Question d'origine :
Bonjour,
Je prépare une thèse sur la pauvreté en Haut-Dauphiné de 1620 à 1800. A ce titre, je travaille notamment sur les relations entre les seigneurs et les hôpitaux de campagne qui assistaient les pauvres. Or, un document d'une communauté des Baronnies fait état des biens qu'un seigneur engagiste aurait concédé aux pauvres de cette communauté.
J'ai trouvé la définition de seigneur engagiste dans le Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles de Marcel Marion. Mais pourriez-vous me dire ce que cela implique au niveau de cette communauté: par exemple, si le seigneur de celle-ci était trop éloigné et avait délégué ses pouvoirs à un seigneur engagiste afin d'avoir plus de revenus; ou s'il y avait une autre raison.
Je vous remercie pour votre aide.
Cordialement
F. Pellas.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 11/02/2017 à 15h47
Bonjour,
Il semble que l’on ne puisse se contenter de la définition du Dictionnaire des institutions de la France de Marcel Marion pour comprendre ce qu’est l’engagement, qui semble avoir été une réalité complexe.
Autre définition, brève elle aussi du Dictionnaire de l’Ancien Régime, sous la dir. de Robert Muchembled :
« Engagement : cession temporaire de terres ou de droits relevant du Domaine royal à un engagiste en échange d’une somme d’argent, le roi se réservant seulement les droits relevant de la justice et de la souveraineté. Il s’agissait en fait d’une vente déguisée, viagère (engagement à vie) ou assortie d’une clause de rachat perpétuel, pour respecter le principe d’inaliénabilité du royaume ».
Les domaines peuvent donc appartenir au roi (c’est le cas dans la plupart des exemples que nous avons trouvé) et l’engagiste en est le locataire et en a en quelque sorte l’usufruit. Le roi se sert de ses domaines comme gage pour obtenir de l’argent.
L’article Engagement du domaine de la couronne, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des arts, Denis Diderot, en ligne sur Google Livres ou dans d’ autres versions est plus détaillé que l’article Engagement d’un bien (même si l'on y apprend les subtilités de l'antichrèse et du contrat pignoratif ) et permet peut-être de mieux comprendre une forme de l’engagement.
En voici des extraits ci-dessous :
« L’Engagement du Domaine de la Couronne, est un contrat par lequel le roi cede à quelqu'un un immeuble dépendant de son domaine, sous la faculté de pouvoir lui & ses successeurs, le racheter à perpétuité toutes fois & quantes que bon leur semblera.[…]
L'engagiste peut pendant sa joüissance sous - inféoder, ou donner à cens ou rente quelque portion du domaine qu'il tient par engagement: mais en cas de rachat de la part du roi, toutes ces aliénations faites par l'engagiste sont révoquées, & le domaine rentre franc de toute hypotheque de l'engagiste.
Cependant jusqu'au rachat, l'engagiste peut disposer comme bon lui semble du domaine; il est considéré comme propre dans sa succession; le fils aîné y prend son droit d'aînesse; le domaine engagé peut être vendu par l'engagiste, ses héritiers ou ayans cause; il peut être saisi & decreté sur eux: mais tout cela ne préjudicie point au rachat.
Tant que l'engagement subsiste, l'engagiste doit acquitter les charges du domaine; telles que les gages des officiers, & autres prestations annuelles, pour fondation ou autrement, entretenir les bâtimens, prisons, ponts, chemins, chaussées, fournir le pain des prisonniers, payer les frais de leur transport, & généralement tous les frais des procès criminels où il n'y a point de partie civile; gages d'officiers, rentes, revenant - bons, décharges & épices des comptes des domaines: mais cet édit n'a pas été par - tout pleinement exécuté. L'édit d'Octobre 1705 a ordonné que les engagistes rembourseroient les charges locales, telles que le payement des fiefs & aumônes; à l'effet de quoi il est obligé d'en remettre le fonds au receveur des domaines & bois, lequel rapporte au jugement de son compte, les pièces justificatives de l'acquittement desdites charges. »
Voir aussi les articles Engagement de l’ Encyclopédie méthodique : jurisprudence et Engagistes du Dictionnaire de droit et de pratique, Claude Joseph de Ferrière
C’est donc bien pour des raisons financières que le roi engage ainsi ses domaines, avec une accentuation au XVIIIe, comme le dit Jérôme Rojon dans sa thèse L’industrialisation du Bas-Dauphiné : le cas du textile (fin XVIIIe siècle à 1914).
« Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le roi et ses agents cherchent à augmenter les revenus en provenance du Domaine royal. À cette fin, ils sollicitent de nouveaux seigneurs engagistes pour exploiter des terres domaniales en Bas-Dauphiné et pour verser des redevances toujours plus élevées, ces dernières retombant en fin de compte sur les paysans. En effet, pour se rembourser, le seigneur engagiste se retourne contre les paysans, en tentant par exemple de restreindre leurs droits d’usage et leurs empiètements ».
Source : Page Seigneurie et communauté, en ligne
Pour ce qui est du cas précis dont vous parlez, difficile de vous en dire plus sans connaître le nom de cette communauté des Baronnies, mais il semble en résumé que l’engagement des terres était une pratique courante, qui permettait "d’emprunter" de l’argent, et sans doute utile aussi pour les seigneurs qui disposaient de plusieurs domaines et pouvaient ainsi les faire entretenir par les seigneurs engagés.
Bonnes lectures !
Il semble que l’on ne puisse se contenter de la définition du Dictionnaire des institutions de la France de Marcel Marion pour comprendre ce qu’est l’engagement, qui semble avoir été une réalité complexe.
Autre définition, brève elle aussi du Dictionnaire de l’Ancien Régime, sous la dir. de Robert Muchembled :
« Engagement : cession temporaire de terres ou de droits relevant du Domaine royal à un engagiste en échange d’une somme d’argent, le roi se réservant seulement les droits relevant de la justice et de la souveraineté. Il s’agissait en fait d’une vente déguisée, viagère (engagement à vie) ou assortie d’une clause de rachat perpétuel, pour respecter le principe d’inaliénabilité du royaume ».
Les domaines peuvent donc appartenir au roi (c’est le cas dans la plupart des exemples que nous avons trouvé) et l’engagiste en est le locataire et en a en quelque sorte l’usufruit. Le roi se sert de ses domaines comme gage pour obtenir de l’argent.
L’article Engagement du domaine de la couronne, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des arts, Denis Diderot, en ligne sur Google Livres ou dans d’ autres versions est plus détaillé que l’article Engagement d’un bien (même si l'on y apprend les subtilités de l'antichrèse et du contrat pignoratif ) et permet peut-être de mieux comprendre une forme de l’engagement.
En voici des extraits ci-dessous :
« L’Engagement du Domaine de la Couronne, est un contrat par lequel le roi cede à quelqu'un un immeuble dépendant de son domaine, sous la faculté de pouvoir lui & ses successeurs, le racheter à perpétuité toutes fois & quantes que bon leur semblera.[…]
L'engagiste peut pendant sa joüissance sous - inféoder, ou donner à cens ou rente quelque portion du domaine qu'il tient par engagement: mais en cas de rachat de la part du roi, toutes ces aliénations faites par l'engagiste sont révoquées, & le domaine rentre franc de toute hypotheque de l'engagiste.
Cependant jusqu'au rachat, l'engagiste peut disposer comme bon lui semble du domaine; il est considéré comme propre dans sa succession; le fils aîné y prend son droit d'aînesse; le domaine engagé peut être vendu par l'engagiste, ses héritiers ou ayans cause; il peut être saisi & decreté sur eux: mais tout cela ne préjudicie point au rachat.
Tant que l'engagement subsiste, l'engagiste doit acquitter les charges du domaine; telles que les gages des officiers, & autres prestations annuelles, pour fondation ou autrement, entretenir les bâtimens, prisons, ponts, chemins, chaussées, fournir le pain des prisonniers, payer les frais de leur transport, & généralement tous les frais des procès criminels où il n'y a point de partie civile; gages d'officiers, rentes, revenant - bons, décharges & épices des comptes des domaines: mais cet édit n'a pas été par - tout pleinement exécuté. L'édit d'Octobre 1705 a ordonné que les engagistes rembourseroient les charges locales, telles que le payement des fiefs & aumônes; à l'effet de quoi il est obligé d'en remettre le fonds au receveur des domaines & bois, lequel rapporte au jugement de son compte, les pièces justificatives de l'acquittement desdites charges. »
Voir aussi les articles Engagement de l’ Encyclopédie méthodique : jurisprudence et Engagistes du Dictionnaire de droit et de pratique, Claude Joseph de Ferrière
C’est donc bien pour des raisons financières que le roi engage ainsi ses domaines, avec une accentuation au XVIIIe, comme le dit Jérôme Rojon dans sa thèse L’industrialisation du Bas-Dauphiné : le cas du textile (fin XVIIIe siècle à 1914).
« Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le roi et ses agents cherchent à augmenter les revenus en provenance du Domaine royal. À cette fin, ils sollicitent de nouveaux seigneurs engagistes pour exploiter des terres domaniales en Bas-Dauphiné et pour verser des redevances toujours plus élevées, ces dernières retombant en fin de compte sur les paysans. En effet, pour se rembourser, le seigneur engagiste se retourne contre les paysans, en tentant par exemple de restreindre leurs droits d’usage et leurs empiètements ».
Source : Page Seigneurie et communauté, en ligne
Pour ce qui est du cas précis dont vous parlez, difficile de vous en dire plus sans connaître le nom de cette communauté des Baronnies, mais il semble en résumé que l’engagement des terres était une pratique courante, qui permettait "d’emprunter" de l’argent, et sans doute utile aussi pour les seigneurs qui disposaient de plusieurs domaines et pouvaient ainsi les faire entretenir par les seigneurs engagés.
Bonnes lectures !
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