Question d'origine :
Qu'est-ce que la psychologie philosophique et linguistique? J'ai cru entendre que c'était une psychologie spécifique à Oxford. Où tout du moins étudié là bas. Merci d'avance de votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/02/2017 à 15h52
Bonjour,
Impossible de trouver à Oxford un enseignement de «psychologie philosophique et linguistique ».
On trouve en revanche sur le Bachelors portal un diplôme de Psychology, philosophy et linguistics qui correspond peut-être à ce dont vous avez entendu parler.
Sur le site de l’Université d’Oxford, voici sa présentation :
"BA in Psychology, Philosophy & Linguistics
There are close connections between all three subjects of Psychology, Philosophy and Linguistics, so studying them together makes a lot of sense.
Psychology, Philosophy & Linguistics
Students apply to study two out of these three subjects:
• Psychology
• Philosophy
• Linguistics
In exceptional circumstances it is possible to study all three subjects together, with college approval, once you have commenced your studies with us.
[...]
What is Psychology, Philosophy and Linguistics ?
Psychology includes subjects as diverse as social interaction, learning, child development, schizophrenia and information processing. Philosophy is concerned with a wide range of questions including ethics, knowledge and the nature of mind. Linguistics is the study of language in all its aspects, including the structure of languages, meaning (semantics), how children learn language, pronunciation, and how people understand, mentally represent and generate language."
Vous trouverez en pièces jointes les programmes de ces enseignements.
Il semble donc que les trois matières soient plutôt enseignées séparément, même si les thèmes étudiés en philosophie et en psychologie (neurosciences, psychologie cognitive, philosophie de l’esprit, épistémologie etc.) sont à l’évidence ceux qui concernent aussi l’étude du langage et donc la linguistique.
Voici un large extrait de l’article Linguistique : le langage au carrefour des disciplines de l’Encyclopédie Universalis consultable en ligne sur les postes de la BML ou à distance pour les abonnés. Il présente un résumé clair des interrogations sur le langage, et permet de comprendre l’importance des théories anglo-saxonnes dans le développement de disciplines comme la psycholinguistique, et plus largement (voir la suite de l’article) la philosophie de l’esprit, les neurosciences et l’ensemble des sciences cognitives.
« Le langage, objet complexe et multiforme, n'est pas l'apanage du linguiste. Nombre d'autres disciplines y sont confrontées : philosophie, psychologie, psychanalyse, neurophysiologie, sociologie, ethnologie, anthropologie, littérature, mais aussi mathématiques, logique, physique, informatique ; on peut dire que tous les grands secteurs scientifiques et techniques, depuis les sciences de l'homme et de la société jusqu'aux sciences de l'ingénieur, en passant par les sciences du vivant, sont convoqués par l'étude du langage et ses applications, et croisent de ce fait la réflexion linguistique.
Le langage peut en effet être abordé en tant que faculté spécifique de l'espèce humaine, ou bien en tant que phénomène social, mais aussi comme code oral ou écrit et comme mode d'inscription des textes (notamment littéraires), ou encore comme matière à applications techniques.
1. Le langage, faculté de l'espèce humaine
La faculté de langage, qui se traduit par la maîtrise d'une ou plusieurs langues, est propre à l'espèce humaine. Aucun autre être vivant ne parle véritablement. La faculté de langage implique en effet la capacité d'articuler des sons en les reliant à des significations, une maîtrise de la pensée abstraite et réflexive, et une créativité permettant de produire et de comprendre un nombre infini de phrases nouvelles : toutes aptitudes dont les abeilles aussi bien que les perroquets sont totalement dépourvus, et que même les chimpanzés (dont les performances dites linguistiques se heurtent très vite à des limites indépassables) semblent incapables d'acquérir.
Il y a là matière à réflexion philosophique : quelles sont les conditions de possibilité du langage humain, en quoi caractérise-t-il le fait d'être homme, quelles relations existe-t-il entre le langage et la pensée ? Ces questions, qui concernent aussi le neurobiologiste et le psychologue, sont typiquement de celles sur lesquelles se penche la philosophie du langage – en particulier la tradition phénoménologique issue de Husserl, qui insiste sur le rôle que jouent la conscience et l'« intentionnalité » dans l'activité de langage. Notons au passage que le champ de la philosophie du langage est loin d'être clairement délimité, et que l'on trouve également sous cette dénomination des travaux de nature diverse, portant par exemple sur la conception du langage chez tel ou tel philosophe, sur les relations entre logique et langage, sur le rapport entre les expressions du « langage ordinaire » et la méthode philosophique, ou encore sur la philosophie de la linguistique.
De leur côté, la psycholinguistique et la neurolinguistique tentent de comprendre comment le langage fonctionne chez les sujets humains, et comment il peut aussi présenter des dysfonctionnements.
•La psycholinguistique
La psycholinguistique s'intéresse aux processus psychologiques qui sous-tendent la production et la compréhension du langage, ainsi qu'aux modalités d'acquisition du langage, d'apprentissage de la langue maternelle et des langues secondes, et au phénomène de bilinguisme. Les théories psycholinguistiques ont connu trois grandes étapes historiques. La première, dans les années 1950, liée au structuralisme, empruntait au behaviorisme (Skinner) et à la cybernétique (Shannon). La deuxième, dans les années 1960, était dominée par le modèle de la grammaire générative (Chomsky). Enfin la troisième (à partir des années 1970), beaucoup plus diversifiée, s'est intéressée aux processus cognitifs en jeu, cherchant à caractériser les opérations sous-jacentes au traitement de l'information à travers les différents composants, ou « modules », de la langue : phonologique, lexical, syntaxique, sémantique, pragmatique.
Les débats qui traversent la psycholinguistique rejoignent les grandes questions philosophiques. Question de l'inné et de l'acquis : quelle est la part respective des contraintes génétiques et de l'expérience dans l'acquisition du langage ? Qu'on pense au célèbre débat entre Piaget et Chomsky sur ce point. Question de la spécificité du langage : la faculté de langage repose-t-elle sur des capacités spécifiques ou sur des capacités cognitives générales ? Question de l'universalité : comment articuler les invariants dans l'acquisition du langage, avec les variations entre les langues et entre les individus ?
À côté de la psycholinguistique, qui se veut discipline mixte réunissant psychologues et linguistes autour d'un objet d'étude commun et de concepts partagés, largement issus de la réflexion linguistique, on parle parfois de « psychologie du langage » pour désigner un sous-domaine de la seule psychologie, où le langage est étudié dans ses rapports avec la pensée, l'intelligence, le comportement ou le moi. »
Voir aussi : Psycholinguistics, Shelia M. Kennison, Rachel H. Messer, Oxford Bibliographies, en ligne.
Pour aller plus loin :
L’article Mind, esprit, psychologie, de Sandra Laugier, dans Methodos, savoirs et textes, 2/2002, permet de mieux saisir les enjeux de la question du langage en philosophie et en psychologie et les controverses qui en sont parfois nées.
L’article Sciences cognitives de l’Universalis souligne les liens toujours plus féconds entre les trois disciplines :
« Les sciences cognitives dessinent un hexagone, dont trois sommets sont permanents et clairement identifiés : il s'agit de la psychologie, de la linguistique, et de la philosophie. »
En France, outre de nombreux cursus en Sciences du langage, on trouve par exemple la Licence de sciences cognitives de Lyon 2 ou le Cogmaster, Master en sciences cognitives de l’ENS.
Bonnes lectures !
Impossible de trouver à Oxford un enseignement de «psychologie philosophique et linguistique ».
On trouve en revanche sur le Bachelors portal un diplôme de Psychology, philosophy et linguistics qui correspond peut-être à ce dont vous avez entendu parler.
Sur le site de l’Université d’Oxford, voici sa présentation :
"BA in Psychology, Philosophy & Linguistics
There are close connections between all three subjects of Psychology, Philosophy and Linguistics, so studying them together makes a lot of sense.
Psychology, Philosophy & Linguistics
Students apply to study two out of these three subjects:
• Psychology
• Philosophy
• Linguistics
In exceptional circumstances it is possible to study all three subjects together, with college approval, once you have commenced your studies with us.
[...]
What is Psychology, Philosophy and Linguistics ?
Psychology includes subjects as diverse as social interaction, learning, child development, schizophrenia and information processing. Philosophy is concerned with a wide range of questions including ethics, knowledge and the nature of mind. Linguistics is the study of language in all its aspects, including the structure of languages, meaning (semantics), how children learn language, pronunciation, and how people understand, mentally represent and generate language."
Vous trouverez en pièces jointes les programmes de ces enseignements.
Il semble donc que les trois matières soient plutôt enseignées séparément, même si les thèmes étudiés en philosophie et en psychologie (neurosciences, psychologie cognitive, philosophie de l’esprit, épistémologie etc.) sont à l’évidence ceux qui concernent aussi l’étude du langage et donc la linguistique.
Voici un large extrait de l’article Linguistique : le langage au carrefour des disciplines de l’Encyclopédie Universalis consultable en ligne sur les postes de la BML ou à distance pour les abonnés. Il présente un résumé clair des interrogations sur le langage, et permet de comprendre l’importance des théories anglo-saxonnes dans le développement de disciplines comme la psycholinguistique, et plus largement (voir la suite de l’article) la philosophie de l’esprit, les neurosciences et l’ensemble des sciences cognitives.
« Le langage, objet complexe et multiforme, n'est pas l'apanage du linguiste. Nombre d'autres disciplines y sont confrontées : philosophie, psychologie, psychanalyse, neurophysiologie, sociologie, ethnologie, anthropologie, littérature, mais aussi mathématiques, logique, physique, informatique ; on peut dire que tous les grands secteurs scientifiques et techniques, depuis les sciences de l'homme et de la société jusqu'aux sciences de l'ingénieur, en passant par les sciences du vivant, sont convoqués par l'étude du langage et ses applications, et croisent de ce fait la réflexion linguistique.
Le langage peut en effet être abordé en tant que faculté spécifique de l'espèce humaine, ou bien en tant que phénomène social, mais aussi comme code oral ou écrit et comme mode d'inscription des textes (notamment littéraires), ou encore comme matière à applications techniques.
La faculté de langage, qui se traduit par la maîtrise d'une ou plusieurs langues, est propre à l'espèce humaine. Aucun autre être vivant ne parle véritablement. La faculté de langage implique en effet la capacité d'articuler des sons en les reliant à des significations, une maîtrise de la pensée abstraite et réflexive, et une créativité permettant de produire et de comprendre un nombre infini de phrases nouvelles : toutes aptitudes dont les abeilles aussi bien que les perroquets sont totalement dépourvus, et que même les chimpanzés (dont les performances dites linguistiques se heurtent très vite à des limites indépassables) semblent incapables d'acquérir.
Il y a là matière à réflexion philosophique : quelles sont les conditions de possibilité du langage humain, en quoi caractérise-t-il le fait d'être homme, quelles relations existe-t-il entre le langage et la pensée ? Ces questions, qui concernent aussi le neurobiologiste et le psychologue, sont typiquement de celles sur lesquelles se penche la philosophie du langage – en particulier la tradition phénoménologique issue de Husserl, qui insiste sur le rôle que jouent la conscience et l'« intentionnalité » dans l'activité de langage. Notons au passage que le champ de la philosophie du langage est loin d'être clairement délimité, et que l'on trouve également sous cette dénomination des travaux de nature diverse, portant par exemple sur la conception du langage chez tel ou tel philosophe, sur les relations entre logique et langage, sur le rapport entre les expressions du « langage ordinaire » et la méthode philosophique, ou encore sur la philosophie de la linguistique.
De leur côté, la psycholinguistique et la neurolinguistique tentent de comprendre comment le langage fonctionne chez les sujets humains, et comment il peut aussi présenter des dysfonctionnements.
•
La psycholinguistique s'intéresse aux processus psychologiques qui sous-tendent la production et la compréhension du langage, ainsi qu'aux modalités d'acquisition du langage, d'apprentissage de la langue maternelle et des langues secondes, et au phénomène de bilinguisme. Les théories psycholinguistiques ont connu trois grandes étapes historiques. La première, dans les années 1950, liée au structuralisme, empruntait au behaviorisme (Skinner) et à la cybernétique (Shannon). La deuxième, dans les années 1960, était dominée par le modèle de la grammaire générative (Chomsky). Enfin la troisième (à partir des années 1970), beaucoup plus diversifiée, s'est intéressée aux processus cognitifs en jeu, cherchant à caractériser les opérations sous-jacentes au traitement de l'information à travers les différents composants, ou « modules », de la langue : phonologique, lexical, syntaxique, sémantique, pragmatique.
Les débats qui traversent la psycholinguistique rejoignent les grandes questions philosophiques. Question de l'inné et de l'acquis : quelle est la part respective des contraintes génétiques et de l'expérience dans l'acquisition du langage ? Qu'on pense au célèbre débat entre Piaget et Chomsky sur ce point. Question de la spécificité du langage : la faculté de langage repose-t-elle sur des capacités spécifiques ou sur des capacités cognitives générales ? Question de l'universalité : comment articuler les invariants dans l'acquisition du langage, avec les variations entre les langues et entre les individus ?
À côté de la psycholinguistique, qui se veut discipline mixte réunissant psychologues et linguistes autour d'un objet d'étude commun et de concepts partagés, largement issus de la réflexion linguistique, on parle parfois de « psychologie du langage » pour désigner un sous-domaine de la seule psychologie, où le langage est étudié dans ses rapports avec la pensée, l'intelligence, le comportement ou le moi. »
Voir aussi : Psycholinguistics, Shelia M. Kennison, Rachel H. Messer, Oxford Bibliographies, en ligne.
Pour aller plus loin :
L’article Mind, esprit, psychologie, de Sandra Laugier, dans Methodos, savoirs et textes, 2/2002, permet de mieux saisir les enjeux de la question du langage en philosophie et en psychologie et les controverses qui en sont parfois nées.
L’article Sciences cognitives de l’Universalis souligne les liens toujours plus féconds entre les trois disciplines :
« Les sciences cognitives dessinent un hexagone, dont trois sommets sont permanents et clairement identifiés : il s'agit de la psychologie, de la linguistique, et de la philosophie. »
En France, outre de nombreux cursus en Sciences du langage, on trouve par exemple la Licence de sciences cognitives de Lyon 2 ou le Cogmaster, Master en sciences cognitives de l’ENS.
Bonnes lectures !
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