livres, programmes de cours et thèses universitaires, les spectacles, ce que nous pouvons appeler les « petites annonces » – ventes de biens meubles et immeubles, choses perdues. Sans surprise aucune, les affiches proprement marchandes viennent en dernier, propositions de gens à secrets ou de gens de finances, et comme telles fort suspectes. À l’annonce, la respectabilité – ne vient-elle pas bien souvent des grands corps de l’État ou de la société ? –, à la publicité déjà très suggestive, la suspicion. Malgré leurs grandes ambitions, ces Affiches durèrent peu de temps. Leur projet éditorial était trop peu clair. S’agissait-il d’un recueil d’utilité immédiate devant remplacer la lecture des affiches dans la rue ou bien d’un recueil historique enregistrant les plus intéressants de ces placards pour n’en pas perdre le texte ? À sa manière, cet échec témoigne de la fonction déjà irremplaçable de l’affichage mural. Jusque dans les années 1740, les placards et les billets jouissent d’un quasi-monopole publicitaire, à peine gêné par les quelques annonces insérées dans les gazettes de Hollande et au bas des réimpressions provinciales de la Gazette.
La presse d'information sous l'ancien régime
En 1992, à la suite du raid effectué dans les Alpes par Victor – Amédée de Savoie, Vauban comprend la nécessité de surveiller le débouché du Queyras et du col de Vars sur la vallée de la Durance et propose au roi d’implanter une place forte sur le plateau de Millaures. Il s’appelle Mont-Dauphin en l’honneur du grand Dauphin, fils de Louis XIV, et de la province dont ce dernier porte le nom rapidement ébauché, puis lentement poursuivi jusqu’au XIXe siècle, ce qui aurait du être une ville, n’est resté finalement qu’un village…
Comment développer une ville ?
Faire de Mont-Dauphin reste eu rêve impossible. Des mesures sont prises pour attirer de nouveaux venus-don d’un lot constructible, dispense d’impôts pout tout arrivant-mais ces attraits sont insuffisants. Faute de terrain cultivable à proximité, la population n’augmente pas. La situation écartée ne favorise pas non plus le commerce. La location de chambres aux officiers et quelques tavernes pour les troupes sont les seules activités capables de procurer quelque argent. Vauban suggère alors l’organisation d’un marché et l’ouverture d’une issue sur le front d’Embrun pour faciliter la circulation. En 1753, on essaie la fusion avec Eygliers et l’organisation de deux foires annuelles, mais sans grand succès. Le transfert à mont-dauphin de certains services administratifs de Guillestre est même envisagé, mais Guillestre défend énergiquement son bien ! Quant à la porte d’Embrun, ellle sera ouverte dans les années 1780.
Pourquoi une ville à Mont-Dauphin ?
Parmi les nombreux travaux qu’il a dirigés, Vauban a créé six villes ou villages, dont plusieurs ont prospéré, notamment Neuf–Brisach, en Alsace. Tel n’a pas été le cas de Mont-dauphin dont la population est demeurée très peu nombreuse. Plusieurs responsables civils ou militaires se sont d’ailleurs demandé pourquoi on voulait si fort inciter des civils à venir habiter une place militaire. Ainsi, l’intendant du Dauphiné, Pajot de Marceval, écrit-il en 1761 qu’il ne peut [se] dissimuler qu’au premier coup d’œil, il paraît bizarre de construire une ville dans un poste » Il énumère les inconvénients évidents de cette politique : des bouches inutiles à nourrir en cas de siège, l’effet moral des bombes sur la population « plus propre à déterminer le gouverneur à se rendre qu’à soutenir vigoureusement la place ».
Les consignes données aux bâtisseurs ne cachaient d’ailleurs aucune éventualité en imposant la solidité des murs, une hauteur limitée des bâtiments et l’implantation de caves voutées pour servir d’abris.
Vauban ne s’est pas expliqué sur cette question, mais les arguments qui l’ont guidé peuvent se deviner. Le tracé imposé par le site laissait vacant un vaste espace, propice à l’installation des civils mais il était surtout nécessaire pour que la garnison puisse côtoyer la société : aux officiers,
la vie mondaine, aux soldats, la ville avec ses tavernes et ses distractions. Malheureusement, Mont-dauphin offre peu de ressources dans ce domaine et condamne le soldat « à ne trouver dabs ses camarades que l’ennui qui leur est devenu commun ». L’ingénieur Miler de Monville cherche « les moyens de rendre supportable à la garnison le séjour à Mont- Dauphin » Faute. De solutions, c’est-à-dire d’habitants, cette place détient le record de désertions, malgré la sanction capitale prononcée contre tous ceux qu’on attrape. Celles-ci prouvent , a contrario des réticences exprimées par certains contemporains de Vauban, la nécessité d’installer une ville dans une place forte.
( Mont-Dauphin, place forte de Vauban)
La vie à Mont-Dauphin a toujours été décrite comme morne, ennuyeuse, voire déprimante : longueur des hivers, isolement (une seule sortie vers Eygliers), le vent permanent. Pour que les soldats vivent un peu mieux les longues attentes de l’ennemi, Vauban a conçu un projet de ville royale complète, la population civile soutenant le moral de la garnison. Les maisons sont construites sur un plan préétabli, avec des caves voûtées servant d’abri, un rez-de-chaussée réservé aux échoppes, un étage pour l’habitation et, enfin, un grenier. Des rues droites et larges suivent une gargouille centrale en marbre rose ; des fontaines et des lavoirs sont des équipements urbains qui facilitent la sociabilité de la vie quotidienne. Pour attirer la population, les terrains sont gratuits pour qui veut construire, et les habitants bénéficient de franchises d’impôts[5].
Pour favoriser le développement de la ville, il est demandé le transfert d’administrations de Guillestre, qui n’eut jamais lieu. Un marché et des foires sont institués en 1765[6] ; mais les contraintes, règlement sur les constructions, fermeture de la ville le soir, discipline militaire, une seule porte d’entrée, à l’opposé de la grande route, les inconvénients de la présence de nombreux soldats célibataires, limitent la population civile à un maximum de cinq cents habitants au XVIIIe siècle[7].
Bénéficiant de franchises fiscales, la communauté de Mont-Dauphin (réunie à celle d’Eygliers en 1753, avec trois consuls dont le premier était toujours de Mont-Dauphin[8]), a toujours maintenu un instituteur, financé grâce au privilège de non-taxe sur le bétail à pied fourchu entrant dans la place, et proposé une instruction gratuite. Après 1826, les écoles de filles et de garçons sont séparées[9].
Pour limiter la dépense en ravitaillement, et les désertions causées par la situation difficile de la ville, la garnison qui compte deux bataillons au début du siècle (qui participent aux travaux), est répartie entre un bataillon logé à Embrun, et un autre bataillon dont une partie est casernée à Gap et l’autre qui garde effectivement la place de Mont-Dauphin[10].
En montagne et en l’absence de routes, le mulet, animal de bât, a l’avantage sur les animaux de trait grâce à sa force, sa sobriété et à sa grande capacité à évoluer en terrains accidentés. Au XVIIIe siècle, la place dépendait entièrement des mulets pour son ravitaillement : ils furent ainsi entre 100 et 300 à stationner à Mont-Dauphin durant plus de deux cents ans. Vivres et munitions étaient acheminées par de longues caravanes de mulets bâtés.
Formidable instrument de dissuasion, la place forte n’a jamais connu de siège et faute d’habitants qui acceptèrent de vivre près de la garnison, les soldats furent condamnés, comme l’explique un contemporain, « à ne trouver dans leurs camarades que l’ennui qui leur est devenu commun ». Et c’est ainsi que Mont-Dauphin battit des records de désertion.
(La vie dans la place)
Vous vous interrogez sur la diffusion des informations dans ce village, uniquement desservi par des mulets comme il est dit précédemment, et constitué de toute pièce ; nous n’avons pas d’information précise, mais on peut facilement supputer qu’elle ne devait pas être aisée.
Qu’en était-il de la « presse et de la publicité » aux XVII et XVIIIe siècle ?
Dans le dictionnaire de l’Ancien Régime, vous pouvez consulter les articles « colportage », « almanach », « presse périodique » dont voici un extrait :
Avant de prendre un rythme de publication régulier, l’information circule sur des supports divers, depuis l’invention de l’imprimerie : occasionnels, canards (apparus au XVIe siècle, surtout tournés vers les faits merveilleux et les affaires criminelle, mélangeant informations, diffamations, critiques virulentes. On parle de presse périodique quand le décalage temporel et l’évènement et la publication de l’information n’est pas trop grand. En France. , on la fait dater de l’apparition de la « gazette » (1631) de Théophraste Renaudot…
Des journaux spécialisés, couvrant un large éventail de domaines (mode, informations économiques, médicales) ainsi qu’une presse régionale, celle des « Affiches, Annonces et avis divers » dans la deuxième partie du XVIIIe siècle…
L’article très détaillé sur le « colportage » dans le dictionnaire historique de la France moderne :
Le colporteur, ou « marchand coureur » est un petit marchand ambulent qui va porter et crier, par les campagnes ou les villages, diverses sortes de de marchandises et de denrées ;…il joue un rôle important dans la distribution des biens usuels à une époque où les paysans commencent à accéder à l’économie monétaire d’échanges…et où les villages restent démunis d’un commerce sédentaire analogue à celui que des « regrattiers » exercent dans les villes…
A propos des crieurs publics chargés de donner de l’information, dont le rôle est très important au Moyen-Age, avant l’invention de l’imprimerie, rappelons l’excellent ouvrage de Nicolas Offenstadt haro, noël, Oye ; on peut imaginer que cette pratique a perduré au-delà du moyen-Age, mais nous n’avons pas trouvé de source précise. Toujours est-il que le terme « crieur » présent dans le dictionnaire du moyen Age disparaît dans celui de l’Ancien Régime.
Voir aussi :
Cette exposition de la Bibliothèque Narionale. BNF, la presse à la une
Dictionnaire des journaux et gazettes, 1600-1789
Presse et publicité en France (XVIIIe et XIXe siècles):
GAZETTES, PLACARDS ET BILLETS
On nous pardonnera de résumer ici à grands traits une histoire déjà présentée longuement ailleurs. Alors que Théophraste Renaudot peut être à bon droit reconnu comme le fondateur de la publicité mais aussi de la presse en France, pour ses deux innovations de 1630 et 1631, le Bureau d’adresse – un bureau de placement doublé d’une agence d’annonces –, et la Gazette, il n’est pas parvenu à faire entrer la publicité dans la presse. Deux raisons à cela. Rapidement devenue « journal des rois et des puissances de la terre », la Gazette avait de trop hautes fonctions pour frayer avec l’annonce : le service du roi, l’honneur de sa noblesse ne pouvaient se commettre avec les ambitions mercantiles du Bureau d’adresse. Trop noble, la nouvelle ne pouvait rencontrer l’annonce. Pas d’annonces, donc, dans la Gazette. Renaudot s’efforça cependant de créer une véritable presse d’annonces. Il échoua, parce que son Bureau d’adresse était l’essentiel du dispositif. La Feuille du Bureau d’adresse publiée tous les dix jours en 1633, d’autres Listes d’avis éditées par la suite entre les années 1670 et 1720 ne purent durer parce qu’elles n’étaient que des annexes d’un Bureau qui confondait l’ « adresse » ou « indication », le propre de toute démarche publicitaire, et le « trafic » ou vente des objets annoncés, pratiqué par Renaudot et ses successeurs : une concurrence que n’admirent jamais les Six Corps des marchands de Paris.
Puisque la presse leur était provisoirement fermée, les annonceurs exploitèrent d’autres supports imprimés, le « placard » ou affiche murale, et le « billet » ou tract. D’abord consacré à la publication cérémonielle des actes du pouvoir souverain, et aux annonces légales ordonnées par l’édit des Criées de 1551, le « média-placard » fut très rapidement utilisé par la contestation politique. Très tôt aussi, l’annonce marchande sut en profiter. Les règlements corporatifs interdisant toute publicité, la librairie fut le seul métier à employer le placard et le billet dès le début du XVIIe siècle. Refusée par les métiers jurés, l’annonce marchande fut abandonnée aux gens de théâtre, aux charlatans qui en usèrent et abusèrent, l’enveloppant ainsi d’un discrédit durable, aux marchands de nouveautés. Tout indique que cette publicité par tract ou affichage mural s’épanouit vraiment à partir des années 1670-1680. Le placard devint d’un usage si courant que tout naturellement se développa à Paris, à côté du corps des colporteurs, un corps d’afficheurs qui ne fut réglementé qu’en 1721. L’affichage des particuliers – petites annonces et annonces marchandes – vint sérieusement concurrencer l’affichage officiel, surtout présent jusque-là.
Le placard gagna au moins provisoirement la partie au début du XVIIIe siècle. Rien ne le prouve mieux que ce curieux journal des Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers de 1716 : loin de rivaliser avec les placards, la presse se contente de les servir en les reproduisant purement et simplement. Le promoteur de ces Affiches « prie ceux qui feront faire des affiches à Paris, ou ailleurs, de vouloir bien en envoyer un exemplaire à l’imprimeur de ce Recueil, et d’en affranchir le port lorsqu’ils les enverront de province. Il ne manquera pas d’y insérer cet exemplaire ». Et d’ajouter :
La vûë de ceux qui font poser ces affiches est qu’on les lise. Et c’est pourtant ce que ne font pas bien des gens. La bienséance ne permet pas à toutes sortes de personnes, de s’amuser au coin des ruës, pour y voir tout ce que leur présentent ces sortes de placards. Les personnes qui sont en carrosse, ne sçauroient guéres s’y arrêter. Un Magistrat, ou d’autres personnes en robe, des Ecclésiastiques d’un certain rang, et bien d’autres d’un certain étage, ne seraient pas bien aises qu’on les vît grossir la foule de ces gens, qu’une nouvelle affiche assemble ordinairement.
Il donne ensuite la longue liste des « articles » qui formeront les Affiches. Outre les actes « officiels » venant du pouvoir monarchique ou de la justice, la masse des affiches est distribuée entre les livres, programmes de cours et thèses universitaires, les spectacles, ce que nous pouvons appeler les « petites annonces » – ventes de biens meubles et immeubles, choses perdues. Sans surprise aucune, les affiches proprement marchandes viennent en dernier, propositions de gens à secrets ou de gens de finances, et comme telles fort suspectes. À l’annonce, la respectabilité – ne vient-elle pas bien souvent des grands corps de l’État ou de la société ? –, à la publicité déjà très suggestive, la suspicion. Malgré leurs grandes ambitions, ces Affiches durèrent peu de temps. Leur projet éditorial était trop peu clair. S’agissait-il d’un recueil d’utilité immédiate devant remplacer la lecture des affiches dans la rue ou bien d’un recueil historique enregistrant les plus intéressants de ces placards pour n’en pas perdre le texte ? À sa manière, cet échec témoigne de la fonction déjà irremplaçable de l’affichage mural. Jusque dans les années 1740, les placards et les billets jouissent d’un quasi-monopole publicitaire, à peine gêné par les quelques annonces insérées dans les gazettes de Hollande et au bas des réimpressions provinciales de la Gazette.
La presse d'information sous l'ancien régime
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