Question d'origine :
Est-il exact que Napoleon ait consommé de la "chair" de momies lors de la campagne d'Egypte?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 13/02/2017 à 16h21
Bonjour
Dès le Moyen Age, les momies sont utilisées dans la thérapeutique, notamment sous forme de poudre – la « mumia » ou « moumiah » :
« Si on met de côté les brèves incursions des croisés au xiiie siècle, c'est surtout à partir du xve siècle que les Européens viennent en Égypte et dans le même temps découvrent cette pratique étrange [celle de momifier les corps ndlr]. […]
C'est à cette époque que se développe une véritable industrie celle de la « mumia » : les momies sont réduites en une poudre qui est mélangée à d'autres ingrédients pour constituer un remède très utilisé dans la pharmacopée. Comme le rapporte le voyageur Christophe Harant en 1598, « le roi François, premier de ce nom, ne voyageait pas sans un morceau de momie ». Ce produit va être en usage jusqu'au début du xixe siècle.»
Momies : Egypte / Françoise Dunand et Roger Lichtenberg (in Encyclopaedia Universalis)
« Pendant le Moyen Age (de +/-800 à +/-1300), la momie est un produit similaire à l’asphalte. […]
A la fin du Moyen Age, on commence à propose comme médicaments de la momie naturelle et de la momie artificielle. […]
A cette époque déjà, les médecins égyptiens classaient les momies – on remarquera qu’il s’agit ici de cadavres préservés d’une manière ou d’une autre – en quatre catégories :
- Les momies dites « arabiques », préparées avec de l’aloès, du baume et de la myrrhe ;
- Les momies dites « égyptiennes », conservées dans le bitume qui sont celles des gens du peuple ;
- Les momies dites « égyptiennes artificielles », qui n’ont rien à voir avec les « vraies momies » puisqu’elles sont simplement traitées par un mélange de poix et d’épices ;
- Les corps naturellement momifiés par ensevelissement et dessèchement dans le sable.
Les trois première catégories seront largement exportées vers l’Europe, où elles entreront dans la composition de nombreuses préparations médicinales destinées à traiter une variété de maux ; on en extrayait notamment des huiles par ébullition. La quatrième catégorie paraît avoir été de peu de valeur thérapeutique, les restes réduits en poudre étant utilisés dans des problèmes digestifs.
Aux XVe et XVIe siècles, la momie aurait été utilisée par de hautes personnalités dont le roi de France François Ier. […]
L’utilisation de la momie à des fins thérapeutiques
C’est principalement au cours des XVIe et XVIIe siècles que les momies égyptiennes, puis les cadavres embaumés bien plus atrd – en Egypte ou ailleurs – ont été utilisés comme remède. Les momies égyptiennes venaient principalement d’Alexandrie, transitaient par Venise et Lyon, avant d’être vendues dans toute l’Europe. […]
Indications et formes de la momie artificielle
L’utilisation de la momie artificielle, à côté de celle de la momie naturelle, paraît établie dès le Moyen Age (voir plus haut) ; Guy de Chauliac (1300-1367), médecin du pape Clément VI en Avignon et chirurgien, décrivit l’effet coagulant de la momie artificielle.
Les ouvrages médicaux des XVIe au XIXe siècle nous donnent de nombreux exemples de l’usage de la momie artificielle, par voies externe et internet, en France, Italie, Angleterre et Allemagne. Selon Pierre Belon (1553), aucune marchandise étrangère n’était traitée avec plus de soin que les corps embaumés (« condita cadavera » des Egyptiens et des Juifs, considérés qu’ils étaient comme le « meilleur médicament ». François Ier croyait lui aussi à ses vertus : il ne craignait aucun accident lorsqu’il portait sur lui un peu de poudre de momie mélangée à de la rhubarbe. Les courtisans l’imitèrent qui, dans toutes les chasses, voyages ou autres entreprises, emportaient un petit sac contenant un fragment de momie ou un produit considéré comme équivalent. En cas d’accident, il suffisait de mêler ce produit à du vin et de l’avaler. La momie à cette époque était à la fois amulette et remède. De manière générale, elle protégeait des calamités, apaisait les douleurs, dissolvait les caillots sanguins et, mêlée à un onguent, constituait un emplâtre approprié dans les hémorragies, les luxations, les fractures et les traumas abdominaux. Paracelse l’introduisait dans des prescriptions pour traiter des blessures et la conseillait aussi pour soigner la goutte.
Comme pour l’asphalte, le domaine des applications est très large : si certains auteurs la réservent à la gynécologie (prolapsus utérin), d’autres l’utilisent dans les empoisonnements, les maladies infectieuses, les rhumatismes, les hémorragies internes, les affections pulmonaires, cardiaques et digestives, les thromboses et les embolies, mais aussi dans les paralysies, l’épilepsie et l’apoplexie … »
Utilisation des momies de l’antiquité à l’aube du XXe siècle Anne Godefraind-De Becker (in Revue des questions scientifiques)
Cette poudre de momie sert en effet à soigner un grand nombre de maladies et blessures :
« Dès l’époque impériale, on commença à exporter la momie en vue de préparer des philtres magiques, puis les Arabes, puis les Occidentaux l’introduisirent dans leur pharmacopées sous le nom de mumia Et ce fut, tout au long du Moyen Age, un formidable engouement pour cet extraordinaire remède, jugé indispensable à l’efficacité d’une multitude de préparations. […]
D’après le Traicté de la chymie de Lefebvre, publié en 1600 à Paris, on distinguait quatre qualités de mumies, classées suivant provenances ; la plus estimée – suave liqueur qui s’administrait per os -, atteignait des prix exorbitants. »
Mumia / Eugène-Humbert Guitard (in Revue d’histoire de la pharmacie)
« La médecine arabe (notamment celle d’Avicenne, 980-1037) usait couramment de la mummia (poudre de momie) contre de nombreuses maladies (céphalées, paralysie, maux de gorge, fracture, nausée, tuberculose, etc.). Plus tard, Paracelse (de son vrai nom Philippus Théophrastus Bombastus von Hohenheim, 1493-1541) et Gerolamo Cardano (1501-1571) la considérèrent comme un puissant hémostatique. […]
Une véritable industrie de prodution de mummia voit le jour au XVe siècle en Egypte, autrement dit une véritable « industrie » de fouilles de nécropoles et de réduction en poudre des restes momifiés, qu’ils soient humains ou animaux. En 1462, à Alexandrie, on vend de la mummia ving-cinq écus d’or le quintal ! […]
L’utilisation des cadavres, anciens ou récents, est particulièrement fréquente au XVIIIe siècle, comme on peut le voir par exemple dans le traité de médecine intitulé Nouveau recueil des plus beaux secrets de la Médecine (sans nom d’auteur, chez Pierre Ribou, Parisn 1713) :
« Vertus de la Mumie : la Mumies, ou Mommie, est une drogue médicinale mêmée de bitume et de poix découlant des montagnes et forêts de l’Arabie ou autres pays chauds de l’Orient. La Mumie est bonne au tournoiement de tête, aux passions du cœur ; elle est très excellente pour le haut mal : mais il la faut mêler avec de la terre sigillée. Elle guérit les vieilles douleurs de tête les plus opiniâtres ; il faut l’appliquer au nez et elle les dissout ; elle étanche le sang et fait grand bien aux exulcérations intérieurs. » »
Médecin des morts : récits de paléopathologie / Philippe Charlier
« De l’autre côté de la Méditerranée, à partir de la Renaissance, la fascination pour les momies n’était pas moins grande. On les importait massivement en Occident, où, généralement réduites en poudre, elles étaient utilisées comme une sorte de panacée, remède notamment de jouvence, dont ne se séparaient jamais les Grands de ce monde, tels François Ier ou Catherine de Médicis. Le célèbre médecin français du XVIe siècle Ambroise Paré dut d’ailleurs rédiger un Discours contre la momie afin d’essayer d’enrayer cet engouement aussi déraisonnable que répandu. Les collections particulières appelées « cabinets de curiosités » se devaient par ailleurs d’exposer une momie dans son sarcophage, comme chez le peintre flamand Rubens ou dans l’antichambre du bureau du surintendant Fouquet, d’après la description qu’en livre Jean de La Fontaine, lui aussi grand amateur de poudre de momie. »
« Les momies ont des pouvoirs surnaturels » / in L’Egypte pharaonique – Dimitri Laboury
« En 1580, Ambroise Paré surprend le seigneur des Ursins en lui refusant, après une grave chute de cheval, le remède que prescrivent pourtant tous ses confrères en cas de contusion : la poudre de momie. A l’époque, en effet, médecins et patients supposent que les substances qui ont préservé de la putréfaction les corps embaumés par les prêtres égyptiens protègent le sang des blessés et évitent qu’après un choc violent, il ne se répande ou ne se "congèle" en caillots à l’intérieur du corps. Paré lui expose son opinion et le convainc si bien que Des Ursins l’incite à publier sur ce sujet.
Pour ce traité, paru en 1582, Paré s’informe sur les procédés de momification en lisant Hérodote et Strabon : "Quelle bonne viande !", ironise-t-il. Il a aussi interrogé le médecin Guy de La Fontaine, de retour d’un voyage en Egypte : les momies que l’on envoie en France sont bien souvent préparées en trois mois dans des arrière-boutiques avec des cadavres d’esclaves, parfois morts de peste, de vérole ou de lèpre. La fraude serait même installée à Paris, où des commerçants sans scrupule attendraient la nuit pour décrocher du gibet des corps de condamnés. Paré en conclut que la poudre de momie "peut beaucoup plus nuire que aider" :
"A cette cause je proteste de jamais n’en ordonner, ni permettre à aucun en prendre, s’il m’est possible." »
La poudre de momie / Guylaine Pineau (in Ambroise Paré : chirurgien et écrivain français)
Pour en savoir plus sur l’utilisation des momies, vous pouvez consulter cette précédente réponse du Guichet du Savoir : Les momies ont-elles servies de combustibles pour les trains.
La campagne d’Egypte menée par Napoléon Bonaparte en 1798 lance une véritable « égyptomanie » en France !
« Si le phénomène existe dans tout le monde occidental, la France et l'Angleterre ont toujours eu une relation particulière avec l'Egypte depuis la campagne de Bonaparte. Mais l'égyptomanie a commencé bien avant. Elle est présente dès le XVIe siècle : à Fontainebleau, on peut voir une porte égyptienne de cette époque, et au château de la Bastie d'Urfé à Saint-Etienne-le-Molard (Loire), un sphinx égyptien. […]
Quel rôle a joué la campagne de Bonaparte ?
Bien évidemment, elle a relancé la mode. Dominique-Vivant Denon a eu une double intuition : il est revenu d'Egypte parmi les premiers, a publié un livre sur son voyage, accompagné d'un volume de dessins. C'était écrit d'une manière tellement moderne que ça a été un succès de librairie fantastique, traduit dans la plupart des pays européens. On y trouve les premiers relevés détaillés des tombes et des frises décoratives. Sa deuxième intuition a été de transformer en succès politique et scientifique cet échec militaire. Denon et l'Egypte jouent de ce fait un rôle fondamental dans la constitution du mythe de Napoléon. C'est ainsi qu'on a vu apparaître à Paris des monuments à l'égyptienne comme la fameuse fontaine du Fellah rue de Sèvres, ou celle du Châtelet. Isis devient la patronne de Paris, elle apparaît sur les armes de la capitale, orne l'un des frontons du Louvre. Très vite, l'Egypte s'est répandue dans les décors intérieurs, dans le mobilier, dans les services de table de Sèvres. »
« L’égyptomanie remonte au XVIe siècle » / Sylvie Briet (in Libération)
« L'égyptomanie se répand considérablement dès la fin du XVIIIe siècle avec cette trilogie obligée: sphinx, pyramide et obélisque. On trouve ces derniers monuments dans les jardins de Montceau et de Bagatelle. Les sphinx se multiplient dans la ville. On trouve aussi des lions, des colonnes palmiformes... L'utilisation est décorative, mais aussi ésotérique ou politique. La Révolution va accroître le phénomène. Paradoxalement, les révolutionnaires s'emparent des pyramides et obélisques alors que pharaon symbolise l'absolutisme. Parmi les réalisations les plus spectaculaires de l'époque figure la fontaine de la Régénération, édifiée place de la Bastille en 1793. Ensuite bien sûr, c'est l'Empire et la manière dont Vivant Denon va récupérer la catastrophique campagne d'Egypte pour constituer le mythe napoléonien. Sur les quinze fontaines commanditées par l'empereur parce que Paris manquait d'eau, cinq sont d'inspiration égyptienne, la plus célèbre étant située place du Châtelet.
Les parisiens ont pu voir le parc égyptien aménagé sous la direction d'Auguste Mariette à l'Exposition universelle de 1867, une rue du Caire à celle de 1889, le "Palais de l'Egypte" en 1900, et le pavillon du canal de Suez à l'Exposition coloniale de 1931. Luna Park possédait sa crypte des pharaons. Les "montagnes égyptiennes" concurrençaient dans les parcs les "montagnes russes". Plus tard, la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1922 a relancé une mode déjà existante. On se souvient du succès de son exposition au Grand-Palais en 1967. Nous avons aujourd'hui la pyramide du Louvre, le "monument aux droits de l'homme" conçu par Yvan Theimer à l'occasion du bicentenaire de la Révolution et, bien sûr, les collections égyptiennes du Louvre. »
Par Isis et Bélénos, la France en proie à l’égyptomanie / Dominique Widemann (in L’Humanité)
Toutefois, nous n’avons trouvé aucune source n’attestant de l’utilisation de poudre de momie par Napoléon Bonaparte.
Bonne journée
Dès le Moyen Age, les momies sont utilisées dans la thérapeutique, notamment sous forme de poudre – la « mumia » ou « moumiah » :
« Si on met de côté les brèves incursions des croisés au xiiie siècle, c'est surtout à partir du xve siècle que les Européens viennent en Égypte et dans le même temps découvrent cette pratique étrange [celle de momifier les corps ndlr]. […]
C'est à cette époque que se développe une véritable industrie celle de la « mumia » : les momies sont réduites en une poudre qui est mélangée à d'autres ingrédients pour constituer un remède très utilisé dans la pharmacopée. Comme le rapporte le voyageur Christophe Harant en 1598, « le roi François, premier de ce nom, ne voyageait pas sans un morceau de momie ». Ce produit va être en usage jusqu'au début du xixe siècle.»
Momies : Egypte / Françoise Dunand et Roger Lichtenberg (in Encyclopaedia Universalis)
« Pendant le Moyen Age (de +/-800 à +/-1300), la momie est un produit similaire à l’asphalte. […]
A la fin du Moyen Age, on commence à propose comme médicaments de la momie naturelle et de la momie artificielle. […]
A cette époque déjà, les médecins égyptiens classaient les momies – on remarquera qu’il s’agit ici de cadavres préservés d’une manière ou d’une autre – en quatre catégories :
- Les momies dites « arabiques », préparées avec de l’aloès, du baume et de la myrrhe ;
- Les momies dites « égyptiennes », conservées dans le bitume qui sont celles des gens du peuple ;
- Les momies dites « égyptiennes artificielles », qui n’ont rien à voir avec les « vraies momies » puisqu’elles sont simplement traitées par un mélange de poix et d’épices ;
- Les corps naturellement momifiés par ensevelissement et dessèchement dans le sable.
Les trois première catégories seront largement exportées vers l’Europe, où elles entreront dans la composition de nombreuses préparations médicinales destinées à traiter une variété de maux ; on en extrayait notamment des huiles par ébullition. La quatrième catégorie paraît avoir été de peu de valeur thérapeutique, les restes réduits en poudre étant utilisés dans des problèmes digestifs.
Aux XVe et XVIe siècles, la momie aurait été utilisée par de hautes personnalités dont le roi de France François Ier. […]
C’est principalement au cours des XVIe et XVIIe siècles que les momies égyptiennes, puis les cadavres embaumés bien plus atrd – en Egypte ou ailleurs – ont été utilisés comme remède. Les momies égyptiennes venaient principalement d’Alexandrie, transitaient par Venise et Lyon, avant d’être vendues dans toute l’Europe. […]
L’utilisation de la momie artificielle, à côté de celle de la momie naturelle, paraît établie dès le Moyen Age (voir plus haut) ; Guy de Chauliac (1300-1367), médecin du pape Clément VI en Avignon et chirurgien, décrivit l’effet coagulant de la momie artificielle.
Les ouvrages médicaux des XVIe au XIXe siècle nous donnent de nombreux exemples de l’usage de la momie artificielle, par voies externe et internet, en France, Italie, Angleterre et Allemagne. Selon Pierre Belon (1553), aucune marchandise étrangère n’était traitée avec plus de soin que les corps embaumés (« condita cadavera » des Egyptiens et des Juifs, considérés qu’ils étaient comme le « meilleur médicament ». François Ier croyait lui aussi à ses vertus : il ne craignait aucun accident lorsqu’il portait sur lui un peu de poudre de momie mélangée à de la rhubarbe. Les courtisans l’imitèrent qui, dans toutes les chasses, voyages ou autres entreprises, emportaient un petit sac contenant un fragment de momie ou un produit considéré comme équivalent. En cas d’accident, il suffisait de mêler ce produit à du vin et de l’avaler. La momie à cette époque était à la fois amulette et remède. De manière générale, elle protégeait des calamités, apaisait les douleurs, dissolvait les caillots sanguins et, mêlée à un onguent, constituait un emplâtre approprié dans les hémorragies, les luxations, les fractures et les traumas abdominaux. Paracelse l’introduisait dans des prescriptions pour traiter des blessures et la conseillait aussi pour soigner la goutte.
Comme pour l’asphalte, le domaine des applications est très large : si certains auteurs la réservent à la gynécologie (prolapsus utérin), d’autres l’utilisent dans les empoisonnements, les maladies infectieuses, les rhumatismes, les hémorragies internes, les affections pulmonaires, cardiaques et digestives, les thromboses et les embolies, mais aussi dans les paralysies, l’épilepsie et l’apoplexie … »
Utilisation des momies de l’antiquité à l’aube du XXe siècle Anne Godefraind-De Becker (in Revue des questions scientifiques)
Cette poudre de momie sert en effet à soigner un grand nombre de maladies et blessures :
« Dès l’époque impériale, on commença à exporter la momie en vue de préparer des philtres magiques, puis les Arabes, puis les Occidentaux l’introduisirent dans leur pharmacopées sous le nom de mumia Et ce fut, tout au long du Moyen Age, un formidable engouement pour cet extraordinaire remède, jugé indispensable à l’efficacité d’une multitude de préparations. […]
D’après le Traicté de la chymie de Lefebvre, publié en 1600 à Paris, on distinguait quatre qualités de mumies, classées suivant provenances ; la plus estimée – suave liqueur qui s’administrait per os -, atteignait des prix exorbitants. »
Mumia / Eugène-Humbert Guitard (in Revue d’histoire de la pharmacie)
« La médecine arabe (notamment celle d’Avicenne, 980-1037) usait couramment de la mummia (poudre de momie) contre de nombreuses maladies (céphalées, paralysie, maux de gorge, fracture, nausée, tuberculose, etc.). Plus tard, Paracelse (de son vrai nom Philippus Théophrastus Bombastus von Hohenheim, 1493-1541) et Gerolamo Cardano (1501-1571) la considérèrent comme un puissant hémostatique. […]
Une véritable industrie de prodution de mummia voit le jour au XVe siècle en Egypte, autrement dit une véritable « industrie » de fouilles de nécropoles et de réduction en poudre des restes momifiés, qu’ils soient humains ou animaux. En 1462, à Alexandrie, on vend de la mummia ving-cinq écus d’or le quintal ! […]
L’utilisation des cadavres, anciens ou récents, est particulièrement fréquente au XVIIIe siècle, comme on peut le voir par exemple dans le traité de médecine intitulé Nouveau recueil des plus beaux secrets de la Médecine (sans nom d’auteur, chez Pierre Ribou, Parisn 1713) :
« Vertus de la Mumie : la Mumies, ou Mommie, est une drogue médicinale mêmée de bitume et de poix découlant des montagnes et forêts de l’Arabie ou autres pays chauds de l’Orient. La Mumie est bonne au tournoiement de tête, aux passions du cœur ; elle est très excellente pour le haut mal : mais il la faut mêler avec de la terre sigillée. Elle guérit les vieilles douleurs de tête les plus opiniâtres ; il faut l’appliquer au nez et elle les dissout ; elle étanche le sang et fait grand bien aux exulcérations intérieurs. » »
Médecin des morts : récits de paléopathologie / Philippe Charlier
« De l’autre côté de la Méditerranée, à partir de la Renaissance, la fascination pour les momies n’était pas moins grande. On les importait massivement en Occident, où, généralement réduites en poudre, elles étaient utilisées comme une sorte de panacée, remède notamment de jouvence, dont ne se séparaient jamais les Grands de ce monde, tels François Ier ou Catherine de Médicis. Le célèbre médecin français du XVIe siècle Ambroise Paré dut d’ailleurs rédiger un Discours contre la momie afin d’essayer d’enrayer cet engouement aussi déraisonnable que répandu. Les collections particulières appelées « cabinets de curiosités » se devaient par ailleurs d’exposer une momie dans son sarcophage, comme chez le peintre flamand Rubens ou dans l’antichambre du bureau du surintendant Fouquet, d’après la description qu’en livre Jean de La Fontaine, lui aussi grand amateur de poudre de momie. »
« Les momies ont des pouvoirs surnaturels » / in L’Egypte pharaonique – Dimitri Laboury
« En 1580, Ambroise Paré surprend le seigneur des Ursins en lui refusant, après une grave chute de cheval, le remède que prescrivent pourtant tous ses confrères en cas de contusion : la poudre de momie. A l’époque, en effet, médecins et patients supposent que les substances qui ont préservé de la putréfaction les corps embaumés par les prêtres égyptiens protègent le sang des blessés et évitent qu’après un choc violent, il ne se répande ou ne se "congèle" en caillots à l’intérieur du corps. Paré lui expose son opinion et le convainc si bien que Des Ursins l’incite à publier sur ce sujet.
Pour ce traité, paru en 1582, Paré s’informe sur les procédés de momification en lisant Hérodote et Strabon : "Quelle bonne viande !", ironise-t-il. Il a aussi interrogé le médecin Guy de La Fontaine, de retour d’un voyage en Egypte : les momies que l’on envoie en France sont bien souvent préparées en trois mois dans des arrière-boutiques avec des cadavres d’esclaves, parfois morts de peste, de vérole ou de lèpre. La fraude serait même installée à Paris, où des commerçants sans scrupule attendraient la nuit pour décrocher du gibet des corps de condamnés. Paré en conclut que la poudre de momie "peut beaucoup plus nuire que aider" :
"A cette cause je proteste de jamais n’en ordonner, ni permettre à aucun en prendre, s’il m’est possible." »
La poudre de momie / Guylaine Pineau (in Ambroise Paré : chirurgien et écrivain français)
Pour en savoir plus sur l’utilisation des momies, vous pouvez consulter cette précédente réponse du Guichet du Savoir : Les momies ont-elles servies de combustibles pour les trains.
La campagne d’Egypte menée par Napoléon Bonaparte en 1798 lance une véritable « égyptomanie » en France !
« Si le phénomène existe dans tout le monde occidental, la France et l'Angleterre ont toujours eu une relation particulière avec l'Egypte depuis la campagne de Bonaparte. Mais l'égyptomanie a commencé bien avant. Elle est présente dès le XVIe siècle : à Fontainebleau, on peut voir une porte égyptienne de cette époque, et au château de la Bastie d'Urfé à Saint-Etienne-le-Molard (Loire), un sphinx égyptien. […]
Bien évidemment, elle a relancé la mode. Dominique-Vivant Denon a eu une double intuition : il est revenu d'Egypte parmi les premiers, a publié un livre sur son voyage, accompagné d'un volume de dessins. C'était écrit d'une manière tellement moderne que ça a été un succès de librairie fantastique, traduit dans la plupart des pays européens. On y trouve les premiers relevés détaillés des tombes et des frises décoratives. Sa deuxième intuition a été de transformer en succès politique et scientifique cet échec militaire. Denon et l'Egypte jouent de ce fait un rôle fondamental dans la constitution du mythe de Napoléon. C'est ainsi qu'on a vu apparaître à Paris des monuments à l'égyptienne comme la fameuse fontaine du Fellah rue de Sèvres, ou celle du Châtelet. Isis devient la patronne de Paris, elle apparaît sur les armes de la capitale, orne l'un des frontons du Louvre. Très vite, l'Egypte s'est répandue dans les décors intérieurs, dans le mobilier, dans les services de table de Sèvres. »
« L’égyptomanie remonte au XVIe siècle » / Sylvie Briet (in Libération)
« L'égyptomanie se répand considérablement dès la fin du XVIIIe siècle avec cette trilogie obligée: sphinx, pyramide et obélisque. On trouve ces derniers monuments dans les jardins de Montceau et de Bagatelle. Les sphinx se multiplient dans la ville. On trouve aussi des lions, des colonnes palmiformes... L'utilisation est décorative, mais aussi ésotérique ou politique. La Révolution va accroître le phénomène. Paradoxalement, les révolutionnaires s'emparent des pyramides et obélisques alors que pharaon symbolise l'absolutisme. Parmi les réalisations les plus spectaculaires de l'époque figure la fontaine de la Régénération, édifiée place de la Bastille en 1793. Ensuite bien sûr, c'est l'Empire et la manière dont Vivant Denon va récupérer la catastrophique campagne d'Egypte pour constituer le mythe napoléonien. Sur les quinze fontaines commanditées par l'empereur parce que Paris manquait d'eau, cinq sont d'inspiration égyptienne, la plus célèbre étant située place du Châtelet.
Les parisiens ont pu voir le parc égyptien aménagé sous la direction d'Auguste Mariette à l'Exposition universelle de 1867, une rue du Caire à celle de 1889, le "Palais de l'Egypte" en 1900, et le pavillon du canal de Suez à l'Exposition coloniale de 1931. Luna Park possédait sa crypte des pharaons. Les "montagnes égyptiennes" concurrençaient dans les parcs les "montagnes russes". Plus tard, la découverte du tombeau de Toutankhamon en 1922 a relancé une mode déjà existante. On se souvient du succès de son exposition au Grand-Palais en 1967. Nous avons aujourd'hui la pyramide du Louvre, le "monument aux droits de l'homme" conçu par Yvan Theimer à l'occasion du bicentenaire de la Révolution et, bien sûr, les collections égyptiennes du Louvre. »
Par Isis et Bélénos, la France en proie à l’égyptomanie / Dominique Widemann (in L’Humanité)
Toutefois, nous n’avons trouvé aucune source n’attestant de l’utilisation de poudre de momie par Napoléon Bonaparte.
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